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Comment comprendre les miracles de Jésus
Les miracles de Jésus
Le mot « miracle » vient du latin mirus qui signifie "étonnant", et qui a la même racine que "merveilleux, ou admirable". Dans les Évangiles selon Matthieu, Luc et Marc, le mot miracle traduit le mot grec dunamis qui signifie "force, puissance". Par contre Jean utilise de préférence le mot grec sêmeion qui veut dire" signe".
Le miracle n’est pas spécifique à la religion chrétienne car toutes les religions parlent de miracles. C’est une forme de littérature propre aux religions. Donc le christianisme qui est une religion, n’échappe pas à cette façon de narrer un récit. S’il n’avait pas eu de tels récits dans les Évangiles, certainement que ceux-ci n’auraient pas été édités et diffusés comme ils l’ont été dans les premiers siècles où religions et merveilleux marchaient de pair.
C’était une époque, où divination, magie et médecine allaient ensemble et elles étaient habituellement l’apanage des prêtres des hommes et femmes religieux. Les nombreuses hagiographies publiées par les églises et la multitude d’actes miraculeux racontés au fil de leurs pages en est une démonstration. Ces genres de récits ont perduré au-delà du Moyen-Âge jusqu’à l’époque des lumières. Au temps de Jésus, la maladie était le fait d’un ou plusieurs démons ; chacun avait sa spécialité ! Elle avait d’ailleurs partie liée au péché.
D’autre part, Jésus n’était pas le seul à guérir, à chasser les démons ! Ses disciples, les prophètes de jadis (Moïse, Élie, Élisée), les faux prophètes eux-mêmes et jusqu’à des inconnus (Mc 9,38-41) pouvaient faire des miracles. Dire que Jésus a fait des miracles montre simplement qu’il était un homme religieux important de son époque.
Bien entendu, de nos jours les réactions face au miracle ne sont plus les mêmes ; notre esprit cartésien est devenu exigeant et la science pousse la foi à se débarrasser d’idées inexactes. Il s’agit plus aujourd’hui de chercher leur sens profond, et souvent, c’est en leur recherchant un sens symbolique que l’on peut mieux les accepter de nos jours. Il est d’ailleurs très probable que c’était le sens recherché par les rédacteurs, et déjà perçu par les premiers lecteurs, et donc le sens que nous devons leur attribuer.
Pour certains, les difficultés soulevées par les miracles sont de même nature que celles que pose le dialogue entre science et religion : «Peut-on croire en Dieu et avoir une réflexion rationnelle et scientifique sur le monde ? » et, « Peut-on croire aujourd’hui que Jésus a guéri des aveugles et marché sur l’eau ? » ce sont là deux sujets faisant partie du même débat.
En fait si nous parvenons à nous extraire de la polémique, en élevant notre esprit à un niveau plus spirituel, nous constatons que l’interprétation symbolique permet d’y trouver encore plus de sens et plus de force qu’une interprétation littérale.
Ne pas mettre la croyance aux miracles au centre de la foi permettrait certainement à beaucoup de nos contemporains de trouver ou retrouver plus facilement un chemin qui les conduira à Dieu. Dans les Évangiles, le surnaturel, la démesure, le merveilleux, aujourd’hui se heurtent à notre raison, preuve sans doute que l’esprit humain a fait son chemin dans le rationnel.
Aujourd’hui, les lecteurs « sensés » qui découvrent la Bible sont souvent décontenancés par l’abondance des miracles qui s’y trouve. Alors que faut-il en faire ?
On peut comme certains courants du christianisme en faire le centre de son acte de foi, et se forcer comme le faisait Pascal à croire à l’incroyable, la grandeur du fait de croire en Dieu serait alors justement cet acte d’humilité par lequel j’accepte de croire ce que me dit l’Écriture, par-delà mon propre sentiment et ma raison ? Mais ne serait-ce pas alors le signe d’une certaine déraison ! Ou au contraire, on peut ne pas en tenir compte, en les considérant comme des amplifications, voire comme des fabulations de contes orientaux.
Mais Il est vrai aussi que les Évangiles en particulier, attribuant un grand nombre de miracles à Jésus-Christ, il est difficile de faire comme s’ils n’étaient pas dans les textes. Il faut donc bien s’interroger sur leur signification.
Une lecture littérale
La première attitude possible consiste à ne pas remettre en cause leur historicité. Les miracles deviennent alors des démonstrations de la puissance de Dieu ou de Jésus-Christ : si Jésus est capable de faire de tels actes extraordinaires, c’est qu’il a vraiment une puissance surhumaine et qu’il est bien Dieu. Il est donc bon, de croire en lui. Souvent, une telle théologie que je désignerais comme fondamentaliste, s’accompagne de l’idée que si Dieu a fait des miracles par Jésus-Christ, il peut bien continuer à en faire aujourd’hui, on peut alors attendre de tels miracles, que ce soient des guérisons, ou une foi dans une véritable providence matérielle. Mais cette théologie si elle peut pour certains, répondre à un besoin de sécurité intellectuelle et existentielle, apporte aussi son côté obscur. En effet, si l’on croit que Dieu a fait des miracles du temps de l’Évangile, pourquoi n’en ferait-il plus aujourd’hui ? Si l’espérance de l’Évangile est comprise comme le fait que Jésus-Christ guérisse physiquement ceux qui ont la foi, pourquoi ne serait-ce plus ce que l’on attendrait de lui aujourd’hui dans nos Églises ? Or si le miracle, est l'événement impossible et heureux dans lequel le croyant octroie par sa foi une attention toute particulière de Dieu vous imaginez les dégâts spirituels et psychologiques que ce manque de résultat peut amener chez celui qui croit avec foi pouvoir attendre de la part de Jésus-Christ un tel miracle. En effet « Pourquoi Dieu refuse-t-il la guérison tant attendue à son humble serviteur ? » Peut-être parce que celui-ci n’est pas si humble que cela, ou le serviteur manque tout simplement de foi.
Chercher une autre lecture
Si l’on ne s’attend pas aujourd’hui à des miracles matériels de la part de Jésus-Christ dans nos vies, alors il nous faut lire les récits de l’Évangile autrement, sinon ils n’ont plus rien à nous dire.
D’autre part, une lecture fondamentaliste des miracles, présente des problèmes multiples. En premier il est tout à fait discutable de croire que ces miracles puissent être des démonstrations de puissance de la part de Jésus-Christ. Car le plus souvent dans l’Évangile, quand des gens lui demandent des miracles pour croire en lui, chaque fois il refuse, comme en Mc 8,11-12 : « Les pharisiens […] lui demandèrent un signe venant du ciel. Jésus, soupirant profondément en son esprit, dit : Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe ? Je vous le dis en vérité, il ne sera point donné de signe à cette génération. » De même, quand il est sur la croix, certains disent : « Qu’il descende de la croix et nous croirons en lui » (Mt 27,42), mais Jésus ne le fait évidemment pas. Il en est de même, quand il opère une guérison, souvent il interdit à celui qui en a bénéficié, d’en faire de la publicité, ne voulant pas que l’on croie en lui à cause de cela. Il ne semble pas que Jésus-Christ ait voulu se servir des miracles pour qu’on croie en lui. En fait si les rédacteurs des évangiles ont fait ressortir un côté miraculeux aux actes de Jésus, c’était principalement pour montrer qu’il était bien le Messie que les anciens prophètes avaient annoncé la venue et les miracles que celui-ci opérerait. Les actes de Jésus devaient être miraculeux pour répondre aux attentes du peuple ainsi qu’à l’Ancien Testament. Autrement dit le peuple attendait des miracles, les juifs en demandaient, les rédacteurs des évangiles leur en ont donné, sauf peut-être Jean qui leur donna des signes.
Par ailleurs, et dans un domaine plus subjectif, une lecture littérale des miracles suppose une capacité à croire à ce qui est contraire à la raison ou à la science, qui n’est pas le fait de tout le monde, mais d’une certaine déraison, et rien ne permet de dire qu’il faille imposer une telle contrainte à celui qui veut être chrétien. De plus, une telle lecture ne peut se faire que dans le cadre d’une théologie prônant la possibilité de l’intervention toute-puissante de Dieu dans le monde matériel. Or, cette option théologique est fort discutable et n’est en tout cas pas, une condition indispensable pour être chrétien (sauf du point de vue de certaines sectes). Le fait est que nombreux théologiens chrétiens sont loin de souscrire à une telle croyance. Si donc certains croient grâce aux miracles, tant mieux pour eux, mais qu’ils laissent les autres croire à leur façon et sans croire pour cela aux miracles.
Le sens de l’événement
Mais une lecture rationaliste visant à écarter tout ce qui est miraculeux dans la Bible pour ne garder que ce qui est de l’ordre de l’enseignement, est tout aussi réductrice voir stérile. Ce qu’il faut, quelle que soit sa croyance en la réalité de l’acte miraculeux, c’est chercher quel est le sens de l’événement, pourquoi nous raconte-t-on ce miracle en particulier, et en quoi nous enseigne-t-il quelque chose sur Dieu, sur Jésus-Christ, et finalement sur nous-mêmes. Dans l’Évangile de Jean, les miracles sont à juste titre me semble-t-il appelés des « signes »; et c’est bien de cela qu’il s’agit, les actes de Jésus sont des signes voir parfois des midrashim qui renvoient à autre chose, à d’autres récits. Ils sont à interpréter comme des signes, comme les symboles d’une réalité spirituelle. Par exemple, quand Jésus marche sur les eaux du lac de Tibériade la lecture midrashique, nous renvoie aux premiers versets du livre de la Genèse ou il est dit au ch, v2 : « il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. »L'auteur de l'évangile en question nous enseigne, d'une façon, je dirais "plus merveilleuse", que Jésus marchait selon l'Esprit de Dieu, et c'est tout. Quand on est face à un signe, ce à quoi il faut s’attacher ce n’est pas à sa matérialité, mais à la réalité à laquelle il renvoie. En hébreu, le même mot ?????? (DaBaR) peut désigner à la fois un événement et une parole, et ainsi pour la Bible, chaque parole est un événement et chaque événement doit être interprété comme une parole. Jésus-Christ est quelqu’un qui parlait autant par ses mots (qui sont à traduire et à comprendre) que par ses gestes (qui sont aussi à traduire et à comprendre).
Il faut en effet replacer les textes bibliques dans leur contexte, et l’intention de leur auteur, tant au point de vue de l’histoire que de la culture dans lesquelles ils ont été écrits. On n’avait certainement pas le même rapport au miracle du temps de Jésus-Christ en Palestine, qu’au XXIe siècle en Europe. Les auteurs n’étaient pas des chroniqueurs ils introduisaient dans leur écrit couramment des miracles et c’était alors une méthode des plus courante. Les récits, même hors de la Bible, de cette époque en sont pleins, sans qu’on se sente obligés de considérer pour Messie tous ceux auxquels ils sont attribués. On raconte en particulier les audiences que donnaient les empereurs romains, au cours desquelles on apportait des malades et des paralytiques, l’empereur leur imposait les mains et ils repartaient guéris. Dans le Nouveau Testament lui-même, il est question de plusieurs personnages qui se promenaient dans la Palestine en faisant des miracles et des guérisons. Jésus-Christ était loin d’être le seul à en faire (cf. Mc 9,39, Mc 16,17 et Simon le Magicien : Ac 8,9). La question est donc celle-ci : si Jésus-Christ n’était pas le seul à faire des miracles, pourquoi nous raconte-t-on particulièrement les siens ? La réponse évidente est que les miracles de Jésus-Christ n’étaient pas de simples actes matériels, mais qu’ils avaient un sens autre un sens plus profond. Plus que la réalité historique du miracle, ce qui importe donc c’est sa signification. C’est cela qu’il faut rechercher dans tous les cas, autrement ils ne nous apportent rien au point de vue spirituel.
Jésus était un guérisseur.
Ce que l’on peut d’abord remarquer, c’est que dans l’Évangile, la très grande majorité des miracles sont des guérisons. C’est donc avant tout de celles-là qu’il faut rendre compte.
La première remarque évidente que cela inspire, c’est que le Christ a été vu de son temps comme quelqu’un qui accomplissait des guérisons. Cela en soi n’est pas très extraordinaire. Encore aujourd’hui, on trouve dans beaucoup de pays des guérisseurs ou des « médecins à mains nues » qui font véritablement du bien autour d’eux ; il y a là une médecine peu académique, j'en conviens, mais dans laquelle croient les habitants locaux. Ces guérisseurs obtiennent certains résultats, sans que l’on sache très bien comment ils font, surtout, il faut bien le dire, dans les domaines qui ont une forte composante psychosomatique : maladies de peaux (appelées du temps de Jésus indistinctement : lèpre), hystéries, douleurs, problèmes de règles etc. En France même, il suffit d’aller dans les campagnes pour y rencontrer des « rebouteux » qui font de telles guérisons, sans pour autant qu’on doive les considérer comme des « fils de Dieu ». Le Christ était donc un guérisseur, et il n’y a pas de nécessité d’invoquer là une puissance divine extraordinaire.
Mais cela n’est pas sans importance pour autant. Cela montre que Jésus-Christ n’était pas seulement prédicateur, mais qu’il jouait aussi ce rôle de guérisseur auprès des gens qu’il rencontrait. S’il avait vécu en France aujourd’hui, il ne se serait pas contenté d’être pasteur, il aurait été aussi médecin.
Cela en soi est déjà un message théologique : il aurait pu se contenter de prêcher un Évangile du détachement et de la consolation spirituelle, disant que peu importe que l’on soit malade ou non, du moment qu’on a la présence et la consolation de Dieu. Au contraire, l’attention qu’il a portée à la vie concrète de ses contemporains, l’énergie qu’il a dépensée pour les soulager matériellement de leurs maux, montre qu’il ne méprisait pas la dimension matérielle de notre existence, qu’il ne considérait pas que le corps n’est rien, que notre vie physique n’a aucune importance. Il s’en préoccupait, sans la négliger. Le chrétien n’a donc pas à se retirer ou à se détacher totalement du monde, il peut et doit donner une certaine importance au monde matériel, même si ce n’est pas le plus important (le spirituel est plus important).
Chercher une actualisation des récits
Mais si Jésus-Christ a ainsi guéri autour de lui pendant les trois ans de son ministère, on peut imaginer qu’il a fait un bien plus grand nombre de guérisons que les quelques dizaines qui nous sont rapportées, ce qui n’en ferait pas plus d’une par mois ! Il faut donc penser que celles qui nous sont rapportées ont une importance particulière pour notre édification, ou que Jésus-Christ a profité de celles-ci pour faire réfléchir ses disciples, comme sur des paraboles avec une formule comme celle que l’on retrouve souvent dans l’Évangile : « Comprenez-vous ce que j’ai fait… » (Mc 8,21, Jn 13,12) Il y aurait donc quelque chose à comprendre…
Or, on peut penser que le simple rapport de guérison physique d’un quidam d’il y a 2000 ans n’a que peu d’intérêt pour nous aujourd’hui ; le sens est donc à trouver ailleurs. Un bon procédé de lecture consiste à chercher dans chaque texte biblique comment il peut parler de nous aujourd’hui et maintenant.
Il n’est donc pas nécessaire pour moi d’attendre d’être aveugle pour lire (alors en Braille !) un récit de guérison d’un aveugle, ou d’avoir la lèpre pour lire une guérison de lépreux, en me disant que pour l’instant, un tel récit ne me concerne pas vraiment. Je peux déjà me demander en quoi je peux me considérer aujourd’hui, comme aveugle, lépreux ou paralytique…
Retrouver la vue
La réponse est simple : je suis aveugle en ce que je ne vois pas clairement qui je suis, qui est Dieu, ce que je peux faire, où me mène ma vie. Le miracle que je peux attendre de Jésus-Christ, c’est qu’il m’aide à y voir plus clair, qu’il me permette de comprendre, de voir l’invisible le spirituel… C’est encore dans ce sens qu’il est la lumière du monde (Jn 8,12). Cela ne veut pas dire qu’il faille invoquer Jésus-Christ en cas de panne de courant ! Mais qu’il est celui qui peut éclairer notre cœur, notre intelligence, de façon à ce que nous ne marchions pas dans les ténèbres, sans savoir où nous allons, en tombant dans tous les pièges de l’existence. Ce que Jésus-Christ peut nous donner, c’est que nous sachions exercer notre clairvoyance et notre responsabilité, en regardant dans cette visée lointaine d’un but, d’un idéal qui est la foi, de façon à ce que notre vie suive un chemin qui mène quelque part. Le Psaume 119 (v. 105) dit de même que la Parole de Dieu (pour nous donner par Jésus) est une lumière sur notre route. Dieu n’attend pas de nous une obéissance aveugle, mais une avancée libre et éclairée. Tous les récits de guérison d’aveugle dans l’Évangile montrent ainsi de quelle manière le contact avec Jésus-Christ peut nous aider à retrouver cette vue vitale qui nous manque tant. Ce passage au symbolique est même explicite par endroits, comme en particulier dans le récit de la guérison de l’aveugle de naissance dans l’Évangile de Jean (ch. 9) où les pharisiens comprennent à la fin qu’il est question de bien plus que d’un acte médical et demandent (V. 40) : « Nous aussi, sommes-nous aveugles ? » et Jésus leur répond : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : Nous voyons. C’est pour cela que votre péché subsiste. » On ne peut être plus clair sur le sens dans lequel il faut lire tout le texte.
Quant aux autres types de guérisons, il n’est jamais bien difficile de trouver ce qui est en question : pour le sourd-muet, c’est la capacité de communiquer, avec les autres ou avec Dieu. Pour l’homme à la main sèche, c’est la capacité à agir qui est en question, quant à la lèpre, elle était considérée comme signe d’impureté, c’est-à-dire du péché. Le lépreux est donc celui qui se sent impur, rejeté, exclu et méprisé par les autres.
Assumer ses infirmités
Le paralytique, lui, est celui qui n’avance plus dans sa vie qui reste immobile. Beaucoup de choses peuvent être à l’origine d’un tel blocage, dont une infirmité physique en particulier bien sûr. Ce que dit Jésus-Christ au paralytique de Matthieu 9 c’est : « Lève-toi, prends ton lit et marche. » Il le guérit, tant mieux, mais un détail est étrange : pourquoi lui demande-t-il de transporter son lit avec lui ? Voilà qui doit être fort encombrant. Peut-être le texte veut-il nous dire que le malade est remis en marche, mais qu’il doit continuer à porter, à supporter son infirmité physique représentée par le lit. C’est dans le même sens que l’on pourrait dire aujourd’hui à un paralysé dans sa chaise roulante : « allez, prends ta chaise roulante et avance, charge-toi de ton infirmité et en route. Assume la paralysie de tes jambes et en marche ! ». Avant, c’est le lit qui porte le malade, après, c’est le malade qui porte le lit, le malade passe d’objet qu’il était de sa maladie à sujet de sa propre vie. N’y a-t-il pas là vraiment une guérison ? Et c’est une bonne nouvelle : quelle que soit notre infirmité, Jésus peut nous remettre debout et en route !
Une fois que l’on a parlé des miracles de guérisons, on a parlé de la quasi-totalité des miracles de l’Évangile. Il en reste néanmoins quelques autres d’une nature différent et fort intéressant.
La marche sur les eaux
Le miracle de la marche sur les eaux a un sens plus profond. Quand on sait que la mer, dans la Bible, représente le mal, la mort, le lieu où l’on perd pied, où l’on coule, où l’on étouffe, on comprend qu’il s’agit là de la manière avec laquelle Dieu peut nous aider dans les épreuves de notre existence. Jésus ne nous laisse pas seuls, mais il vient lui-même à notre rencontre. Son aide n’est pas de faire disparaître l’épreuve, de nous épargner les difficultés, que nous nous retrouvions miraculeusement sur un terrain sec, mais il permet que nous ne nous sentions plus menacés par ce qui nous arrive, que nous puissions continuer notre route, et que nous puissions même, comme Pierre (dans le récit de Mt 14,22 ss) marcher sur les eaux. Avec l’aide de Dieu, nous pouvons ne pas nous noyer dans les difficultés de notre vie, mais nous pouvons continuer à marcher, à avancer malgré tout, même si nous nous mouillons un peu les pieds. Voilà la bonne nouvelle et voilà précisément le type d’aide que nous pouvons attendre de Jésus-Christ, ce n’est pas n’importe quoi.
Le texte de Matthieu 14 est même plus précis : il nous montre que ce qui peut nous permettre d’avancer, c’est d’avoir Jésus-Christ pour but, pour visée, c’est-à-dire pour objet de notre foi. C’est comme cela que Pierre avance au-dessus de toute difficulté. Mais quand il commence à se regarder lui-même, à ne plus marcher par la foi, mais à prendre peur dans sa situation et à s’arrêter, il s’enfonce. Ce n’est qu’en allant vers Jésus que nous pouvons continuer d’avancer au-dessus de tout sans nous y noyer. Et il y a de plus dans ce même texte la bonne nouvelle de l’aide de Dieu : même quand il ne parvient plus à avancer, ni à avoir totalement confiance, il suffit que Pierre crie : « Seigneur sauve-moi » (v. 30) pour que Jésus lui tende la main afin de lui mettre la tête hors de l’eau. Ce qui nous sauve, c’est certes notre foi et notre volonté d’avancer toujours, mais ce peut être aussi la simple grâce de Dieu quand nous sommes tellement faibles que notre foi est insuffisante, que nous ne savons plus avancer. On retrouve la même idée dans le Psaume 69 dans un sens évidemment tout aussi spirituel, n’ayant pas besoin d’attendre d’être dans un navire en perdition pour le dire : « Sauve-moi mon Dieu, les eaux me montent jusqu’à la gorge… »
Voyons donc ce que ce récit nous dit…
« Voyant qu’ils allaient s’emparer de lui pour le faire roi, Jésus se retira sur la montagne, seul, et le soir venu, les disciples de Jésus descendirent à la mer… »
Les disciples abandonnent Jésus, et décident d'aller vers Capernaüm sans lui. Quelle est donc la situation décrite ici ? C'est une situation d'abandon de la foi. Ce n'est pas qu’ils rejettent vraiment la foi, comme s’ils repoussaient Jésus. Mais simplement il est absent de leur vie, ils lui tournent le dos et l’oublient. Ils sont peut-être déçus de l’attitude de leur maître qui ne veut pas être fait roi !
Parfois, ce n’est pas de notre faute si nous perdons la foi, c’est un petit peu comme dans cette histoire où c’est Jésus qui se retire et qui sort de leur vie. C’est alors que les disciples décident de partir et de descendre de la montagne, loin de Dieu et de Jésus-Christ. C’est vrai qu’il existe des situations où notre foi va mal, sans que ce soit de notre faute. Chacun a des moments plus ou moins difficiles. Comme notre corps attrape une grippe, notre foi peut souffrir d’un refroidissement. Cela a moins de risque d’arriver si nous entretenons notre foi régulièrement, mais quand même, cela peut arriver.
Mais parfois c’est aussi un peu de notre faute si nous perdons la foi. C’est à mon avis ce qui arrive ici. Pourquoi est-ce que Jésus les quitte et disparaît ? Le texte nous dit que c’est parce que la foule voulait faire de Jésus leur roi, et qu’il refuse, parce que le projet de Dieu n’est pas de nous gouverner, mais c’est au contraire de nous permettre de voler de nos propres ailes.
Il y a des personnes qui perdent la foi ainsi, parce qu’elles veulent faire de Dieu ce qu’il n’est pas, ou bien qu’elles attendent de lui des choses qu’il ne fait pas. Par exemple des personnes imaginent Dieu comme un magicien qui peut faire tout ce qu’il veut en un clin d’œil ? C’est faux et il arrive que ces gens perdent la foi, disant « si Dieu existait, il n’y aurait pas tous ces problèmes dans le monde ! » Mais d’où sortent-ils cette idée que Dieu tirerait ainsi toutes les ficelles ? C’est le fruit de l’imagination humaine, du coup, ils attendent Dieu là où il n’est pas et ils sont évidemment déçus, mais le monde tourne ainsi car nous le faisons nous tourner ainsi.
Que faire pour ne pas perdre la foi ? Il faut l’entretenir, faire un minimum de théologie pour avoir plus de chance de ne pas imaginer n’importe quoi sur Dieu, et puis entretenir sa foi, la nourrir, la soigner. Mais bon, nous ne sommes pas parfaits, et il arrive que notre foi faiblisse, comme les disciples de Jésus dans cette histoire.
Ici, non seulement les disciples perdent la foi, mais en plus, ils réagissent de travers. Jésus a disparu, leur foi s’est évanouie, ils auraient pu le rechercher (comme on peut tout à fait chercher Dieu quand on l’a perdu ou qu’on ne le connaît pas encore…). Les disciples auraient, au moins, pu attendre que Jésus revienne. Mais non, ils s’éloignent encore de lui, ils empirent la situation :
- Le texte dit qu’ils descendent, comme pour dire qu’ils régressent, qu’ils se portent moins bien.
- Ils quittent la montagne pour descendre vers la mer. Cette image est claire car la montagne dans la Bible évoque la proximité de Dieu, la possibilité de le prier, et aussi de recevoir ce qui vient de lui. Par contre, la mer évoque le chaos, l’absence de Dieu, la souffrance, la sauvagerie et la mort spirituelle.
- Enfin, le texte nous dit que c’est le soir. Certains manuscrits ajoutent même qu’au moment où ils sont au bord de la mer, « les ténèbres s’emparent des disciples ». L’obscurité évoque le froid, la peur, la solitude, la difficulté à savoir où l’on va, à voir les pièges de la vie… Ces difficultés s’emparent d’eux.
Que cherchent-ils, ces hommes et ces femmes qui ont perdu Jésus-Christ, perdu la foi ? Ils veulent à tout prix atteindre Capernaüm. Pour rejoindre ce but, ils abandonnent Jésus, alors qu’un instant avant ils voulaient faire de lui leur roi. Ce qu’ils cherchent à Capernaüm est sans doute essentiel pour eux.
La Bible insiste souvent sur le sens des noms propres (p. ex. Jn 9:7). Le nom de Capernaüm, signifie « la consolation et le pardon ». C'est cela que recherchent les disciples à tout prix : le réconfort, la paix intérieure, le pardon. Cette recherche est légitime, bien sûr, mais ici, ils cherchent à l’atteindre par leurs seules forces, sans Jésus, sans Dieu, et du coup ils s’enfoncent au lieu de s’en sortir. L’humanité est si souvent comme ça.
Les ténèbres s'étaient emparées d'eux, et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
On sent que dans leur angoisse, ils commencent un peu à se désoler de l’absence de Jésus-Christ, un peu plus, ils reprocheraient à Dieu de les avoir abandonnés ! Mais déjà, on ne peut plus dire que les ténèbres dominent entièrement sur eux, leur petit début d’espérance dans l’aide de Dieu est déjà une étincelle de vie.
Pourtant les choses semblent s’aggraver, en tout cas selon leur point de vue : il y avait les ténèbres et la mer qui les domine, il s’y ajoute un vent violent. Pour comprendre ce que cela signifie, il faut se souvenir d’une autre page de la Bible, ce qui est facile ici car c’est la page la plus connue. La mer agitée, les ténèbres et un grand vent c’est exactement ainsi que la Genèse décrit l’univers avant que Dieu agisse pour créer ce qui est bon. « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'Esprit de Dieu (le vent divin) était au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. » (Genèse 1:1-3). Nous serions donc encore ici en présence d’un midrash sur le livre de la Genèse.
Et donc, dans ce récit de l’Évangile, le vent qui se lève évoque la puissance créatrice de Dieu. Ce vent qui effraye les disciples, c’est Dieu qui est là, qui se rend présent dans ce désastre où ils se sont fourrés, dans leur vie, leurs cœurs agités de tempêtes, de noirceur, de peur et de mort.
Quand nous l’abandonnons, Dieu ne nous abandonne pas. Et il est encore là pour nous secourir, comme une mère pleine de tendresse pour son enfant même quand il est rebelle. Dieu est encore là, mais parce qu’ils ont une mauvaise théologie et parce qu’ils vont mal, ils ne savent pas reconnaître Dieu là où il est, à côté d'eux, ils ne saisissent pas que le salut que Dieu leur apporte dans leur détresse, ce salut est comme un souffle créateur, il est comme une transformation de leur univers. Ils attendaient de la lumière, mais cette lumière ne vient pas comme une lampe que l’on allume à l’extérieur, mais comme une opération qui grefferait des yeux à un aveugle. Ils attendaient la consolation et la paix, mais la joie et la paix véritable ne sont pas offertes à travers des conditions de vie faciles, mais comme un autre rapport aux circonstances de notre propre vie.
Mais peut-être que, quand même, ce souffle de Dieu commence à les animer car le texte nous dit qu’ils commencent « à ramer 25 à 30 stades ». L’Évangile promet à celui qui cherche Dieu qu’il le trouvera. Nous voyons ici que cela peut prendre quelque temps, le temps que Dieu nous fasse évoluer. On peut se dire aussi que ces « 25 à 30 stades », qu’ils devront faire à la force de leurs bras, montrent la nécessité de passer par une certaine pratique de la religion et de la théologie. Oui, c’est utile, comme je vous le disais au début, de tirer sur les rames de la lecture biblique et de la théologie pour apprendre à reconnaître la présence de Dieu à nos côtés et le salut qu’il nous offre.
Même Jésus choisit de prendre une part de son temps précieux pour prier, seul sur la montagne. À moins que nous soyons plus solides spirituellement que Jésus, nous avons besoin de consacrer du temps régulièrement pour ramer un peu pour avancer vers Dieu, ramer en partie tout seul et en partie avec les autres qui sont dans la même barque que nous. Ça aide vraiment.
Ils découvrent alors que Jésus?Christ, le salut de Dieu, s’avance vers eux. Et oui, c’est un prodige. Normalement ce n’est pas possible de marcher sur l’eau et de faire son chemin dans cette vie qu’évoque ici la mer, une vie toute secouée de chaos et de mort.
La présence de Jésus-Christ marchant sur la mer évoque le salut de Dieu qui vient même dans nos vies pécheresse, nos vies en révolte contre Dieu. Et ce Jésus qui marche sur l’eau évoque la force que Dieu nous donne pour pouvoir avancer dans la vie vers la consolation et la paix, même au travers de difficultés extrêmes, qui normalement auraient dû nous engloutir. Avec Dieu un cheminement est toujours possible.
Étape par étape, ils progressent spirituellement dans leur rapport avec Jésus. Ils seront d’abord capables de sentir le souffle, puis de reconnaître la présence du Christ près d’eux, ils seront ensuite délivrés de leur méfiance vis-à-vis de Dieu, et enfin ils voudront prendre Jésus dans leur barque.
Le texte nous dit qu’« aussitôt qu’ils veulent le prendre dans leur barque, elle aborda au lieu où ils allaient. »
Ils cherchaient le réconfort et le pardon. Cette recherche de consolation n'est pas refusée par Jésus. Au contraire, le but de leur recherche, la solution qu'ils cherchaient sans la reconnaître, c'est Jésus-Christ. Mais il fallait probablement ces efforts et ce temps d’évolution intérieure, pour découvrir un peu Dieu et le désirer. Il fallait un temps et un effort de repentance, pour saisir ce qu’il y avait d’orgueil et de folie dans leur démarche tout humaine.
À l’instant où ils veulent faire monter Jésus dans la barque de leur vie, ils arrivent là où ils allaient, nous dit le texte. Ils avaient quitté Jésus pour s’élancer vers le but essentiel de leur vie. Ils découvrent que la solution de leur recherche, c’était Jésus-Christ. Le chemin vers la consolation, le chemin vers la Paix : c’est ce salut de Dieu qu’il incarne.
Il avait refusé d’être roi, refusé de les transformer en esclaves, ils découvrent maintenant qu’il est leur liberté et leur épanouissement, pour le meilleur et pour la vie.
Une autre piste :
Les valences de l'eau sont diversifiées dans la Bible : l'eau purifie et féconde, elle étanche la soif et elle guérit. Zacharie 13 avait annoncé qu'une source devait jaillir de Jérusalem pour la purification des habitants. Dans l’Ancien Testament l'eau symbolise soit la Loi soit l'Esprit. Ainsi ce texte nous enseignerait sur le fait que Jésus ne peut être dominé par la loi la Torah et domine ou est maître de l’Esprit. Jésus est comme l’arche qui sauve Noé et sa famille comme l’arche Jésus ne peut être engloutie par les eaux. Il peut répondre aussi au Psaume 69 qui dit : « Sauve-moi, ô Dieu, car l'eau menace ma vie. J'enfonce dans la boue, sans trouver de terrain… » Ps 69.2 (Segond 21). Ici Jésus sauve Pierre dont la vie est menacée par l’eau dans laquelle il s’enfonce Jésus le sauve comme Dieu sauve dans le Psaume, jésus est donc comme Dieu il nous sauve. Les eaux préfigurent aussi la mort aussi les récits nous enseignent que la mort ne peut vaincre ou engloutir Jésus-Christ. Etc.
La multiplication des pains
Un autre miracle spectaculaire et bien connu est la multiplication des pains. Une fois encore, la lecture littérale n’a que très peu d’intérêt. Pour une fois, l’explication rationnelle peut presque avoir de l’intérêt : on peut penser que finalement, chacun avait beaucoup plus dans sa besace qu’il n’avait voulu le dire quand il a été demandé qui avait quelque chose à partager avec les autres. Mais l’exemple du partage de ce que les quelques-uns ont bien voulu offrir a entraîné les autres, qui ont finalement aussi partagé ce qu’ils avaient, et ainsi, chacun a eu assez. Ce peut donc être un exemple de partage matériel, ce qui est très bien, mais l’Évangile va évidemment plus loin.
On peut voir dans ce récit également une exhortation à ne pas se décourager devant la pauvreté de l’aide matérielle ou autre que nous pouvons donner aux autres ; faisons le quand même, même si cela semble dérisoire, Dieu peut faire au-delà et agir en sorte que notre petite action ait de grandes conséquences.
Mais on peut surtout penser que quand il est question de pain dans la Bible, il y a toute chance pour que l’on parle de pain spirituel… de ce pain qui nourrit nos âmes pour la vie éternelle. De même qu’il ne faut évidemment pas lire au pied de la lettre les propos de Jésus quand il dit (Jean 6) : « Je suis le pain de vie, celui qui me mange vivra par moi. » Sans doute est-ce en pensant à ce pain-là qu’il faut essayer de comprendre l’intérêt de ce joyeux partage fraternel. Nous devons donner aux foules qui ont faim spirituellement, et partager avec elles les paroles que nous avons de Jésus-Christ, et même si cela nous semble bien peu, cela peut nourrir bien au-delà de ce que nous pensons.
La signification biblique des nombres
L’analyse des nombres dont il est question dans ces récits nous confirme dans cette interprétation : dans la première multiplication (Mc 6,34 ss), il est question de 5 pains et de 2 poissons, ce qui nous renvoie au Pentateuque (5 premiers livres de la Bible), aux 10 commandements, aux 2 Testaments, aux 2 tables de la loi… 5 et 2 sont toujours dans la Bible les nombres de la Loi et de la parole de Dieu. C’est donc bien la Parole qui est distribuée. La foule, elle, doit être mise en ordre par rangées de 50 et de 100 pour recevoir cette Parole, il lui est donc demandé de se plier à l’obéissance d’une loi, de mettre de l’ordre dans sa vie. Et qu’en reste-t-il ? 12 paniers, comme 12 tribus, 12 apôtres, 12 qui est le nombre du peuple fidèle.
Dans la deuxième multiplication (Mc 8,1 ss) : il y a 7 pains. 7, c’est le nombre de la perfection, de l’accomplissement de la création (en 7 jours), de l’union du céleste et du terrestre. Celui qui représente le mieux tout cela, c’est Jésus-Christ, accomplissement de l’humanité et de l’union entre l’homme et Dieu. C’est donc Jésus-Christ qui se donne lui-même à manger, comme pain de vie, sans qu’aucune autre condition ne soit demandée, obéissance ou autre, puisque là la foule n’est pas assise en rangs. Ceux à qui cela est donné sont 4000 ; or 4 étant le nombre du terrestre, ce n’est plus au peuple de la Loi que cela est donné, mais à tout un peuple de païens, à tous. Et ce qu’il en reste, c’est 7 paniers, donc une autre réalité christique ; par grâce, Jésus se donne à manger, et nous devenons à son image.
Ces deux multiplications ne font donc pas double emploi ; matériellement, c’est une redite inutile, mais symboliquement, elles sont très différentes. La première est évidemment une image de l’ancienne alliance, et la seconde une de la nouvelle alliance.
Interprétation symbolique et spirituelle
La suite du texte est même une preuve que Jésus voulait une interprétation symbolique et spirituelle de cet événement : en Mc 8,14 les disciples sont dans une barque, ennuyés d’avoir oublié le casse-croûte. Jésus à ce moment leur dit : « Gardez-vous du levain des pharisiens », ce qui a là un sens évidemment symbolique, comparant comme à son habitude l’enseignement à un levain. Les disciples, eux, prennent cela au pied de la lettre en pensant que Jésus leur indique dans quelle boulangerie acheter leur casse-croûte… Alors Jésus essaye de leur faire comprendre que son langage était symbolique. Il leur dit : « ne comprenez-vous pas ? Avez-vous le cœur endurci ? Et n’avez-vous point de mémoire ? Quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de paniers pleins de morceaux avez-vous emportés ? Douze, lui répondirent-ils. Et quand j’ai rompu les sept pains pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? Sept, répondirent-ils. Et il leur dit : Ne comprenez-vous pas encore ? » Montrant bien qu’il y a quelque chose à comprendre dans les multiplications des pains, que les nombres permettent de comprendre de quoi il s’agit, et qu’il n’y est certainement pas question de pains matériels…
On pourrait ainsi multiplier les exemples… À chaque fois, bien sûr l’important est le sens spirituel, le seul que nous puissions vraiment réutiliser pour nous dans notre vie d’aujourd’hui. La question de savoir ce qui s’est vraiment passé importe peu, l’important c’est ce qui peut se passer aujourd’hui dans ma vie. Même si historiquement on peut avoir un avis, même s’il ne change rien au sens spirituel. l’Évangile n’a ni « menti », ni « inventé » il enseigne un peu comme les fables de Monsieur de La Fontaine enseignent des moralités en racontant des petites histoires comparant les humains selon leur fonction et leur rôle dans la société à des animaux par exemple le roi est comparé au lion l’ecclésiastique ou un homme de loi à un corbeau, un homme rusé au renard, un homme simple à un agneau etc.. Mais dans les Évangiles c’est souvent la manière de présenter l’événement qui montre quelque chose de rationnel comme un miracle. Sans doute, aussi y a-t-il dans l’Évangile une part d’amplification et d’embellissement des événements, mais des événements ont certainement été bien là. Reste que le rapport au réel rationnel et à l’événement vu comme une réalité historique ou journalistique n’était évidemment pas la même qu’aujourd’hui. Il ne faut donc pas lire l’Évangile avec des critères de vérité qui sont les nôtres et qui n’étaient pas ceux des rédacteurs.
DR
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