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l’histoire du canon 2
Pentateuque ou Hexateuque ?
Il apparaît que tout un débat sur l’étendue de la Torah est existé. Le Pentateuque se termine avec la mort de Moïse, mais sur le plan de la logique narrative les narratologues diront que c’est une histoire non achevée. En effet, dès le récit de la Genèse l’on parle du pays de la promesse faite à Moïse, mais celui-ci n’y entre pas. Il peut le contempler, mais il n’y pénètre pas, et l’établissement dans le pays a lieu dans le livre de Josué. Ce texte dans ses grandes lignes existait évidemment déjà à l’époque perse. Donc la question apparaît la suivante :
Pourquoi s’arrêter à Moïse et non à la conquête de la terre promise pour délimiter les 5 premiers livres de la Bible ? Ne devait-on pas inclure dans la Torah les livres de Josué ? Dans ces conditions, l’on n’aurait pas eu un Pentateuque, mais un Hexateuque pour désigner un ensemble de six.
Nous possédons des indications pour affirmer qu’il se trouvait bien une sorte de coalition à Jérusalem ou ailleurs, qui désiraient définir la Torah comme comprenant le livre de Josué. Donc deux options différentes pour délimiter la Torah existaient.
Nous prendrons simplement deux exemples :
1) les ossements de Joseph.
Au moment de sa mort (Gn 50,24) : Joseph dit à ses frères : « Je vais mourir. Dieu interviendra en votre faveur et vous fera remonter de ce pays vers le pays qu’il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob. »
C’est dans le livre de l’Exode que l’on apprend (Ex 13,19) : Moïse prit avec lui les ossements de Joseph, car celui-ci avait exigé des Fils d’Israël un serment en leur disant : « Dieu ne manquera pas d’intervenir en votre faveur ; alors vous ferez monter d’ici mes ossements avec vous. »
Dans le Pentateuque, ces deux récits ne font pas tellement sens. Car si l’on ne dispose que de celui-ci on se trouve bien incapable de savoir ce qu’il arrive aux ossements de Joseph ! En effet on est contraint d’aller jusque la fin du livre de Josué (Jos 24, 32) : Quant aux ossements de Joseph, que les Fils d’Israël avaient emportés d’Égypte, on les ensevelit à Sichem, dans la portion de champ que Jacob avait achetée pour cent pièces d’argent aux Fils de Hamor, père de Sichem ; ils firent partie du patrimoine des fils de Joseph.
Alors là, que ces trois versets ne fassent sens que dans le contexte d’un Hexateuque apparaît clair.
2) La manne est donnée (Ex 16,35) : Les Fils d’Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans jusqu’à leur arrivée en pays habité ; c’est de la manne qu’ils mangèrent jusqu’à leur arrivée aux confins du pays de Canaan.
Ainsi on introduit l’allusion de l’entrée dans le pays et cette période est clairement conclue en (Jos 5,12) : La manne cessa le lendemain, quand ils mangèrent des produits du pays. Il n’y eut plus de manne pour les israélites ; ils mangèrent des produits de Canaan cette année-là.
Donc là encore ces deux versets font sens dans le contexte d’un Hexateuque.
Un autre argument qui plaide en faveur d’un Hexateuque c’est le dernier chapitre que nous avons déjà vu tout à leur c’est-à-dire la fin par rapport à l’enterrement des ossements de Joseph ; c’est le grand discourt de Josué au terme du livre.
Josué 24, conclusion de l’Hexateuque
2 Josué dit à tout le peuple : « Ainsi parle Yhwh, le Dieu d’Israël : C’est de l’autre côté du fleuve qu’ont habité autrefois vos pères, Tèrah père d’Abraham et père de Nahor, et ils servaient d’autres dieux. 3 Je pris votre père Abraham de l’autre côté du fleuve et je le conduisis à travers tout le pays de Canaan, je multipliai sa postérité et je lui donnai Isaac. 4 Je donnai à Isaac Jacob et Ésaü et je donnai en possession à Ésaü la montagne de Séïr. Mais Jacob et ses Fils descendirent en Égypte. 5 Puis j’envoyai Moïse et Aaron et je frappai l’Égypte selon ce que j’ai fait au milieu d’elle, ensuite je vous fis sortir. 6 J’ai fait sortir vos pères d’Égypte et vous êtes arrivés jusqu’à la mer. Les Égyptiens ont poursuivi vos pères jusqu’à la mer des Joncs avec des chars et des cavaliers. 7 Vos pères crièrent vers Yhwh qui plaça des ténèbres entre vous et les Égyptiens, il fit venir sur eux la mer qui les recouvrit. Vos yeux ont vu ce que j’ai fait à l’Égypte. Vous êtes restés dans le désert pendant de longs jours. 8 Je vous ai amenés au pays des Amorites qui habitent au-delà du Jourdain, mais ils vous firent la guerre. Je vous les livrai et vous avez pris possession de leur pays, je les ai exterminés devant vous. 9 Balaq, fils de Cippor, roi de Moab, surgit pour faire la guerre à Israël. Il envoya chercher Balaam, fils de Béor, afin de vous maudire. 10, Mais je ne voulus pas écouter Balaam : il dut vous bénir et je vous délivrai de sa main. 11 Vous avez passé le Jourdain et vous êtes arrivés à Jéricho. Les maîtres de Jéricho vous firent la guerre — l’Amorite, le Perizzite, le Cananéen, le Hittite, le Guirgashite, le Hivvite et le Jébusite —, mais je les livrai entre vos mains. 12 J’envoyai devant vous les frelons qui les chassèrent loin de vous, les deux rois des Amorites ; ce ne fut ni par ton épée ni par ton arc. 13 Je vous ai donné un pays où tu n’avais pas peiné, des villes que vous n’aviez pas bâties et dans lesquelles vous habitez, des vignes et des oliviers que vous n’aviez pas plantés et vous en mangez les fruits !
Quand vous lisez le livre de Josué vous arrivez à la fin vous êtes étonné parce que l’on trouve deux argumentations de Josué. Au chapitre 23 Josué dit je vais mourir bientôt faite ceci et cela, donc on s’attend à ce qu’il meurt. Mais non, après, il convoque à nouveau les israélites au chapitre 24 et il refait un discours ; mais dans ce discours-là, il récapitule toute l’histoire à partir d’Abraham, les patriarches, Moïse et Aaron, la mer des joncs, le désert, la prise de position du pays. En fait, nous sommes en présence d’une sorte de résumé de l’histoire qui commence avec les patriarches, et qui va jusque-là conquête du pays.
Donc c’est une sorte d’Hexateuque d’une certaine manière puisque se figurant à la fin c’est une sorte de rétrospective des livres précédents.
Lorsque Josué fit ce discours on apprend qu’il conclut une alliance ברית (berît) avec le peuple en ce jour — là ; il lui fixa des lois et des coutumes à Sichem. 26 Josué écrivit ces paroles dans le livre de la Loi de Dieu. Il prit une grande pierre qu’il dressa là, sous le chêne dans le sanctuaire de Yhwh.
On remarque qu’ici l’on effectue un parallèle avec Moïse parce que Josué conclut une alliance, il donne la Loi et les commandements il écrit dans un livre et il devient une sorte de médiateur comme Moïse.
Ce qui demeure intéressant c’est le terme utilisé pour le livre de la Loi de Dieu, sepher torat » elohîm ספר תורת אלוים on le retrouve deux fois encore dans la Bible et c’est tout.
(Ne 8,8 et 17) : Toute l’assemblée — ceux qui étaient revenus de la captivité — Fit des huttes et habita dans ces huttes. Or, depuis le temps de Josué fils de Noun jusqu’à ce jour, les Fils d’Israël n’avaient pas fait cela. Ce fut une très grande joie. 18 On lut dans le livre de la Loi de Dieu chaque jour, depuis le premier jour jusqu’au dernier.
On peut émettre une hypothèse à savoir que sepher torat » elohîm ספר תורת אלוים était peut-être le nom de la Torah Hexateuque ; contrairement au « livre de la loi de Moïse » (sepher torat moshê) ספר תורת משׂה : nom du Pentateuque qui se trouve beaucoup plus fréquent. À l’origine, sans doute signifiait-il le Deutéronome, mais qui très vite va désigner le Pentateuque. Une sorte de compétition entre sepher torat » elohîm ספר תורת אלוים et (sepher torat moshê) ספר תורת משׂה existait. On découvre encore ces débats à fin du Pentateuque, qui relate la mort de Moïse.
Deutéronome 34 : 1 Moïse monta des vallons de Moab vers le mont Nébo, le sommet du Pisga, qui se trouve en face de Jéricho. Et Yhwh lui fit voir tout le pays, le Galaad jusqu’à Dan, 2 et tout le Nephtali et tout le pays d’Éphraïm et Manassé, et tout le pays de Juda jusqu’à la mer de l’ouest ; 3 et le Néguev, et le District, la vallée de Jéricho, la ville des palmiers, jusqu’à çoar. 4 Yhwh lui dit : ceci est le pays dont j’ai juré à Abraham, à Isaac et à Jacob : À ta semence je le donnerai. Je te le fais voir de tes yeux, mais tu n’y passeras pas. 5 Moïse, le serviteur de Yhwh, mourut là-bas, au pays de Moab, sur ordre de Yhwh. 6 Il l’enterra dans la vallée, dans le pays de Moab, en face de Beth-Péor, et personne ne connaît son tombeau jusqu’à ce jour. 7 Moïse avait 120 ans lorsqu’il mourut, son œil ne s’était pas affaibli, sa force ne l’avait pas quitté.
Avec cela, vous pouvez passer directement au livre de Josué.
Jos 1,1 : Après la mort de Moïse, le serviteur de Yhwh, Yhwh dit à Josué, fils de Noun,
Si vous lisez maintenant la suite de (Deutéronome 34 8et 9)
8 Les Fils d’Israël pleurèrent Moïse dans les vallons de Moab durant trente jours ; ensuite s’achevèrent les jours des pleurs de deuil de Moïse. 9 Josué, fils de Noun, était rempli d’un esprit de sagesse. En effet, Moïse lui avait imposé ses mains. Les Fils d’Israël l’écoutèrent et firent selon ce que Yhwh avait ordonné à Moïse.
Cela veut dire que vous avez en premier (Deut 34, 1-7) et (Jos 1, 1) (les textes en noir) ça, c’est les textes anciens. On a ajouté (le texte en bleu) pour la rédaction du Pentateuque et faire le lien avec Josué.
Mais après vient une sorte de conclusion ou d’épilogue où il est dit :
10 il ne s’est plus jamais levé en Israël un prophète comme Moïse lui que Yhwh avait connu face à face, 11 et ceci par rapport à tous les signes et prodiges que Yhwh l’avait envoyé faire dans le pays d’Égypte devant Pharaon et tous ses serviteurs et tout son pays, 12 et par rapport à la main forte et toute la grande crainte que Moïse avait provoqué devant les yeux de tout Israël.
Cela signifie qu’après, la prophétie reste toujours possible, mais aucun n’égalera Moïse. Cela peut-être l’œuvre de ce que l’on peut appeler des rédacteurs qui voulaient en effet imposé un Pentateuque en disant : « attention il y a une histoire qui va continuer » ; mais une césure existe bien, et celle-ci est là avec la mort de Moïse. C’est pour cela que nous possédons un Pentateuque au lieu d’un Hexateuque.
Évidemment, cette alternative Pentateuque, Hexateuque, ne demeure pas simplement une option narratologique, il se trouve des enjeux théologiques ou idéologiques considérables. Si finalement on avait arrêté son choix pour un Hexateuque, tout serait focalisé sur le pays promis et conquis. Cela aurait établi la nécessité d’être dans le pays puisqu’on relate à la fin la conquête et l’installation des tributs. Avec le Pentateuque, on ne niera aucunement la promesse du pays ; mais ce qui apparaît central c’est le caractère exceptionnel de Moïse et de sa médiation, ainsi que la Loi donnée, mais celle-ci sera communiquée en dehors du pays. Une sorte de découplage ou de dissociation existe entre la révélation de la Torah et la possession du pays. La promesse est répétée, mais pour vivre selon la Torah il ne se trouve aucunement besoin de demeurer dans le pays. Ce qui correspond bien sûr à la situation du judaïsme naissant, et en effet celui-ci va se constituer comme une religion de la diaspora. On comprend finalement que c’est le Pentateuque au lieu de l’Hexateuque qui l’a emporté.
Comme nous allons le voir, cet Hexateuque apparut redécouvert par les exégètes, mais ce n’est pas simplement une sorte de construction de l’esprit ; on possède en effet dans les textes des évidences que ce fut vraiment une polémique. On retrouve celle-ci de même un peu chez Rachi et d’autres rabbins qui se posaient la question suivante : « pourquoi Josué ne fait-il pas partie de la Torah ? »
La promulgation du Pentateuque qui se met en place à l’époque perse n’exclut pas des modifications ultérieures et par conséquent nous ne sommes pas en outre dans l’idée que cela est un texte sacro-saint. On compile les grandes traditions, mais on n’éprouve nul besoin de posséder un récit qui se présente fixé définitivement. Parce que déjà à Qumrân il existe une vingtaine de manuscrits du Deutéronome qui apparaissent différents les uns des autres, en fait la canonisation ici n’est pas dans le sens d’un écrit auquel on ne peut plus toucher.
La promulgation de la Torah à l’époque perse n’exclut pas la possibilité de révisions ultérieures.
On retrouve encore des ajouts par exemple l’histoire de Joseph à l’époque helléniste, et jusque la traduction de la Torah en grec. Pour le Pentateuque, l’on sait que cela se passe vers 400 à 350 avant l’ère chrétienne.
Pour les Nebi’im (les prophètes) il est très difficile d’établir une date précise pour l’établissement du canon
tel que nous le connaissons au niveau des livres qui y furent intégrés. Les livres des Prophètes antérieurs existaient déjà à l’époque perse, et c’est certainement aussi le cas pour la plupart des ouvrages prophétiques.
La pratique juive se base sur une observation, les livres prophétiques sont organisés de sorte que les derniers des prophètes Aggée, Zacharie et Malachie sont situés sous les rois perses. Au niveau des datations qui reposent sur les éditeurs et les rédacteurs du Talmud, la période perse signifie pour la tradition juive la fin de la prophétie « inspirée ». « Nos maîtres ont enseigné : à la mort des derniers prophètes Aggée, Zacharie et Malachie, l’inspiration divine s’est retirée en Israël » ; « Depuis le jour où le Temple a été détruit, l’inspiration divine fut reprise aux prophètes et donnée aux sages » (Talmud, Baba Bathra 12b).
Le canon prophétique c’est aussi une manière de définir ce qui est un véritable prophète. Selon cette logique, seuls les prophètes qui donnent des recueils mentionnés sont de vrais prophètes. Pour la recherche historique, l’époque perse demeure une date bien trop précoce pour postuler la fin du processus de canonisation. En effet, on constate des ajouts qui apparaissent sans doute plus récents, ce qui a amené certaines comme Odil Hannes Steck qui a enseigné à Zurich de dire que c’était vers 200 avant notre ère que l’on a canonisé les livres historiques (Jos-Rois) et des livres prophétiques. Pour lui le contexte se serait que c’est à ce moment-là donc en 198 avant notre ère que le Levant passe de la domination ptoléméenne à la domination séleucide. Pour lui, c’est une sorte de moments de crise qui aurait pu en effet provoquer cette application en commun. Bien que nous venons que cela n’est pas tout à fait convaincant.
Évidemment, la mise en commun des ouvrages notifiés historiques et des livres prophétiques, à proprement parler, va amener ce que l’on peut appeler une sorte d’alignement canonique de la Torah. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que si vous prenez une sorte d’encadrement en fonction de la Torah parce qu’en Josué chapitre 1 premier discourt de Dieu à Josué : (Jos 1,7) : Veille à agir selon toute la Torah que t’a prescrite Moïse (LXX : selon tout ce qu’a prescrit Moïse)…
Tout à la fin dernier livre des prophètes, Malachie (Mal 3,22) : Souvenez-vous de la Torah de Moïse mon serviteur.
En fait, les Nebi’im figurent encadrés par cette référence à Moïse et à la Torah. Néanmoins, l’on rencontre en Malachie cette ouverture eschatologique :
(Mal 3,23) : Je vous enverrai le Prophète Élie avant que n’arrive le jour de Yhwh, ce jour grand et redoutable.
Tout cela est discuté dans le Nouveau Testament. Mais l’idée demeure d’annoncer que le temps du prophétisme est arrivé à son terme et que l’on ne verra plus d’autres prophètes envoyés par Dieu jusqu’au dénouement des temps. Tout cela pour dire que tous ceux qui se présenteront en tant que prophètes, ne doivent plus être écouté. Apparemment, cela était un sujet débattu vers la fin de la période helléniste et l’époque romaine. C’est sans doute parallèlement à ces faits que l’on compila une sorte de position des Nebi’im : contre des milieux proto- sadducéens et samaritains. Parce que les sadducéens ne gardaient que la Torah, cela on le trouve encore chez les Flavius Joseph et ils restaient hostiles à toute nouveauté et les samaritains également. Ainsi les milieux qui ont mis ensemble les prophètes n’étaient certainement pas sadducéens ou samaritains. Cela veut dire aussi probablement que la compilation des Nebi’im présuppose une sorte de conflit désormais entre les judéens et les samaritains. Dans le chapitre précédent, on a vu que ce conflit n’existait pas au début ; donc il n’existait pas à l’époque du Pentateuque, puisque celui-ci figura adopté par les deux parties.
La question demeure la suivante : est-ce que cela se déroule vraiment vers 200 avant notre ère, ou est-ce que cela ne se passe pas un tout petit peu plus tard. Les arguments que l’on donne pour une époque vers — 200 sont doubles. Le premier c’est-à-dire que le livre du Siracide dont on a déjà parlé porte toute une liste des grands hommes d’Israël, et lorsqu’il énumère les prophètes, il les nomme tous, les trois grands et les douze petits. Là aussi évidemment les personnages importants des livres historiques, or ce livre est estimé écrit en l’an -180. Deuxième argument, c’est que le livre de Daniel que l’on peut dater à l’année précise en -164 avant notre ère. Du fait que dans le récit on rencontre des allusions à Antiochus IV, en effet celui-ci entre dans le temple ce qui est désigné comme l’abomination des abominations. Or, -164, c’est l’année de la mort d’Antiochus IV, et l’auteur du livre de Daniel ignore encore cette mort. Par conséquent, c’est un argument assez bon pour dater la forme finale de ce livre à -164 ; mais, peu importe s’il s’agit bien de -164, car on peut se dire : « peut-être que le canon était clos parce que l’on n’a pas mis Daniel parmi les prophètes. » Toute fois, Daniel se trouve être considéré comme un prophète dans le canon grec. Après l’on peut toujours se poser la question est-ce que les compilateurs des Nebi’im pensez vraiment que Daniel était un prophète. Puisque l’on découvre une première partie beaucoup plus narrative ainsi les deux argumentations. À mon avis cela ne figure pas absolument décisives d’où l’idée aussi de se dire que peut-être c’est lié à la révolte Macchabéenne, vers -164 parce que d’une certaine manière les Macchabéens se voyaient Comme les successeurs de Josué et des rois d’Israël, et ils avaient tout intérêt à canoniser ses récits. Parce que l’on reprend le pays, on réinstalle la monarchie. Ainsi c’est parfaitement logique d’une certaine manière dans ces conditions l’option -164 me paraît une date tout à fait possible pour la fixation du canon hébraïque des Nebi’im.
L’on sait encore que le canon grec va se mettre en place, et que celui-ci reste légèrement différent. De plus, celui-ci se met en place peut-être plus en Égypte (Alexandrie) qu’en Palestine. Donc, ne regardons pas cela d’une façon trop linéaire. Mais la manière dont le canon hébraïque construit le Nebi’im se comprend très bien dans le contexte de l’époque des Macchabées.
Très brièvement la canonisation des Ketubim la troisième partie intervient après la destruction de Jérusalem par les Romains en 70 de l’ère chrétienne. Cependant, certains avancent la date de 132 c’est-à-dire après la révolte de Bar Kokhba contre les Romains qui se terminent par un échec cuisant, et en partie en réaction à l’influence grandissante du christianisme. Il apparaît aussi toute cette prolifération des écrits apocalyptique messianique, et l’on pense à ce que l’on a trouvé à Qumrân. Alors on se pose la question suivante : que peut-on faire avec tous ces textes-là ? Souvenez-vous ce que nous avons vu, Esdras est sensé avoir écrit 94 livres, et seulement 24 sont retenus pour tout le monde. Cela nous donne un peu l’ordre de grandeur par rapport à ce qui a pu se passer.
On a souvent parlé suite à Heinrich Graetz un historien et théologien juif prussien [1817 - 1891] chercheur sur le canon, d’un genre de synode à Yabneh [Yamnia dans la plaine côtière de la Palestine]. On aurait décidé alors la troisième partie. C’est un peu anachronique d’imaginer cela au même degré que les synodes des évêques chrétiens où l’on se met d’accord et ensuite l’on établit une sorte de décret. J’imagine que cela fut beaucoup plus long et complexe. Comme Simon Mimouni, l’on préférera penser que c’est un processus qui a duré des siècles.
L’Académie de Yabneh [ou assemblée de Yabneh] est un conseil des sages pharisiens les plus célèbres de son temps que Rabban Yohanan ben Zakkaï [mort ca. 80-85] serait parvenu à constituer dans la ville de Yabneh [Jamnia] quelques années à peine après la destruction du Second Temple de Jérusalem [70] et l’écrasement de la grande révolte juive. Bien que l’assemblée de Yabneh ne concerne que le mouvement des rabbins en formation et non l’ensemble du peuple juif, cet épisode apparaît très important dans l’histoire juive.
Yohanan ben Zakkaï aurait fondé une école de loi juive, qui devint un facteur majeur de la Mishna ultérieure. Son école est souvent considérée comme une source du judaïsme rabbinique.
Cette Académie à certes jouer un rôle, mais celui-ci ne figurait pas fondamentale. En effet, l’on possède également après cela dans la Mishna dans le Talmud toutes sortes de livres qui jusqu’au IV et V siècle de notre ère sont encore discutés. Ainsi la canonicité de certains ouvrages fut longtemps sujette à débat.
Dans Esther pourquoi Dieu n’intervient-il pas ? Cantique, Qohéleth, et d’autres recueils [repris par certaines églises chrétiennes] ont été exclus : Siracide, Judith, Tobit, Maccabées, Sagesse de Salomon, etc. Donc si l’on pousse un tout petit peu on peut dire en fait que la Bible juive et la Bible chrétienne sont nées à peu près à la même époque. Bien entendu, les textes figurent plus anciens, mais la fixation et ce que vont devenir les Ketubim est quelque chose qui peut très bien seulement se faire aux III et IV siècle.
Les critères de sélection des livres intégrés dans les Ketubim.
Évidemment, la première sélection repose sur la rédaction, ils doivent apparaître écrits en hébreu. Aucun livre en grec n’en fait partie. On trouve une exception dans la livre de Daniel dont une portion est composée en araméen. Mais, peut-être a-t-on traduire en hébreu une partie, car curieusement seul le premier chapitre est écrit en hébreu. Certains pensent que l’on a juste traduit le premier chapitre pour que le livre puisse plus facilement entrer dans le canon. De même et pour la même raison, l’on a sans doute aussi inventé que le Qohéleth a pour auteur Salomon. En effet, Qohéleth cette fiction salomonienne ne joue plus aucun rôle à l’intérieur du livre. En donna Salomon comme l’auteur du livre, à partir de là, on n’a plus rien à dire. Toutes sortes de stratégies existent, mais pour certaines cela ne va pas tout à fait marcher, et l’on peut prendre pour exemple le livre Siracide. Aujourd’hui, l’on sait qu’une version en hébreu existait, mais cela ne fut pas suffisant. Est-ce que le Siracide se trouvait trop lu par les chrétiens ? Pourquoi ne l’a-t-on pas intégré ? Cependant dans la genizah d’une synagogue du Caire, on a découvert un fragment du Siracide daté du V ou VI siècle.
Le terme araméen genizah (de GNZ, « cacher », « être précieux ») désigne une salle, attenante à la synagogue. Celle-ci se trouve destinée à recevoir les manuscrits de la Loi devenus inutilisables. Les raisons peuvent figurer diverses : l’usure de l’âge ou la manipulation culturelle tenus pour sacrer, car ils contenaient le nom divin, ils ne devaient être ni détruits ni profanés.
Donc, des livres doivent se trouver rédiger en hébreu, par conséquent furent exclus des livres comme Judith et Macchabées et de tous leurs semblables.
Une autre conception selon Albert de Pury est qu’une des motivations pour le Ketubim pourrait être l’idée de montrer aux Grecs que les juifs ont également un canon littéraire où figure de tout. Effectivement, on y trouve des ouvrages poétiques, des documents sapientiaux et tragiques (Job), ainsi que des écrits historiques. En effet, l’on rencontre dans le canon hébraïque presque tous les grands genres littéraires qui sont réunis. Est-ce une raison supplémentaire ? L’on ne peut pas l’exclure ! Toujours est-il que l’on constate la même chose des Ketubim que des Nebi’im, ils sont reliés à la Torah parce que le psaume 1. (Ps 1 1,2) : heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants, ne s’arrête pas sur le chemin des pécheurs et ne s’assied pas au banc des moqueurs, 2, mais qui se plaît à la loi de Yhwh et récite sa loi jour et nuit !
Cela c’est que l’on retrouve dans Josué (Jos 1,7)… veille à agir selon toute la Loi que t’a prescrite Moïse, mon serviteur. 8 Ce livre de la Loi ne s’éloignera pas de ta bouche ; tu le réciteras jour et nuit…
Après l’interrogation que l’on peut se poser et est la suivante : pourquoi ici on n’annonce pas la loi de Moïse, mais l’on dit la loi de Yahvé ? Est-ce juste une variante ou est-ce que l’on a une autre idée là derrière ? C’est une question que l’on peut se poser. Avec cela, on arrive sur le canon tripartite qui clairement se trouve un canon centré sur la Torah et donc les trois parties ne possèdent pas le même statut. C’est toujours les Nebi’im et les Ketubim qui se comprennent qu’en fonction de la Torah. Cela reste très différent de la lecture chrétienne de ce que l’on va appeler l’Ancien Testament.
Évidemment le fait que les Ketubim se terminent avec le livre des Chroniques, qui raconte l’histoire de la royauté telle que l’ont entamée les livres des Rois ; montre encore que le canon c’est certes un canon où l’on a sélectionné des livres, mais c’est également un canon qui intègre en lui-même la diversité et la nécessité d’interprétation. En effet si vous comparez l’histoire de la royauté dans les livres des Rois et dans des Chroniques, ce n’est pas tout à fait la même histoire. Par exemple, le roi Manassé dans le livre des rois est représenté comme le pire de tous les rois. Bien qu’il ait régné 65 ou 62 années c’est quand même un exploit pour l’époque. Dans les Chroniques, ce roi n’apparaît plus perfide c’est-à-dire qu’il se trouvait très méchant au début, mais ensuite Yahvé lui envoie une maladie à la suite de laquelle il se convertit. Du coup, il est récompensé pour sa conversion et il peut exécuter un très long règne. Dans les livres des Rois l’on n’en parle pas du tout, mais on a laissé les deux versions on n’a pas sélectionné l’un au détriment de l’autre. Cela nous montre aussi qu’à l’intérieur du canon, et cela est pareil pour le Pentateuque ; nous possédons trois collections de lois. Certaines traitent la même chose, mais avec des perspectives pas toujours identiques ce qui va réaliser que d’emblée cela va provoquer cette culture d’actualisation et d’interprétation dont le judaïsme va en effet vivre. À ce moment-là, deux lectures demeurent possibles ; l’une d’entre elles va s’ouvrir assez différemment dans le christianisme qui va plutôt essayer d’introduire de l’ordre là-dedans c’est-à-dire que celui-ci va bâtir des théologies de l’Ancien Testament. On va construire de grandes interprétations dogmatiques, pour vouloir démontrer que tout se trouve cohérent. Cela va commencer avec Thomas d’Aquin, et plus récemment Karl Barth. D’une certaine manière, tout cela découle de la même idée. On doit rendre les écritures cohérentes parce que celles-ci doivent apparaître comme telles. Peut importe s’il procède de catholiques ou de protestants l’idée en soit, demeure qu’il se trouve nécessaire de mettre de l’ordre. Dans le judaïsme cela reste très singulier, dans celui-ci c’est le débat même qui fait en fait le sens de la Torah donc là on trouve deux herméneutiques assez différentes.
Sur la diversité des textes.
Quand on parle de canon, nous ne sommes pas encore en présence d’un texte intouchable. C’est d’abord le fait que l’on regroupe un certain nombre de livres. Ce qui apparaît clair aussi c’est que ces livres figurent l’aboutissement d’un long processus du fait qu’aucun texte qui nous vient de l’Antiquité ne nous est parvenu telles qu’elle. Des copistes ont toujours remanié les récits. Nous possédons pour affirmer cela de preuves matérielles. Je prendrais pour exemple en Mésopotamie l’épopée de Gilgamesh, et heureusement que ce texte se trouve originaire de cette zone géographique, parce qu’effectivement les tablettes d’argile cuites au four se sont conservées jusqu’à aujourd’hui. C’est le meilleur support de stockage puisque celles-ci ont survécu plus de quatre mille ans. Par conséquent si l’on compare celle-ci, on observe en effet que les tablettes les plus anciennes que nous avons ne coïncident pas forcément à la transcription standard de cette épopée. Donc là on peut en effet voir les différentes techniques des scribes. Cela va de même pour les textes d’Homère, on constate aussi toute une tradition de réinterprétation et de commentaires de réécritures des manuscrits. Tout cela évidemment nous indique que les textes bibliques n’ont pas échappé à ce phénomène. Aucun je dis bien aucun texte biblique ne correspond à sa première version, sa transcription primordiale de mise par écrit. À cela pour le texte hébreu s’ajoute le fait que les premiers textes s’ils avaient existé avant l’époque perse, ils étaient écrits dans un autre mode d’écriture. Ils étaient écrits dans ce que l’on appelle le paléo-hébraïque, car il existe à proprement parler deux modes d’écritures hébraïques.
La première nommée également « paléo-hébreu » est née vers le Xe siècle. Elle fut en usage jusque vers le début du Ier siècle de notre ère. La seconde originaire de Mésopotamie fut en pratique dès le VIe siècle avant notre ère et supplanta progressivement, mais définitivement la première forme vers la fin du Ier siècle de notre ère. C’est ce que l’on appelle l’écriture judéenne ou communément hébreu carré, et c’est celle que l’on utilise encore aujourd’hui.
L’écriture phénicienne ou écriture paléo-hébraïque
L’alphabet hébreu est donc né dans la région de Phénicie, vers le Xe siècle avant notre ère. Il dérive de l’écriture phénicienne, tout comme le grec ; mais à la différence de ce dernier, l’écriture hébraïque à l’instar des autres systèmes d’écriture qui se sont développés dans la même région, ne possède pas de signe pour transcrire toutes les voyelles. Seules les consonnes sont écrites, et la prononciation est restituée à la lecture. Cependant, probablement que certaines consonnes se trouvaient utilisées pour transcrire les sons « ou » « é » et « a ». Cet alphabet originel est appelé aussi écriture paléohébraïque, c’est-à-dire littéralement « ancienne écriture hébraïque ».
Lévitique et les livres de Samuel, écriture phénicienne sur parchemin
Fragments bibliques de la mer Morte (Qumrân BnF, département des Manuscrits orientaux, Hébreu 1427 (3) pl. 7
© Bibliothèque nationale de France
Les plus anciens supports de la Bible demeurent le parchemin et le roseau comme en témoignent les fragments de Qumrân. Le rouleau fut abandonné au profit du codex, livre formé de cahiers de parchemin reliés par la tranche, à l’exception de l’usage liturgique. En 1947, sept manuscrits étaient d’abord découverts au Proche-Orient dans une grotte surplombant la mer Morte. Cette trouvaille devait entraîner la mise à jour de quelque sept cents manuscrits et fragments dans onze grottes supplémentaires. Les textes présentés ici sont des fragments du Lévitique en écriture phénicienne et des passages des deux livres de Samuel, sur parchemin.hemin, support prescrit pour la copie des textes bibliques.
L’un des plus anciens documents en langue hébraïque écrits en paléo-hébreu est une stèle de pierre sur laquelle est gravé un calendrier agricole. Le calendrier de Gezer, découvert en 1908, daterait du Xe siècle, c’est-à-dire règne du roi Salomon.
La stèle de Mesha, datant du IXe siècle raconte en langue moabite, une langue ancienne aujourd’hui disparue et proche de l’hébreu, la victoire des armées de Kamosh sur celle du roi d’Israël Ouri. L’alphabet utilisé est le même que celui de Gezer ou celui qui servait à écrire l’hébreu.
Stèle de Mesha
Le texte de 34 lignes en écriture proche du phénicien ancien, en lignes lues de droite à gauche, comporte une particularité : les mots sont séparés par des points avec des barres de ponctuation en fin de phrases. Le dialecte est peu différent du phénicien de Byblos, et est très voisin de l’hébreu.
Il commémore la défaite infligée au royaume d’Israêl après la mort d’Achab, peu avant 842 av. J.-C. Mesha rapporte la construction d’un haut lieu de délivrance « pour son dieu Kemosh », puis il relate comment il chassa les israélites. Il massacra la population de la ville de Nebé où se trouvait un temple de Yahvé : « Je pris de là les vases sacrés de Yahvé et je les traînai devant Kemosh. »
Enfin, le texte commémore l’activité de Mesha dans la réorganisation des principales villes de son royaume. C’est une authentique page d’histoire que l’on peut confronter avec le livre des Rois.
Cette vieille écriture hébraïque resta longtemps en usage. En effet, on découvrit à Qumrân parmi les 900 manuscrits certains copiés vers le Ier siècle de notre ère écrit dans cette écriture d’origine phénicienne.
L’écriture samaritaine
L’écriture samaritaine dérive elle aussi de l’alphabet phénicien. Elle compte 22 signes et ne note que les consonnes. Elle demeure encore en usage aujourd’hui dans les Pentateuques et les livres liturgiques des samaritains.
Pentateuque samaritain : Exode
Fragments bibliques de la mer Morte (Qumrân)
Qumrân, début du Ier siècle après J.-C..
Parchemin
BnF, département des manuscrits orientaux, Samaritain I, Pentateuque samaritain, f. 125.
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L’écriture araméenne
Lorsque Nabuchodonosor conquiert le royaume de Juda en 586 avant notre ère, l’araméen se trouve la langue diplomatique d’une vaste région allant des confins de la Mésopotamie à l’Égypte. L’hébreu apparaît une langue parlée par quelques centaines de milliers d’individus. Nabuchodonosor déporte à Babylone les élites du royaume de Juda, dont le célèbre prophète Daniel. Au cours du siècle que dura l’exil, les juifs adoptent d’une part l’araméen comme langue vernaculaire et l’alphabet araméen. On en tient pour preuve, que certaines parties de la Bible furent rédigées en araméen. Or, l’écriture utilisée pour écrire l’araméen est probablement apparue dans le désert de Syrie mille avant notre ère. Dans cette classe, on compte l’écriture palmyrienne ou encore l’écriture nabatéenne. C’est de cette famille que naîtra l’écriture arabe.
Lorsque Cyrus autorisa en 521 avant notre ère les anciens habitants de la Judée à se réinstaller à Jérusalem, les exilés et leurs descendants rapportent avec la langue et l’écriture araméennes. L’écriture araméenne évolua pendant plusieurs siècles, et les populations de Judée qui ne furent pas déportées continuaient à utiliser le palé-ohébreu.
Après d’âpres discussions, les rabbins originaires de Mésopotamie se devaient de répondre à la question suivante : « Sous quelle forme d’écriture la Torah fut-elle transmise à Moïse sur le mont Sinaï ? » En écriture judéenne ? Ils réussirent à imposer l’écriture hébraïque dite carrée pour la copie des rouleaux de la Torah. Les quelques irréductibles partisans du paléo-hébreu n’abandonnèrent l’antique écriture dérivée du phénicien que vers la fin du Ier siècle de notre ère.
Lévitique et Livres de Samuel
Fragments bibliques de la mer Morte (Qumrân)
Qumrân, début du Ier siècle après J.-C..
Écriture phénicienne sur parchemin
BnF, département des Manuscrits orientaux, hébreu 1427 pl. 7
© Bibliothèque nationale de France
Les plus anciens supports de la Bible demeurent le parchemin et le roseau comme en témoignent les fragments de Qumrân. Le rouleau fut abandonné au profit du codex, livre formé de cahiers de parchemin reliés par la tranche, à l’exception de l’usage liturgique. En 1947, sept manuscrits étaient d’abord découverts au Proche-Orient dans une grotte surplombant la mer Morte. Cette trouvaille devait entraîner la mise à jour de quelque sept cents manuscrits et fragments dans onze grottes supplémentaires. Les textes présentés ici sont des fragments du Lévitique en écriture phénicienne et des passages des deux livres de Samuel, sur parchemin, support prescrit pour la copie des textes bibliques.
Rouleau de la Torah
XVIIe siècle.
BnF, département des manuscrits orientaux, Hebreu 58
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L’invention des voyelles
Dès le premier siècle de notre ère, en Palestine, en Égypte, en Mésopotamie, l’hébreu n’était plus conversé que localement en Palestine sous joug romain ou perse. Les juifs nombreux en Égypte, en Mésopotamie, parlaient les langues et dialectes des pays où ils vivaient : en Égypte, le grec, en Syrie, le syriaque, en Mésopotamie l’araméen, ou l’arabe à partir de la conquête islamique.
L’écriture hébraïque servait à la copie et la transmission du texte biblique. Or, l’hébreu ne comprend pas de système de voyelles très développé. Les lettres Aleph et Hé peuvent transcrire le son « a », la lettre Yod, les sons « é » ou "i », la lettre Vav, les sons « o » ou « ou ». Cette méthode loin d’être fiable, ne pouvait assurer la prononciation rigoureuse du texte hébreu de la Torah et sa transmission sans failles.
Un groupe de commentateurs de la Bible, savants spécialistes de l’hébreu et du texte biblique, ayant installé leur école sur les rives du lac de Tibériade en Galilée, introduisirent une technique d’adaptation constituée de points, de tirets disposés sous les lettres hébraïques destinées à noter la prononciation de l’hébreu, et afin de noter là où s’arrête une phrase, et où en commence une autre.
Bible hébraïque
Lisbonne, 1496?.
Parchemin, 525 folio, 32x25 cm
BnF, Département des manuscrits, Hébreu 15, folio 67
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Bien avant nous possédons l’écriture proto-cananéenne découverte près des villes de Beth Shemesh, El-Hadr, Gezer, Laquis, Megiddo et Siquem en Israël Palestine.
Elle constitue un système alphabétique assez proche du Proto-Sinaïtique qui en est certainement à l’origine.
La grande variété dans les signes retrouvés fait penser à certains chercheurs que nous sommes en présence non pas d’un seul système, mais de plusieurs. Mais pour l’instant, aucune preuve ne vient étayer cette hypothèse.
Un spécimen de script Proto-Sinaitic. La ligne allant du coin supérieur gauche au coin inférieur droit peut lire mt l bʿlt « … à la dame ».
Script proto-sinaïtique
Proto-Sinaitic (également appelé Sinaitic, Proto-Canaanite lorsqu’il est découvert à Canaan, l’alphabet sémitique du nord, ou Early Alphabetic) est considéré comme la première trace de l’écriture alphabétique. L’ancêtre commun des deux écritures : sud-arabe antique et l’alphabet phénicien, qui ont conduit à de nombreux alphabets modernes, y compris l’alphabet grec. Selon la théorie courante, les Cananéens qui parlaient une langue sémitique (hypothétiquement reconstruit comme proto-sémitique) ont réutilisé les hiéroglyphes égyptiens pour construire un script différent. Le script est attesté dans un petit corpus d’inscriptions trouvées à Serabit el-Khadim dans la péninsule du Sinaï, en Égypte remontant à l’âge du bronze moyen (2100–1500 avant notre ère). Le principal débat s’inscrit entre un temps précoce, vers 1850 avant notre ère, et un âge tardif, vers 1550 avant notre ère. Le choix de l’une ou l’autre date décide si elle figure proto-sinaïtique ou proto-cananéenne, et par extension situe l’invention de l’alphabet en Égypte ou en Canaan respectivement.
Cependant, la découverte des inscriptions de Wadi el-Hol près du Nil montre que l’écriture se trouve originaire d’Égypte. L’évolution de la proto-sinaïtique et des divers scripts proto-cananéens sous l’âge du bronze est basée sur des preuves épigraphiques plutôt rares ; ce n’est qu’avec l’effondrement de ce dernier et la montée de nouveaux royaumes sémitiques au Levant que le proto-cananéen est clairement attesté. (inscriptions de Byblos 10e -8e siècle avant notre ère, inscription de Khirbet Qeiyafa vers 10e siècle avant notre ère). Les inscriptions proto-sinaïtiques apparurent identifiées au cours de l’hiver 1904-1905 dans le Sinaï par Hilda et Flinders Petrie. À cela, on peut ajouter un certain nombre de courtes inscriptions proto-cananéennes découvertes à Canaan datées entre le 17e et le 15e siècle avant notre ère. Plus récemment, la localisation en 1999 des inscriptions de Wadi el-Hol, trouvées en Moyenne Égypte par Jean et Deborah Darnell. Les inscriptions de Wadi el-Hol suggèrent fortement une date de développement de l’écriture proto-sinaïtique du milieu du XIXe au XVIIIe siècle avant notre ère.
Inscriptions proto-sinaïtiques
Inscriptions Serabit
Les inscriptions du Sinaï sont surtout connues à partir de graffitis sculptés et de textes votifs d’une montagne du Sinaï appelée Serabit el-Khadim et de son temple à la déesse égyptienne Hathor (ḥwt-ḥr). La montagne contenait des mines de turquoise qui se trouvèrent visitées par des expéditions répétées pendant 800 ans. Beaucoup d’ouvriers et de fonctionnaires venaient du delta du Nil. Ils comprenaient un grand nombre de Cananéens (c’est-à-dire des locuteurs d’une forme primitive du nord — ouest sémitique ancestral des langues cananéennes de l’âge du bronze tardif) autorisés à s’installer dans le delta oriental.
La plupart de la quarantaine d’inscriptions furent retrouvées parmi celles hiératiques et hiéroglyphiques beaucoup plus nombreuses, griffées sur des rochers à proximité et dans les mines de turquoise et le long des routes menant au temple. Quatre d’entre elles furent trouvées dans le temple, sur deux petites statues humaines et de part et d’autre d’un petit sphinx en pierre. Ils apparaissent grossièrement faits, suggérant que les ouvriers qui les ont faits étaient analphabètes en dehors de ce scénario.
Inscriptions à Canaan
Seules quelques inscriptions furent trouvées à Canaan même, datées du XVIIe au XVe siècle av. Les chercheurs affirment également avoir découvert des sorts de serpents cananéens. Les passages datent de 2400 à 3000 av. J.-C. et semblent rédigés en proto-sinaïtique, un ancêtre direct de l’hébreu biblique. Ils sont tous très courts, la plupart ne possèdent que quelques lettres. Des caravaniers cananéens, des soldats d’Égypte ou de premiers israélites pourraient les avoir écrits. Ils vont parfois par le nom « proto-cananéen », bien que le terme soit également appliqué respectivement aux premières inscriptions phéniciennes ou hébraïques antiques.
Le calendrier de Gezer.
Nous devons aussi évoquer le calendrier de Gezer. Son nom lui vient de l’endroit de sa découverte en 1908 par l’archéologue irlandais R.A.S. Macalister : le site archéologique de Gezer connu sous le nom arabe de Tell el-Jazari. Ce « calendrier » est taillé sur une pierre calcaire de 11,1 centimètres de long sur 7,2 centimètres de large. Gravé en hébreu biblique, Il daterait de 950 av. J.-C. et donc du temps du roi Salomon.
Comme on peut le voir sur les images ci-dessus, ce calendrier comporte 8 lignes qui évoquent les tâches agricoles suivant les mois de l’année.
La traduction des lignes est la suivante :
Cette pierre conserve encore une partie de son mystère puisqu’on se perd en hypothèses sur son auteur et sa destination.
Certains pensent à un exercice d’écolier en s’appuyant sur le tracé grossier des caractères. D’autres penchent vers un pensum pour la collecte des taxes, d’autres, pensent qu’il s’agirait des paroles d’une chanson populaire.
Bref, chacun peut choisir la version qui lui convient… ou en trouver une autre.
La stèle de Tel Dan est une stèle de basalte érigée par un roi araméen au IX – VIII siècle av. J.-C. dans le nord d’Israël. Deux fragments furent découverts en 1993 et 1994 lors des fouilles archéologiques dirigées par Avraham Biran sur le site de Tel Dan dans le nord de la vallée de la Houla en Israël.
La stèle contient une inscription araméenne qui commémore la victoire d’un roi sur les anciens israélites. Bien que le nom de l’auteur de la stèle ne semble pas apparaître sur les fragments nous sommes en présence probablement d’un roi qui vivait près de Damas. Le langage et la localisation rendent plausible le fait que l’auteur soit Hazaël ou son fils, Bar-Hadad II, qui étaient souverains de Damas et ennemis du royaume d’Israël au IX siècle av. J.-C.
La stèle fut trouvée à Tel Dan, une colline anciennement nommée Tell el-Qadi et où se tenait une cité à l’extrême nord d’Israël. Le fragment A, fut découvert en 1993, et les fragments B1 et B2, qui vont ensemble, en 1994. Dans la partie cassée de la stèle, sous les écritures, il reste possible qu’il figure un point de contact « interne » entre le fragment A et les fragments B1/B2 assemblés, mais il demeure sujet à controverse. Si ce point de contact existe réellement, alors les pièces se trouvaient à l’origine côte à côte.
L’inscription parée dater du VIII ou IX siècle av. J.-C. La fin du VIII siècle correspond à une détérioration due à une conquête assyrienne en -733. Comme cette couche de destruction se trouve au-dessus de celle dans laquelle les fragments de stèle furent trouvés ; il demeure certain qu’elle a eu lieu après que la stèle fut érigée. Ce ne fut qu’en suite que celle-ci figura brisé en plusieurs morceaux, lesquels se trouvèrent réemployés plus tard, dans un projet de construction à Tel Dan, vraisemblablement par des israélites. Le temps écoulé entre ces événements et la conquête assyrienne apparaît difficile à estimer.
Bien que seuls des fragments de l’inscription aient demeuré, elle a fortement suscité l’intérêt des archéologues. L’attention est concentrée sur six caractères en alphabet phénicien signifiant en araméen la « Maison de David » et équivalents au mot hébreu « ביתדוד ». Si la traduction figure correcte, nous demeurerions en présence de la première identification du roi « David » sur un site archéologique.
Comme la stèle de Mesha, la stèle de Tel Dan semble remplir une fonction de mémorial à but de propagande militaire, vantant les victoires du roi Hazaël ou de son fils. (Quelques épigraphes, dont André Lemaire, pensent que l’expression « Maison de David » apparaît également dans une ligne partiellement brisée de la stèle de Mesha.)
Les inscriptions de Deir Alla apparaissent un groupe d’inscriptions en écriture araméenne trouvée sur le site archéologique de Deir Alla (en) en Jordanie dans la vallée du Jourdain. Elles furent découvertes en 1967 par une équipe néerlandaise et elles sont conservées au musée archéologique d’Amman. Ces inscriptions relatent les visions d’un personnage appelé « Balaam » qui se trouve également connu par la Bible hébraïque, notamment dans le livre des Nombres (22-24).
Le site de Deir Alla (« Haut monastère ») était occupé par un grand sanctuaire habité de l’époque du bronze moyen à l’âge du fer. Il est isolé et n’est rattaché à aucun village. Le lieu est souvent identifié au site de Soukkot mentionné dans la Bible hébraïque. Dans le Talmud de Jérusalem, Souccot est désigné sous le nom de Tarʿala dont Deir Alla pourrait demeurer une déformation.
Lors de sa découverte, l’inscription apparut datée de l’époque perse, mais à présent, il apparaît un consensus pour la dater de l’âge du fer II. Elle appartient à la phase IX du site celui qui subit une destruction par un tremblement de terre autour de 800 av. J.-C. Peut-être s’agissait-il de celui mentionné dans le livre d’Amos (1:1). L’inscription apparaît rédigée à l’encre noire, et parfois rouge. Son langage, son graphisme et sa lecture font l’objet de discussions. Généralement, son style apparaît comme de l’araméen, même si d’autres ont parfois proposé de voir dans celui-ci de l’ammonite. Sa langue figure de l’araméen ancien ou un dialecte cananéen. Le texte était écrit sur un mur ou sur une stèle. Il ne fut pas retrouvé en place, mais sous forme de débris répandus sur le sol, et les petits morceaux de plâtre réassemblés par le soin des archéologues. Deux groupes de fragments ont pu être identifiés.
Le texte
Le groupe numéroté I commence par un titre écrit à l’encre rouge : « texte de [Ba] laam [fils de Be] or qui voyait les dieux ». Ce passage raconte l’histoire de la vision de Balaam. Pendant la nuit, Balaam reçoit une vision. Le lendemain, il pleure et se lamente avant d’expliquer sa vision au peuple : le conseil des dieux a demandé à une déesse de répandre l’obscurité sur la Terre. La cause de cette décision (ou sa conséquence) demeure un comportement anormal des hommes et des animaux. Le nom de la déesse n’est pas conservé en entier. On propose souvent d’y voir la divinité Šagar, mentionnée plus loin dans le texte, ou la divinité solaire Šamaš (ou Šapaš), dont la forme féminine est attestée à Ugarit. Les dieux y sont appelés אלהן (ʾlhn - Élohim) et שדין (šdyn - Shaddaïn). La mention de l’épithète divin šdy figure intéressante, puisqu’elle apparaît aussi dans la Bible hébraïque ; notamment dans le livre des Nombres, où le Prophète Balaam se présente lui-même comme quelqu’un qui a des visions de Shadday. Le groupe II de l’inscription apparaît plus difficile à lire, car aucune ligne n’a pu être complètement reconstituée. Ce passage décrit une sorte de rituel dont l’interprétation reste délicate.
L’ensemble est un texte littéraire retranscrit avec soin par un scribe. La composition du texte original peut demeurer plus ancienne d’un à deux siècles que la copie trouvée à Deir Alla. Cette hypothèse permettrait d’expliquer les particularités de la langue pour un texte daté du VIII siècle av. J.-C. Ces inscriptions témoignent de l’existence d’une tradition littéraire araméenne autour du personnage de Balaam dont les rédacteurs bibliques avaient connaissance. Les scribes israélites ont intégré ce personnage à leur propre tradition littéraire, en faisant prophétiser Balaam en faveur des israélites. Même si le contenu des écrits de Deir Alla, ne possède aucun rapport avec les actions de Balaam dans le récit biblique.
Les ostraca des Samarie figurent des pièces découvertes en 1910 par G.A. Reisner au cours des fouilles archéologiques du site de Samarie, l’ancienne capitale du royaume d’Israël. C’est le plus antique corpus d’écrits en hébreu ancien. Il compte 66 inscriptions sur des tessons de poteries. Elles traitent de la livraison de vin et d’huile à la capitale lors des 9, 10 et 15 années d’un roi qui est sans doute Jéroboam II. Les années de règne se trouvent rédiger en style hiératique.
L’inscription de Siloé est un passage de texte gravé dans le tunnel d’Ezéchias qui amène l’eau de la source de Gihon au bassin de Siloé, située dans le quartier de Silwan à Jérusalem-Est.
L’analyse épigraphique montre que l’inscription date des VIII/VII siècle av. J.-C. 1. L’inscription remonterait à la construction du tunnel sous les règnes des rois Ezéchias ou Manassé2. C’est parmi les plus anciennes traces existantes dans ce genre composées en hébreu avec l’alphabet paléo-hébraïque.
Les lettres de Lakish ou plus exactement ostraca de Lakish sont 22 pièces écrites en alphabet paléohébraïque provenant du site archéologique de Lakish en Israël. Vingt et un ostraca furent identifiés lors des campagnes de fouilles réalisées entre 1932 et 1938 par l’archéologue britannique James Leslie Starkey. Ils furent déchiffrés puis publiés par le professeur Naftali Herz Tur-Sinai. Un ostracon supplémentaire fut découvert en 1966. Ces ostraca représentent le principal corpus d’inscriptions en hébreu ancien. On les trouva dans le niveau archéologique II qui coïncide à la dernière phase du gouvernement judéen de la ville de Lakish avant sa destruction par l’armée babylonienne de Nabuchodonosor II en 586 av. J.-C.. Ils apportent des renseignements essentiels sur la paléographie, l’orthographe, le vocabulaire et la grammaire de l’hébreu ancien.
À l’époque du royaume de Juda, la ville de Lakish était la deuxième ville la plus importante après Jérusalem. Les ostraca de Lakish figurent généralement des correspondances militaires qui traitent de problèmes administratifs, militaires et politiques. Ils reflètent l’atmosphère troublée qui règne en Juda à la veille de la campagne babylonienne. On trouve un écho de cette situation dans le livre de Jérémie. Le style des lettres est elliptique, car il fait allusion à un contexte supposé connu à la fois par l’auteur des lettres et leurs récepteurs, mais qu’il reste difficile de reconstituer aujourd’hui.
Les ostraca 1-15 et 18 proviennent d’une pièce adjacente à la porte extérieure de la ville. Il s’agissait peut-être d’une salle de garde où arrivaient les messages pour le commandant de la forteresse. À trois reprises, le destinataire des lettres est un certain Yaosh (יאוּש). Compte tenu du contexte, qu’il s’agirait du commandant de la forteresse n’est pas impossible. Les lettres donnent un aperçu des modèles de salutations en usage tel que ישמַע יהוה את אדֹנִי שמֻעֹת טֹב עָתָ כּיֹם « puisse Yahweh faire entendre à mon maître de bonnes nouvelles maintenant » (ostracon 8) ou des formules épistolaires d’un subordonné s’adressant à son supérieur מי עבדך כּלב כּי (my `bdk klb ky) « qui est ton serviteur (sinon) un chien que… » (ostracon 6) 1. Selon la Bible d’Oxford annotée (en), la phraséologie de l’ostracon 6 est similaire à celle du verset 4 de Jérémie 38.
L’ostracon 3 est une lettre de Hoshaiah à Yaosh. Elle fait allusion à une ambassade menée par le général Coniah fils d’Elnathan en Égypte. Des tractations semblent avoir pour but d’obtenir une aide militaire face à l’invasion babylonienne. Cette lettre fait écho au livre de Jérémie qui indique l’existence d’un parti pro-égyptien à la cour de Juda2. Jérémie mentionne également un certain « Elnathan fils d’Achbor » en lien avec l’Égypte. Ce dernier figure envoyé par le roi Joaqim pour arrêter le Prophète Ouriah. Il est possible que cet Elnathan soit le père de Coniah, même si rien dans l’ostracon ne permet de relier celui-ci au récit de Jérémie N 1. Un passage obscur fait aussi référence à la mise en garde d’un prophète non désigné, qui pourrait rendre compte des divisions dans le choix de la politique à mener dans la conjoncture de crise où se trouve le royaume.
L’ostracon 4 se situe dans le contexte de l’ultime phase de la campagne babylonienne. Il semble faire allusion à l’abandon d’un avant-poste judéen nommé Beth-harapid, et peut-être à la chute d’Azéqa. Selon Jérémie, Lakish et Azéqa demeurent les principales forteresses de Juda et ce sont les dernières encore aux mains des Judéens à la veille de la chute de Jérusalem.
Ketef Hinnom (en hébreu « l’épaule d’Hinnom ») est une colline dominant la vallée de Hinnom, au sud-ouest de la vieille ville de Jérusalem. Entre 1975 et 1995, plusieurs campagnes de fouilles, dirigées par Gabriel Barkay furent réalisés. Dans la zone proche de l’église Saint-André, des éléments allant de l’âge du fer à la période ottomane furent mis au jour.
Les deux objets les plus importants trouvés dans une grotte funéraire figurent deux petits rouleaux d’argent découvert en 1979. Ils furent déroulés précautionneusement par les spécialistes des laboratoires du Musée d’Israël. Ils portaient au revers une inscription en écriture paléo-hébraïque.
La plus large de ces deux plaques mesure 97 sur 27 mm, et la plus petite 39 sur 11 mm. La grande plaque contient une inscription de dix-huit lignes, lisible pour l’essentiel. L’une et l’autre comportent des formules de bénédictions en écriture paléo-hébraïque, presque identique à la bénédiction sacerdotale figurant dans le Livre des Nombres VI, 24-26. Cet écrit, qui remonte à la fin du VII ou du début du VI siècle av. J.-C., constitue le plus ancien fragment connu d’un texte biblique à ce jour ; il précède de quelque cinq siècles les manuscrits de la mer Morte. Le mot YHWH y apparaît écrit. Ces minuscules rouleaux d’argent étaient sans doute portés en amulettes autour du cou.
C’est donc au alentour du VI siècle avant notre ère que l’on va passer à l’écriture araméenne dite carrée pour écrire les textes hébreux.
Cela va provoquer des questions de transmission, etc.. Un exemple il y a dans le livre d’Ézéchiel où l’on dit :
L’Éternel lui dit : passe au milieu de la ville, au milieu de Jérusalem, et fais une marque ת (Tav) sur le front des hommes qui soupirent et qui gémissent а cause de toutes les abominations qui s’y commettent. (…) Tuez, détruisez les vieillards, les jeunes hommes, les vierges, les enfants et les femmes ; mais n’approchez pas de quiconque aura sur lui la marque ת (tav) ; et commencez par mon sanctuaire ! (…) Ézéchiel 9, 4-6
Tav évoque une marque, un signe, un symbole, en l’occurrence le sceau divin. Cette marque sur le front protège des massacres et de la barbarie. Tav est donc le signe de l’élection divine, de la libération et du salut. Elle est la 22e et dernière lettre de l’alphabet hébraïque. Elle correspond au tau grec et au T latin.
Cette lettre est issue du phénicien Taw, dont le caractère avait la forme d’une croix en X, signifiant « croix », « marque », « ici » ou « maintenant ». C’est certainement ce signe en forme de croix qui se trouve évoqué dans le passage d’Ézéchiel. Tav X est une manière de signer quelque chose
donc en pense que le texte ancien d’Ézéchiel était écrit en paléo-hébreu et ensuite cela à été transcrit en hébreu carré.
Le Talmud bat, Sans 21 b nous dit : « Israël a finalement adopté les caractères assyriens et la langue sainte, laissant les caractères hébraïques et la langue araméenne aux gens quelconques (ce qui veut dire aux Samaritains). Le Pentateuque Samariain est écrit en effet en paléo-hébreu.
Pour les supports d’écriture
Qui dit « écriture » dit « supports » : matières et formes.
Employer d’abord comme support d’écriture ce dont on dispose facilement dans son environnement proche est un invariant dans toutes les civilisations. C’est dans la pierre que les civilisations anciennes ont gravé, pour l’éternité, leurs codes administratifs. Tandis que des planchettes de bois ou des tablettes, brutes ou enduites de stuc ou de cire, furent couramment employées du IIIe millénaire avant J.-C. jusqu’au XX siècle pour l’apprentissage et les écrits utilitaires. Les matières précieuses, quant à elles, qu’il se procède de l’or, de la soie ou de l’ivoire, furent toujours réservées aux dieux et aux princes.
Les Égyptiens sont les premiers à utiliser le papyrus. En effet, cette plante pousse dans les eaux stagnantes et marécageuses que l’on trouve principalement en Basse-Égypte. Mais qui ne se conserve malheureusement pas très bien. Le cuir évidemment attesté à Éléphantine, à Qumrân avec le rouleau d’Ésaïe, et puis une certaine manière de l’utiliser va provoquer donc ce que l’on appelait le parchemin. Le mot parchemin vient du bas latin pergamena ou pergamina. Il doit son nom à la ville de Pergame en Asie Mineure. Ce support est une peau d’animal (mouton, chèvre, agneau ou veau) qui connaît plusieurs traitements afin de la rendre propre à l’écriture. L’ensemble est nommé Sepher d’abord ce qui signifie rouleau, et ensuite livre, plus tard aussi codex à la fin de l’époque hellénistique.
L’emploi du terme « massorah » (מסורה) est tiré du Livre d’Ézéchiel 20:37, où il a le sens de « liens ». La fixation du texte apparaissait considérée comme étant de même nature que le fait d’indiquer un lien lors de la mise en texte. Quand, avec le temps, la massore est devenue une discipline traditionnelle, le terme fut relié au verbe « transmettre » et a reçu le sens de « tradition ».
Langage et formes de la massore
Le papyrus de Nash (II siècle av. l’ère commune) contient une portion du texte pré-massorétique, en particulier le Shema Israël et les Dix Commandements.
Le langage des notes massorétiques est composé d’hébreu et de judéo-araméen. Chronologiquement parlant, l’araméen figure placé entre deux périodes de l’hébreu. La plus ancienne étant pré-amoraïque (antérieur au III siècle apr. J.-C.), la seconde étant typique de l’époque arabe (vers 800 apr. J.-C.), et comportant des termes comme « lettre, » « section, » « verset, » « plein, » « défectif, » « ponctuer, » « Miqra, », etc. Les éléments araméens peuvent donc se trouver datés approximativement entre 200 et 800 apr. J-C.
L’histoire de la Massore peut être divisée en trois périodes :
Une période de création, depuis ses débuts à l’introduction des signes de vocalisation. On trouve des allusions à cette période dispersée dans le Talmud et le midrash, ainsi que dans deux traités mineurs (traités post-mishnaïques, non développés, mais conservés dans le Talmud), Massekhet Sefer Torah et Massekhet Soferim ; le Diḳdouḳe HaṬe'amim (§ 69) de Ben Asher fait également mention d’une chaîne de tradition de la Massore ;
Une période de reproduction, depuis l’introduction de ces signes à l’impression de la massore, en (1525 apr. J.-C.) ;
Une période de critique textuelle en utilisant la massore, de 1525 à nos jours.
Fixation du texte massorétique
Le texte hébreu ancien apparaissait rédigé en continu, sans interruption. Les premiers massorètes eurent pour tâche :
la division en mots, sections (grandes ou petites), paragraphes, versets et clauses (probablement dans l’ordre chronologique énuméré ci-devant) ;
la fixation de l’orthographe, de la prononciation et de la cantillation ;
l’introduction ou l’adoption définitive du ktav ashouri (l’écriture hébraïque carrée), dont quelques lettres — contiennent, contrairement au ktav ivri (l’alphabet paléohébraïque) — disposent, d’une variante contextuelle en fin de mot pour cinq lettres (mem, noun, tsade, pe, kaf).
l’énumération des lettres, mots, versets, etc.
Les Soferim introduisirent en outre certains changements textuels pour prémunir du blasphème et apparentés, appelés les Tiḳḳoune Soferim (amendements des scribes). De même, la notation en marges indiquant la substitution de certains mots par d’autres lors des lectures publiques. Réciproquement, est parfois considérée de la même manière qu’une prévenance des Soferim à l’égard du texte, dont ils ne se seraient pas permis de modifier la moindre lettre. Mais nécessitant un « commentaire » ou une correction pour des raisons esthétiques, grammaticales, théologiques, etc. Comme aucune addition au texte officiel de la Bible n’aurait pu être permise, ces Massorètes ont dû adopter d’autres expédients, comme marquer les diverses divisions par divers espacements, les parashiot. Ils ont aussi donné des indications donnant matière à un enseignement halakhique (déduction d’une loi) ou aggadique (déduction d’une parabole) ; avec l’épellation pleine ou défective des mots, la forme particulière de lettres (plus grandes, plus petites, brisées, inversées, etc.), des points et d’autres signes.
Les notes marginales ne furent permises que dans les copies privées. La première mention de telles notes est trouvée dans le cas de Rabbi Meïr. Le texte traditionnellement fixé se trouva appeler Massoret, et la prononciation traditionnelle, Miqra (littéralement, « lecture »), et la division en clauses et versets, nécessaire à la bonne récitation ou cantillation, pissouq te'amim ou hekhra.
Il ressort difficile de déterminer quelle massore possède la plus grande ancienneté. Il est d’une part connue que les notes marginales étaient en usage au début du II siècle ; cependant, l’on dispose de toutes les raisons de penser que les baraïtot massorétiques (traditions exégétiques se fondant sur les notes massorétiques, qui ne furent pas incluses dans la Mishna, mais dont certaines se retrouvent dans la Guemara) n’ont pu se développer beaucoup plus tard.
De plusieurs textes et auteurs juifs de l’époque antique, on peut conclure que le texte massorétique fut fixé ou était considéré au même degré que tel, dès le II siècle av. J.-C., voire un siècle plutôt, et qu’il figurait perçu comme l’exacte transcription du Textus Receptus :
selon le Talmud, le rouleau de la Torah originel était exposé dans la cour du Temple à disposition des copistes ; parmi les dignitaires du Temple se trouvaient en outre des correcteurs payés des textes bibliques ;
une telle copie figure mentionnée dans la lettre d’Aristée ;
Philon d’Alexandrie10 et Flavius Josèphe affirment que le texte de la Torah ne fut jamais altéré.
Toutefois, une autre tradition orale, peut-être antérieure à la première, rapporte que trois livres furent trouvés dans la cour du Temple, et que chacun possédait des variations par rapport à l’autre ; l’on choisit de suivre pour ces passages controversés la version de deux rouleaux sur trois.
La période rabbinique
En supposant le texte fixé à l’époque du Second Temple, il ne reste pas moins tout de même que des siècles furent nécessaires pour atteindre une certaine uniformité parmi les copies en circulation. Le texte standard, s’il a existé, se trouvait à Jérusalem. Il n’était d’usage que pour ceux qui pouvaient s’y rendre, ce qui n’était le cas que d’une minorité de juifs, les autres vivants en diaspora. Les fautes de copiste semblent avoir été si fréquentes, que les Sages du II siècle apr. J.-C. ont jugé nécessaire de mettre en garde contre les mauvaises copies.
Le nombre de copies du texte originel (supposé) se réduit drastiquement lors de la destruction de Jérusalem en 70 apr. J.-C., ce qui renforce la nécessité d’une préservation du texte. Dans cette période bousculée pour le judaïsme, la divergence entre les tenants d’un judaïsme véridique et les « hérétiques » (terme visant alors plus particulièrement les Nazôréens adeptes de Jésus de Nazareth) s’accélère au tournant du I siècle ; cette concrétisation se fait notamment par la reformulation de la Birkat haMinim. Apparaissent alors également, au siècle suivant, de nouvelles traductions grecques écrites par Aquila et Théodotion ; le texte massorétique est plus proche de ces nouvelles traductions, qu’elles-mêmes le sont de la septante.
L’âge des Massorètes
Le texte massorétique actuel acquiert finalement sa prédominance grâce à la réputation des massorètes, réunis en écoles de scribes et docteurs de la Bible ayant œuvré entre le VII siècle et le XI siècle apr. J.-C., établi principalement à Tibériade, mais aussi à Jérusalem et en Babylonie. Ces écoles développent un tel prestige quant à l’exactitude et le taux d’erreur minimal de leurs copies, que leurs textes sont établis en autorité sur les autres.
Ce sont également les massorètes qui inventent, élaborent et finalisent le système de signes graphiques qui indiquent la prononciation traditionnelle, la construction syntactique, et la cantillation du texte biblique.
Ben Asher et Ben Naphtali
Dans la première moitié du X siècle apr. J.-C., Aaron ben Moshe ben Asher et Moshe ben Naphtali (plus souvent appelés Ben Asher et Ben Naphtali) sont les principaux Massorètes, basés tous deux à Tibériade. Chacun rédige un codex standard de la Bible représentatif de la tradition de leurs écoles. Les différences entre ces deux écoles rivales se trouvent significatives, mais mineures, portant davantage sur la vocalisation et les accents que les consonnes ; par ailleurs, Ben Asher et Ben Naphtali s’accordent quant à l’opposition à d’autres autorités massorétiques, comme Rabbi Pinḥas (supposé avoir vécu aux alentours de 750 EC par les chercheurs modernes) et Moshe Moheh. Ben Asher est le dernier représentant d’une illustre famille de massorètes, remontant au VIII siècle.
Qumrân texte proto-massorétique
Découverte d’un texte proto-massorétique (500 AD)
C’est une découverte historique. Un témoin du texte biblique, vieux de 1500 ans, vient d’être mis au jour. D’après l’autorité des Antiquités Israéliennes (IAA) :
À vrai dire la découverte fut faite il y a une quarantaine d’années dans une arche sainte de la synagogue d’Ein Gedi. Mais comme le rouleau en question figure entièrement carbonisée, son déchiffrement n’a pu intervenir que récemment. Cela grâce à de nouvelles techniques informatiques permettant de réaliser une copie numérique 3D haute résolution du rouleau, puis… le dérouler virtuellement (source). Wow !
Or les premiers mots déchiffrés révèlent les huit premiers versets du premier chapitre du Lévitique. C’est donc un chaînon important dans l’histoire du texte de la Bible hébraïque qui va pouvoir être étudié, et c’est en cela que la découverte apparaît réellement exceptionnelle. Jusqu’à présent, le texte le plus ancien de la Bible hébraïque (si l’on excepte les témoins indirects comme les amulettes de Ketef Hinnom — VII) se trouvait dans les manuscrits de la mer Morte (— II/I). Puis, c’est le néant. Un vide immense jusqu’aux IXe/Xe siècle avec les manuscrits de la Genizah du Caire, et les codices médiévaux.
Le problème avec les manuscrits de la mer Morte, c’est qu’ils sont de nature différente. Certains sont les témoins de retouches ou recensions. Dans de nombreux cas, leur orthographe fut retouchée, spécialement avec un large emploi des mères de lecture (cf. Roberts 1951 : 15-19). Dans d’autres cas, leur texte reste identique au texte « massorétique » — on les nomme alors témoins protomassorétiques. Selon le décompte d’Emmanuel Tov, 48 % des textes trouvés à Qumrân apparaissent conformes au texte « massorétique » tel qu’on le connaît ; 11 % s’apparentent au Pentateuque samaritain, 2 % à la septante et 39 % sont dits « non alignés » (Tov 2012 : 108). Au-delà des différences orthographiques, celles qui demeurent les plus significatives sont de nature théologique. On en rencontre peu, mais elles sont significatives. Elles intéressent surtout la chronologie, comme on peut s’en convaincre en comparant par exemple le texte de Genèse 11.13 (non attesté à Qumrân) dans le TM et la LXX (cf. Hendel 1998 : 146).
Ceci étant dit, revenons à notre rouleau du VI siècle. Il n’est pas vocalisé et, pour autant qu’on puisse en juger sur la copie d’écran reproduite plus haut, ne porte aucun signe d’activité massorétique. Cependant, on le classera volontiers dans la catégorie texte « massorétique », alors que l’activité proprement dite des massorètes n’a démarré que vers les VI/VII siècle. Pour s’étaler jusqu’au XI siècle. C’est curieux et cela tient à l’histoire de la transmission du texte telle que les savants la reconstituent actuellement.
Les traductions.
Les traductions surtout en grec pour le Pentateuque cela est assez clair, il est traduit au III siècle. Quand exactement ? Cela est difficile à établir, mais on possède déjà un premier fragment du deuxième siècle avant notre ère. Dans la lettre d’Arisé : la Torah aurait été traduite de manière identique par 72 savants juifs en 72 jours, sous le règne de Ptolémée II (308 - 246). Les spécialistes disent que les cinq livres du Pentateuque ne figurent pas traduits pars les mêmes personnes. Il existe donc un certain nombre de disparités, mais l’époque c’est celle du troisième siècle qui se trouve souvent affirmée comme étant la date plausible et l’on a déjà vu pourquoi. Par contre, l’ensemble des livres bibliques ne furent traduits que jusqu’au 1er et 2e siècle de l’ère chrétienne, il apparaît là aussi une différence entre le Pentateuque et les livres suivants. Ce qui apparaît très intéressant c’est que pour le Pentateuque en grec, le terme de septante (LXX) apparaît d’abord donné simplement à ces cinq livres. Le Pentateuque est relativement proche en grec du texte massorétique. Mais dès que vous sortez du Pentateuque, les choses deviennent plus compliquées. Le cas le plus évident c’est le livre de Jérémie. Ce livre en grec figure très très distinct de ce que l’on trouve dans les bibles massorétiques dans les traductions françaises. D’abord, l’ordre des chapitres apparaît particulier. De plus, il existe environ 3000 mots de moins dans le texte grec. Cela fait à peu près 12 %. Aucun traducteur n’oserait supprimer autant de texte dans sa traduction. Alors on peut imaginer parfois de supprimer ou sauter une ligne, mais que l’on possède une telle différence ce n’est pas possible.
Que faut-il donc imaginer ?
On peut imaginer que Jérémie grec possède comme base un texte hébreu non massorétique peut-être plus ancien que la forme qui va devenir la formation massorétique. Nous possédons deux fragments du livre de Jérémie à Qumrân qui demeurent très proches si on les traduit en grec ou si l’on retraduit le grec de Jérémie en hébreu, on arrive un peu à la même forme. Dès lors, cela veut dire que texte grec n’est pas simplement une question de traduction, c’est également parfois accéder à une autre forme hébraïque. C’est vrai aussi pour les livres de Samuel et des Rois, surtout l’histoire de David et Goliath qui figure très, très différente, etc.. Ce qui apparaît très intéressant c’est que les anciens manuscrits en grec se trouvent plus anciens que les manuscrits hébraïques. Le plus ancien manuscrit : papyrus grec 458, IIe siècle avant notre ère (Dt 23-28) ; LXX complète dans le Codex Vaticanus (IVe siècle), Codex Sinaïticus, Codex Alexandrinus (Ve siècle). Recensions : notamment recension lucanienne (Lucien d’Antioche, attesté pour les Prophètes), utilisée par les chrétiens, rejetée par les juifs.
Autres traductions (juives) : Aquila, Symmaque, Théodotion. On n’a qu’une connaissance fragmentaire de ces œuvres perdues (via les Hexpies d’Origène vers 240 : synapse en 6 colonnes contenant le texte hébreu. Sa translittération en grec, la traduction d’Aquila, de Symmaque, la LXX, et la traduction de Théodotion.
La traduction latine surtout celle de Jérôme au 4e siècle qui veut mettre de l’ordre dans les traductions latines, que l’on nomme la vieille latine ; ce n’est pas une seule traduction, mais c’est toutes sortes de traductions qui circulaient, mais qui repose sur le fondement de la septante, alors que Jérôme va reprendre ce qu’il dénomme la veritas hébraïqua ? Dès lors à consonantique massorétique ce que les réformateurs d’une certaine manière vont renouer et que l’Église catholique va ensuite appelé la « Vulgate » [titre donné au XVIe siècle] et quand même basé sur le texte massorétique et pas sur le texte de la septante. Il ya bien d’autres langues éthiopiennes et le copte, mais pour beaucoup de ces langues en réalité la Bible reste le premier support littéraire en fait que nous avons pour étudier celles-ci. Comme l’arménien par exemple. Donc en effet ce que l’on va faire en tout premier si l’on s’intéresse à l’histoire du texte biblique on doit déjà voir sur quel le texte que l’on travaille. C’est ce que l’on appelle la critique textuelle. Son but réside que dans l’idéal serait construite la forme écrite la plus ancienne du texte. Certains disent que c’est une chimère on n’arrive jamais il suffit simplement s’émerveiller devant la multitude de traductions des traditions des manuscrits. Mais je ne l’imagine pas, parce que quelqu’un a bien dû commencer un jour à écrire. Donc on doit d’abord regarder ce que l’on appelle la critique externe à savoir les variantes vérifiées par tel ou tel manuscrit. Si l’on a déjà une idée sur la valeur d’un manuscrit. Si en plus vous avez une variante qui est seulement attestée dans un seul manuscrit éthiopien, du 7e ou 8e siècle, alors cela n’a pas beaucoup de chance d’être original. Même si cela est très différent du reste. On doit en effet regarder la valeur du manuscrit.
Critique externe : à partir de ce que l’on a lu dans l’apparat critique, on doit se demander si telle ou telle leçon figure appuyée par beaucoup de manuscrits ou non. Il faut également s’interroger sur la valeur de ces divers manuscrits. La critique externe s’intéresse alors aux manuscrits.
Mais attention ! Ce n’est pas parce qu’un grand nombre de manuscrits possèdent une certaine leçon que cette leçon apparaît forcément la meilleure ! En effet, une fois qu’une erreur s’est introduite dans un manuscrit, elle va se transmettre de copiste en copiste. Il se produit donc souvent que les manuscrits les plus nombreux comportent une erreur, alors que la leçon la meilleure n’est confirmée que dans quelques manuscrits.
C’est pourquoi il ressort encore plus important de se demander de quelle famille textuelle émanent les manuscrits mentionnés. Si une variante n’est vérifiée que dans une seule famille textuelle ; il se présente de fortes chances pour qu’il s’agisse d’une erreur ou d’une variante propre à cette famille-là, qui s’est répercutée à travers les diverses copies. Par contre, si elle est attestée dans plusieurs familles textuelles différentes, il demeure plus probable qu’elle provienne d’un texte plus ancien.
Les règles ou critères de la critique textuelle
Après avoir localisé le lieu variant, l’exégète doit dresser une liste complète des variantes pour ultérieurement examiner les leçons dans le but de découvrir laquelle a le plus de chance de se rapprocher du texte original. Il utilise alors des règles ou critères.
On doit procéder en trois temps :
1) nous nommons tout d’abord le cas à étudier ;
2) nous faisons ensuite une brève description de ce cas ;
3) enfin, nous proposons une solution.
Il est à noter que c’est surtout au niveau de la solution qu’on retrouve les règles ou critères qui guident la démarche de la critique textuelle.
a) L’attestation externe des variantes
Critère 1. Des variations peu appuyées
Description. Il arrive que des variantes ne se rencontrent que dans une seule tradition textuelle, par exemple, dans la LXX, la Vieille Latine ou la Syriaque. On dit alors que ces variantes sont peu appuyées.
Solution. On donnera moins de poids à une variante qui n’apparaît appuyée que par une seule tradition textuelle qu’à une variante appuyée par plusieurs. Néanmoins, on ne doit pas oublier qu’en critique textuelle, on doit peser les traditions textuelles et non les compter ; autrement dit, ce qui importe ce n’est pas le nombre de traditions textuelles qui appuient une leçon, mais bien « l’indépendance de leur attestation ».
Critère 2. Des variantes ont un appui solide, mais trompeur.
Description. Il arrive qu’une variation s’appuie sur plusieurs traditions textuelles différentes. Le passage était obscur et l’on a voulu le rendre plus clair par un changement. Toutefois, un « examen plus attentif de la situation peut révéler que ces autres traditions ont toutes cédé à une pareille tendance d’interprétation ».
Solution. Même si une leçon possède des appuis solides, il faut examiner la possibilité selon laquelle les scribes ou les traducteurs ont pu échapper d’une « même manière obvie, à une difficulté textuelle ».
Critère 3. Les variantes présentent une grande diversité entre elles.
Description. Il arrive qu’une expression dans un texte primitif offre une difficulté particulière. Que cette difficulté est due au texte lui-même ou encore à des scribes ou traducteurs qui ne sont plus en mesure d’en déchiffrer le sens ! À ce moment-là, scribes et traducteurs tentent de se tirer de l’impasse par différents moyens, de sorte que les variations présentent entre elles une grande diversité dont aucune forme textuelle ne fournit « un point de départ permettant de rendre compte avec aisance de la complexité des développements ».
Solution. On doit alors essayer de trouver la clé qui éclairerait cette diversité. Une fois cette clé découverte, il est souvent possible d’expliquer la diversité des variantes
critique interne.
Après on trouve ce que l’on nomme la critique interne, il s’agit maintenant de comprendre comment la transformation a pu se faire. S’agit-il d’une variante accidentelle ou délibérée ? Que s’est-il passé lors de la copie pour arriver à tel ou tel variant ?
Les altérations textuelles
Les variantes difficiles Lectio difficilior probabilior
(une leçon plus difficile a une meilleure chance d’être primitive), on se doit d’être attentif au problème suivant :
S’il s’agit d’une variante délibérée, il reste effectivement plus vraisemblable que le scribe cherche à simplifier le texte plutôt qu’à le rendre obscur. La leçon la plus difficile a donc toutes les chances de figurer la meilleure, c’est-à-dire la plus ancienne.
Toutefois, si nous sommes en présence d’une variante accidentelle, le texte peut très bien avoir été rendu involontairement obscur lors de la copie. Dans ce cas, ce n’est pas la leçon la plus difficile qui sera la meilleure.
Dans le cas de Ct 7,7 b, il apparaît assez clair qu’un scribe ait omis un entre deux mots. Nous nous trouvons donc en présence de la règle n° 10 de Guillemette/Brisebois, et, plus précisément, d’une haplographie.
Ici, le principe de la lectio difficilior probabilior ne peut pas s’appliquer, puisqu’il s’agit plutôt d’une erreur de copie. La leçon qui correspond le mieux au contexte du verset, donc la leçon la plus facile, semble bien la meilleure.
lectio corrupts corrigenda (une variante corrompue doit être corrigée).
Après ce que l’on nomme Lectio brevior potior « [de deux leçons] la plus courte se trouve la meilleure » (c’est-à-dire « la plus fiable »). « Leçon », dans cet emploi, désigne l’interprétation des caractères ou des mots qui se lisent dans la source examinée. Lectio est le substantif correspondant au verbe legere « lire ». Le principe de la lectio brevior potior demeure utilisé par la philologie dans l’étape préalable à l’établissement d’un texte. Il s’applique en exégèse biblique lorsqu’il s’agit de comparer les variantes d’une même œuvre, en particulier les variantes textuelles.
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