Le récit Biblique de l’Exode : (seconde partie)

Le récit de l’Exode : Entre mythes et histoires (seconde partie)

Le récit Biblique de l’Exode : (seconde partie)

Entre mythes et histoires

D'après un cour de Thomas RÖMER au Collège de France

Exode 15 : un cantique de conclusion et de transition

La place d’Ex 15,1-22 après Ex 14 peut être comparée à celle de Juges 5, le cantique de Déborah, après Jg 4. Dans les deux cas une narration en prose est suivie d’un texte poétique qui est une sorte de chant de victoire célébrant l’intervention de Yhwh en faveur des siens. Les deux textes poétiques montrent des spécificités grammaticales et parfois aussi un vocabulaire compliqué ; ils sont souvent considérés comme « archaïques ». Dans les deux textes, des femmes jouent un rôle important.

À l’instar de Jg 5, Ex 15 se comprend comme une conclusion hymnique, non seulement d’Ex 14, mais probablement de l’ensemble Ex 1-15. Il ne s’agit pas uniquement d’une conclusion, mais aussi d’une prévision des événements à venir. Les v. 13-17, quoique formulés au passé (pour la plupart) font allusion, sans suivre une chronologie précise, à la conquête du pays, l’installation du peuple dans le pays et l’établissement d’un temple de Yhwh.

L’école américaine, notamment, situe ce chant de victoire à l’époque prémonarchique aux alentours du XIIIe siècle. avant notre ère. Ils avancent surtout deux types d’arguments : la langue et les formes grammaticales archaïques :

Conjugaison à préformantes pour le passé, suffixe 3e masc. pl. en מוֹ -mô (au lieu de חֶם-hem), le démonstratif זוֻ, zû au lieu du relatif  אַשֵׁרʾasher ; d’autres formes peu claires.

D’un autre côté (et surtout en Europe), on trouve l’idée selon laquelle ce texte est une composition récente qui présuppose déjà les textes sacerdotaux et qui, par conséquent, fut composé aux VIe ou Ve s. avant notre ère. Contrairement à l’école américaine, ces exégètes prêtent moins attention aux questions de grammaire et aux archaïsmes. Certains font remarquer que des archaïsmes peuvent aussi être des moyens stylistiques archaïsants. De plus, plusieurs particularités ne sont guère utilisables pour la datation mais typiques de textes poétiques. Il faut également faire remarquer, contre les tenants d’une datation prémonarchique, que ce psaume présuppose l’existence d’un temple de Yhwh, probablement à Sion. Pour ces raisons, on a parfois considéré les v. 13-17 comme un ajout pour maintenir une date ancienne ; mais il s’agit là d’un argument circulaire.

En revanche, on peut partir d’une autre observation, à savoir que les v. 6 à 17 sont écrits à la 2e pers., contrairement aux v. 1-5 et 18 qui parlent de Yhwh à la 3e pers. du singulier. On peut également lire ces derniers versets d’une manière indépendante et on obtient un psaume de la royauté de Yhwh.

À ce psaume, on aurait ajouté, les v. 6-17 à l’époque de l’exil pour exprimer l’espoir d’une reconquête du pays et d’une restauration du temple. Cependant, dans les v. 1-5, il y a plusieurs allusions et reprises littérales d’Ex 13,17-14,31 qui rendent l’hypothèse difficile. On peut donc aussi imaginer le contraire, à savoir que l’hymne plus ancien se trouve en 6-18, que le rédacteur aurait repris. Il est vrai que, dans ces versets, il y a moins de reprises directes d’Ex 14, mais il manque une vraie introduction, et le v. 18 ne parle plus de Yhwh à la 2e mais à la 3e personne.

L’idée selon laquelle les v. 1-18 se sont formés en deux étapes est séduisante. On peut cependant se poser la question de savoir si l’alternance entre la 3e et la 2e pers. nécessite des opérations diachroniques ; on peut aussi imaginer que ce changement reflète deux chœurs qui se répondent.

La plupart des commentateurs s’accordent pour dire que le noyau du texte se trouve dans le petit cantique, au v. 22, qui fut d’abord attribué à Miryam. Ce cantique correspond assez bien à la forme la plus ancienne de la tradition de l’exode et existait peut-être en effet comme conclusion de celle-ci.

Ensuite, on a transféré ce cantique à Moïse et on l’a pris comme point de départ pour construire (en une ou deux étapes) un psaume qui célèbre la souveraineté de Yhwh non seulement sur l’Égypte, mais aussi sur tous les peuples en général.

Ce n’est donc pas une composition ancienne, mais post-sacerdotale ayant en vue l’ensemble des livres d’Exode à Rois.

Il a été souvent observé que certains versets d’Ex 15 contiennent des allusions au thème du combat du dieu guerrier contre la Mer, combat à la suite duquel ce dieu reçoit un sanctuaire. On a surtout insisté sur les parallèles ougaritiques (Baal contre la Mer) pour « prouver » l’ancienneté du texte. Ces parallèles existent, mais ils ne permettent pas de dater le texte, de plus il n’est pas seulement fait allusion au combat de Baal contre Yam.

Le fait qu’Ex 15 utilise deux fois le terme de תְהוֹם tĕhôm, qui se retrouve en Gn 1 (P), indique qu’il fait sans doute aussi allusion à l’épopée Enuma Elish, où Marduk combat Tiamat et devient ensuite roi sur tous les autres dieux. Il faut noter qu’Ex 15,8 ne fait pas allusion à un combat contre la mer. La mer n’est plus un adversaire de Yhwh. La mer est ici au service de Yhwh pour vaincre les ennemis d’Israël : d’abord les eaux se dressent pour laisser Israël passer, ensuite la mer couvre les ennemis d’Israël. Le thème traditionnel du « Chaoskampf » (en allemand pour « lutte contre le chaos ») est donc en Ex 15, certes repris, mais aussi transformé, pour insister sur le fait que la mer n’est plus contre mais au service de Yhwh.

Exode 16 : la découverte de la manne et du sabbat

Contrairement aux épisodes assez brefs qui l’entourent, Ex 16 est un texte long et complexe qui mêle narration et prescription.

Malgré une discussion compliquée concernant la diachronie de ce texte, il y a un certain consensus pour dire qu’une grande partie (ou partie importante) de ce texte appartient à P (voire à post-P), à cause d’un vocabulaire typique et de liens avec d’autres textes P sur lesquels nous allons revenir. Partant de l’hypothèse qu’il s’agit en Ex 16 d’un texte P, on s’est posé la question de savoir s’il se trouve vraiment à sa place originelle ou s’il n’a pas été déplacé après coup. On est d’abord étonné par la mention des 40 ans dans le désert. Cette durée n’intervient qu’au moment du refus de la génération de l’exode en Nb 13-14 de conquérir le pays. De même le כָּבֹד kāb̲ôd, la gloire de Yhwh, semble être lié au sanctuaire. En Ex 24,15-18, il se trouve au sommet du Sinaï, et il descend en Ex 40 lorsque le sanctuaire est fini, et apparaît (pour la première fois ?) au peuple après la consécration des prêtres et les premiers sacrifices.

Cependant, il faut se poser la question de savoir si l’apparition de la gloire de Yhwh et du Sabbat sont vraiment si anachroniques qu’ils nécessitent un déplacement du texte. La gloire est, au moins du point de vue linguistique, préparée en Ex 14,18. Donc, on peut argumenter que l’apparition de la gloire de Yhwh est bien préparée en Ex 14. Pour certains autres « anachronismes » l’explication réside peut-être dans le fait que ce texte a été révisé plusieurs fois.

L’analyse diachronique peut se résumer comme suit :

1) un texte P qui était la suite directe de la version P de la traversée de la mer : 16,1-3, 6-15, 16-18, 21-22, 23a.b, 24a, 25-26, 29, (30 ?)31.

2) Rédaction post-P « deutéronomisante » : 16,4-5, 19-20, 24b, 27-28, 30.

3) Rédaction hexateucale : 16,35.

4) Rédaction sacerdotale tardive : 16,32-34.

5) Révisions midrashiques et gloses : v. 8, ajout des remarques sur l' העומר haomer ou l’ʿomer (jusqu’à 16,36) qui n’apparaît nulle part ailleurs ; v. 23aß : préparation de la nourriture la veille du sabbat.

Dans la Bible hébraïque,

La prescription du décompte de l’omer apparaît dans le Lévitique après celle de l’offrande de l’omer et est répétée dans le Deutéronome. Les Israélites devront, après l’avoir réalisée, « au lendemain du chabbat », compter sept semaines entières, soit cinquante jours, avant de réaliser de nouvelles offrandes pour la fête de Chavouot.

Il est possible de reconstruire derrière le récit sacerdotal un récit plus ancien qui contenait une étiologie de la manne (en 16,1a.4a.13b-14ba.15.21.312), bien que de telles entreprises restent très hypothétiques.

La découverte du Sabbat

Le terme de שבת šabbat doit être mis en relation avec l’akkadien šab/pattum, le jour de la pleine lune. Cf. Enuma Elish V,18 : « le šab/pattum sera le milieu du mois ».

Il est, en effet, maintenant largement admis que le Sabbat ne devient un jour de chômage hebdomadaire qu’à partir du VIe ou Ve siècle avant notre ère. L’idée d’un 7e jour de repos s’inspire peut-être de l’idée néo-assyrienne de jours néfastes : dans les hémérologies ce sont les jours 7, 14, 19, 21 et 28 qui étaient considérés comme difficiles, voire dangereux ; pour ne pas irriter les dieux, le mieux était de ne rien faire. Cette idée est reprise, et modifiée, par les auteurs sacerdotaux qui intègrent le sabbat aussi dans un nouveau calendrier, fondé sur des périodes de 7 fois 7 semaines (« jubilé ») qui joueront un rôle important dans le livre des Jubilés et dans des textes de Qumran.

Exode 17 : manque d’eau et ennemis

Exode 17,1-7 : le don d’eau miraculeux

On peut reconstruire le récit ancien comme suit :

1 [] Ils campèrent à Refidim mais il n’y avait pas d’eau à boire pour le peuple. 2 Le peuple querella Moïse et ils dirent : « Donne-nous de l’eau à boire ». Moïse leur dit : « Pourquoi me querellez-vous ? » [] 4 Moïse cria vers Yhwh : [] 5 Yhwh dit à Moïse : « Passe devant le peuple, [] et va. 6 Me voici, je me tiendrai devant toi, là, sur le rocher []. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira. » Moïse fit ainsi []. 7 Il appela ce lieu du nom de [] Mériba [Épreuve et Querelle] à cause de la querelle des fils d’Israël et à cause de leur mise à l’épreuve de Yhwh en disant : « Yhwh est-il au milieu de nous, oui ou non ? »

Dans le récit ancien, la réaction des Israélites face au manque d’eau n’est pas présentée d’une manière particulièrement négative. Le mot rocher apparaît ici pour la première fois dans l’histoire de l’Exode. Il porte l’article, ce qui veut dire que l’auteur suggère un rocher précis. Le mot réapparaîtra en Ex 33 lorsque Moïse voudra voir la face de Yhwh. Il existe certainement un lien littéraire entre les deux textes. Il est possible qu’Ex 33 présuppose Ex 17 et l’utilise pour approfondir la question de la « visibilité » de Yhwh qui s’est posée en Ex 17.

Ex 17,8-16 : l’invention de la guerre et du livre.

Cette brève histoire introduit deux personnages dont il n’a pas encore été question : Josué et Hour. Le nom וְחוּר « Ḥûr » qui est aussi attesté à Éléphantine vient peut-être du nom du dieu Horus, signifiant alors « appartenant à Horus ». On a d’ailleurs aussi postulé une origine égyptienne pour le nom d’Aaron (« le nom du dieu est grand »).

Revenons brièvement à la question de la diachronie. On observe par rapport au récit précédent que le peuple n’a pas bougé depuis Refidim. Il est donc possible que l’histoire de la guerre contre Amaleq ait suivi directement Ex 17,1 et que l’histoire du manque d’eau ait été insérée plus tard en dédoublant l’indication de Refidim. Dans l’histoire même, la mention du bâton de Dieu est probablement un ajout car il ne joue pas de rôle dans la suite, qui s’intéresse aux mains, voire aux bras (en hébreu יֲד yād (main) peut aussi signifier« bras »). La mention du livre au v. 15 et de l’ordre d’écrire est aussi due à une réécriture, puisque cela interrompt le lien entre le v. 14 et le v. 16 et introduit une autre thématique.

La signification du nom de cet ennemi reste à ce jour un mystère. S’agit-il d’une tribu historique ? Sur la base des textes bibliques, certains mettent les Amalécites en lien avec Edom, d’autres avec les Madianites. On peut donc imaginer que Amaleq est localisé au sud-est du Néguev. Dans certains textes bibliques, il apparaît cependant déjà comme un ennemi cosmique. Ici, la figure d’Amaleq sert à annoncer l’intervention de Yhwh dans les guerres d’Israël à venir. La présence de Josué fait allusion aux récits de conquête dans le livre de Josué, où il joue le même rôle.

Le geste de Moïse est un geste magique. C’est de ce geste que dépend la victoire et non pas du savoir-faire de Josué et de son armée. Moïse ressemble d’une certaine manière à un chaman. La construction de l’autel, ici, évoque d’une certaine manière les autels qu’Abraham construit dans la Genèse, puisque l’on ne raconte pas un sacrifice, mais une invocation de Dieu, souvent avec un nom, comme c’est le cas ici : « Yhwh, mon étendard ».

La première mention du livre en Ex 17 qui présuppose que Moïse sait écrire coïncide avec la première mention de Josué dans la Torah. Le livre et son premier lecteur ont ainsi une origine commune.

Exode 18 : la rencontre entre Moïse et son beau-père madianite

Comme Ex 16, et peut-être davantage, Ex 18 a été suspecté, déjà par des commentateurs rabbiniques (p. ex. Ibn Ezra) d’avoir été déplacé. Sa place originelle aurait été après la révélation du Sinaï et ceci à cause des observations suivantes.

En Ex 18, Israël est à la « montagne de Dieu », alors que l’arrivée au Sinaï n’est relatée qu’en 19,1. De plus, Ex 18 ne peut s’harmoniser avec l’itinéraire en 17,1,8 et 19,2. On raconte un sacrifice, sans construction d’un autel. Est-ce que l’on présuppose que celui-ci est déjà construit ?

Pour cette raison Ibn Ezra et d’autres ont pensé que le récit avait d’abord eu sa place en Nb 10, juste avant le départ du Sinaï. Mais pourquoi aurait-il alors été déplacé ?

Il est clair que sa position actuelle est problématique. Il paraît également clair que ce texte n’est pas exclusivement une invention tardive, mais qu’il conserve une tradition suffisamment importante, que l’on a intégrée dans le récit de l’Exode. En le plaçant devant le Sinaï, on en fait une sorte de prélude à la « vraie » révélation, et l’on crée également un contraste avec le récit précédent : Amaleq, l’ennemi à abattre, contraste avec Madiân, l’étranger qui participe au culte du dieu d’Israël et qui confesse que Yhwh est le dieu le plus grand. Les rédacteurs opposent donc par cette juxtaposition deux visions de l’étranger.

Le fait qu’Ex 18 soit situé à la montagne de Dieu renvoie à la vocation de Moïse en Ex 3, qui a également eu lieu à la montagne de Dieu et où Dieu s’était présenté comme étant le « dieu du père » de Moïse. Ce titre est repris par Moïse en Ex 18, dans l’explication qu’il donne du nom de son fils Eliézer (v. 4).

Dans sa forme présente, il s’agit sans doute d’un texte récent. Il existe cependant des indications selon lesquelles Ex 18,1-12 n’a pas été écrit d’un seul trait, mais qu’il est le résultat de plusieurs révisions.

Les v. 2-4 sont parallèles au v. 5, puisque dans les deux cas il est dit que Jéthro vient avec les fils et la femme de Moïse. Les v. 2-4 sont plus détaillés et intègrent deux commentaires théologiques de Moïse. Il se peut donc que ces versets viennent d’un rédacteur. La « confession de foi » de Jéthro en 18,10-11, qui ressemble à celle de Rahab, est certainement un élément tardif. La présence d’Aaron et des anciens lors de la scène du sacrifice s’explique sans doute par la tentative d’un rédacteur d’harmoniser ce texte avec Ex 24. Les commentateurs ont beaucoup discuté pour savoir qui était le « chef de cérémonie » de ce sacrifice. Selon le texte hébreu, il n’y a guère d’autre possibilité que de comprendre que c’est Jéthro qui prend l’initiative de ce sacrifice. Pour cette raison la tradition rabbinique a postulé une conversion préalable de Jéthro au culte de Yhwh. Mais le texte ne le dit pas directement, bien que cela ait sans doute été l’idée des rédacteurs qui ont retravaillé la confession de foi de Jéthro. La version primitive de cette rencontre entre Moïse et Jéthro se termine donc par un sacrifice du prêtre de Madiân fait pour Yhwh. À partir de cette observation, on peut, en effet, imaginer que le prêtre de Madiân était un prêtre de Yhwh. La montagne originelle de Yhwh se trouvait-elle alors dans un territoire madianite ? Du coup, cela pourrait donner une nouvelle jeunesse à la théorie « madiano-qénite ».

Dans sa forme actuelle, le texte n’a plus cette visée, mais malgré les révisions importantes, la tradition madianite résiste. La visée du texte actuel est, en effet, de montrer que des non-Israélites, des étrangers, peuvent rendre un culte au dieu d’Israël en proclamant sa supériorité.

Ex 19 : Israël au Sinaï

À première lecture, la description de la théophanie au Sinaï a l’air d’être assez confuse. Moïse fait tellement d’allers et retours que l’on ne sait plus très bien où il se trouve. Il y a également des contradictions : d’un côté une stricte interdiction de s’approcher de la montagne, mais, selon d’autres versets, « certains » peuvent le faire tandis que, selon un autre verset, seuls Moïse et Aaron peuvent s’approcher de la montagne.

L’analyse diachronique peut se résumer ainsi :

1) Traces d’un récit ancien en 19,16-19.

2) Une version sacerdotale 19,1-2.9-11.14-16.18-19.

3) Une révision de l’école de sainteté : 19,3-8.12-13a.

4) Un midrash en 19,20-23.

5) Rédaction du Pentateuque en 19,9.

La version sacerdotale insiste sur la séparation entre le sacré et le profane, alors que l’école de sainteté insiste davantage sur les aspects éthiques de cette théophanie. En 19,6, Israël est appelé מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים mamlèkèt kohanîm. traduit habituellement par  « une dynastie de pontifes (de Prêtres) » Mais faut-il traduire par « une communauté gouvernée par des prêtres » ou par « un royaume de prêtres », dans le sens où chaque membre de cette communauté est en quelque sorte un prêtre, et n’a donc plus besoin de médiation sacerdotale ? Ou bien, dans un sens théocratique, faut-il plutôt comprendre un royaume gouverné par des prêtres, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. La première interprétation a été utilisée par Martin Luther, dans l’élaboration de son idée du « sacerdoce universel » qui devint une idée-clé de la Réforme. On peut donc lire cette annonce de Yhwh comme l’idée selon laquelle tous les membres de la communauté sont saints, un privilège qui, selon P, ne concerne que les prêtres et que la Holiness school (école de sainteté). élargit à l’ensemble de la communauté (Lv 20,26). Mais on ne doit peut-être pas totalement opposer les deux significations : la signification « un royaume gouverné par des prêtres » peut aussi refléter la situation de la communauté judéenne de l’époque perse regroupée autour du temple de Jérusalem. Dans ce cas-là, il faut comprendre l’expression dans un sens amphibolique.

La description de la théophanie

On a pensé que ce texte évoquait une éruption volcanique au v. 16 et un tremblement de terre au v. 18. L’existence de tremblements de terre est attestée, mais nous avons affaire plutôt à des descriptions traditionnelles de la puissance divine. De même, il n’est pas nécessaire d’imaginer l’éruption d’un volcan, d’autant plus que le Sinaï, peu importe où on le localise, ne se trouve pas dans une région d’activité volcanique. Donc, même s’il y a des différences dans les descriptions des v. 16 et 18, les deux versets utilisent des images typiques pour parler de la manifestation des dieux.

La différence principale entre le v. 16 et le v. 18 semble résider dans le point suivant. Le v. 16, qui utilise les images d’une tempête avec tonnerre et éclairs, semble supposer que le Sinaï est la demeure de Yhwh qui y est caché par une nuée épaisse, alors que le v. 18 semble plutôt suggérer que Yhwh descend depuis les cieux sur le Sinaï, raison pour laquelle le mont tremble et s’enflamme.

Exode 24 : la conclusion de l’alliance

La conclusion d’alliance aux v. 3-8 est clairement l’accomplissement de 19,3-8 et peut donc se situer au même niveau (école de sainteté). À l’intérieur de ce récit, il y a peut-être les traces d’une tradition plus ancienne qui racontait comment Israël était devenu le peuple de Yhwh, comme on le voit par exemple dans les v. 6-8, où la cérémonie du sang est interrompue par la lecture du livre de l’alliance. Les v. 3-8 sont encadrés aux v. 1 et 9-11 par une théophanie et par la mention des noms de Moïse, Aaron, Nadab et Abihou, et celle des 70 anciens d’Israël qui ont le privilège de voir le dieu d’Israël. Il peut s’agir d’une autre main que celle du responsable des v. 3 à 8, mais il est également possible que le rédacteur de l’école de sainteté ait construit ce thème comme un encadrement autour du thème de la conclusion de l’alliance, puisque la vision de Dieu montre également, d’une certaine manière, comment Israël est devenu un royaume de prêtres.

Le v. 2, qui veut limiter à Moïse seul l’accès direct à la divinité, peut de nouveau venir d’une rédaction pentateucale.

Les v. 12-13 préparent l’histoire du veau d’or, alors que le v. 14 est une sorte de glose dépendant d’Ex 17 (Hour) et préparant le rôle d’Aaron dans l’histoire du veau d’or.

Les v. 15b-18 qui reviennent sur la gloire de Yhwh sont de facture « P » et constituent la suite d’Ex 19,17-18. Ces versets précisent comment Yhwh est présent via sa « gloire » au sommet de la montagne et que Moïse a le privilège d’y avoir accès.

En Ex 24 l’alliance (le traité) est conclue par un rituel de sang et des sacrifices. Le ʿam yhwh se constitue ici par une alliance, un pacte et un rituel de sang assez unique dans la Bible hébraïque. Ce rituel sert à créer un lien de sang entre le « peuple » et Yhwh. De tels rituels sont fréquents en Arabie préislamique. Dans le texte actuel, on attribue sans doute au sang un pouvoir de purification, la communauté étant purifiée comme l’est l’autel.

La vision de Dieu (24,9-11)

Ce texte suggère – plus encore que l’histoire des sacrifices – qu’Israël est devenu à ce point de l’histoire un royaume de prêtres, puisqu’il arrive à un niveau d’immédiateté avec le dieu d’Israël, au sujet duquel l’auteur dit que ceux qui se trouvent sur la montagne le voient. Néanmoins le texte semble vouloir éviter une vision directe en décrivant seulement ce qui se trouve sous les pieds de Yhwh. L’idée est apparemment que les anciens contemplent depuis le bas Yhwh debout ou plutôt sur son trône au-dessus du firmament. On a l’impression d’un temple céleste qui a comme fondement du lapis-lazuli, le bleu évoquant peut-être le ciel. L’origine de telles visions se trouve probablement dans les ziggurats de Mésopotamie où le dernier étage, qui était considéré comme la demeure de la divinité, était décoré avec des briques de lapis-lazuli.

Exode 20 : le Décalogue

Si l’on parle de « Décalogue », de dix paroles, c’est que le Pentateuque lui-même utilise cette appellation ; cependant il s’agit seulement de trois textes (Ex 34,28 ; Dt 4,13 ; 10,4) qui font référence aux dix paroles écrites sur deux tables de pierre. En revanche, le récit de la communication du « décalogue » ne précise nullement le nombre de commandements que Yhwh aurait transmis à son peuple ; cette idée se trouve seulement dans des textes qui sont probablement plus récents que la première version de la révélation des paroles. On constate en effet que lorsque l’on cherche à découper le « Décalogue » en dix paroles, l’entreprise s’avère plus compliquée qu’il n’y paraît au premier abord. Les divergences de comptage qui existent sur ce point entre diverses traditions religieuses illustrent fort bien cette difficulté. Cette hésitation semble montrer qu’il n’y avait peut-être pas à l’origine l’idée d’un comptage à 10. On peut très bien également arriver à compter 12 paroles par exemple.

La question de l’origine du Décalogue

Pour résoudre la question de la double transmission du décalogue, on essaya longtemps de reconstruire un « décalogue primitif » qui aurait été repris différemment par des rédacteurs dans le livre de l’Exode et dans le livre du Deutéronome ; on considéra souvent le décalogue primitif comme un des textes les plus anciens de la Bible hébraïque. Ces tentatives sont abandonnées aujourd’hui par la plupart des chercheurs. Car, si à l’origine du décalogue se trouve une série de prohibitifs construits de manière parallèle, pourquoi des rédacteurs ultérieurs auraient-ils transformé certains de ces prohibitifs en exhortations, tout en introduisant encore des changements dans les formes du discours : discours de Yhwh à la première personne, puis discours sur Yhwh à la troisième personne ?

Bien qu’il soit certainement erroné de vouloir reconstruire un Décalogue primitif, il est tout à fait plausible et possible que les prescriptions qui s’y trouvent n’aient pas été inventées d’un coup. Cela est surtout le cas pour les commandements « non yahwistes » de la deuxième partie, comme l’indiquent p. ex. Jr 7,8 ou Os 4,2.

Des catalogues énumérant des choses à faire ou à ne pas faire sont en effet un moyen pédagogique assez universel. On a souvent pointé les parallèles existant entre la « confession négative » dans le ch. 125 du Livre des Morts qui contient une très longue énumération de tous les méfaits que le mort qui comparaît devant la salle des deux maat (nom du tribunal d’Osiris) se défend d’avoir commis. On observe des parallèles surtout avec la deuxième partie du Décalogue, mais on ne peut guère prétendre que ce chapitre a été utilisé par les auteurs du Décalogue, car il s’agit pour la plupart de règles qui se retrouvent un peu partout dans le Proche Orient Ancien.

Puisque l’on a deux versions en Ex 20 et en Dt 5, on a longtemps débattu pour savoir laquelle des deux versions était la plus ancienne. Une enquête linguistique et de vocabulaire indique que les deux décalogues présupposent et utilisent le langage deutéronomiste, mais ils ne sont pas un produit de l’école deutéronomiste, puisque l’on y trouve des termes et des préoccupations qui ne se rapportent pas directement à cette école. Cela signifie aussi qu’il ne faut peut-être pas poser la question du rapport entre les deux versions en termes d’antériorité de l’une sur l’autre.

Il faut donc du coup explorer une autre hypothèse. À savoir que les deux décalogues ne sont pas l’œuvre de deux milieux rédactionnels différents, mais qu’ils ont été conçus en même temps par le même rédacteur qui voulait renforcer la cohérence du Pentateuque naissant. Puisque ces textes font apparaître un mélange entre style deutéronomiste et style sacerdotal, il paraît assez logique de chercher les auteurs du Décalogue dans le milieu qu’on appelle « l’école de sainteté » (H). La fonction du ou des Décalogue(s) est donc de fournir une sorte de catéchisme au judaïsme naissant. Les commandements de la première partie du décalogue, accompagnés de motivations, traitent des grands thèmes qui vont marquer le judaïsme tel qu’il se dessine durant l’époque perse. On peut également remarquer que tous ces commandements ne présupposent pas la nécessité d’habiter dans le pays ; ils sont donc valables et applicables aussi bien pour la diaspora que pour les juifs habitant en Palestine.

Ex 20,22-23,19 : le code d’alliance

Dans le livre de l’Exode, le Décalogue est suivi par un ensemble de lois et prescriptions qu’on a pris l’habitude d’appeler le « Code d’alliance ».

On observe également qu’il y a des genres littéraires différents qui rendent plausible la thèse selon laquelle le CA se compose de différentes collections de lois.

L’introduction originelle « voici les מִּשְׁפָּטִים mišpātîm » en 21,1 (qu’on pourrait traduire par « coutumes juridiques ») est suivie d’une série de lois qu’on appelle lois casuistiques. Il est donc possible que la série des lois casuistiques se soit constituée à partir de trois sous-collections ou de deux sous-collections que l’on a fait précéder de la loi sur les esclaves hébreux.

On observe que la série est interrompue par les v. 13 et 14 qui constituent un premier commentaire par rapport à la loi concernant l’homicide.

Il ne faut pas confondre les trois collections de lois dans le Pentateuque avec un « code civil » ou un « code pénal ». Aucun des « codes législatifs » du Proche Orient Ancien ne vise l’exhaustivité ni n’est conçu pour pouvoir servir dans tous les litiges possibles et imaginables. Contrairement à la Mésopotamie, le roi ne joue pas de rôle dans les trois codes du Pentateuque. Il est possible que les cas énumérés dans les מִּשְׁפָּטִים mišpātîm du Code d’Alliance aient été en quelque sorte des « cas d’école » dont on pouvait ensuite déduire des principes plus généraux dans l’application du droit.

L’exégèse historico-critique considère traditionnellement le CA comme étant le code le plus ancien des trois codes et on le date quelque part à l’époque de la monarchie, en insistant sur le fait que le texte s’adresse à des hommes libres qui ont une certaine aisance (ils possèdent des esclaves) et qu’il reflète un contexte plutôt agricole et rural. À l’époque de Josias on aurait voulu moderniser le CA et on aurait alors écrit le CD (qui aurait connu par la suite d’autres révisions afin de remplacer le CA).

Dans cette hypothèse majoritaire se pose une question importante : pourquoi, si le CD voulait remplacer et donc annuler en quelque sorte le CA, l’a-t-on ensuite inséré dans la narration de la révélation au Sinaï ? Une nouvelle théorie a été proposée par Johannes Unsok Ro (Tokyo) qui pense que les trois codes du Pentateuque ont tous été composés à l’époque perse, par trois milieux différents. Ro a vu quelque chose de juste en ce qui concerne le CA et le CD. Il est difficile d’imaginer l’ensemble du CA comme plus ancien que le CD. Dans sa forme actuelle le CA a été intégré dans la péricope du Sinaï pour constituer le livre d’alliance dont il est question en Ex 24. Le CA en 20,22-23,19 reflète des préoccupations de l’époque perse. Il n’a pas existé comme un code juridique indépendant, mais a été révisé en fonction du contexte narratif et aussi en dialogue avec les deux autres codes. La partie qui a peut-être existé d’une manière indépendante est celle des מִּשְׁפָּטִים mišpātîm (Ex 21,1-22,14) qui sont inspirés du droit mésopotamien ; ils ont à leur tour inspiré les auteurs du CD qui, sur la base des מִּשְׁפָּטִים mišpātîm, ont élaboré une nouvelle collection législative. La cohabitation des trois codes dans la même Torah inscrit le principe herméneutique de l’actualisation et de la cohabitation de perspectives juridiques différentes à l’intérieur de la Torah.

Ex 32-34 : Le veau d’or : rupture et renouvellement de l’alliance et construction du sanctuaire en Ex 25-31 et 35-40

L’histoire du veau d’or est la suite narrative de l’histoire de la conclusion d’alliance au chapitre 24 qui se termine avec la montée de Moïse vers Yhwh sur la montagne. Cette indication de la longue durée du séjour de Moïse sur la montagne est présupposée au début du chapitre 32, où le peuple s’inquiète de la longue absence de Moïse.

Cette suite logique est interrompue dans le livre de l’Exode par les chapitres 25-31 qui contiennent des instructions que Yhwh donne à Moïse pour construire un sanctuaire mobile. Selon ces chapitres qui proviennent indubitablement de P, Moïse en aurait reçu le plan ou le modèle lors de son séjour sur la montagne après l’histoire du veau d’or et de la redéfinition de la relation entre Yhwh et Israël. Les chapitres 35-40 relatent la construction du sanctuaire et se terminent par l’entrée du כְבוֹד kāb̲ôd de Yhwh dans le sanctuaire.

L’histoire du veau d’or est longue et complexe ; elle ne se termine pas entièrement à la fin du chapitre 32, mais se poursuit par le chapitre 33, qui contient une longue discussion entre Yhwh et Moïse et se termine par la « vue de dos de Yhwh » par Moïse, puis le chapitre 34 qui relate la fabrication de deux nouvelles tables de pierre sur lesquelles sera inscrit un résumé du décalogue et du code d’alliance.

a) On peut reconstruire la version originelle de l’histoire du veau d’or en 32,1-6 ; 15-16 ; 19-20. On peut se demander si l’extermination d’environ 3 000 personnes par les Lévites faisait déjà partie du récit primitif ou a été ajoutée après coup.

Si, dans cette version, la figure d’Aaron a toujours eu sa place, elle ne peut guère être pré-sacerdotale, en tout cas si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle Aaron apparaît pour la première fois dans des textes « P ». Vu le rôle ambigu d’Aaron, on ne peut guère attribuer ces versets à un rédacteur P. Comme nous allons le voir, il s’agit dans le récit de base d’une réflexion narrative sur la chute du royaume d’Israël et sur la nécessité d’un culte aniconique de Yhwh.

b) La discussion avec Aaron dans laquelle celui-ci se justifie (v. 21-25) a peut-être été ajoutée par un rédacteur d’un milieu sacerdotal pour disculper le premier des prêtres d’Israël.

c) Les v. 30-34, qui insistent sur le fait que chacun est sanctionné en fonction de son péché et contiennent l’annonce d’un ange menant le peuple dans le pays ainsi que l’annonce d’un jugement à venir, sont peut-être attribuables à une rédaction de l’Hexateuque, voire de l’Ennéateuque (allusion à la conquête, et peut-être à la chute de Jérusalem).

d) La discussion entre Yhwh et Moïse et l’intercession de ce dernier en 7-14 soulignent le rôle de Moïse comme intercesseur, et sont sans doute à mettre au compte de la rédaction du Pentateuque.

Dans sa forme actuelle, l’histoire du veau d’or est une fable sur ce que l’on peut appeler « le péché originel » d’Israël, à savoir la vénération de Yhwh à l’aide d’une statue (bovine). Ceci devient encore plus évident si on lit l’histoire après celle de la conclusion d’alliance en Ex 24, où, nous l’avons vu, le peuple est en quelque sorte devenu « un peuple sacerdotal » ou, au moins, un peuple se trouvant dans une relation d’immédiateté avec Yhwh. L’histoire du veau d’or explique donc aussi pourquoi Israël a en quelque sorte perdu sa virginité, pourquoi il n’a pas pu garder ce statut exceptionnel. D’une certaine manière, l’histoire de la première alliance et du veau d’or est construite pour Israël comme l’est, dans le livre de la Genèse, l’histoire de l’expulsion du paradis qui s’applique, elle, à toute l’humanité.

D’où vient l’idée de représenter Yhwh par un jeune taureau ?

Une interprétation populaire consiste à y voir un lien avec l’Égypte, où la déesse Hathor est représentée comme une vache et le dieu Apis par un taureau, comme on le voit p. ex. sur une stèle de l’époque de Psammétique (634 avant notre ère). Cependant, la narration ne mentionne nulle part que le peuple aurait été séduit par des dieux égyptiens. Il est cependant possible que l’influence de l’art et de l’iconographie égyptiens en Juda ait pu aussi susciter de telles associations.

Si l’on part de l’hypothèse que c’est l’histoire de 1 Rois 12 qui a influencé celle d’Ex 32, il faut plutôt penser à une influence du Nord, d’autant plus que d’autres textes en dehors de 1 Rois 12, notamment ceux du livre d’Osée, attestent la vénération de Yhwh sous forme bovine en Israël.

Si Aaron sert, dans le récit du veau d’or, de prototype pour le roi Jéroboam, Moïse devient le premier « réformateur » cultuel et ainsi le précurseur du roi Josias. Le mélange et les actes de destruction ne semblent pas toujours très logiques et l’on a utilisé le récit pour faire de Moïse un alchimiste, mais l’apparente incohérence s’explique par le caractère rhétorique du texte qui veut insister sur une destruction totale.

Les Lévites apparaissent en Ex 32 comme des yahwistes zélés intransigeants qui sont prêts à se dresser contre leur propre famille pour rester loyaux envers Yhwh. Dans le contexte d’Ex 32, les Lévites sont opposés à Aaron qui apparaît comme faible et « idolâtre », tandis qu’eux sont présentés comme étant les vrais champions de Yhwh. Derrière ce texte se reflète alors un conflit à l’intérieur du clergé à l’époque perse, entre Aaronides et Lévites.

Au moment de l’alliance renouvelée, Moïse apparaît avec des « cornes ». :

« Quand il descendit de la montagne, il ne savait pas, lui, Moïse, que la peau de son visage était devenue rayonnante en parlant avec le Seigneur. » Cette traduction de la TOB correspond à la plupart des traductions du texte hébreu dans les langues modernes; cependant la traduction latine n’avait pas compris «rayonnant» mais «cornu», et se trouve ainsi à l’origine d’un motif qui se retrouve à travers toute l’histoire de l’art, du Moyen Âge jusqu’à nos jours.

Les commentaires et d’autres études expliquent souvent que toute cette idée de cornes est exclusivement liée à une mauvaise interprétation du texte hébreu. Mais ceci n’est pas vraiment sûr. Au contraire, que le récit hébreu joue sur l’ambiguïté: le verbe קָרַן «qaran» peut en effet signifier «rayon-ner» ou «être cornu». Donc pour un auditeur hébreu les deux significations se mélangent.A-t-il pris la place du taureau ? D’une certaine façon, c’est le cas ; il est le médiateur visible entre Yhwh et Israël ; il n’est certes pas la représentation de Yhwh, mais il demeure définitivement son meilleur représentant.

Dans cette fonction, il fait construire le sanctuaire mobile dans lequel le culte et les prêtres trouveront leur place (voir l’installation des prêtres au chapitre 9 du Lévitique). Dans l’alliance renouvelée, le culte sacrificiel qui occupera un rôle important (presque toute la première partie du livre du Lévitique lui est consacrée) est réservé aux prêtres. La promesse faite à Israël de devenir un peuple de prêtres est ainsi modifiée.

Ajouter un commentaire

Anti-spam