L’échec des révoltes juives

Echec

Au début du christianisme, la plupart des disciples de Jésus de Nazareth étaient des Juifs de Galilée et de Judée. À l’époque de Jésus de Nazareth, la réalité juive se composait déjà dune très importante diaspora disséminée dans l’Empire romain, de même qu’il existait une importante communauté juive hellénisée en Judée. Jésus était juif et parlait l’araméen. Il s’inscrivait dans la tradition juive et pratiquait les rites du judaïsme. Le Nouveau Testament rappelle fréquemment qu’il se réclamait de la Torah. Ses premiers disciples, surtout ceux de tendance hellénisante, se distanciaient du judaïsme, auquel pourtant ils se sentaient attacher, et firent l’objet d’agressions. La conversion de païens a contribué à tendre la situation, au point qu’il fallut un premier concile (voir un concile à Jérusalem) pour déterminer quelles étaient les pratiques mosaïques que ces chrétiens étaient tenus de suivre.

Mais à la mort de Jésus en l’an 30 personne ne pouvait s’imaginer que ses disciples verraient en lui Dieu fait homme. Aucun d’entre eux ne pouvait supposer que Jésus ne reviendrait pas et que la fin des temps serait sans cesse repoussée. Qu’au lieu du royaume espéré ce serait finalement l’Église qui viendrait ! Les croyances singulières d’une secte juive, ces croyances détestables superstitions selon les Romains, allaient donner naissance au christianisme, une nouvelle religion qui en 391 deviendra même la religion officielle de l’Empire romain. Les discutions entre juifs sur l’interprétation des écritures sont chose tout à fait banale et normale, les midrashim sont nombreux et ils éclairent la compréhension. Les juifs en faisaient une pratique courante déjà au premier siècle. C’est très difficile à comprendre cela parce que le christianisme est devenu une religion de gentils (de non-juifs) ceux-ci ne s’intégreront pas au judaïsme, et leur religion se définira contre toutes formes de judaïsme, et tous débats internes trouvera sa réponse dans une doctrine et sous un dogme.

Les premiers signes de distanciation apparaissent dès le début : l’épître aux Galates rappelle que l’observance de la Loi n’est plus nécessaire et que tous sont appelés au salut, juifs comme païens. Après la Première Guerre judéoromaine et la destruction du Temple en 70, un pharisien, Yohanan ben Zakkaï, fonda l’académie de Jamnia et constitua le canon de la Bible hébraïque. Le synode de Jamnia 90-100 accentua la rupture entre le judaïsme et le christianisme. La réforme et la restructuration de la religion juive furent alors le fait des seuls pharisiens, qui s’opposèrent aux courants déviationnistes du judaïsme dont témoignent notamment des imprécations à l’encontre des Nazaréens. Toutefois, une partie des juifs n’acceptaient pas la « bonne nouvelle », la Nouvelle Alliance, s’opposant parfois avec violence aux primo-chrétiens, comme le prouve la lapidation d’Étienne.

Il nous est difficile alors de concevoir ce débat comme étant une dispute entre différentes interprétations juives. Je dirais que si le christianisme est une religion non juive au deuxième siècle, quand les gentils affirment qu’ils sont le véritable Israël, par opposition à un Israël juif ancestral, cette discussion n’a aucune raison d’être au premier siècle au moment où Paul est encore en débat avec les disciples de Jésus, c’est-à-dire avec ceux qui ont connu Jésus vivant, le personnage historique qu’ils ont connu selon la chair et Jacques son propre frère. Là, la discussion est encore entièrement juive. Au début, Paul n’imagine peut-être pas encore un christianisme non juif autonome, car la matrice du christianisme se trouve dans l’Ancien Testament. Mais au fil de ses lettres, sa position, je dirais sa théologie va changer. Les concepts du Messie de la rédemption, de la résurrection, tout cela est entièrement juif. Mais la notion d’expiation à travers la mort de Jésus-Christ par la Crucifixion, laquelle a rendu possible la réconciliation entre Dieu et la création, avec ses trois théories telles que fonctionne l’expiation : la théorie de la rançon, la théorie de la satisfaction et la théorie de l’influence morale, l’affirmation d’un Messie/Dieu, tout cela n’est pas juif c’est paulinien. Au départ, cela n’était pas des débats entre deux communautés distinctes, mais des débats à l’intérieur d’une même communauté. Reste à savoir comment le mouvement chrétien naissant s’est situé lui-même par apport aux autres parties juifs qui sont devenues très vite en quelque sorte des concurrents. Alors de ce point de vue, il paraît assez clair que chacun s’efforçait de rallier le plus de monde possible à sa cause, et que les premiers chrétiens non pas failli à la règle. Globalement et dans un premier temps, ils restent relativement marginaux, dans les prétentions qui sont les leurs, ils ne sont pas désespérés de convaincre leurs frères juifs de les rejoindre. Jusque là ruine du temple en 70 et bien on a toujours à faire à la même géographie politico-religieuse, c’est-à-dire, qu’il y a toujours un mouvement saducéen, un mouvement pharisien, un mouvement essénien, et puis de plus en plus actifs des zélateurs qui ne font d’ailleurs que mettre une pression encore plus grande sur le nécessaire d’une plus grande observance de la Torah, et après 70, il y a ce qui va ce produire au sein du judaïsme en général, les pharisiens vont opérer un mouvement de réorganisation autour de leur partie. On perd la trace de quasiment tous les autres mouvements, les saducéens semblent avoir perdu leur raison d’être avec la ruine du temple, parce qu’ils vivaient du temple et sans temple ils n’avaient plus vraiment de raison d’exister. Les esséniens on en perd la trace même si l’on est persuadé qu’ils ont continué à exister et diffuser leurs idées, mais on ne sait pas comment et l’on en perd leur trace. Il va rester face aux pharisiens un mouvement chrétien qui va refuser une assimilation, et qui va se présenter en tant que concurrent dans un premier temps, et qui va même envisager l’emporter face aux pharisiens. Au fond, chaque groupe juif prétendait avoir la bonne interprétation. C’est les querelles entre les saducéens et les pharisiens, entre les zélotes, et les esséniens et avec les saducéens à propos du temple. Mais le plus significatif c’est la conscience progressive d’une troisième réalité le tertium genus (troisième race entre les juifs et les païens) que les chrétiens ont utilisés avec hésitation parce qu’au font ils se considéraient comme le reste d’Israël, l’Israël en vérité, l’Israël de Dieu, depuis Paul, donc depuis le début. Mais cette revendication s’affronte à la réalité sociologique des païens qui entre dans l’Église. Ils se disent on est plus tout à fait purement juif. Mais ils sont convaincus qu’ils sont dans la ligne de la tradition juive, mais en même temps on s’ouvre aux païens. Ce qui déjà à l’intérieur même d’Israël, cause quelques troubles. Troisième étape, quand le judaïsme va se réorganiser après 70, commence la séparation. Parce que pour les gentils, la Torah on en veut pas.  Paul l’a écrit dans ses lettres qu’elle est malédiction et source de mort. Il y a quand même un certain pont qui demeure, c’est ce qui donnera les mouvements ébionites et nazaréens ce que l’on appelle parfois de manière un peut rapide les judéo-chrétiens et qui restent très lié à la communauté juive de Jérusalem et à la Torah.

L’appellation moderne de judéo-chrétien donne une fausse image de ces juifs qui désigne Jésus comme le Messie, annoncé par les prophètes. Les judéo-chrétiens nommés tantôt nazoréens tantôt ébonites, ont en commun leur volonté d’appartenir au judaïsme. Ils sont les héritiers du courant de Jacques le frère de Jésus. Les judéo-chrétiens sont des juifs qui croient et qui acceptent le message de Jésus, d’une façon ou d’une autre, ils pensent que Jésus est le prophète annoncé, ou le Messie annoncé, et qui célèbre sa mémoire, dans un culte particulier, mais qui continuent à s’identifier comme juifs. Comme l’on s’identifiait comme juif dans le monde ancien, et de façon traditionnelle, et de façon plus précise, ils continuent à pratiquer les commandements de la Torah. Ce qui s’est passé c’est qu’ils étaient assis entre deux chaises. Ils étaient juifs et les chrétiens les ont rejetés, en leur disant, rejoignait nous devenaient de véritables chrétiens, mais si vous tenez à rester juifs alors vous êtes des pêcheurs, et vous êtes condamné. Ainsi la destinée des Nazôréens, et des ébonites a été vraiment tragique. Ils ont continué à exister pendant quelques siècles, mais quand le christianisme a triomphé, à partir du quatrième siècle, l’une des premières choses que ces chrétiens ont faites ç’a été de leur régler leur compte, de faire disparaître les disciples juifs de Jésus. Ce que l’on peut dire c’est que le judéo-christianisme a été condamné par une coalition d’ennemis à savoir le judaïsme de tendance rabbinique en construction dans la Mishna, et le christianisme qui se développe à peu près à la même époque, au début du deuxième siècle, et les judéo-chrétiens, qui existent encore au deuxième siècle, et jusqu’au quatrième siècle, vont être les perdants de cette affaire.

Les judéo-chrétiens qui refusaient de renoncer aux préceptes juifs vivaient sans doute à l’écart du reste de la chrétienté. Pendant longtemps, ils ont été considérés comme des chrétiens irréprochables, mais Épiphane de Salamine,* qui ne sait pas grand-chose d’eux, classent ceux-ci parmi les « hérétiques ». Les raisons de ce jugement ne sont pas claires, car le principal reproche qu’il leur adresse est de « judaïser ».

*(Epiphanius Constantiensis) ou Épiphane de Chypre est un évêque et théologien chrétien du IV siècle, né dans la localité de Besanduc, près d’Éleuthéropolis, en Palestine, vers 315, mort en mer au cours d’un voyage entre Constantinople et Chypre en mai 403. C’est un saint et un Père de l’Église pour l’Église orthodoxe et l’Église catholique.

En 66 éclate la révolte juive contre Rome en Judée, en Galilée et en Samarie. En 70, les troupes de Titus incendient et pillent le Temple et la ville de Jérusalem. Privé de son lieu le plus sacré, la religion d’Israël est entièrement à reconstruire. De là naîtra le judaïsme rabbinique que nous connaissons aujourd’hui ainsi que le christianisme. Les grands conflits dont nous avons trace dans le Nouveau Testament sont des conflits qui ont eu lieu entre 70 et 90. Les traces se trouvent pour l’essentielle dans l’évangile de Matthieu, l’évangile de Jean, et l’apocalypse de Jean. Un recueil d’écrits qui s’en prennent aussi ouvertement aux Juifs (Évangile selon Jean), «  qui met son orgueil dans la Loi et déshonore Dieu en transgressant la Loi » (Épître de Paul aux Romains), aux « lettrés et Pharisiens hypocrites » (Évangile selon Matthieu), « aux synagogues traitées de “synagogues de Satan” (Apocalypse de Jean), n’est-il pas de toute évidence anti-juif ? Ajoutons que ce recueil s’est constitué au début de la seconde moitié du II siècle de notre ère, à une époque où plusieurs écrits chrétiens polémiquaient contre le judaïsme. Sans même parler des Antithèses de Marcion, aujourd’hui perdues, qui faisaient du Dieu d’Israël une divinité mauvaise et lui opposaient le Dieu bon de Jésus, on peut citer l’Épître du Pseudo-Barnabé, qui s’en prenait vigoureusement à l’interprétation juive de la Loi mosaïque et lui opposait une herméneutique allégorique (Second quart du II siècle) et le Dialogue avec le Juif Tryphon de Justin Martyr (Vers 155-160), qui montrent clairement que le christianisme à cette époque avait déjà une forte composante anti-juive.

Or, ceux-ci ne se sont résolus que par le fait que ces communautés chrétiennes soient sorties ou sont exclus des synagogues. Souvent, on dit que l’année 70 marque la date où le judaïsme se réorganise, et que cela va marquer la séparation avec les communautés chrétiennes et que c’est là une étape importante. Mais la rupture définitive ne semble être qu’en 135. C’est-à-dire qu’en 135 que se passe-t-il ? C’est la seconde révolte celle de Bar Kokhba (132-135), en hébreu : מרד בר כוכבא Mered Bar Kokhba, ou seconde guerre judéoromaine. Bar Kokhba surnommé ainsi par le grand maître Rabbi Aquiva “le fils de l’étoile” et le fils de l’étoile on le retrouve dans le livre des Nombres sous une désignation messianique. La révolte de Bar Kokhba a été à proprement parlé une révolte messianique. À la suite de cette révolte l’Empereur Adrien, prends la décision que les juifs ne pourront plus vivre de manière permanente à Jérusalem. Bien entendu, cela va avoir des conséquences pour le judaïsme de tradition rabbinique c’est-à-dire le judaïsme pharisien, qui va s’exprimer à travers les maîtres d’Israël, puisque très vite on verra se déplacer la réflexion juive en Galilée et en Mésopotamie.

Ce serra là qu’il va y avoir les grands centres où va s’épanouir, se réfléchir, un judaïsme qui sera organisé. Les chrétiens seront emmenés à se positionner de façon différente et voudront s’exclure des synagogues. Cela ne se fera pas très précisément, à l’année près. Mais plutôt lors d’une période où l’on sent que les choses bougent sérieusement. Je dirais que jusque la moitié du second siècle, c’est-à-dire jusque l’année 150 de notre ère, on ne peut pas dire que le christianisme ait pris son autonomie par apport au judaïsme. Il est même impensable que tous les liens soient coupés entre le christianisme et le judaïsme, un cordon ombilical qui semble coupé, mais finalement, il y a tant de référence à Jésus et aux écritures qui sont juives, ne l’oublions pas que l’on ne peut pas rompre d’un seul coup. Dans l’histoire du christianisme, il est impossible de penser le christianisme sans le judaïsme, sans fondations et sans arrière-plan.

Vers les années 150, on sort de la Seconde Guerre juive. Le judaïsme palestinien est écrasé, le judaïsme alexandrin est écrasé, le judaïsme de Chypre et d’Asie Mineur est écrasé, et c’est le moment où l’on voit apparaître à Rome justement, un personnage dénommé Justin,* (100 - 165) c’est un apologiste chrétien, originaire de Naplouse, c’est donc un Oriental qui est venu à Rome. Cet homme écrit comme s’il avait envie de dire de la part des chrétiens :  “je m’adresse à Rome pour que vous me re connaissaient comme différent des juifs, et je m’adresse aux juifs puisque vous n’avez pas compris vos écritures, mais moi je sais vous donner la bonne interprétation.” C’est son dialogue avec Tryphon.** c’est osé qu’en même !

*Justin de Naplouse, Justin Martyr ou Justin le philosophe, après s’être essayé à différentes doctrines philosophiques, Justin se convertit au christianisme qu’il considère comme la forme la plus achevée de l’enseignement philosophique. Il ouvre une école à Rome où il compose une grande partie de son œuvre apologétique qui, rédigée en langue grecque, est en grande partie perdue, à l’exception de deux Apologies adressées à l’empereur Antonin le Pieux et ses fils, ainsi que du Dialogue avec Tryphon, considéré comme témoins des premiers jalons dans la séparation entre le christianisme et le judaïsme.

**Le Dialogue avec Tryphon est un texte apologétique chrétien du deuxième siècle, documentant et argumentant les tentatives du théologien Justin Martyr de montrer que le christianisme est la nouvelle Loi pour tous les hommes et de prouver par les Écritures que Jésus est le Messie. Le Dialogue utilise le procédé littéraire d’une conversation intellectuelle entre Justin et Tryphon le juif. Il a été émis l’hypothèse que le rabbin avec qui il aurait eu cette controverse était Rabbi Tarfon. L’ouvrage conclut que les chrétiens sont le véritable peuple de Dieu, ce sont les chrétiens qui sont Israël.

Comme si à ce moment précis de l’histoire on ose dire et cela vient de Justin il ose dire à ce rabbin qui est extrêmement agréable pacifique, il ose dire à ce rabbin que c’est lui Justin le chrétien qui a la bonne interprétation des écritures, au point qu’à la fin, Tryphon ce rabbin lui dit : “alors c’est vous qui êtes Israël ?” Parce que c’est bien la démonstration et le sens de Justin que tout l’héritage juif qu’il considère peut-être comme perdu avec la perte de la Palestine et l’écrasement du judaïsme et la dispersion vers la diaspora, et bien c’est cet héritage entier que recueille le christianisme. Justin a lié deux idées, les écrits d’Israël et la vraie philosophie. D’une certaine manière cette association, constitue une phase explosive. De la dynamite pour le futur, mieux une affreuse dynamique qui va se développer et empoisonner les relations entre les juifs et les chrétiens. À partit de là, il n’est plus nécessaire de prendre position d’un côté ou d’un autre, c’est quelque chose de nouveau et qui sera considéré comme pure vérité.

Justin appelé Justin martyr, après son exécution à Rome vers 160, est l’un des premiers intellectuels chrétiens d’origine non juive, un des premiers pères de l’Église. Dans son texte le plus célèbre, il invente un rabbin nommé Tryphon, et met en scène la discussion qui pose le christianisme naissant au judaïsme.

Dialogue avec Tryphon ch 43 :

“1 comme la circoncision avait commencé à Abraham, le sabbat, les sacrifices, les offrandes, les fêtes à Moïse, n’étaient établies qu’à raison de la dureté de votre cœur, ainsi que nous l’avons démontré ; elles devaient finir à la venue de celui qui, d’après la volonté de Dieu le Père, est né d’une vierge de la race d’Abraham, de la tribu de Juda et du sang de David, je veux dire à la venue du Christ, le fils de Dieu, annoncé au monde entier comme la Loi nouvelle, le testament nouveau qui doit paraître un jour, ainsi que le prouvent les différents oracles que nous avons déjà cités.

2 Pour nous, qui devons au Christ le bonheur de connaître Dieu, nous avons reçu non la circoncision de la chair, mais celle de l’esprit qu’Hénoch et les autres justes ont observée ; nous l’avons reçue dans le baptême, grâce à la miséricorde divine qui nous a affranchis du péché ; et vous pouvez tous la recevoir comme nous. 3, Mais puisque la discussion exige que nous entrions dans le mystère de la naissance du Christ, j’aborde ce sujet. Isaïe nous dit que ça dialogue génération est ineffable.”

Nous avons ici un argument mensonger, mais très puissant pour la neutralisation de la Bible hébraïque, l’Ancien Testament. Celui-ci existe on le déni pas, on le garde, mais cela n’a plus réellement une grande importance finalement, c’est un vestige. Un vestige que l’on garde d’une beauté d’antant et qui reflète la beauté réelle existante, vivante, présente, qui est celle de Jésus-Christ le logos incarné fils de Dieu et Dieu, et par lequel nous allons à Dieu directement et l’on n’a plus besoin de l’Ancien Testament.

Justin puis Irénée naviguent de cette manière d’une façon assez délicate parce que d’un côté ils s’opposent à Marcion, et aux gnostiques qui rejettent l’Ancien Testament, alors pour se démarqué de Marcion et des gnostiques, Justin et Irénée vont le garder, mais de l’autre côté ils s’opposent aux judéo-chrétiens et aux partisans de la synagogue qui eux bien entendu conserve celui-ci. Donc ces chrétiens veulent préserver l’écriture, la notion d’Israël, l’histoire du salut, la création jusque Jésus,  donc ils ne veulent y renoncer. D’ailleurs, ils veulent insister sur la nouveauté, sur l’accomplissement, sur la réalité ultime marquée par Jésus depuis que maintenant le royaume c’est approché. Donc c’est assez délicat comme position, et l’on ne peut respecter la nouveauté et l’ancienneté que dans une harmonie qui fait des écritures une promesse. La dangereuse nouveauté chrétienne sera, je pense, de spiritualiser l’Ancien Testament et surtout de ne pas le comprendre dans sa culture juif.

Marcion, gnostique chrétien très influent et déclaré hérétique postérieurement, rejetait l’ensemble de l’influence judaïque sur la foi chrétienne. Dans le corpus de textes écrits qu’il fut l’un des premiers à établir, il excluait donc l’Ancien Testament. Selon Justin Apol. I 26, Tertullien, plus tard Épiphane, nous savons que l’influence de cette gnose dualiste fut considérable dans le bassin méditerranéen. La tradition chrétienne veut qu’un synode se soit réuni à Rome sous l’égide de Pie I er pour condamner la doctrine de Marcion 144, mais la réalité du christianisme de l’époque dément toute pertinence doctrinale. Le marcionisme déclina dans l’ouest de lEmpire romain au III e siècle, puis dans lest, mais il eut une descendance manichéenne. Avec une sagesse clairvoyante, saint Thomas d’Aquin réussit à instaurer une confrontation fructueuse avec la pensée arabe et juive de son temps, au point d’être considéré un maître toujours actuel de dialogue avec d’autres cultures et religions. » En dépit de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme chrétiens, les sources juives ont toujours été reconnues dans le christianisme.

Avec Justin arrive donc l’idée que les juifs ont mal compris leurs écritures. Donc il y a plusieurs façons d’expliquer que la doctrine chrétienne est bonne, même quand elle diverge du texte biblique. Soit, les textes ont été usurpés, soit ils sont périmés, soit ils n’ont pas été compris. L’épître de Barnabé présente une autre option, l’Ancien Testament est tout à fait exact, mais les juifs ont pris à la lettre ce qui est métaphorique. C’est différences font qu’au II siècle il y a deux religions distinguent du livre. Reste à expliquer pourquoi l’on conserve un texte en commun, la Bible hébraïque.

Pourquoi Justin et pourquoi le christianisme la grande tradition chrétienne qui deviendra le christianisme orthodoxe conserve-t-elle l’Ancien Testament ? C’est pour deux raisons : la première c’est qu’ils se croient, qu’ils se sentent et qu’ils se veulent véritablement des fils d’Israël. De plus la révélation c’est la révélation biblique. Deuxième raison de cette conservation de l’Ancien Testament c’est parce que les hérétiques les gnostiques, les dualistes, et marcionites, le récusent. Ils dirigent le christianisme dans une direction d’on ils ne veulent pas, et c’est une façon de dire, mais non l’Ancien Testament c’est véritablement notre texte. La troisième raison c’est très utile dans le monde romain, quand on veut passer de statut de religio illicita c’est-à-dire de religion interdite, à celui de religio licita religion autorisée, c’est impératif de montrer que l’on a des attaches historiques profondes, parce que c’est le principal critère que demande les autorités romaines à la fois de façon l’égale, et les autorités intellectuelles, une religion c’est une religion qui a des attaches. Pour les élites romains le christianisme c’est une superstition, et ce qui caractérise une superstition c’est d’une part son caractère irrationnel et d’autre part son manque de lettres de noblesse. Une vraie religion a un passé glorieux, mais un mouvement qui né comme çà, et qui fait immédiatement un certain nombre d’adhérents, n’est pas une cause religieuse noble. Essayer de voir comment assez tôt, les Romains ont perçu le mouvement chrétien. Il me semble qu’avec beaucoup de prudence, on peut dire que dans un premier temps, ils l’ont perçu et cela se comprend bien, comme un mouvement à l’intérieur du judaïsme. Ce qui est d’ailleurs entre nous soit dit fort bien vu. Puis peu à peu, ce groupe va prendre une autonomie de plus en plus typée. Donc quand au temps de Néron l’on parle des chrétiens, on a tout à fait conscience qu’il y a un groupe original qui s’est constitué. Pourquoi chrétien parce que l’origine du terme chrétien n’avait, je crois, aucun rapport avec ce que nous appelons maintenant chrétiens. Le mot chrétien était de formation latine Christ c’est Grec et un suffixe latin, est apparu dans le monde romain, à la fin du règne de Caligula et au début du règne de Claude pour désigner des juifs esséniens c’est-à-dire qui renfermaient des caractéristiques esséniennes issues d’une ancienne secte juive. Qui était poussé par un certain christ, un messianisme urgent : « la fin du monde arrive, la coupe de la colère est pleine, etc.. » Cette interprétation de chrétien dans le monde romain est une interprétation criminelle et elle l’est restée longtemps. Dans les Actes des apôtres au chapitre 11 c’est à Antioche que des disciples furent qualifiés de chrétiens c’est-à-dire reçurent cette appellation criminelle. Donc dès le départ, les chrétiens sont du point de vue des Romains les descendants ou les partisans d’un homme qu’ils avaient exécuté, et qui selon eux était un agitateur rebelle, un bandit un in-social. La lettre de Pline (61-114) que l’on peut situer autour de l’an 110, témoigne que non seulement les Romains considéraient les chrétiens comme des criminels, mais également que leur hostilité prenait de l’influence grandissante. Influence embarrassante pour certains, dans la société civile. C’est pourquoi ils furent dénoncés comme criminels. Pline le jeune gouverneur de la province de Bithynie et Pont, au sud de l’actuelle mer Noire, au début du deuxième siècle, écrit sa fameuse lettre à l’empereur Trajan. Pline nous informe dans cette lettre sur la propagation du christianisme en Asie Mineure et demandait donc à Trajan les modalités des persécutions parce qu’après en avoir exécuté quelques-uns il découvre que la contrée risque d’être dépeuplée parce qu’il a découvert qu’elle est pleine de chrétiens. Trajan lui répondait en lui définissant la conduite à tenir. Dans cette fameuse lettre, il y a ce détail fort intéressant, et qui n’a peut-être pas été suffisamment pris en compte. Pline dit à l’Empereur : « Ils ont coutume de chanter en chœurs alternés des hymnes au christ [quasi doo] comme à un dieu. »

À regarder le gros problème qu’a Pline, il ne comprend pas qu’est-ce que c’est que ces gens ! Ils disent qui sont chrétiens, mais qu’est ce que cela veut dire « Christ »  alors comme il existe déjà le nom propre Chrestos c’est un nom assez répandu, c’est un certain Chrestos. Encore, ce n’est pas un problème cela ne veut pas dire qu’il comprend bien, mais bon il y a une espèce de Chrestos et il ne comprend pas trop, mais ce sont des chrétiens et cela est incompréhensible ! Et quoi faire ? Finalement, il n’y a pas de législation. Mettent-ils en danger ou est-ce qu’ils contestent l’autorité de Rome ? Pline ne le sait pas du tout. Parce qu’ils ne sont pas repérables par le visage comme cela à l’œil nu. Où bien ils sont païens comme tout le monde ou alors ils sont juifs et s’ils sont juifs et bien alors ils ont des privilèges qui fais que bon ! on les déteste peut-être, mais on reconnaît leur droit à avoir leur culte à eux, etc.. Mais des païens qui sont comme des juifs cela ne va pas, çà c’est incompréhensible.

Justin et le théologien chrétien du deuxième siècle qui se retrouve dans une situation conflictuelle très paradoxale. Il revendique l’héritage d’Israël, en veut tous les bénéfices, et dans une polémique féroce, de combattre les juifs qui ne partagent pas leur foi. Ainsi peut-on dire qu’une conscience chrétienne née du résultat des polémiques bien sûr cela va de pair avec toujours le débat qui a commencé ? Dans le cercle rabbinique, il fallait exclure les disciples de Jésus, et dans le cercle chrétien, il fallait revendiquer que l’on été le véritable Israël. On ne sait pas qui a commencé. Qui a été le premier, mais je dirais que même si c’est triste, c’était sans doute inévitable. Vous avez deux communautés qui revendique toutes deux d’être élue, et qui se considère comme la communauté de Dieu, qui jouent sur le même terrain transmessianique, et surtout pour des chrétiens qui prétendent que Jésus le crucifier est la seule voie au salut « hors de  du christianisme pas de salut. » Alors je crois que c’est normal qu’à un moment donné, les ponts aient été rompus. Mais reste la question fascinante, qui a commencé ? Si l’on se place sur le terrain de l’idéologie de la séparation, c’est extrêmement clair, il y a des gentils convertis au christianisme dès le début ou au milieu du deuxième siècle. Certains d’entre eux contestaient d’ailleurs contre ceux qui continuaient à fréquenter la synagogue. C’est-à-dire que des non-circoncis, reçoivent l’eucharistie, mais continuent à manger casher, et observent le sabbat. Ils font coup double, ils s’offrent un long week-end deux jours sans travail. La virulence de la polémique montre bien qu’il y avait toujours un aller-retour entre les deux pratiques religieuses. D’un autre côté, pour le judaïsme rabbinique, et parallèle aux gentils orthodoxes, la séparation est très claire du point de vue idéologique, mais elle ne correspond pas à la réalité sociale. Si l’on veut jouer aux petits jeux de savoir où ce situ le point de rupture, ce point n’existe pas. Quand on arrive au christianisme officiel, de l’Empire quand Justinien (482-565) légifère, le fait même qu’il est des lois pour séparer les chrétiens des juifs, montre bien que cet effort avait bien encore toute sa raison d’être. Pour moi il n’a clairement séparation qu’au moment de l’effondrement de la cité méditerranéenne au moyen âge. Depuis cette séparation a eu des conséquences terribles. Les relations à travers l’histoire deux mil ans d’histoire, entre les juifs et les chrétiens, ne sont pas des relations idylliques loin de là. La relation chrétienne aux juifs et au judaïsme est une relation problématique par essence. Puisque le christianisme est né du judaïsme, a conservé les écrits juifs, s’est appelé très vite verus Israël le véritable Israël, et a donc dans un certain sens volé aux juifs leur identité, leur véritable identité qui est leur identité religieuse et porteuse de la révélation. Mais cela est inéluctable puisque pour le chrétien c’est la définition chrétienne. Ce qu’il faut comprendre, de façon plus précise, c’est le passage de l’antijudaïsme de la polémique contre le judaïsme qui n’est pas une religion fausse, mais qui n’est pas la religion véritable dans son modèle définitif. Cela c’est de l’antijudaïsme c’est inéluctable avec le crédo et le dogme chrétien et dans toute attitude chrétienne orthodoxe. L’antisémitisme a non plus la polémique contre le judaïsme représentant une soi-disant forme non achevée de la vérité. Mais celle-ci s’est transformée en une haine des juifs en tant que juifs ayant tué le Christ, ayant commis le péché de déicide, et continuant toujours de façon pernicieuse à refuser de se convertir, et depuis le deuxième siècle nous avons ces accusations inadmissibles.

Des relations entre les juifs et chrétiens à l’époque patristique, on retient surtout les invectives des Pères contre l’endurcissement irréductible des enfants d’Israël — thème qui est développé, parfois de manière virulente, dans les très nombreux traités et homélies contre les juifs. On a ainsi pu parler d’un antijudaïsme des Pères de l’Église que certains n’ont pas hésité à considérer comme le berceau des antisémitismes modernes.

Après la légitimation de la religion chrétienne comme religion de l’Empire romain, tout est accompli, et à partir de cette date il n’y a plus besoin des juifs, c’est fini. Donc pour les chrétiens comment cela fait-il qu’ils existent encore ? Alors vous avez Augustin (354-430) qui dit ces les esclaves porteurs des écritures, donc ils sont témoins des écritures, mais au font il essaie de justifier, mais il ne comprend pas. Il ne comprend pas parce qu’à la fois il y a une réalité ! les juifs existent, et ils existent en tant que juifs, c’est-à-dire des non-chrétiens. Pour lui des juifs c’est des gens qui ont refusé le Christ, cela est quelque chose qui est difficile à comprendre dans la réalité chrétienne au sens de non-juifs. Jamais ils ne se poseront la question « qu’ont-ils fait eux-mêmes de Jésus de Nazareth le juif qui enseignait l’amour du prochain ». Il y a un paradoxe et une difficulté, une peur ou un doute, en tout cas une question, qu’en on est non juif, et que l’on confesse Jésus le Messie d’Israël et que l’on constate qu’Israël en tout cas dans sa majorité ne reconnaît pas que Jésus est le Messie d’Israël ! fils de Dieu, et encore cela ils peuvent le comprendre puisqu’ils peuvent ce dire aux mêmes les enfants de Dieu, mai Fils de Dieu en tant que Dieu lui-même cela est impossible dans le monothéisme judaïque. Le problème  est que très vite le christianisme a divinisé Jésus, le Christ. Comment moi non-juif je peux dire cet homme-là c’est le Messie le leur et qu’eux disent non c’est pas le notre. Quelque part, il doit y avoir un doute des questions une anxiété qui se joue là-dedans qui joue aussi sur la perception juive. C’est-à-dire du coup, s’ils ne l’acceptent pas, il faut dire qu’ils sont dans l’erreur parce que s’ils ne sont pas dans l’erreur c’est moi qui le suis.

Le fait que la tradition chrétienne estampille les juifs comme les méchants par excellence, l’essence même du mal, même que cela est extrêmement déroutant pour beaucoup, et cela l’aurait été sûrement pour Jésus, cela prend tout son sens quand on analyse les choses, empruntées par le christianisme. Le christianisme ayant usurpé l’identité du peuple juif, il leur faut nécessairement dire que les juifs étaient les usurpateurs et les oppresseurs. Moi je dirais que c’est une confiscation d’héritage, avec cette nuance que l’on peut partir effectivement avec la famille et les portraits de familles, et en laisser aux autres, en laisser au moins un exemplaire aux autres. Là, la notion de verus Israël (véritable Israël) va plus loin que cela, c’est que c’est le peuple lui-même non seulement il a été dépossédé de sa bibliothèque sacrée et ses personnages sacrés, les pères ce que l’on appelle les pères dans le judaïsme, mais en plus il est dépossédé de son statut de peuple d’Israël. C’est cela qu’il faut bien ce mettre en tête, qu’il y a des écrits chrétiens qui sont allés jusque là, et que pour eux la notion de vérus Israël, c’était de dire nous sommes le véritable Israël parce qu’il n’y a plus d’Israël il n’y a que des juifs qui n’ont plus leur place.

Il faut bien admettre que les disciples de Jésus ont piraté certains termes, certaines des promesses faites par Dieu à Israël. Cela est clair ils ont détourné la terminologie, ils ont repris les écritures, ils les ont réinterprétés de façon radicale. Un opposant au christianisme aujourd’hui pourrait accuser les premiers disciples de Jésus d’avoir piraté les écritures d’Israël. Les chrétiens présenteraient les choses d’une manière différente. Ils diraient les avoir lus d’une nouvelle façon. Je pense qu’il y a eu une forte compétition au début du deuxième siècle, la littérature chrétienne, comme la littérature juive, montre les signes d’une concurrence entre les deux conceptions du judaïsme. L’essentiel du Nouveau Testament proclame comment le Dieu d’Israël a voulu que les choses se fassent. Soit il est le fils de David soit il est le fils du Dieu d’Israël, mais ce sont les méchants juifs qui n’ont rien compris. La littérature chrétienne est censée expliquer aux autres juifs qu’ils devraient accepter cet Évangile. De l’autre bord, les juifs qui ne sont pas chrétiens, cherchent à institutionnaliser le judaïsme, il est clair que les juifs ne sont pas chrétiens, et ne veulent pas le devenir surtout avec un Jésus-Christ, fils de Dieu divinisé. C’est au fond à partir du début du deuxième siècle que l’on pourra sans réserve parler du christianisme comme une entité religieuse autonome. Une entité il est vrai on s’en aperçoit avec Ignace d’Antioche, avec Justin martyr, avec l’épître de Barnabé, qui va alors revendiquer pour elle la titularisation d’Israël. Le bénéfice des promesses, rejeter Israël dans la mauvaise connaissance de Dieu, dans l’ignorance de la Loi, dans l’infidélité par rapport à la Loi, et récupérer pour elle l’ensemble de l’État d’Israël. Ce qui n’est pas affirmé dans le Nouveau Testament c’est une affirmation des écrits chrétiens tout au début du deuxième siècle. Là, on peut parler sans réserve alors du christianisme comme entité structurée et indépendante.

Si je me rends dans la maison d’un certain monsieur Dupont par exemple je profite de son absence et que je décide qu’à présent sa maison est ma maison, sa femme ma femme, ses enfants mes enfants, tout ce qu’il possède est à moi ; il est directeur d’une banque je me proclame directe de cette banque. À ce moment le vrai monsieur Dupont, frappe à la porte, et je suis obligé de lui ouvrir et il me demande :

— Mais enfin qui est te vous ?

— Mais je suis monsieur Dupont !

Alors soit il l’accepte, ou il se dresse :

— C’est moi monsieur Dupont !

Je le contredis :

— Mais c’est un mensonge, vous êtes un usurpateur, vous ne pouviez pas vous appeler Dupont puisque c’est moi le vrai Dupont.

En fait même si Paul ne sait pas exprimer ainsi et dans ces termes, c’est la manière dont il a procédé dans ses prédications, et son enseignement. Il a proclamé que le véritable judaïsme c’était ce qu’il prêchait. Les vrais juifs c’étaient ceux qui acceptaient son message. Donc ils usurpaient ainsi l’entité du peuple juif le déroutait, et là cela n’était pas virtuel. Paul a dérobé et détourné le judaïsme aux juifs. Il les a dépouillés de leur véritable identité et travestit leur religion. Travesti pour qu’elle rentre et soit acceptée par le monde romain païen.

Donc on va construire sur et à partir de la théologie de la substitution, on va construire sur la notion du châtiment, et l’on va construire toute une image. C’est tout à fait curieux, mais quasiment jusqu’aujourd’hui c’est une image complètement injuste et imaginaire qui est construite dans les sociétés chrétiennes parce que plus on va avancer dans le temps, et moins les chrétiens vont avoir une connaissance exacte et précise de ce que sont les juifs contemporains. On sait qu’ils existent, mais qu’est de que c’est qu’être juif au V siècle ou au VIII siècle aujourd’hui ? Comment vivent-ils ? Alors il y a des mesures prises à l’encontre des juifs, et après il va y avoir des conflits. On va les accuser de tous les maux, et mettre sur leur dos des tas de superstitions. Mais quelle conscience y a-t-il parmi les chrétiens de la réalité de ce que vivent les juifs ? Cela va être extrêmement limité et de plus en plus limité, et puis bien entendu on va raisonner sur les juifs à partir de l’Ancien Testament, ou à partir des images les plus réductrices que l’on peut construire à partir du Nouveau Testament, et se serra à cela que les pères de l’Église vont s’attacher, parce qu’il y a un avant eux. En effet, ils peuvent s’appuyer notamment sur des épîtres de Paul et certains passages des évangiles de Matthieu, de Jean, et de l’Apocalypse de Jean. Alors on va voir se développer dans les sectes chrétiennes un juif imaginaire. Et de ce juif imaginaire va naître tous les fantasmes et bien entendu l’antisémitisme. Les pères de l’Église ont fondé l’édifice dans lequel vont circuler pendant 2000 ans des relents antisémites. Ainsi l’on peut affirmer que les pères de l’Église ne sont non seulement pères de l’Église ils sont aussi les pères de l’antisémitisme.

Jésus annonçait le royaume de Dieu et l’Amour du Père pour ses enfants parmi ses disciples, c’est l’Église qui va s’installer et enseigner, en rendant une image dans laquelle l’amour pratique tint si peu de place au regard des conflits d’intérêts, des guerres, des ambitions, des massacres, deux mil ans d’histoire du christianisme en rendent témoignage.

Aujourd’hui, les hommes et femmes politiques qui crient haut et fort à travers toute l’Europe en faisant miroiter aux peuples un avenir meilleur en retrouvant leurs racines chrétiennes et en restaurant le grand « Occident chrétien » ne s’inscrivent pas dans la malhonnêteté intellectuelle, mais dans la stupidité, le déni intellectuel, l’un des plus grands mensonges de l’histoire.

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