La relation entre Moïse et Aaron.

 

Moi se et aaraon

Il ne fait aucun doute que Moïse est la figure humaine la plus importante de la Torah, ce qui pourrait presque être compris, comme le suggère Rolf Knierim, pour une « biographie de Moïse ». En effet, le livre de l’Exode commence par le récit de la naissance de Moïse au chapitre 2, et le dernier chapitre du Pentateuque, Dt 34, rapporte la mort de Moïse ; de sorte que les livres de l’Exode au Deutéronome se trouvent liés par la vie de Moïse et couvrent, sur le plan narratif, les 120 ans de sa vie. Si le Pentateuque peut être compris comme une vie de Moïse, le livre de la Genèse constituerait une sorte de prologue à l’histoire de Moïse. On rencontre, bien sûr, d’autres acteurs dans les livres de l’Exode dans le Deutéronome, et en particulier Aaron, bien qu’il apparaisse qu’après l’appel de Moïse dans Exode 4 ; et d’une manière tout à fait inattendue et non préparée. Quand on lit le chapitre 2 du livre de l’Exode, on peut en effet se trouver perplexe, car le texte n’avait pas encore mentionné que Moïse avait un frère. Dans l’histoire de la naissance de Moïse dans Exode 2, on ne rencontre aucune allusion à un frère aîné. Au contraire, Moïse semble être le premier-né. Il demeure également tout à fait clair que l’apparition de la sœur dans Exode 2 est due à un rédacteur ultérieur. Celui-ci a voulu montrer que Moïse ne fut pas abandonné par sa famille lorsqu’il fut découvert par la fille de Pharaon. L’insertion de la sœur dans le récit de l’adoption de Moïse par la princesse égyptienne pose un problème chronologique. En effet, Moïse ne reçoit son nom qu’après que sa mère l’a ramené de l’allaitement, ce qui prend normalement plusieurs mois. Cela signifie que l’histoire originale figura racontée à propos d’un Moïse sans frère ni sœur aînés. Fait intéressant, lorsque Moïse accomplit le miracle de l’ouverture de la mer, afin que les Israélites puissent la franchir dans Exode 14, on ne trouve aucune mention d’Aaron. Pourtant celui-ci demeure une figure principale dans les négociations avec Pharaon et dans les histoires de lèpre.

Ces observations ont amené Thomas Römer à émettre cette hypothèse pertinente : n’existait-il pas un récit plus ancien et plus court, un récit plus restreint qui n’abordait que les sujets concernant Moïse ; comme sa naissance, sa fuite à Madian, son appel là-bas par YHWH et son retour en Égypte, ainsi que le miracle qu’il produit en séparant les eaux de la mer. Si ce chercheur a vu juste, on doit se demander comme lui la raison de cette introduction dans l’histoire de Moïse, et aussi qui l’a introduit. Nous devons de même prendre en compte et expliquer le fait suivant : plusieurs textes des livres de l’Exode, du Lévitique et des Nombres présentent Aaron comme demeurant sous l’autorité de Moïse. Par contre, l’on rencontre d’autres textes qui semblent lui conférer un rôle plus important. Quelles réponses peut-on apporter à cette divergence relationnelle entre Moïse et Aaron ? L’hypothèse la plus courante réside en ce que derrière les personnages de Moïse et d’Aaron, figurent différents groupes de scribes. Ceux-ci ont rédigé et transmis chacun de leur côté des histoires qui figurèrent ensuite compilées pour former le Pentateuque. Pour examiner cette hypothèse, nous devons émettre quelques remarques sur la promulgation de la Torah.

La question de la promulgation de la Torah.

Dans la dernière décennie du XX siècle, Peter Frei postula l’existence d’une politique perse d ’« autorisation impériale » des codes de droits locaux. Il a suggéré que l’administration centrale achéménide aurait parfois accordé des documents juridiques locaux avec l’autorité impériale. La publication du Pentateuque et son acceptation comme loi dans Yehud (la Judée) devaient donc être considérées comme un exemple d’une telle autorisation impériale. Cette pratique aurait encouragé les Judéens à codifier leurs coutumes dans un document faisant autorité, qu’ils auraient par la suite ratifié. L’objectif général d’une telle autorisation impériale aurait suscité une certaine forme de coopération institutionnelle entre l’Empire perse et les provinces ; en accordant à ces dernières un certain degré d’autonomie locale tout en appliquant simultanément la règle du roi en matière juridique. Une telle autorisation impériale expliquerait aussi pourquoi le Pentateuque contient des textes différents et parfois contradictoires : les Perses n’autoriseraient qu’un seul document officiel pour la province de Judée.

Plusieurs érudits ont accepté la théorie selon laquelle une telle autorisation impériale a provoqué la publication du Pentateuque. Cependant, à y regarder de plus près, il n’apparaît pas évident qu’une telle autorisation ait vraiment existé. Les textes cités en faveur de cette hypothèse ne figurent d’ailleurs guère compatibles avec le Pentateuque, et il semble douteux que les Perses aient pris eux-mêmes l’initiative de donner un statut officiel à des traditions locales. Le seul parallèle partiel existerait avec la soi-disant codification du droit égyptien sous Darius Ier. Mais ce dernier cas apparaît tout à fait différent, et le texte sur lequel il se fonde ne réalise aucune mention de la codification du droit. Nous devons donc sans doute chercher des explications plus internes à sa création. Dans ce contexte, le Pentateuque est souvent considéré comme un document de compromis entre différentes écoles de scribes à Jérusalem au cours du quatrième siècle avant notre ère ou peut-être même plus tard. Différents groupes ont convenu de rassembler les différentes traditions qu’ils considéraient comme faisant autorité — par exemple, l’écriture sacerdotale — et de les combiner afin de créer un récit normatif ou un mythe fondateur des origines d’Israël. Ce récit normatif, s’il préservait des points de vue contradictoires, se trouvait néanmoins unifié par un cadre narratif complet s’étendant de l’origine du monde (Gen 1) à la mort du médiateur divin, Moïse (Dt 34). Moïse figurant sa figure principale. On prétend souvent que la Torah fut composée à Jérusalem. Cependant, une enquête archéologique récente sur la population de la Judée et de Jérusalem à l’époque perse révèle que Jérusalem n’était que très peu habitée à cette époque. Bien entendu, on ne peut exclure que quelques prêtres et scribes autour du temple aient suffi à composer le Pentateuque. Mais nous devons aussi tenir compte de la force politique et économique des diasporas babylonienne et égyptienne. Même si l’histoire d’Esdras apportant une « loi » de Mésopotamie à Jérusalem (Esdras 7) est totalement inventée, elle reflète d’une manière ou d’une autre l’implication de la diaspora babylonienne dans la compilation de la Torah. La décision de préférer un Pentateuque à un Hexateuque (voir article « l’histoire du canon tripartie ») et de mettre fin à la Torah avec la mort de Moïse hors du pays (Dt 34) plutôt qu’avec la conquête de Josué s’explique mieux comme une concession à la diaspora. La mort de Moïse, qui se produit selon la volonté de YHWH, montre qu’il n’apparaît pas nécessaire de vivre à l’intérieur de la terre promise ; la chose la plus importante réside dans le fait d’accepter la volonté et la loi de YHWH. Définir la Torah comme un Pentateuque plutôt qu’un Hexateuque revient de facto à reconnaître la réalité voire la légitimité du judaïsme diasporique. De même, l’histoire de Joseph dans Gen 37-50, apparaissait apparemment une création de la diaspora juive en Égypte. Voir d’un auteur qui demeurait sympathique à cette diaspora, qui fut ensuite incluse dans le Pentateuque comme une concession à cette diaspora. Il apparaît clair maintenant qu’il existait un sanctuaire (yahwistique) sur le mont Garizim, construit probablement après la réinstallation de Sichem ca. 480-475 avant notre ère. Si tel fut le cas, l’instruction de Deut 27:4 pour la construction d’un autel sur le mont Garizim, trouvée dans le Pentateuque samaritain et soutenue par un codex de l’ancien latin ; probablement introduite au moment de la composition du Pentateuque comme un moyen de reconnaître la légitimité de l’autel samarien nouvellement construit, entre groupes favorables à un Hexateuque ou voulant construire un Pentateuque. L’histoire de Joseph fut conçue dès le début comme un pont entre les patriarches et l’exode. Cependant, Jérusalem avec son temple fut peut-être le lieu où la compilation de la première édition de la Torah fut décidée pour la première fois, probablement en contact et en coopération avec des groupes de Samarie. Si l’on tente maintenant d’identifier plus précisément les acteurs impliqués, nous devons logiquement penser aux deux principales institutions de la Jérusalem perse : le temple et le conseil des laïcs présidant l’assemblée du temple. L’existence d’un conseil de laïcs à côté d’un collège sacerdotal semble attestée dans la correspondance entre Jérusalem et la communauté judéenne/israélite d’Éléphantine. Celle-ci mentionne, outre le gouverneur, « le grand prêtre Jochanan et ses collègues, les prêtres de Jérusalem » ainsi que « Ostanes, le frère d’Anani et les principaux hommes parmi les Juifs », mentionnés dans Esdras-Néhémie. Ezra 3:12 (MT) rend l’équation explicite avec sa phrase :

רָאשֵׁי הָאָבוֹת הַזְּקֵנִים

rašei ha-avovt hazekenim

« les chefs des [maisons] des pères, les Anciens. »

Significativement, dans Deut 31:9-13, la Torah, après avoir été écrite par Moïse, est confiée « aux prêtres, les Lévites, qui portent l’arche de l’alliance de YHWH, ainsi qu’aux anciens d’Israël » (31:9),

וַיִּכְתֹּב מֹשֶׁה אֶת־הַתּוֹרָה הַזֹּאת וַֽיִּתְּנָהּ אֶל־הַכֹּֽהֲנִים בְּנֵי לֵוִי הַנֹּשְׂאִים אֶת־אֲרוֹן בְּרִית יְהֹוָה וְאֶל־כׇּל־זִקְנֵי יִשְׂרָאֵֽל

Vaijihtov mošeh et-hatovrah hazot vaijitenah el hakohanim benei levi, hanoseim, et arovn berit Yavhé ve-el kol ziknei jizrael.

« Moshé écrit cette Torah. Il la donne aux prêtres, les Benei Léwi, les porteurs du coffre du pacte de IHVH-Adonaï, et à tous les anciens d’Israël. »

Ils ont pour tâche de le lire à toute la communauté tous les sept ans (31:10 — 13).

וַיְצַו מֹשֶׁה אוֹתָם לֵאמֹר מִקֵּץ ׀ שֶׁבַע שָׁנִים בְּמֹעֵד שְׁנַת הַשְּׁמִטָּה בְּחַג הַסֻּכּֽוֹת

Vajsav mošeh ovtam lemor mikes ševa šanim bemoed shenat hašemitah behag hasukovt.

10 : Moshé leur prescrit et dit : « Au bout de sept ans, au rendez-vous de l’année de relâche, à la fête des Cabanes,

בְּבוֹא כׇל־יִשְׂרָאֵל לֵֽרָאוֹת אֶת־פְּנֵי יהוה אֱלֹהֶיךָ בַּמָּקוֹם אֲשֶׁר יִבְחָר תִּקְרָא אֶת־הַתּוֹרָה הַזֹּאת נֶגֶד כׇּל־יִשְׂרָאֵל בְּאׇזְנֵיהֶֽם׃

 Bevov hol jizrael leraovt et-penei Yhavé eloheiha, bamakovm ašer jivhar tikra et hatovrah hazot neged kol jizrael beazeneihem.

11 : à la venue de tout Israël pour apparaître en face de IHVH-Adonaï ton Élohim, au lieu qu’il choisira, cette Torah en présence de tout Israël, à leurs oreilles.

הַקְהֵל אֶת־הָעָם הָֽאֲנָשִׁים וְהַנָּשִׁים וְהַטַּף וְגֵרְךָ אֲשֶׁר בִּשְׁעָרֶיךָ לְמַעַן יִשְׁמְעוּ וּלְמַעַן יִלְמְדוּ וְיָֽרְאוּ אֶת־יְהֹוָה אֱלֹהֵיכֶם וְשָֽׁמְרוּ לַעֲשׂוֹת אֶת־כׇּל־דִּבְרֵי הַתּוֹרָה הַזֹּֽאת׃

Hakhel et ha-am ha-anašim vehanašim vehataf, vegereha ašer bišareiha leman jišmeu uleman jilmedu vejareu et-Yhavé eloheihem, vešameru la-asovt, et-kol-divrei hatovrah hazot.

12 Rassemble le peuple, les hommes, les femmes, l’enfant et ton métèque qui sont en tes Portes, pour qu’ils entendent et pour qu’ils apprennent. Ils frémiront de IHVH-Adonaï votre Élohim, ils garderont, pour les faire, toutes les paroles de cette Torah.

וּבְנֵיהֶם אֲשֶׁר לֹא־יָדְעוּ יִשְׁמְעוּ וְלָמְדוּ לְיִרְאָה אֶת־יְהֹוָה אֱלֹהֵיכֶם כׇּל־הַיָּמִים אֲשֶׁר אַתֶּם חַיִּים עַל־הָאֲדָמָה אֲשֶׁר אַתֶּם עֹבְרִים אֶת־הַיַּרְדֵּן שָׁמָּה לְרִשְׁתָּֽהּ׃

Uveneihem ašer lo jadeu jišmeu velamedu, lejirah et-Yhavé eloheihem kol haijamim ašer atem haijim al ha-adamah, ašer atem overim et-haijarden šamah lerištah.

13 : Leurs fils qui ne savaient pas entendront, ils apprendront à frémir de IHVH-Adonaï votre Élohim, tous les jours où vous vivrez sur le sol vers lequel vous passez là le Yardène, pour en hériter. »

Cela ressemble à une tentative de réunir trois grands groupes impliqués dans la promulgation de la Torah. Selon Neh 8,13, :

וּבַיּוֹם הַשֵּׁנִי נֶאֶסְפוּ- רָאשֵׁי הָאָבוֹת לְכָל-הָעָם הַכֹּהֲנִים וְהַלְוִיִּם אֶל-עֶזְרָא הַסֹּפֵר וּלְהַשְׂכִּיל אֶל-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה:

Uvaijovm hašeni ne-esfu rašei ha-avovt lehol ham hakohanim vehalvijim, el ezra hasofer ulehaskil el divrei hatovrah.

« Le deuxième jour se réunissent les têtes de pères de tout le peuple, les desservants, les Lévi auprès de “Èzra, l’actuaire, afin de discerner dans les paroles de la Torah. »

Trois groupes se rassemblent autour d’Ezra afin de discerner, וַיָּבִינוּ vaijavinu (ils comprendront ou ils discerneront) (Néhémie 8,8)

וַיִּקְרְאוּ בַסֵּפֶר בְּתוֹרַת הָאֱלֹהִים, מְפֹרָשׁ; וְשׂוֹם שֶׂכֶל, וַיָּבִינוּ בַּמִּקְרָא.

Vaijikreu vasefer betovrat haelohim meforaš vesovm sehel, Vaijikreu vasefer betovrat haelohim meforaš vesovm sehel, vaijavinu bamikra.

« Ils crient l’acte de la Torah d’Élohim distinctement, y mettant de la perspicacité ; ils discernent (וַיָּבִינוּ vaijavinu) la criée. »

Ces trois groupes figurent les רָאשֵׁי הָאָבוֹת rašei ha-avovt « les têtes des pères », les prêtres et les Lévites. Cependant, divers passages du Pentateuque suggèrent une tentative par des groupes sacerdotaux de revendiquer l’autorité exclusive dans l’interprétation de la Torah. Ainsi, selon Deut 33,10 :

יוֹרוּ מִשְׁפָּטֶיךָ לְיַעֲקֹב וְתוֹרָתְךָ לְיִשְׂרָאֵל יָשִׂימוּ קְטוֹרָה בְּאַפֶּךָ וְכָלִיל עַֽל־מִזְבְּחֶֽךָ

 Jovru mišpateiha lejakov, vetovrateha lejizrael jasimu ketovrah beapeha, vehalil al mizbeheha.

Ils enseignent tes lois à Jacob et ta doctrine à Israël ; présentent l’encens devant ta face, et l’holocauste sur ton autel.

Ils ce sont les Lévis sacerdotaux parmi les fils de Jacob

Dans Lévitique 10, Aaron et ses fils se doivent de « séparer » entre saints et « profanes », impur et pur (v10)

וּֽלְהַבְדִּיל בֵּין הַקֹּדֶשׁ וּבֵין הַחֹל וּבֵין הַטָּמֵא וּבֵין הַטָּהֽוֹר

Ulahavdil, bein hakodeš uvein hahol uvein hatame uvein hatahovr.

Et de distinguer entre le saint et le profane, et entre l’impur et le pur.

Mais aussi pour « enseigner et communiquer toutes les lois » (v11) :

וּלְהוֹרֹת אֶת־בְּנֵי יִשְׂרָאֵל אֵת כׇּל־הַחֻקִּים אֲשֶׁר דִּבֶּר יְהֹוָה אֲלֵיהֶם בְּיַד־מֹשֶֽׁה

Ulehovrot et benei jizrael et kol hahukim, ašer diber Yhavé aleihem bejad mošeh.

Et instruire les enfants d’Israël dans toutes les lois que l’Éternel leur a fait transmettre par Moïse.

Ce passage demeure, avec Nb 18, le seul commandement divin du Pentateuque qui s’adresse exclusivement à Aaron. La conception des Aaronides comme enseignants de la Loi joue également un rôle important dans les écrits de la période hellénistique. À la fin de la période perse, le déclin rapide de l’influence de l’administration perse sur la région semble avoir conduit au développement du pouvoir et du statut du clergé sacerdotal à Jérusalem ; et notamment aux revendications politiques du grand prêtre. Cet aperçu indique que nous sommes en présence d’au moins trois groupes concurrents qui peuvent apparaître inclus dans le Pentateuque. Ceux-ci se réfèrent à des figures différentes : Moïse, qui reflète dans de nombreux cas les aspirations du conseil des laïcs ; Aaron, qui semble représenter la lignée sacerdotale, et les Lévites, qui sont apparentés à la figure de Koré dans certains textes du Pentateuque et revendiquent leur droit de lire et d’enseigner la Torah Moïse et Aaron.

Comme déjà mentionné, dans certains textes de l’Exode, Moïse apparaît seul sans son frère. Dans les textes où Moïse et Aaron figurent mentionnés ensemble, Moïse vient en premier dans environ 90 % de ces passages. Bien qu’Aaron apparaisse comme le frère aîné de Moïse, il est présenté comme le porte-parole de Moïse ou sous l’autorité de Moïse. La première pièce frappée au nom d’un grand prêtre de Jérusalem, un certain Yohanan, se trouve datée d’environ. 350 avant notre ère. Cela indique que la frappe des pièces de monnaie, et donc la perception des impôts, relevait à cette époque du contrôle du grand prêtre à Jérusalem.

Nous rencontrons, cependant, certains textes qui revendiquent une autorité supérieure pour Aaron. Par exemple la généalogie dans Exode 6 : 13-25, considérée par la plupart des érudits comme un insert sacerdotal tardif ; ceci dans un récit sacerdotal plus ancien de l’appel de Moïse (6:2-8*), où Moïse apparaît seul sans aucune mention d’Aaron. (Exode 6,10-13)

19 Le SEIGNEUR dit à Moïse : 11 « Va ! Parle au Pharaon, roi d’Égypte. Qu’il laisse partir les fils d’Israël de son pays ! » 12 Mais Moïse parla ainsi devant le SEIGNEUR : « Voici que les fils d’Israël ne m’ont pas écouté. Comment le Pharaon m’écouterait-il, moi qui suis incirconcis des lèvres ? » 13 Le SEIGNEUR parla à Moïse et à Aaron et leur communiqua ses ordres pour les fils d’Israël et pour le Pharaon, roi d’Égypte, en vue de faire sortir les fils d’Israël du pays d’Égypte.

Le fait que nous apparaissions ici en présence d’un ajout apparaît également démontré par la reprise du verset 12 au verset 30. Le verset 12 se lit comme suit : « Moïse a parlé devant YHWH : Les Israélites ne m’ont pas écouté ; comment alors Pharaon écoutera-t-il moi, je suis incirconcis des lèvres » et le verset 30 réitère, « Moïse a dit devant YHWH, je suis incirconcis des lèvres, comment Pharaon m’écouterait-il »

Cette liste, qui ressemble à première vue à une généalogie des douze fils de Jacob, ne va pas plus loin que Lévi, né troisième, et accorde une attention particulière à la progéniture de Lévi. Le verset 20 présente en effet Aaron comme le frère aîné de Moïse (sans toutefois mentionner Miriam). « Amram prit pour femme sa tante Yokèvèd ; elle lui enfanta Aaron et Moïse. » Fait intéressant, rien n’est dit sur la progéniture de Moïse, alors que les descendants d’Aaron sont présentés de manière détaillée. (V 23) « Aaron prit pour femme Elisabeth, fille de Amminadav, sœur de Nahshôn ; elle lui enfanta Nadav, Avihou, Eléazar et Itamar. »

L’auteur de la liste s’intéresse également aux Koréites qui, dans Nb 16-17, apparaissent en conflit avec Moïse et Aaron. (V, 24) « Et fils de Coré : Assir, Elqana et Aviasaf. Tels sont les clans des Coréites. »   Dans Exode 6:14-25, Aaron, Moïse et Koré sont tous des Lévites, mais l'accent est mis sur Aaron et sa lignée. Cela est particulièrement clair dans la remarque finale du verset 26 : « Voici Aaron et Moïse à qui YHWH dit : faites sortir les Israélites du pays d’Égypte, organisés en armées. » Dans ce verset, Aaron, contrairement à la plupart des textes de l’Exode, apparaît comme l’interlocuteur privilégié de YHWH, à qui il ordonne de faire sortir les Israélites d’Égypte, normalement la tâche de Moïse. Fait intéressant, cela fut corrigé immédiatement dans le verset suivant dans TM (texte des Massorètes), qui se lit comme suit : (V27) « Ce sont eux qui parlèrent à Pharaon, roi d’Égypte, pour faire sortir les Israélites d’Égypte, c’était Moïse et Aaron. » Dans TM, Moïse est mis en première position ; les rédacteurs ultérieurs ont apparemment voulu souligner la supériorité de Moïse sur Aaron.

Un phénomène similaire se produit dans Nb 18:1-24, qui est, avec Lv 10:8, le seul texte de la Torah dans lequel YHWH ne parle qu'à Aaron sans mentionner Moïse. Dans ce discours, YHWH accorde à Aaron et à ses fils un revenu perpétuel et des impôts sur les sacrifices à offrir par les Israélites. Ce passage présuppose l’histoire précédente sur le bâton d’Aaron. Selon cette histoire, le bâton d’Aaron figurait le seul bâton parmi ceux des douze tribus qui ont germé du jour au lendemain. Ici Aaron apparaît comme représentant de la tribu de Lévi, alors que Nb 18:1-24 postule clairement la supériorité d'Aaron et de ses fils sur les autres Lévites ; ils sont dits « assistants », mais qui ne peuvent s’approcher des ustensiles du sanctuaire ou l’autel (18:3). « Ils seront à ton service et au service de la tente tout entière, sans toutefois s’approcher des accessoires du sanctuaire ni de l’autel pour n’exposer personne à la mort, ni eux ni vous. »

Fait intéressant, à la fin du chapitre un passage fut ajouté (18:25-32), dans lequel YHWH ne parle plus à Aaron mais à Moïse. (V25) « Le SEIGNEUR dit à Moïse ».  D’une manière différente, ce passage stipule aussi la supériorité des Aaronides sur les Lévites ; en prétendant que les Lévites devaient aussi recevoir une dîme des Israélites, mais qu’ils devaient aussi donner une dîme de leurs revenus à Aaron et à ses fils. L’idée d’une dîme des Lévites n’apparaît dans la Bible hébraïque que dans Neh 10:39 : « Un prêtre, fils d’Aaron, sera avec les lévites quand ils prendront la dîme, et les lévites prélèveront la dîme de la dîme pour la Maison de notre Dieu et l’apporteront dans les chambres de la maison du trésor. » Cela peut refléter une réalité du Second Temple à la fin de la période perse ou au début de la période hellénistique. Dans Nb 18, ce sujet demeure introduit par un discours de YHWH à Moïse, de sorte qu’à la fin du chapitre 18, sa position de leader est à nouveau confirmée.

Exode 6 et Num 18 semblent refléter une lutte entre Aaron (et le groupe derrière lui) et Moïse (et le groupe derrière lui). Les deux textes affirment également la supériorité d’Aaron et de sa progéniture sur les autres Lévites. Nous découvrons cependant, quelques textes dans le Pentateuque qui reflètent les tentatives des Lévites de contester la supériorité d’Aaron et de sa progéniture. Num 18, appartiens à une rédaction théocratique (« theokratische Bearbeitung ») qui appartient aux dernières couches du livre des Nombres et figure ajoutée lorsque le Pentateuque était presque terminé.

Lévites contre les Aaronides

Ce conflit apparaît en Nb 16, où les Lévites associés à Koré contestent les prérogatives sacerdotales d’Aaron. Koré qui se trouve également mentionné dans Exode 6 apparaît en Nb 16 comme le chef des Lévites qui revendiquent le sacerdoce contre Aaron, ceux-ci apparaissent durement condamnés par Moïse :

Alors Moïse dit à Koré : « Écoutez donc, Lévites ! Est-ce trop peu pour vous que le Dieu d’Israël vous ait séparés de l’assemblée d’Israël, pour vous permettre de vous approcher de lui afin d’accomplir les devoirs du tabernacle de l’Éternel, et de te tenir devant l’assemblée et de la servir ? Il t’a permis de l’approcher, ainsi que tous tes frères Lévites avec toi, mais tu cherches aussi le sacerdoce ! »

Ce chapitre apparut récemment analysé de manière convaincante par Jaeyoung Jeon. Ce dernier a montré que la couche Koré-Lévites demeure la dernière révision de Num 16 et qu’elle reflète le rejet des tentatives des Lévites Koréites d’obtenir un statut sacerdotal. Cette couche de Num 16 peut donc, comme l’a démontré Jeon, être attribuée à une rédaction d’Aaronide ou de Zadokide. Dans Nb 16, Moïse et Aaron figurent solidaires contre les tentatives de remise en cause de leur statut particulier et de leurs prérogatives.

Nous trouvons cependant dans le Pentateuque un texte où les Lévites sont présentés sous un meilleur jour qu’Aaron : l’histoire du veau d’or dans Exode 32. Dans cette histoire, Aaron apparaît dans un rôle ambigu (au mieux), car il est présenté comme le créateur du veau d’or et l’inventeur de l’idolâtrie. (EX 32, 1,5)

Le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne ; le peuple s’assembla près d’Aaron et lui dit : « Debout ! Fais-nous des dieux qui marchent à notre tête, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Égypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. » 2 Aaron leur dit : « Arrachez les boucles d’or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. » 3 Tout le peuple arracha les boucles d’or qu’ils avaient aux oreilles, et on les apporta à Aaron. 4 Ayant pris l’or de leurs mains, il le façonna au burin pour en faire une statue de veau. Ils dirent alors : « Voici tes dieux, Israël, ceux qui t’ont fait monter du pays d’Égypte ! » 5 Aaron le vit et il bâtit un autel en face de la statue ; puis Aaron proclama ceci : « Demain, fête pour le SEIGNEUR ! »

En raison de la relation intertextuelle claire de ce chapitre avec 1 Rois 12, où Aaron, figure représenter comme un précurseur de Jéroboam. Celui-ci, selon l’édition Dtr des livres des Rois, a commis le péché originel du Royaume du Nord en introduisant l’idolâtrie et des sanctuaires autres que Jérusalem. (1 R, 12,28) : Le roi Jéroboam eut l’idée de faire deux veaux d’or et dit au peuple : « Vous êtes trop souvent montés à Jérusalem ; voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte. »

Dans Exode 32:21, Moïse critique également Aaron pour avoir amené un péché sur le peuple : « Moïse dit à Aaron : qu’est-ce que ce peuple t’a fait ». Les traductions bibliques suivent la NRSV, sauf que « le Seigneur » se retrouva remplacé par « YHWH ». Dans le récit parallèle de l’histoire dans Deut 9, il apparaît explicitement dit que YHWH était en colère contre Aaron et voulait le détruire et celui-ci n’apparut sauvé que par l’intercession de Moïse (9 h 20). « Contre Aaron aussi, le SEIGNEUR s’est mis dans une violente colère jusqu’à vouloir l’exterminer, alors j’ai prié aussi pour Aaron. » 

Dans Exode 32, l’image négative d’Aaron est mise en contraste avec l’apparition des Lévites. Ceux-ci sont présentés comme le seul groupe qui figurait du côté de YHWH et de Moïse (32:26) : « Alors Moïse se tint à la porte du camp, et dit : qui est du côté de YHWH ? Viens à moi ! Et tous les fils de Lévi s’assemblèrent autour de lui ». Ici, les Lévites, qui semblent belliqueux et tuent des milliers d’idolâtres, s’opposent à l’idolâtre Aaron. Moïse confirme alors « l’ordination » des Lévites (32:29) :

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה מִלְאוּ יֶדְכֶם הַיּוֹם לַֽיהֹוָה כִּי אִישׁ בִּבְנוֹ וּבְאָחִיו וְלָתֵת עֲלֵיכֶם הַיּוֹם בְּרָכָֽה

Vaijomer mošeh milu jedhem haijovm lašem, ki iš bivnov uveahiv velatet aleihem haijovm berahah.

« Moïse dit : aujourd’hui vous vous êtes ordonnés pour le service de YHWH, chacun au prix d’un fils ou d’un frère, et vous avez ainsi apporté une bénédiction sur vous aujourd’hui. ».

Ce qui est traduit ici par « ordonné » est מִלְאוּ יֶדְכֶם milu jedhem « tes mains ont été remplies » c’est exactement la même expression utilisée dans Exode 28:41 pour l’ordination d’Aaron et de ses fils. וּמִלֵּאתָ אֶת־יָדָם umileta et jadam « Et tu as rempli leur main ». Cela signifie que le passage d’Exode 32 veut revendiquer pour les Lévites les mêmes droits que pour les Aaronides. On pourrait donc comprendre la montée des Lévites selon Exode 32 comme « un remplacement à la direction d’Aaron ». Nous ne trouvons pas de consensus sur la stratification et la date d’Exode 32. Le texte apparaît probablement plus ancien que la sévère condamnation des Lévites dans Nb 16. 34. Son intégration dans la version Exode de l’histoire (fait intéressant, cet épisode ne figure pas mentionné dans 9-10 DT) reflète néanmoins aussi la tentative d’introduire dans la Torah des notes critiques sur le sacerdoce aaronide. On peut donc soupçonner qu’Exode 32 se trouva au moins révisé par le même groupe lévitique qui est critiqué dans Nb 16.

La supériorité de Moïse sur Aaron

L’introduction d’Aaron en tant que frère de Moïse a lieu dans Exode 4 : 13-15 : Il dit : « Je t’en prie, Seigneur, envoie-le dire par qui tu voudras ! » 14 La colère du SEIGNEUR s’enflamma contre Moïse et il dit : « N’y a-t-il pas ton frère Aaron, le lévite ? Je sais qu’il a la parole facile, lui. Le voici même qui sort à ta rencontre ; quand il te verra, il se réjouira en son cœur. 15 Tu lui parleras et mettras les paroles en sa bouche. Et moi, JE SUIS avec ta bouche et avec sa bouche et je vous enseignerai ce que vous ferez.

On retrouve un supplément post-sacerdotal à l’appel de Moïse dans Exode 3. 3-5 : Moïse dit : “Je vais faire un détour pour voir cette grande vision : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ?” 4 Le SEIGNEUR vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : “Moïse ! Moïse !” Il dit : “Me voici !” 5 Il dit : “N’approche pas d’ici ! Retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.”

Au chapitre 4, l’on traite des doutes de Moïse sur le succès de sa mission. Premier signe que YHWH accomplit pour Moïse, la transformation de son bâton en serpent. Cela prépare le lecteur au prologue du récit de la peste, tout comme l’annonce de YHWH à Moïse que les eaux du Nil se transformeront en sang. À la fin, Moïse n’est toujours pas convaincu et demande à YHWH de trouver quelqu’un d’autre. YHWH se fâche contre Moïse. (Exode 4:14-17)

Alors la colère de YHWH s’enflamma contre Moïse et il dit : “Et ton frère Aaron le Lévite ? . Tu lui parleras et tu mettras les paroles dans sa bouche, et je serai avec ta bouche et avec sa bouche, et je t’enseignerai ce que tu feras bouche pour toi, et tu seras Dieu pour lui. Prends dans ta main ce bâton, avec lequel tu feras les miracles.”

Tout d’abord, il semble intéressant qu’Aaron apparaisse décrit ici comme un lévite et non comme un prêtre. Apparaissons-nous en présence d’une tentative de déclassement d’Aaron ou une tentative d’intégrer les Lévites dans le sacerdoce israélite ? En tout cas, la fonction d’Aaron figure ici décrite comme celle d’un prophète, d’un porte-parole. Moïse mettra les paroles de YHWH qu’il reçoit dans la bouche d’Aaron. Cette description du rôle d’Aaron déclenche la déclaration selon laquelle Moïse sera “dieu” pour Aaron (Exode 4 : 16) :

וְדִבֶּר־הוּא לְךָ אֶל־הָעָם וְהָיָה הוּא יִֽהְיֶה־לְּךָ לְפֶה וְאַתָּה תִּֽהְיֶה־לּוֹ לֵֽאלֹהִֽים

Vediber hu leha el ha-am vehajah hu jihjeh leha lefeh, veatah tihjeh lov lelohim.

« Lui parlera pour toi au peuple, il sera ta bouche et tu seras son dieu ».

La description d’Aaron en tant que prophète de Moïse apparaît également dans Exode 7:1, où Moïse demeure également qualifié de “dieu”, mais ici en ce qui concerne Pharaon :

וַיֹּאמֶר יְהֹוָה אֶל־מֹשֶׁה רְאֵה נְתַתִּיךָ אֱלֹהִים לְפַרְעֹה וְאַהֲרֹן אָחִיךָ יִהְיֶה נְבִיאֶֽךָ

Vaijomer yhavéh el-mošeh, reh netatiha elohim lefaroh veaharon ahiha jihjeh nevieha.

“YHWH dit à Moïse : Vois, je t’ai établi Dieu pour Pharaon, votre frère Aaron sera votre prophète.”

La qualification d’Aaron en tant que prophète est liée aux textes dans lesquels Moïse apparaît décrit. Dans Nb 12:6-8, YHWH met Moïse au-dessus de toutes les autres médiations : « Quand il y a des prophètes parmi vous, moi, YHWH, je me fais connaître d’eux par des visions, je leur parle en songe. Il n’en est pas de même de mon serviteur Moïse, à qui est confiée toute ma maison. Il voit la forme de YHWH” (Nb 12, 6-8).

Dans l’histoire suivante, Nombre 12 quand Miriam est frappée de lèpre, Aaron, le prêtre, ne peut que constater que Miriam est devenue lépreuse ; il ne peut même pas prononcer la quarantaine. Il demande à Moïse de la guérir en l’appelant בִּי אֲדֹנִי bi adoni “mon Seigneur”. (Nb 12,11)

וַיֹּאמֶר אַהֲרֹן אֶל־מֹשֶׁה בִּי אֲדֹנִי אַל־נָא תָשֵׁת עָלֵינוּ חַטָּאת אֲשֶׁר נוֹאַלְנוּ וַאֲשֶׁר חָטָֽאנוּ

 Vaijomer aharon el mošeh bi adoni, al na tašet aleinu hatat, ašer novalnu va-ašer hatanu.

Aaron dit à Moïse : “Oh ! mon seigneur, je t’en prie, ne fait pas retomber sur nous le péché que nous avons commis, insensés, et pécheurs que nous sommes !”

Seul Moïse peut prier YHWH, qui l’instruit sur le temps d’exclusion du camp. Aaron apparaît dépeint comme incapable d’accomplir ses fonctions sacerdotales et dépendant totalement de Moïse. On peut donc conclure qu'Exode 4:1-17 et Nb 12 trouvent leur origine dans le contexte du groupe de laïcs qui considérait Moïse comme leur ancêtre et comme le seul véritable médiateur. En composant de tels textes, ils ont apparemment voulu contrer d’autres textes comme Nb 18, où Aaron reçoit une communication divine directe et où sa fonction sacerdotale est présentée comme la plus importante en Israël.

Pourtant, Num 12 transfère la fonction sacerdotale à Moïse, et un transfert similaire peut être observé dans Exode 4:17, où Moïse prendra un “bâton”.

וְאֶת־הַמַּטֶּה הַזֶּה תִּקַּח בְּיָדֶךָ אֲשֶׁר תַּעֲשֶׂה־בּוֹ אֶת־הָאֹתֹֽת

Ve-et hamateh hazeh tikah bejadeha ašer ta-aseh bov et haotot. 

Quant à ce bâton, prends-le en main ! Avec lui, tu feras les signes.

Le même bâton qui figure mentionné à propos de Moïse pour le premier temps dans Exode 4:2 apparaît également dans la main de Moïse dans le récit de la séparation de la mer, dans Exode 14,16. YHWH dit à Moïse de lever son bâton et de lever ses mains pour diviser les eaux, reste de l’histoire, cependant, Moïse lève seulement la main et le bâton ne se trouve plus jamais mentionné. On peut donc conclure que cette mention du bâton apparaît une insertion ultérieure. Dans l’histoire de la peste dans Exode 7,9, le bâton demeure clairement celui d’Aaron.

כִּי יְדַבֵּר אֲלֵכֶם פַּרְעֹה לֵאמֹר תְּנוּ לָכֶם מוֹפֵת וְאָמַרְתָּ אֶֽל־אַהֲרֹן קַח אֶֽת־מַטְּךָ וְהַשְׁלֵךְ לִפְנֵֽי־פַרְעֹה יְהִי לְתַנִּֽין

Ki jedaber alehem paroh lemor, tenu lahem movfet veamarta el-aharon kah et-mateha vehašleh lifnei-faroh jehi letanin

“Si le Pharaon vous parle ainsi : faites donc un prodige, — tu diras à Aaron : Prends ton bâton, jette-le devant le Pharaon, et qu’il devienne un dragon !”

Comme aussi dans Nombres 17 : 16-26. Dans les textes tardifs, ce bâton sacerdotal figure transféré à Moïse afin de lui conférer également le symbole du pouvoir sacerdotal et magique.

Une courte conclusion

Des preuves externes d’Éléphantine et de certains textes bibliques conduisent à l’hypothèse que nous devrions distinguer au moins trois groupes principaux. Ceux-ci furent impliqués dans la compilation du Pentateuque, indépendamment des voix de la diaspora samaritaine et Égyptienne. 

(1) Un groupe laïc, qui peut être reflété dans certains textes qui mettent en avant le rôle des Anciens et dans d’autres avec les chefs des maisons des pères, et qui considèrent Moïse comme leur fondateur.

(2) Un groupe sacerdotal, qui considérait Aaron comme son ancêtre.

(3) Un groupe de Lévites, qui ont essayé de maintenir leurs privilèges. Les récits sur les conflits ou les tensions entre Moïse, Aaron et les Lévites semblent refléter les tensions entre ces groupes au cours de la période perse et peut-être au début de la période hellénistique. La plupart des textes, en particulier ceux attribués à P dans l’Exode et le Lévitique, semblent refléter un compromis entre le groupe laïc et le groupe sacerdotal. Dans ces textes, Moïse et Aaron agissent ensemble, bien que Moïse se trouve dans presque tous les passages en première position. Mais apparemment, un certain désaccord à propos de ce compromis existait : dans Exode 32, les Lévites prétendent demeurer plus proches de Moïse que les Aaronides. Nombres 16 rejette fermement les prétentions lévitiques et confirme les prérogatives sacerdotales d’Aaron. Le groupe aaronide a également réalisé quelques tentatives pour mettre Aaron sur Moïse dans des textes tardifs du livre des Nombres et dans un ajout à un texte P dans Exode 6. D’autres textes, probablement écrits dans le milieu du groupe laïc, ont répondu à ces textes par soulignant la supériorité de Moïse sur Aaron, affirmant que Moïse était “dieu” pour Aaron et Aaron son prophète. Nombres 12 suggère également que le pouvoir sacerdotal d’Aaron a besoin du soutien de Moïse. Le pouvoir sacerdotal de Moïse se trouve finalement accentué en transformant le bâton d’Aaron en bâton de Moïse.

Le Pentateuque apparaît à cet égard non seulement comme un compromis mais aussi comme le récit de conflits de scribes qui ne furent jamais totalement résolus. La seule solution restait de conserver différentes revendications à l’intérieur d’un même document. Pourtant, l’épitaphe sur Moïse comme médiateur incomparable qui figure dans DT 34, 10-12, réalise de la figure de Moïse l’acteur humain le plus important de la Torah, qui ne peut demeurer vaincu ni par Aaron ni par les Lévites.

Ajouter un commentaire

Anti-spam