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L'arbre et ses fruits

L'arbre est reconnu à ses fruits

(Lc 6:43, 44-45; Mt 7:16b, 12:33-35)

Source Q :

6:43   ... Il n'y a pas un bel arbre qui produise du vilain fruit, ni, à l'inverse, de vilain arbre qui produise de beau fruit.

6:44   Car c'est au fruit que l'arbre se reconnaît. Est-ce qu'on récolte des figues sur un buisson d'épines ou des raisins sur des chardons ?

6:45   La personne bonne, produit de bonnes choses les tirant de "son" bon trésor, et la personne mauvaise, produit de mauvaises choses les tirant de "son" mauvais trésor; car sa bouche exprime le trop-plein du cœur.

Dans la nature, aucune plante n'est ni bonne ni mauvaise, elle n'est qu'elle-même, ou ce que l'on en fait... Si des fruits sont toxiques, l'arbre en son essence est sain, tel fruit est « poison » pour les humains et les oiseaux s'en délectent.. les fruits peuvent être toxiques à fortes doses, et médicamenteux à faibles doses. Des animaux ingèrent des fruits toxiques pour ne pas être dévorés etc. On pourrait ergoter à l'infini sur ce thème.. Faisons appel à notre bon sens…

On ne peut que constater que cette parabole de Jésus est limitée à son époque et ne peut sortir de son cadre théologique voir philosophique, Jésus parle avec des images et surtout des connaissances de son temps. Il ne possédait pas la science infuse et en s'avait sur celle-ci bien moins que nous. Il serait dangereux d'étendre cet enseignement parabolique à tous les domaines, (politique, vie sociale, relations etc..)

Cependant il y a quelque chose de gênant dans cette parabole de Jésus qui vient juste après la recommandation de ne pas juger. Cette parabole semble bien venir en contradiction avec l'enseignement précédant. Mais peut-être que celle-ci est très mal comprise.

Il est facile, et même tentant, mais dangereux, à partir de cette parabole de construire des sophismes.

On entend dire au sujet des politiciens que peu importe ce que peut être leur vie personnelle, ce qu’on leur demande c’est seulement d’accomplir correctement leur mandat.

Un politicien n’aurait en somme aucun compte à rendre, vis-à-vis de sa vie personnelle, cela rentre dans le cadre de sa vie privée et est, censé? n'avoir aucune conséquence avec le ministère qu’il exerce. Il y aurait séparation entre le comportement moral dans la vie privée et le comportement social dans la vie politique. Cela semble pourtant en contradiction avec cette parabole et certains et même souvent, l'opinion publique amalgame les deux et par un sophisme ces personnes apportent alors un jugement en faisant en sorte un « procès d'intention ».

Or, si on applique au premier degré ce principe biblique :

Luc 6 : 43, 44 : « Il n’y a pas de bon arbre qui produise un fruit pourri, ni d’arbre malade qui produise un beau fruit...chaque arbre se connaît à son fruit. On ne cueille pas des figues sur des épines, et l’on ne vendange pas des raisins sur des ronces. »

En d’autres termes :

- Un homme s’exprime dans les différents domaines de sa vie, selon ce qu’il est.

Ce qu’il est dans sa vie personnelle se répercute automatiquement dans sa vie publique ou religieuse.

Si on le comprend ainsi, la vie personnelle et la vie dans le travail, la politique ou le ministère sont indissociables. Ce qu’un homme est dans sa vie privée, il le sera dans sa vie publique ou religieuse (même s’il le cache).

Un homme adultère (qui marche là-dedans) dans sa vie privée sera adultère à la cause qu’il sert.

Le fruit ne peut se dissocier de l’arbre :

Matthieu 12 : 33 :

« Ou dites que l’arbre est bon et que son fruit est bon, ou dites que l’arbre est mauvais et que son fruit est mauvais ; car on connaît l’arbre par le fruit. »

Je pense que c'est mal comprendre l'enseignement de Jésus « qui pardonne à la femme adultère » et qui nous demande de « ne pas juger » il nous prévient que de la façon que l'on « mesurera » notre prochain nous serons mesurés avec notre propre mesure.

Il est très dangereux de ramener cet enseignement à une personne en particulier, et faire avec cette parabole des sophismes qui débouchent inévitablement sur des procès d'intentions  du genre : « celui qui a but boira » ou « il n'y a pas de fumée sans feu » ou pour rester biblique : « Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? »

Jésus ne parle pas ici du côté moral de l'homme ni de sa foi, ou sa position vis-à-vis de Dieu. On la connaît : Dieu Aime tous les hommes et toutes les femmes sans condition. Jésus parle dans cette parabole des fruits, non pas ceux que les hommes portent dans leur vie en particulier, mais des prophètes, des « Maîtres spirituels » des Pères et dirigeants religieux, autrement dit des systèmes de pensées et des doctrines religieuses, qu'ils soient religieux ou politiques.

Un exemple :

Certaines églises ou religions, dans leur histoire ( passé, ou présente ) ont développé des systèmes de pensées déplorables comme : l'inquisition, le meurtre de masse, et même de véritables génocides, l'auto culpabilisation, des chasses aux sorcières et aux hérétiques brulant sur des bûchers etc.. C'est ce que Jésus appelle de mauvais fruits. Jésus nous dit que l'on ne construit pas de choses bonnes sur de telles fondations. Il faut les condamner, les rejeter et reconstruire sur de nouvelles bases, bref changer l'arbre, c'est-à-dire notre théologie, notre philosophie, l'arbre est un système de pensée une théologie, pas une personne. Le fruit est notre politique sociale, religieuse, etc. C'est ce qui animait et motivait les théologiens protestants de la réforme au XVI siècle, même si là aussi certains ont parfois développé des fruits très aigres, et très peu consommables.

Si Jésus a appelé ses disciples à « se méfier », c’est parce que le mal peut aussi se loger dans les « choses saintes ». Dès lors, les chrétiens - et a fortiori, leurs pasteurs - doivent impérativement sortir de leur naïveté pour exercer un vrai discernement.

Il faut rappeler (sans les nommer) que plusieurs communautés nouvelles ayant vécu un développement pléthorique ont eu des fondateurs déviants ; et que de nombreuses grâces ont été reçues dans des lieux jugés « problématiques » et récusées par les plus populaires dirigeants religieux… Comment faut-il comprendre ce phénomène apparemment contradictoire, et comment l’interpréter ? Un argument fréquemment invoqué est justement celui de notre parabole sur les « bons fruits »…

On affirme ainsi que, même si le fondateur est corrompu, la communauté est bonne, puisque le nombre important de membres et les œuvres florissantes l’attestent. Ou bien encore que le message transmis vient vraiment du ciel, puisqu’il y a de nombreuses conversions, guérisons, vocations, à la suite des prêches de tel ou tel pasteur.

Mais est-ce suffisant pour résoudre le problème posé par une origine problématique parce que corrompue ? Dans un premier temps, nous allons examiner de plus près quelques paroles de Jésus sur les « fruits ».

Le fruit du disciple.

La première affirmation de Jésus à prendre en compte se trouve dans la parabole de la vigne en Jean 15, 4-5.8 :

« 4 Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi.

5 Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire.

6 Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment, et il sèche; puis on ramasse les sarments, on les jette au feu, et ils brûlent.

7 Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé.

8 Si vous portez beaucoup de fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples ».

Jésus nous demande simplement de « demeurer en lui ». Cette affirmation toute simple a des conséquences tout aussi simples pour notre vie dans  notre communauté et au-delà dans l'Église. En effet, subrepticement, la place première et centrale de Jésus peut être « squattée » de multiples façons, et différentes réalités peuvent s’immiscer entre Jésus et nous-mêmes, jusqu’à produire dans certains cas un écran opaque qui va créer une dérive.

En voici quelques exemples :

Une personne : un fondateur, un voyant, des messagers qui prétendent recevoir des locutions ou paroles du ciel, des prédicateurs à la mode.

Une doctrine : l’enseignement d’un fondateur, les messages de voyants.

Un moyen aboutissant à un système : une inspiration communautaire, une intuition de développement personnel, une pédagogie d’évangélisation, un prosélytisme d'évangélisation.

Un lieu phare : lieux de possibles apparitions, de retraites spirituelles prisées, de conventions à la mode.

Un courant spirituel marqué par des phénomènes extraordinaires… Le parler en langue, les miracles de guérisons spontanées, les stigmates, les crises de tremblement ou d'hystéries, etc..

Chaque fois que ce qu'incarne Jésus est ainsi rendue périphérique tout en demeurant présente, les fruits ne seront plus ceux d’un « disciple » de Jésus. Les fruits pourront être tout simplement de mauvais fruits, ce qui permettra de poser la question d’une purification. Mais ils seront le plus souvent de beaux fruits très séduisants, qui se feront passer pour de bons fruits, et personne n’y verra rien. Cela pose la question de la transparence entre l'enseignement de Jésus et un fondateur de communauté, ou des voyants qui transmettent des messages et en sens inverse de l’opacité…

Tous les grands ordres religieux reposent sur le charisme d’un personnage.

Regardons un cas extrême, celui de Martial Maciel Degollado. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcial_Maciel_Degollado)

ici, le « saint sage » est un imposteur dont le culte a été poussé jusqu’à l’idolâtrie. Les Légionnaires n’ont pas dérivé, mais fonctionné dès leurs premières années sur un mensonge, sur une culture de la dissimulation de ce même mensonge, et sur le culte d’un menteur de génie. D’une telle perversion ne peut jaillir quoi que ce soit d’évangélique.

Il faut donc rester prudent.

Un autre exemple :

Qu'il ne faut surtout pas généralisé à l'ensemble des communautés évangéliques.

L’évangélisme est une branche du protestantisme. Ses caractéristiques : un retour à une lecture stricte et même littérale de la Bible, une relation individuelle avec Dieu et un fort prosélytisme, et un fort fondamentaliste.

Pour ce qui est de la relation individuelle avec Dieu cela ne me pose pas de problème.

Dans le monde, un demi-milliard de protestants partagent la foi évangélique, dont 500 000 en France métropolitaine. Dans l’Hexagone, une église de cette mouvance ouvre tous les dix jours, ce qui représente aujourd’hui plus de 2 200 lieux de cultes. 

Plus de la moitié de ces églises en métropole ont été créées au cours des 30 dernières années. Un développement récent et fulgurant pour une religion qui date pourtant du XVIe siècle. Bien que la majorité de ces églises soient irréprochables, cet essor cache aussi une autre facette.

Il y a trois ans, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) indiquait dans un rapport que l’évangélisme constituait la mouvance religieuse la plus déviante, avec plus de 200 signalements recensés : emprise psychologique, escroqueries, abus de toutes sortes…

« On ne peut fonder un avenir ni sur une photo retouchée ni sur un trou béant. » (Jean-Pierre Denis, éditorial de La Vie du 13 mai 2010)

Lorsque l’opacité provient des erreurs doctrinales, il faut le dire : la communauté ou le courant spirituel ne seront pas indemnes, car il y a forcément un cercle rapproché qui est complice, et donc un système pervers mis en place produisant des victimes. C’est un lien de filiation qui ne peut être éludé. Un fondateur, un pasteur, ou un prêtre aux mœurs dissolues ou à la gouvernance manipulatrice aura forcément échangé le silence protecteur de son cercle rapproché contre l’acceptation d'autres déviances en son sein…

Exemple : le long scandale des prêtres pédophiles et le silence complice de certains évêques, « pour ne pas faire de vagues » et protéger l'Église, a favorisé et accru le nombre des victimes, et a entaché l'Église catholique (institution).  De toute façon, les mensonges et manipulations accomplies pour masquer les turpitudes auront gravement marqué de nombreux membres engagés…

L’arbre et les fruits

« Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous déguiser en brebis, mais au-dedans sont des loups rapaces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Cueille-t-on des raisins sur des épines ? Ou des figues sur des chardons ? Ainsi tout arbre bon produit de bons fruits, tandis que l’arbre gâté produit de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre gâté porter de bons fruits. Tout arbre qui ne donne pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu. Ainsi donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. » (Mt 7, 15-20)

Ces paroles de Jésus nous donnent des éléments importants de réflexion.

La duplicité est présente même dans les choses sacrées.

Le verset 15 dévoile l’existence de faussaires, appelés ici « faux prophètes », qui sont déguisés à l’extérieur et corrompus à l’intérieur. Nous retiendrons ces deux mots : faussaires, et déguisement. À l’extérieur, ces personnes semblent appartenir au troupeau, elles sont comme des brebis. Mais à l’intérieur, dit Jésus, ce sont des « loups rapaces », ces deux mots évoquant une emprise (rapaces) cruelle (loups).

Nous trouvons cette même idée de duplicité exprimée dans la lettre de Jude, avec un vocabulaire particulièrement rugueux : « Il s’est glissé parmi vous certains hommes… Ces impies travestissent en débauche la grâce de notre Dieu et renient notre seul Maître et Seigneur Jésus Christ… Ce sont eux les écueils de vos agapes. Ils font bonne chère sans vergogne, ils se repaissent : nuées sans eau que les vents emportent, arbres de fin de saison, sans fruits, deux fois morts, déracinés, houle sauvage de la mer écumant sa propre honte, astres errants auxquels les ténèbres épaisses sont gardées pour l’éternité. » (Jude 1, 4.12-13).

La méfiance est donc nécessaire.

Jésus nous demande de ne pas être ingénus et naïfs, ou seulement « candides comme des colombes », mais aussi prudents, malins, « rusés comme des serpents » (Mt 10,16), de garder un bon sens critique, d’avoir une méfiance préalable : « méfiez-vous ». On peut être surpris de trouver ces mots dans la bouche de Jésus, mais ils y figurent à différents endroits des évangiles : « Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrins et vous flagelleront dans leurs synagogues » (Mt 10,17) ; « Méfiez-vous des scribes qui se plaisent à circuler en longues robes, qui aiment les salutations sur les places publiques, et les premiers sièges dans les synagogues et les premiers divans dans les festins… » (Lc 20,46).

Un critère de reconnaissance est donné : « c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez ».

Cette affirmation est répétée deux fois, aux vv. 15 et 20. Jésus parle d’abord des fruits. En se servant du choc des images (les raisins ne se cueillent pas sur les épines, les figues sur les chardons), il induit que les fruits sont forcément conformes à leur espèce. Par ailleurs, il dit clairement qu’il y a des bons fruits, mais aussi des mauvais fruits.

Mais Jésus parle surtout de l’arbre.

C’est l’énoncé central : « tout arbre bon produit de bons fruits, tandis que l’arbre gâté produit de mauvais fruits. » Et il faut observer que Jésus répète une seconde fois l’énoncé, de façon négative : « Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre gâté porter de bons fruits. »

On pourrait donc paraphraser, en positif : une structure religieuse aux doctrines saintes, produit des fruits de l'Amour ; tandis qu’une structure religieuse aux doctrines perverses voir entachée de corruption, produit des fruits du malheur. Et en négatif : une structure sainte, une structure sanctifiée, ne peut produire les fruits du malheur ; une structure construite sur les erreurs doctrinales et corrompue, ne peut produire des fruits d'Amour et de bonheur.

Un logicien dirait que dans la première partie, Jésus pose une condition suffisante : si l’arbre est bon, il doit porter de bons fruits. Et dans la seconde partie, il pose une condition nécessaire : si, et seulement si, l’arbre est bon, il porte de bons fruits. Autrement dit, il n’est pas possible de dire qu’une mauvaise structure construite sur de mauvaises doctrines, pourrait porter de bons fruits sans tordre le cou aux enseignements de Jésus, lequel a anticipé tous nos doutes en établissant une règle explicite et nécessaire qui ne supporte aucune exception.

Une action décisive est à entreprendre : il faut se débarrasser de l’arbre mauvais.

« Tout arbre qui ne donne pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu. » La même expression se trouve dans l’Évangile de Jean, dans l’allégorie de la vigne : « Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche ; on les ramasse et on les jette au feu et ils brûlent. » (Jn 15, 6).

Jésus ne parle pas ici de sa personne mais de sa doctrine qui est celle du Père, celle de l'Amour, l'amour du prochain. Autrement dit il ne parle pas des chrétiens en général ou en particulier, mais il désigne tous les hommes et femmes dont leurs doctrines sont fondées sur « l'amour du prochain, » rappelé dans les versets précédents.

Cela concerne les chrétiens mais aussi les adeptes des autres religions et même des athées. Ainsi compris, un athée, un musulman, un bouddhiste, qui « aime » et apporte le bien et l'amour à son prochain même à ses ennemis portent de bons fruits.

Être chrétien hors d’une église.

Depuis le XIX siècle une bonne partie des valeurs chrétiennes se voient porté hors de l’Église. On peut dès lors vivre en tant que chrétien « croire aux valeurs de Jésus le Christ » sans appartenir à une église. Ce point de vue peut-être simpliste possède au moins l’avantage d’attirer l’attention sur un état de choses plus complexe. On constate à partir du XIX siècle que de nombreuses composantes de la société (politiques ou associatives) tendent à écarter l’autorité de l’Église (ou des églises). Ils pensent que cette autorité fait violence au dynamisme moral des hommes qui veulent progresser. La sécularisation, ajoute Rendtorff, reste en fait un processus qui vise à accroître la liberté et, par conséquent, la responsabilité humaines. L’homme en société apprend dès lors à faire face à d’autres problèmes, de nouvelles obligations. Il fait ainsi, dans sa vie personnelle et publique, fréquemment preuve de responsabilité chrétienne, par exemple lorsqu’il lutte pour l’égalité, la liberté, la justice. Pour revenir à notre sujet, je dirais toute une série de bons fruits, portés en dehors de toutes institutions religieuses. Mais l’Église ou les églises ont eu malheureusement trop souvent peur que ces dynamismes sociaux et politiques (qui ne contrôles pas par leur autorité) fussent foncièrement a-chrétiens ou anti-chrétiens ; et donc de mauvais fruits puisque « hors de l’Église point de salut ». Les élites ecclésiastiques ont voulu alors à tout prix faire de tous les disciples du Messie Jésus des chrétiens d’église, ou « d’institutions religieuses ». Manquant de confiance (ou de foi) dans les bases chrétiennes communes de la vie politique et sociale, l’Église a pensé réunir les chrétiens dans des écoles catholiques, des syndicats catholiques, des partis catholiques même. Ainsi, l’institution religieuse que l’on nomme l’Église a cessé de transmettre toute la richesse de l’enseignement de Jésus-Christ « les bons fruits » pour n’inculquer qu’une ecclésialité frileuse. Dès lors, il n’apparaît plus étonnant que le concept de l’église se trouvât placé au centre de tous les efforts de la théologie officielle : alors que les chrétiens des Lumières songeaient à une église égalitaire et à un gouvernement rationnel, l’orthodoxie a redoublé dans ses tentatives pour réaliser en l’Église le seul lieu dans le monde où Dieu parle et laisse sa révélation.


Église et Religion

 Certains chrétiens et pas seulement des anticléricaux regardent l’Église comme une institution trop puissante. Ils déclarent que la théologie officielle se trompe : ils demeurent soucieux d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, ils sont de plus en plus nombreux à dire qu’il importe plus de se soumettre à Dieu de suivre sa propre conscience par préférence à l’Église. Ils considèrent l’Église de moins en moins en tant que le lieu privilégié où le caractère chrétien de la société situe son expression ; ils la voient comme une institution à côté d’autres. Et certains commencent à trouver que les réalités chrétiennes (christianisme ou chrétienté,) se portent mieux hors de l’Église qu’en son sein. Religion et Église deviennent distinctes. Le mot religion sert à recouvrir toutes sortes de choses : religion naturelle, religion idéale, religion sentie, religion fraternelle, religion de l'avenir. Quoi qu’il en soit, le terme désigne quelque chose de plus vaste, de plus diffus. Le mot église, par contre, se trouve ramené aux dimensions de son caractère institutionnel, aux dimensions de sa hiérarchie et de ses sanctuaires.

Conclusion

Tout revient en somme à la distinction entre Religion et Église. Depuis la Révolution française, les églises ne sauraient prétendre au monopole du religieux dans nos sociétés. Cela est banal, et peut-être même existe-t-il quelques mérites à ajouter qu’elles ne sauraient même pas prétendre être les dépositaires de la totalité de l’héritage chrétien de l’Occident.

L’on doit noter que l’on rencontre des associations religieuses non chrétiennes plus ou moins florissantes dans notre société et qui apparaissent — fort heureusement — au bénéfice de certaines garanties légales. Le problème de la liberté religieuse dans nos écoles, par exemple, reste entier. Et l’on doit aussi voir qu’il se présente du religieux hors des associations spécifiquement religieuses. Depuis la Révolution française, en particulier, il se rencontre du religieux réellement rival du religieux ecclésiastique (parfois rival du religieux chrétien) dans les sociétés nationales. Le social national est devenu porteur d’une réalité religieuse et d’une promesse religieuse qui émeuvent presque tous les citoyens. On peut sourire de toutes ces idéologies sociales qui excusent les carences ou même les crimes de la société à l’heure actuelle en faisant allusion à l’avenir amélioré dont la société prétend contenir le germe. Il n’en reste pas moins qu’en prétendant se justifier par l’avenir qu’elles veulent assurer, nos sociétés savent jouer sur des cordes religieuses qu’autrefois les sociétés laissaient plus tranquilles. Rares sont ceux aujourd’hui qui admettent qu’une société peut vraiment être et, en même temps, ne rien croire et ne rien faire. Les individus ont perdu le goût de faire des projets de vie pour eux-mêmes, mais ils ont gardé un vif intérêt pour les projets de société.

De plus, le religieux prospère aussi, à l’écart de toute église et de toute association religieuse, dans le privé, l’individuel. Ce religieux est souvent moins finalisé ; il n’en demeure que plus riche, mystique parfois, au sens restreint du terme. En tout cas, ce religieux individuel a élargi son répertoire bien au-delà des scripts traditionnels chrétiens. L’imaginaire individuel déborde allègrement tous les cadres que les orthodoxies s’efforcent de lui donner.

Coincées entre le religieux social national et le religieux privé, leurs vivacités et parfois leurs aberrations, les églises semblent ne pouvoir trouver qu’une place restreinte. Elles semblent surtout avoir perdu la capacité de pouvoir un jour réintégrer le tout sous leur direction englobante. Ce n’est pas une raison, me semble-t-il, pour n’y cultiver qu’une piété ecclésiale qui cède à tous les attraits d’un confessionnalisme étroit.

 


 

 

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