Un concile à Jérusalem

 

Concile

Jésus est juif sa famille est juive ses disciples sont juifs et il ne semble pas de son vivant avoir d’autres horizons qu’Israël. Les évangiles d’ailleurs prêtent à Jésus des paroles catégoriques d’hostilité aux païens. Or après sa mort d’abord timidement puis de façon délibérée ses partisans vont aller vers les païens et s’ouvrir aux non juifs.

Avant tout une remarque sur ce que dit Jésus : « aller seulement vers le peuple d’Israël ». Ce qui figure intéressant c’est que les chercheurs qui travaillent sur les différentes strates du processus rédactionnel disent d’ordinaire quand vous rencontrez ces phrases très embarrassantes, c’est que vous vous trouvez en présence d’une tradition authentique. Mais quand vous découvrez des paroles contre Israël, c’est nécessairement plus tardif peut-être après la chute du temple en 70 de notre ère.

On ne peut pas vraiment connaître la biographie de Jésus. C’était un homme de Galilée, il a voyagé de Galilée à Jérusalem, et je pense qu’il n’a jamais eu l’occasion de croiser des gentils, et donc on ne sait pas vraiment comment il aurait réagi.

On rencontre dans Matthieu deux paraboles assez étonnantes de Jésus. À la fin de l’évangile de Matthieu il est explicitement dit : « aller et de toutes les nations faites des disciples », mais dans ce même évangile, quand Jésus envoie les douze en mission il dit : « ne prenez pas le chemin des païens n’entrez pas dans une ville de samaritains aller plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël ». Au cours d’une autre rencontre que l’on découvre au chapitre 15 du même évangile de Matthieu avec un parallèle dans Marc, on se trouve face à une femme cananéenne, par conséquent une païenne, et celle-ci suit Jésus et le groupe des disciples. Cette femme se trouve pénible, et elle insiste en réclamant une guérison pour sa fille tourmentée par un démon ; les disciples agacés demandent à Jésus de renvoyer cette femme en lui accordant ce quelle veut. Jésus donne alors une réponse très dure à l’encontre de cette femme et il semble même méprisant ; a-t-elle point que les prédicateurs « modernes » ont toutes les peines du monde à expliquer et commenter sans vraiment y parvenir ces paroles de Jésus ; que dit-il : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. » Pourtant cette femme l’implore au moins autant que toutes les personnes « juifs » que Jésus a guéries auparavant, et Jésus reste inflexible.

Pourquoi cette attitude ?

Dans l’évangile de Matthieu, on rencontre un verset au chapitre 12 versets 5 & 6 « Tels sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions suivantes : n’allez pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des samaritains ; 6 allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. » et à la fin de l’évangile Jésus ordonne une mission universelle. On trouve là un changement radical. Manifestement, l’évangile de Matthieu finalement laisse à penser que l’on est allés chez les païens parce que cela a raté avec les juifs. C’est une façon de concevoir les choses. Pour l’évangile de Matthieu, Jésus est venu pour les juifs. Mais c’est la vision de Matthieu qui écrit entre 70 et 80 voir 85 de notre ère. On considère généralement que cet évangile figure l’œuvre d’un auteur principal, avec des modifications apportées par un ou plusieurs rédacteurs ultérieurs, le style (en grec) changeant d’écriture le trahit. En tout état de cause, la paternité de l’apôtre Matthieu n’est généralement pas retenue aujourd’hui. Le milieu d’origine dans lequel ce texte fut produit demeure juif et essentiellement juif ; il prône l’application intégrale de la Torah, à la suite du maître [Jésus] qui n’est pas venu l’abolir, mais l’accomplir (Mt 5,17). L’auteur se considère comme un Juif détenteur de la véritable interprétation de la Torah, fidèle à la volonté divine révélée par Jésus qu’il déclare être « le Messie et le Fils de Dieu. » (Matthieu 16.13-28), mais Jésus qui semble l’accepter demande tout de suite de le taire et ne pas divulguer la chose. C’est étrange !

Donc la véritable question à se poser se trouve  être : comment apparaît-il possible que des gens d’origine juive, si par toute leur formation par toute leur manière d’être persuadé de l’importance de la communauté juive, ont pu s’ouvrir à d’autres ?

La question demeure bien sûr de comprendre pourquoi des gens comme Jacques ou Pierre ne se sont pas contentés de prêcher leur foi en Jésus le Messie uniquement parmi les juifs. Pourquoi se sont-ils mis à prêcher parmi les gentils ? Je crois que la réponse apparaît très simple. Rappelons-nous que moins de deux générations après le début de l’exil des juifs dans la diaspora c’est-à-dire 600 ans avant l’ère chrétienne, deux phénomènes importants marquaient la vie des juifs. C’est on peut dire les deux faces de la même médaille. La première, mais on n’entrera pas dans cette discussion ici c’était la haine portée par beaucoup de peuples voisins pour les juifs, l’antisémitisme bien que le terme apparaîtra inventé par un Allemand il y a un peut plus d’un siècle, mais ne pinaillons pas sur la terminologie. L’autre face au contraire restait l’admiration totale non seulement pour les juifs, mais pour le judaïsme et le mode de vie juif qui est né dans un grand mouvement de judaïsations de prosélytes comme on peut le découvrir dans les derniers livre de la l’Ancien Testament. Dans les prophéties d’un anonyme et dans les prophéties d’Isaïe rassemblées dans les chapitres 40 à 66 du livre d’Isaïe, dans les écrits du dernier prophète Malchie, et dans le livre d’Esther on peut y voir cette attirance des gentils pour le judaïsme. Si vous reprenez cette page merveilleuse du début du chapitre 60 d’Isaïe que l’on appelle de deutéro-Isaïe c’est-à-dire l’Isaïe de l’exil.

« 01 Debout, Jérusalem, resplendit ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. 02 Voici que les ténèbres couvrent la Terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. 03 Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. 04 Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. 05 Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. »

Qu’est-ce que l’on attend aux derniers jours, n’ont pas qu’Israël aille vers, mais que les nations montent vers Jérusalem. Donc vous rencontrez au sein du judaïsme palestinien, deux courants. On rencontre ceux qui refusent qu’on s’occupe des autres des païens, et que l’on ne s’occupe que des brebis d’Israël, et puis il y a ceux qui comme le grand Hillel, qui vient de Babylonie, le grand Hillel qui vient de l’extérieur, qui dit lui qu’il faut faire rentrer les autres עַל כַּנְפֵי הַשְּׁכִינָה

(al kanfeï Shekhina) c’est-à-dire : sous les ailes de la présence divine.

Donc on trouve des qui sont prêts à partir pour convoquer les nations à Jérusalem et rencontrer et se mettre sous la mouvance du Dieu « Un ».

Isaïe chapitre 2 versets 1 à 4 :

א הַדָּבָר אֲשֶׁר חָזָה, יְשַׁעְיָהוּ בֶּן-אָמוֹץ, עַל-יְהוּדָה, וִירוּשָׁלִָם. 

1 Révélation que reçut Isaïe, fils d’Amoç, sur Juda et Jérusalem :

ב וְהָיָה בְּאַחֲרִית הַיָּמִים, נָכוֹן יִהְיֶה הַר בֵּית-יְהוָה בְּרֹאשׁ הֶהָרִים, וְנִשָּׂא, מִגְּבָעוֹת; וְנָהֲרוּ אֵלָיו, כָּל-הַגּוֹיִם. 

2 Il arrivera, à la fin des temps, que la montagne de la maison du Seigneur sera affermie sur la cime des montagnes et se dressera au-dessus des collines, et toutes les nations y afflueront.

ג וְהָלְכוּ עַמִּים רַבִּים, וְאָמְרוּ לְכוּ וְנַעֲלֶה אֶל-הַר-יְהוָה אֶל-בֵּית אֱלֹהֵי יַעֲקֹב, וְיֹרֵנוּ מִדְּרָכָיו, וְנֵלְכָה בְּאֹרְחֹתָיו:  כִּי מִצִּיּוֹן תֵּצֵא תוֹרָה, וּדְבַר-יְהוָה מִירוּשָׁלִָם. 

3 Et nombre de peuples iront en disant : « Or çà, gravissons la montagne de l’Éternel pour gagner la maison du Dieu de Jacob, afin qu’il nous enseigne ses voies et que nous puissions suivre ses sentiers, car c’est de Sion que sort la doctrine et de Jérusalem la parole du Seigneur. »

ד וְשָׁפַט בֵּין הַגּוֹיִם, וְהוֹכִיחַ לְעַמִּים רַבִּים; וְכִתְּתוּ חַרְבוֹתָם לְאִתִּים, וַחֲנִיתוֹתֵיהֶם לְמַזְמֵרוֹת--לֹא-יִשָּׂא גוֹי אֶל-גּוֹי חֶרֶב, וְלֹא-יִלְמְדוּ עוֹד מִלְחָמָה.  {פ}

4 Il sera un arbitre entre les nations et le précepteur de peuples nombreux ; ceux-ci alors de leurs glaives forgeront des socs de charrue et de leurs lances des serpettes ; un peuple ne tirera plus l’épée contre un autre peuple, et l’on n’apprendra plus l’art des combats.

Dans la bible hébraïque les livres de prophètes, ont donc envisagé la place des non-juifs alors que dans le Nouveau Testament, Paul semble faire de la mission aux païens une question nouvelle une question vitale. Dans de nombreuses visions prophétiques aux temps bibliques, la question des gentils apparaît. Qu’est-ce qui va arriver aux gentils ? vont-ils nous rejoindre sur la montagne de Dieu et recevoir la Torah ? Donc la question des gentils est posée. Au moment où l’on parle d’eschatologie, il faut décider de leur sort. Vont-ils être anéantis ou vont-ils rejoindre les juifs c’est la question. Question qui n’a pas été inventée et posée par Paul, mais qui résulte d’un mélange d’éléments particuliers de sa biographie lié aux circonstances de sa vie. Paul apportera sa propre interprétation des événements. Même si l’auteur du livre des Actes prétend qu’il a tout fait pour aller vers les juifs. Paul comme dans bien des cas va interpréter théologiquement le phénomène, et proposer un scénario qui intégrait cette mission aux païens, dans le plan de Dieu avant que la fin des temps ne survienne. De ce point de vue il y a un passage qui est assez révélateur, qui émane du Paul qui est vers la fin de sa carrière missionnaire on est dans l’épître aux Romains, au chapitre 15, verset 16, Paul parle de son activité, et envisage notamment la grâce qui lui a été donnée par Dieu afin qu’il soit lui-même officiant de Jésus-Christ en direction des nations, se consacrant à l’Évangile de Dieu, afin que l’offrande des païens deviennent agréable sanctifié dans l’Esprit saint. Donc Paul à un vocabulaire qui pour nous n’est pas quelque chose de très accessible, mais il parle en quelque sorte d’une offrande que représente les païens qu’il va apporter à Dieu, offrande qui sera sacrifié dans l’Esprit saint et donc tout son ministère toute son activité est conçu en des termes qui sont des termes nouveaux en quelque sorte. On est pas là bien entendu au stade d’une constitution religieuse autonome, ce n’est pas du tout cela. C’est une communauté particulière un conventicule, mais on sait très bien que le judaïsme du second temple est un judaïsme qui est complètement composé de conventicules, et qui est d’autre par totalement sectorisé. Donc le groupe de Paul en serait qu’un de plus. Il n’y a aucune originalité à cela. Paul intervient dans une synagogue dans laquelle effectivement se situent trois cercles concentriques. Les juifs d’origine et de naissance c’est-à-dire les juifs de plein droit. Deuxièmement, le cercle des prosélytes qui ne sont pas nés de mère juive donc des païens, mais qui ont complètement embrassé la foi juive et la totalité de ces rites, et les hommes sont circoncis. Cependant, les prosélytes restent des prosélytes, et ils seront traité comme tels jusqu’à la fin des jours. Ils ne sont (à cette époque) pas complètement assimilés aux juifs d’origines. Le troisième cercle est celui des craignant Dieu, ils constituent un groupe beaucoup plus fluide sur lequel effectivement on s’interroge, car en fait les craignant Dieu, ne constituaient ni un mouvement organisé ni même un parti, et il n’avait pas une identité que l’on puisse aussi bien cerner que les prosélytes, ils demeurassent des païens, intéressés ou fascinés par l’histoire d’Israël par l’antiquité de cette religion, par sa dignité intellectuelle, par son austérité morale, bref tout ce qui faisait la brillance du judaïsme sous l’empire. Donc au début des temps il y a une mission juive c’est la seule manière d’expliquer que vers l’an 50 de notre ère soi environ 20 années après la mort de Jésus, une personne sur dix dans l’Empire romain était juive. C’est un énorme pourcentage 10 % des habitants de l’Empire étaient des juifs. Un chiffre absolu quand on pense que vers l’année 50 l’Empire romain compté environ 60 millions d’habitants dont 6 millions voir 6 millions et demi de juifs. Donc il ne faut pas imaginer un judaïsme qui était fermé replié sur lui-même, au contraire on avait un judaïsme qui était relativement ouvert même si notamment pour les hommes le pas que représentait la circoncision en plus de l’adoption de la Loi juive a dû en réfréner plus d’un d’adhérer pleinement à la foi juive. Il est probable même que les femmes étaient plus nombreuses que les hommes. Ce n’est pas pour rien et là encore je crois que le livre des Actes à raison quand il nous dit que Paul justement dans ses voyages missionnaires, une fois qu’ils arrivaient quelque part il se précipitait à la synagogue pour y annoncer la bonne nouvelle, parce que c’est là en ce lieu qu’il rencontre un public qui était prêt à accueillir cette bonne nouvelle. En ce lieu, il y trouvait justement ce réseau de craignant Dieu, qui parfois étaient même effrayés par la circoncision et donc ils pouvaient être justement et particulièrement sensible à une annonce qui les dispensait désormais de faire cet acte, pour adhérer à la « foi chrétienne ». Donc il ne faut pas imaginer que ce soit un phénomène tout à fait nouveau, ce qui va être nouveau ce sont les modalités d’adhésion à cette foi chrétienne dans la mesure où le christianisme représente alors une branche du judaïsme qui va se montrer moi exigeantes en tout cas dans sa compréhension paulinienne que ne l’était classiquement sans doute la mission juive.

Que faire avec les païens, les gentils attirés par la communauté des disciples de Jésus au chapitres 15, v 13 -18 des Actes des apôtres, l’auteur attribut à Jacques frère de Jésus un long discours pour fixer les conditions de leur admission ; 13 Quand ils eurent terminé, Jacques prit la parole et dit : « Frères, écoutez-moi. 14 Simon-Pierre vous a exposé comment, dès le début, Dieu est intervenu pour prendre parmi les païens un peuple qui soit à son nom. 15 Les paroles des prophètes s’accordent avec cela, puisqu’il est écrit :

16 Après cela, je reviendrai pour reconstruire la demeure de David, qui s’est écroulée ; j’en reconstruirai les parties effondrées, je la redresserai ; 17 alors le reste des hommes cherchera le Seigneur, oui, toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué, — déclare le Seigneur, qui fait ces choses 18 connues depuis toujours. »

Alors relever la demeure de David est-ce que c’est simplement un nouveau roi d’Israël immédiat ou alors le fils de l’homme qui est en même temps fils de David et la fin qui arrive ? C’est entre les deux.

Cela signifie pour Jacques que le christianisme n’est pas une troisième entité entre le judaïsme et les païens, mais que le christianisme est bel et bien un mouvement de réforme à l’intérieur du judaïsme. Alors l’idée se comprend très bien, à partir des prophéties du livre d’Isaïe où l’on attend à la fin des temps que les nations se concentrent et viennent rejoindre Israël, mais si les nations viennent rejoindre Israël, cela signifie bien une ouverture du judaïsme aux païens. Mais cela signifie aussi pour Jacques que les païens se convertissent au judaïsme et donc que les nouveaux croyants de la mission pagano-chrétienne se font circoncire c’est-à-dire qu’ils entrent dans le peuple de l’alliance. Donc nous aurions effectivement là la figure d’un personnage qui comprend le mouvement de Jésus comme un mouvement attestant de la venue de la fin des temps et qui s’y prépare de deux manières. D’une part par l’obéissance et par la scène (le repas du Seigneur), et d’autre part par l’idée que c’est le temps de la mission auprès des païens parce que nous sommes dans les derniers temps, mais la mission auprès des païens signifie que les païens deviennent juifs.

On voit que la question du statut des païens ayant adopté les croyances chrétiennes a été très largement discutée dans l’Église primitive. On n’en retrouve trace autour de l’année 50 où une grande réunion à Jérusalem à laquelle ont participé entre autres Jacques et Pierre pour l’église de Jérusalem, et des envoyés de l’église d’Antioch, dont Paul et Barnabé. Le récit de cette réunion une forme de concile, est repris dans ce chapitre 15 des Actes des apôtres, et dans le chapitre 2 de l’épître aux Galates. On trouve dans les deux textes des différences, mais je crois qu’il faut d’abord se concentrer sur les similarités. En fait, il y a deux points importants c’est la question posée, et la réponse apportée. La question est ce que les gentils qui adhèrent au mouvement chrétien doivent venir également des prosélytes Juifs. C’est-à-dire se faire circoncire et pratiquer la loi mosaïque, ou est-ce superflu. La réponse est globalement la même dans les deux récits ce n’est pas indispensable.

Paul lui raconte comment avec Barnabé il est monté à Jérusalem, qu’il a exposé l’Évangile qu’il prêche parmi les païens, il ajoute « on ne me contredit pas » dit-il « on ne contraignit même pas mon compagnon un Grec à la circoncision ç’aurait été à cause des faux frères des intrus qui s’étend insinué et piller notre liberté celle qui nous vient de Jésus-Christ afin de nous réduire en servitude ». Là, Paul ne lésine pas dans la rhétorique, c’est clair qu’il est installé du côté de la liberté et les autres sont de faux frères qui les entraînent en servitude. Toujours est-il qu’il précise bien qu’ils n’ont même pas contraint Tite qui était avec lui et qui était Grec, à se faire circoncire. Donc il a bien obtenu de son point de vue que cette question de la circoncision soi réglée et que la circoncision ne soi pas requise de la part des païens.

Là, en fait nous voyons deux types de positions, celles-ci ont pu s’opposer lors du conseil ou concile de Jérusalem. Une position traditionaliste, tenue par ceux qui demandaient aux gentils intéressés par le christianisme de devenir des prosélytes juifs, de se faire circoncire, de pratiquer la loi mosaïque, condition indispensable à leur salut. C’est-à-dire leur participation au royaume de Dieu. C’était une conception courante à l’époque parmi les juifs : « les gentils ne peuvent être sauvés sauf s’ils deviennent des prosélytes juifs ». Cette position extrême sera d’ailleurs reprise dans l’Église chrétienne avec la fameuse phrase « hors de l’Église point de salut ». À Jérusalem nous sommes en présence des deux tendances, la tendance stricte pas de collusion avec le monde des polythéistes, et la tendance plus ouverte qui dit oui on peut accueillir des non-circoncis comme membres de la communauté.

Alors, laissons momentanément de côté cette affaire-là et penchons-nous sur les conséquences de cette situation, qui montre bien que dans la vie courante il y avait un problème à Antioche. Cette ville dans la province de Syrie abritait une forte communauté juive. C’est à Antioche que s’est posée pour la première fois la question de la coexistence entre chrétiens juifs et non juifs. En effet contrairement à la communauté de Jérusalem, dans celle d’Antioche, on rencontrait au sein de la même communauté des gens qui étaient de strictes observant selon la Torah, à laquelle se mélangeait des gens qui n’étaient pas de strictes observant selon la Torah. Autrement dit, des juifs mélangés à des païens. En fait dans le judaïsme étaient considérés comme païens tous ceux (et même les juifs) qui n’observaient pas scrupuleusement la Torah. Alors Pierre ne sait plus trop sur quel pied danser et Paul va le tancer très fortement, c’est ce que l’on appelle l’épisode d’Antioche. Disons en bon français et il faut employer les mots comme ils viennent, il y a eu une bonne empoignade, disons même une bonne engueulade. Ils se sont affrontés et là, la question était grave, parce qu’il s’agissait de savoir si au nom du respect des principes diététiques, on allait composer deux communautés, celle des observant exigeants, et celle des gentils.

Il faut bien comprendre qu’une communauté chrétienne à cette époque, ce n’est pas seulement prière commune à la synagogue et ce n’est pas seulement célébrer les fêtes comme les juifs même si celles-ci avaient une tonalité et une interprétation différente. La communauté chrétienne était fondée sur la communauté de table, parce qu’il y a leur repas, eucharistique entre guillemets ce n’est pas la messe comme dans le christianisme catholique comme on le voit aujourd’hui, mais c’est la célébration de la scène du Seigneur, l’agape et là il y a un problème. C’est pour cela que la question qui se posait dans le judaïsme déjà, mais d’une manière beaucoup moins aiguë s’est posée. Pour les gens professant Jésus le Christ, cette question est devenue extrêmement aiguë parce que la communauté de table entre juive et non juive selon la Torah ce n’est pas possible. Un juif pratiquant la Torah ne peut pas partager sa table avec un non juif. Il faut ou bien que tout le monde soit juifs donc casher, et donc mange casher ou bien que personne ne soit juif. Mais on ne peut pas avoir les deux ensemble. C’est à cause de cette question-là de l’agape et du partage de la scène que cette question est devenue centrale et essentielle et pour cette première communauté il fallait absolument trancher cette question.

La solution c’est ce que l’on appelle dans la tradition juive les sept préceptes noachiques. C’est-à-dire les commandements donnés à Noé. Au sortir de l’arche, Noé aurait reçu un certain nombre de commandements. Mais comme il s’agit de Noé on est avant Moïse, et la Torah, et même avant Abraham, et donc on est avant la circoncision donc on peut limiter ainsi les interdits. C’est en quelque sorte un retour aux sources des lois de Dieu pour l’humanité.

Une page des Actes des apôtres au chapitre 15 dans un des plus anciens manuscrits conservés à Dublin le papyrus 45, également connu sous P. Chester Beatty écrit en Égypte autour de l’an 250, est un des plus anciens manuscrits existants du Nouveau Testament. Il contient les textes de Matthieu 20-21 et 25-26, de Marc 4-9 et 11-12, de Luc 6-7 et 9-14, de Jean 4-5 et 10-11, et des Actes des apôtres 4-17, il est le plus ancien manuscrit survivant qui contient les quatre évangiles canoniques.

Papyrus

Le papyrus 45, également connu sous P. Chester Beatty écrit en Égypte autour de l’an 250.

Dans la page des Actes à la troisième ligne, nous y trouvons les interdits du décret apostolique. Ce décret qui remonte au moins d’après les Actes des apôtres vers l’an 50, et qui interdit successivement les viandes sacrifiées aux idoles, les viandes étouffées, et le sang. Si l’on réunit ces trois interdits, on a ce que l’on appelle la Loi noachique, c’est-à-dire la forme la plus sommaire que l’on puisse imaginer de la Loi juive, et sous cette forme sommaire elle devrait pouvoir être la Loi commune de tous les judéo-chrétiens et pagano-chrétiens. Le reste de la loi se résumant à : « tu aimeras ton Dieu de toutes tes forces et de toute ton âme, et ton prochain comme toi même ». Ce que l’on peut ajouter c’est qu’au fond ce qui est demandé là c’est le minimum, c’est-à-dire que cela est le minimum sur lequel on ne peut pas revenir. Il faut absolument qu’ils appliquent ce commandement-là. Alors le reste s’ils veulent devenir juifs c’est beaucoup mieux bien sûr, mais ce n’est pas obligatoire.

La cause principale du divorce entre le judaïsme et le christianisme vient de la place prépondérante que prirent les gentils dans la première communauté chrétienne. Plus il y eut de non-juifs dans la communauté plus celle-ci s’éloigna du judaïsme et plus celle-ci se dé-judaïsa. Je crois qu’il n’y eut pas d’autre raison. Dans tous les cas, cela ne fut pas une question de croyance. S’il existe bien une particularité dans le monde juif, contrairement à toutes les autres religions, c’est que les croyances ne sont pas de nature à provoquer un schisme. Même s’il s’agit de croyances extrêmes, comme se demander si un homme s’est relevé d’entre les morts. S’il s’était posé dans les communautés ce genre de questions, l’on en retrouverait des traces dans les textes du Nouveau Testament, car on en aurait débattu. Mais cela n’aurait pas empêché de continuer à vivre ensemble. Par contre si je ne peux pas manger avec vous, ou épouser votre fille, et si vous ne pouvez pas épouser la mienne, si je dois m’abstenir de travailler un jour par semaine et pas vous, si l’on tombe dans le communautarisme au sein d’un même groupe, alors très vite il va devenir impossible de vivre côte à côte. Et si je considère que ces différences sont des violations de la loi divine, très rapidement on aura là les causes d’un schisme.

Qu’est-ce qui se passe pour Paul ? Il y a d’abord le conflit avec les apôtres autour de la division de la communauté de table entre les judéo-chrétiens et les pagano-chrétiens, dont on vient de parler. Alors Paul en déduit que ce qui divise la communauté c’est la Loi. Il est normal que les judéo-chrétiens donc les juifs continuent à obéir à la Loi juive la Torah, et il n’y a aucune raison pour que les pagano-chrétiens abandonnent la Loi de leur peuple pour adopter la Loi juive. Donc Paul voit dans la Torah un élément de division de la communauté, et Paul a donc l’idée de faire appelle à un nouveau « dogme » qui est celui de la foi. Pour la ligne de Paul et de ses collaborateurs, il y a respect du temple il y a pour le judéo-chrétien, respect de la Torah, mais là où Paul va se dresser c’est précisément lors ce que la Torah est imposée aux non-juifs, ou lorsque l’obéissance à la Torah est considérée comme condition de salut. Pour Paul, la Torah est signifiante sur le plan de l’éthique pour gérer le comportement chrétien, elle perd toute signification comme chemin de salut. Réclament la Foi au lieu de la Loi, Paul passe à côté d’une chose essentielle ! Si un juif suit la Torah, c’est aussi par foi en elle. Alors Paul déplace le sujet de la foi, si le juif a foi en la Torah, le chrétien lui doit avoir foi au Fils de Dieu, c’est-à-dire au Christ, et il n’a pas besoin de la Torah et dans ce cas la Torah est malédiction..

Donc ce qui est propre à Paul, c’est qu’à un moment, il va prendre des formulations qui manifestent que la mort de Jésus a une portée salutaire, et il va en tirer toutes les conséquences en résonnant de manière exclusive et il va dire si la mort de Jésus a une portée salutaire alors il n’y a pas d’autre moyen de salut que la mort de Jésus. Donc pour lui la venue de Jésus le Messie n’a qu’un but, et je dirais même qu’une utilité, c’est qu’il meurt sur la croix pour le salut et la rémission des pêchés, tout le reste n’a plus d’importance y compris la Torah. Le Christ livré en sacrifice expiatoire pour les pêchés, et donc, sa vie terrestre, son enseignement, Paul peut les faire passer à la trappe. Voilà pourquoi il parle si peu et pour dire pas du tout de Jésus et de son enseignement. Le sujet principal du christianisme n’est plus ainsi l’enseignement de Jésus, mais sa mort et sa résurrection pour le salut et le pardon des péchés. Dès lors, il va développer une mission indépendante de la Loi ce qui va le distinguer des autres mouvements d’autres communautés et d’autres missionnaires au sein de ces communautés. Ce qui l’a amené parce qu’il est resté toujours fidèle à ce principe va finalement être rejeté en marge notamment lors de l’incident d’Antioche. Paul n’est pas volontairement un casseur de la Torah, ce n’est pas un destructeur de la Torah, Paul lui-même est engagé dans une pratique juive qu’à mon avis l’auteur des Actes des apôtres restitue bien. Sans cela, Paul aurait été considéré comme un païen, et donc Paul participe aux différents rites de la cité juive, mais il ne les considère pas comme signifiant du salut ni comme des rites indispensables. Paul peut-être considéré comme un juif libéral en quelque sorte. Maintenant si l’on définit le christianisme comme la religion de la communauté messianique mixte, et si ce n’est pas rejeté la Loi mosaïque ayant considéré cette dernière comme superflu, à ce moment-là on arrive à un mouvement qui un jour ou l’autre est quand même condamné à se marginaliser par rapport au judaïsme, voir s’en séparer. Paul, même s’il n’est pas à l’origine de certaines de ses idées qui ont généré cette transformation (et là, la question est ouverte), il a qu’en même largement contribué à cette nouvelle religion qui est le christianisme tel qu’on le connaît.

Parton du principe que ce que nous savons aujourd’hui était connue du concile de Jérusalem. C’était probablement le cas de Paul pas celui de Jacques ni de Pierre. Au début, ni Pierre, ni Jacques, n’avait totalement compris et de loin ce qu’était la conception de Paul. Ils avaient certainement senti qu’il prêchait une doctrine différente de la leur, mais sans en mesurer la véritable portée. Paul prêchait quelque chose de tout à fait nouveau, quelque chose qui pouvait passer pour ahurissant pour ceux qui avaient connu Jésus. Il prêchait que Jésus était littéralement le Fils de Dieu. Que Jésus n’était pas venu pour racheter le peuple juif, mais l’humanité tout entière ! Il est possible qu’ils n’aient pas du tout réalisé tout cela. Sur bien des plans, le dialogue lors du concile de Jérusalem a dû être un dialogue de sourds. Parce que Paul parlait d’une chose et comme il était très très malin, il avait décidé de ne pas appeler un chat un chat. Donc Paul parlait d’une chose, et eux comprenaient et donc parlaient d’autres choses. Leur seul point d’accord était que les gentils ne devaient pas nécessairement devenir juifs pour assurer leur salut. Mais pour Paul le libéral, même pour un juif, il suffisait de croire que Jésus était vraiment le Fils de Dieu. Ce n’était pas seulement un discours à double entente, mais un vrai mal entendu. Il n’était donc pour Paul plus nécessaire à un gentil de devenir prosélyte, et par conséquent à un juif de le rester.

Pour Paul, il s’agit d’abandonner la circoncision qu’il juge désormais inutile, voire néfaste. Seule compte ce qu’il appelle la circoncision du cœur la justification par la foi. Dès lors, la rupture entre Paul et Jacques est inévitable. Même si les Actes des apôtres veulent masquer la mésentente, et donner l’apparence d’un arrangement à l’amiable en répartissant les territoires entre circoncis et non circoncis, entre juifs et païens. De ce point de vue là d’ailleurs à propos de juifs on voit bien dans l’épître aux Galates que Paul a roulé Jacques dans la farine. Il y a un conflit, car on soupçonne Paul d’avoir invité des juifs à renoncer à la circoncision, donc à l’alliance, et alors il s’explique et il raconte très brièvement une assemblée à Jérusalem où il aurait été entendu que Pierre irait vers les juifs et que Paul irait vers des païens. Mais quelques versets plus loin, on voit très bien qu’il fait allusion à un groupe ou une communauté où il y a effectivement des juifs et des païens ensemble. Donc dans un premier temps ce qui s’est sans doute passé c’est un partage des champs missionnaires et la reconnaissance de la légitimité d’une mission aux païens qui est en l’occurrence délégué sous la responsabilité de l’église d’Antioche. Dans la mesure où l’on partage les champs missionnaires, et bien il ne devrait plus avoir de problèmes. Mais le problème est venu quand même du fait que comme tout accord, celui-ci a pu être compris différemment parce ceux qui l’avaient conclu. Le plus vraisemblable c’est que Paul en a eu une compréhension géographique. Il c’est dit et bien je vais vers les nations païennes et puis les Jérusalémites s’occupent du territoire juifs c’est très bien, et donc ils vont s’occuper que de la Palestine. Or dans ce texte, il y a une interprétation erronée et une bonne interprétation. L’interprétation erronée c’est de penser tout de suite que Paul a eu la belle part c’est-à-dire le vaste monde. Monde dans lequel on pouvait annoncer l’Évangile et que les apôtres de Jérusalem Pierre en tête ont eu au contraire une petite part c’est-à-dire ils ont eu la circoncision, Jérusalem et les environs. Quand on dit que les uns ont la circoncision et les autres les païens qu’est-ce que l’on veut dire ? C’est que les apôtres de Jérusalem vont recevoir — et on leur reconnaît — qu’ils ont affaire œuvre missionnaire partout où il y a des communautés juives qui existent déjà, et donc même à Antioche et dans les payes païens là ou il y a des synagogues. À savoir Alexandrie en Égypte et la Mésopotamie. Paul lui au contraire va avoir une part relativement réduite c’est le nord du basin méditerranéen jusqu’à Rome là où il n’y a pas de communauté juive. Seulement l’erreur d’interprétation vient du fait que l’on n’est pas assez attentif, que la lecture que l’auteur des Actes des apôtres fait de ces événements est extrêmement orientée. Je ne dirais pas que par un certain côté Paul dans son récit lui-même et notamment de l’assemblée de Jérusalem ouvre davantage sur ce qui a pu se passer. Lorsque l’on fait selon l’épître aux Galates, une répartition entre Pierre qui s’occupera de ceux de la circoncision et Paul ira vers ceux du prépuce, et bien il fallait comprendre pour Pierre et Jacques que pour ces derniers Paul avait pour tâche de les ramener à la circoncision. Donc, en faire des prosélytes. C’est ces gens-là que Paul doit aller convoquer, et Paul dans un premier temps ne va pas faire autre chose. Paul va aller convoquer les brebis dispersées d’Israël parce qu’il va dans les synagogues et que c’est juste quand les autorités vont lui causer des ennuis qu’il secouera la poussière de ses chaussures. L’on sait que c’est une expression éminemment concrète et sémitique, il va aller vers les non-juifs. Alors Paul affirme qu’au fond l’évangélisation des in-circoncis lui a été confiée comme à Pierre celle des circoncis, car celui qui avait agi en Pierre pour l’apostolat des circoncis avait aussi agi en lui en faveur des païens. Donc on voit bien ici que Paul construit une symétrie qui dresse le portrait d’un christianisme en polarité. Une polarité celle de Pierre pour les circoncis et une polarité celle de Paul pour les incirconcis. Cela est tout à fait crédible. Aujourd’hui les exégètes qui sont prudents pour dénier toute valeur historique à Actes 15, mais simplement pour des respects de l’écriture en tant qu’historiens eux-mêmes, ils considèrent assez volontiers que le récit des Actes dit tout autre chose. Le récit des Actes est probablement moins historique que le récit de Paul. C’est parfaitement vrai que dans le récit judicieusement et artistement construit de Paul sur lui-même, Paul vu par lui-même, effectivement il se pose en concurrent ou tout au moins en pôle face à Pierre. Selon lui, il ne lui doit rien, cela est la pointe du discours et il y a gros à parier que de nombreux lecteurs de Paul à l’époque ou d’auditeurs des Galates devaient sursauter en disant « non quand même pas ». Dépendant de Pierre ou issues d’un mouvement dans lequel Pierre l’a précédé, mais j’entends cette revendication d’immédiateté de la révélation et du mandat que Paul a reçu c’est là une construction de Paul effectivement. À cet égard le récit des Actes des apôtres, est plus fidèle à ce que l’on peut reconstituer de ce premier christianisme, que des discours de Paul par lui-même.

On nous apprend spécialement dans le livre des Actes que Paul est parti comme missionnaire parmi les gentils, mais que Jacques, l’avait déjà fait et que Pierre aussi. D’ailleurs dans les Actes Pierre déclare en présence de tous, « c’est moi qui aie prêché l’Évangile parmi les gentils ». Ce qui est en totale contradiction avec ce que nous dit Paul dans l’épître aux Galates. À savoir que Pierre avait été chargé de faire le travail parmi les juifs et que lui Paul avait été chargé par Pierre lui-même de s’occuper des gentils. Mais dans les Actes des apôtres, Pierre proclame : « Dieu m’a chargé moi, » c’est-à-dire moi et pas toi, comment l’auteur des Actes aurait-il pu écrire un tel mensonge. Il est clair que de la construction des Actes, il en resort que Pierre joue le rôle de maillon intermédiaire et de préparateur de la mission paulinienne, et Pierre est utilisé par l’auteur un Théophile, pour légitimer la mission aux païens. Donc dans la reconstruction qu’opère l’auteur des Actes c’est justement son but, c’est de légitimer d’une part la mission paulinienne, mais surtout de montrer que Paul n’a rien inventé en quelque sorte. Pierre et Paul dans les Actes sont traités comme des frères jumeaux, avec chacun leur rôle. Pierre montre la continuité avec le Jésus de l’histoire, c’est le responsable et porte-parole, l’orateur du groupe des douze. Pierre a dans les Actes ce rôle tout à fait fondamental d’assister à la première intégration d’un païen Corneille, dans l’alliance du salut venant d’Israël. Donc Pierre a ce rôle de pionnier. Paul lui va être l’instrument qui met en œuvre les conséquences de cette ouverture de l’alliance de Dieu aux non-juifs. Donc ils ont chacun un rôle spécifique, mais ils sont comme des jumeaux à tel point que Pierre est un prototype de Paul, et Paul est un successeur de Pierre. L’auteur des Actes a limé à l’extrême ce qui pouvait différencier les deux personnages historiques. Là encore, il y va de sa propre lecture de l’histoire. C’est bien la fondamentale continuité que veut montrer l’auteur des Actes, à travers une espèce de mimétisme et une continuité : Jésus, Pierre, Paul. Mais l’on peut fortement douter qu’il en ait été vraiment ainsi.

Un an après, le concile de Jérusalem Paul adresse sa première épître aux Thessaloniciens, la majorité des chercheurs considèrent cette lettre comme le texte le plus archaïque du Nouveau Testament. Ils le date de l’an 50 ou 51 or il y a dans ce texte 3 versets qui véhiculent une charge extrêmement violente contre les juifs, que l’on pourrait les croire écrits un siècle plus tard qu’en sera consommé la rupture entre le judaïsme et le christianisme.

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