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l’histoire du canon 1
Nous allons aborder maintenant l’histoire du canon tripartite et du texte biblique.
Chaque fois que l’on discourt sur le Deutéronome, on oublie que celui-ci est composé d’au moins une cinquantaine de manuscrits. On en retrouve déjà vingt à Qumrân qui ne demeurent pas toujours identiques. Donc à quel Deutéronome fait-on référence ?
Mais parlons d’abord de ce que nous avons vu dans le premier chapitre traitant du canon en trois parties. Tout d’abord qu’est-ce que l’on entend par « un canon » ? Le mot canon vient du grec ancien κανών, kanôn signifiant « canne, roseau, règle ». Au second siècle, le terme passe dans le milieu chrétien et il désigne :
Kanon te aletheia : le canon de la vérité,
Kanon te ekklesia, la règle de l’assemblée, c’est-à-dire les « règles de conduite », en fait de gouvernement, propre à chaque église (communautés chrétiennes locales).
Paul de Tarse utilise la forme κανών pour signifier à la fois les limites des territoires à évangéliser qui lui sont attribuées (2 Co 10,13-16) et la règle de conduite impartie aux chrétiens (Ga 6,16).
Au IVe siècle, le sens de ce mot est mis en rapport avec la Bible. Il procède alors des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament reconnus par l’Église et qui sont deux expressions récemment signalées :
En 363, au concile de Laodicée dans le canon 59 (concile régional)
En 367, dans la lettre Festale d’Athanase d’Alexandrie.
Le judaïsme utilise, pour parler des livres bibliques, l’expression « écrits » ou « écrits saints » (kitbê ha-qodesh, par exemple chez Philon d’Alexandrie, Flavius Josèphe et dans la Mishna).
L’idée d’un canon de la Bible hébraïque (nommée « Ancien Testament ») ne s’impose qu’après le synode de Jamnia (ou Yabnah ou Yabneh) à la fin du premier siècle. Auparavant, le concept d’une liste close (au sens de complète et définitive) des livres repris dans la septante apparaît inconcevable. En revanche, le processus de canonisation semble alors ouvert.
Le texte massorétique actuel demeure contemporain de la rédaction de la Mishna, c’est-à-dire le fruit du travail des docteurs du second siècle. Cette tâche de grammairiens (la vocalisation enregistre diverses prononciations possibles) se poursuit jusqu’au Xe siècle ; le manuscrit de Saint-Pétersbourg qui date du XIe siècle et qui sert de base aux bibles d’études en hébreu (exemple la BHS, acronyme de Biblia Hebraica Stuttgartensia — publiée par Rudolf Kittel) est un témoin de ce travail. Jusqu’au premier siècle, la Bible figure pour tout le monde le texte grec de la septante, quoique des éditions en hébreu différentes du texte protomassorétique aient existé, comme le montrent les rouleaux de Qumrân.
Donc on parle d’un « canon » pour désigner un corpus de livres que l’on considère comme fondamentaux, et indispensables soit sur le plan religieux, soit sur le plan de l’enseignement. Dès lors, il apparaît des « canons » éducatifs chez les Grecs qui sont « canonisé », par exemple, l’œuvre homérique. Ce processus, qui a vu le jour à Alexandrie, implique la fixation du texte ainsi que des commentaires et son interprétation. Par conséquent, l’établissement d’un canon reflète le souci de répertorier des documents fondateurs et de transmettre ceux-ci, alors jugé comme fournissant la base identitaire d’un groupe ou d’une religion. Cependant, le terme « canon » n’est pas employé dans le judaïsme pour parler des livres bibliques. Ce dernier utilise celui « d’écrits » ou « écrits saints » ha-qodesh, ou encore « des écrits qui souillent les mains ». C’est une expression pour dire la sacralité d’un ouvrage par exemple quand on ne sait pas si une publication doit rentrer dans le canon ou pas. Ce fut notamment le cas du Cantique des Cantiques, pour celui-ci, les rabbins ont discuté : « est-ce que c’est un recueil qui souille les mains ». Est-ce qu’il apparaît comme un livre qui a une sorte de force presque de sacraliser qui conduit qu’ensuite l’on doit se purifier ?
Donc, le canon de la bible hébraïque en trois parties n’a définitivement été défini qu’à partir du premier siècle, et probablement encore plus tard, au second, voire au troisième ou quatrième siècle de l’ère chrétienne. Cela montre d’une certaine manière que le canon de la bible hébraïque et le canon chrétien vont se construire un peu en parallèle.
Bien sûr, aucun document biblique ne fut écrit avec la conception de devenir un livre canonique. Comme pour le Nouveau Testament, quand Paul a rédigé ses lettres, il ne pensait sûrement pas que celles-ci allaient finir dans le canon du Nouveau Testament.
Le Deutéronome et le Lévitique apparaissent évidemment des recueils qui étaient composés pour en effet revendiquer une certaine autorité, mais pas du tout dans l’idée de se retrouver dans un canon.
L’une des premières attestations d’un canon se trouve chez Flavius Joseph un historien juif, dans son ouvrage « contre Apion » rédigé en 95 de l’ère chrétienne. Il s’agit d’un livre apologétique contre un philosophe Romain auquel il désire démonter que le judaïsme se découvre bien supérieur à la philosophie grecque et romaine. Voici ce qu’il écrit :
Flavius Josèphe (Contra Apionem 1.38-41) : [38]… il n’existe pas chez nous une infinité de livres en désaccord et en contradiction. Mais vingt-deux seulement qui contiennent les annales de tous les temps et obtiennent une juste créance. [39]. Ce sont d’abord les livres de Moïse, au nombre de cinq, qui comprennent les lois et la tradition depuis la création des hommes jusqu’à sa propre mort. C’est une période de trois mille ans à peu près. [40]. Depuis la mort de Moïse jusqu’à Artaxerxès, successeur de Xerxès au trône de Perse, les prophètes qui vinrent après Moïse ont raconté l’histoire de leur temps en treize livres. Les quatre derniers contiennent des hymnes à Dieu et des préceptes moraux pour les hommes. [41]. Depuis Artaxerxès jusqu’à nos jours tous les événements ont été racontés, mais on n’accorde pas à ces écrits la même créance qu’aux précédents. Parce que les prophètes ne se sont plus exactement succédé.
Ici, on éprouve pour la première fois l’idée d’un canon en trois parties. Évidemment pour la première partie avec les cinq livres de Moïse cela est facile, pour les treize autres c’est plus compliqué. Cela montre d’autre part que la numération n’apparaît jamais explicite ; en effet, l’on ne sait pas vraiment si Esdras et Néhémie fondent qu’un seul ouvrage ou deux volumes distincts. De même, celui des Juges peut être considéré comme un unique recueil comprenant le livre de Ruth. Le décompte ne figure par conséquent pas tout à fait clair ; et puis l’on découvre les quatre derniers probablement les livres des Psaumes, Proverbes, l’Ecclésias et les Cantiques. Donc chez Flavius Joseph, on trouve cette idée de trois parties qui évidemment reste encore éloignée de ce que l’on a après dans le canon tel qu’il fut établi ensuite. Ce qui apparaît intéressant c’est que selon cet auteur, le canon va de Moïse à Artaxerxès, et en conséquence de Moïse à la période perse. Cela est quelque chose que l’on retrouve également dans le Talmud qui en effet en parlant des auteurs de la Bible s’arrête aussi à l’époque perse.
Un peu dans la même veine nous trouvons le quatrième livre d’Esdras. Ce dernier est dans la tradition celui qui fixe le canon, et c’est Esdras lui-même dans ce livre inspiré par Dieu qui aurait dicté durant quarante jours à cinq personnes 94 livres. Mais sur ces 94 ouvrages, il n’en publie que 24 et les 70 autres il les garde pour les seuls initiés. Qu’est-ce que cela veut dire ?
D’abord, l’on ne retrouve pas ici le canon de 22, mais de 24 livres, et à côté il aurait 70 livres qui ne sont pas eux dans le canon. Cela reflète que le canon c’est une sélection, et que l’on a laissé beaucoup de choses de côté. Probablement qu’il procédait d’ouvrages apocalyptiques jugés inintéressants pour le canon. Mais avec Esdras, on arrive à 24 livres et c’est également le chiffre que donne le Talmud.
Donc là on en à 24 livres dans le canon tandis que chez Flavius on en avait plus que 22. Donc le plus ancien canon aurait possédé 24 manuscrits et l’on aurait jumelé certains livres pour en obtenir un total de 22. Alors pourquoi ? Parce que 22 c’est le nombre de lettres dans l’alphabet hébreu, et ainsi se trouve présenté la cohérence et la perfection du canon. Mais avec cette façon de voir les choses, si l’on sélectionne 22 on peut tout aussi bien choisir 27 ! Effectivement, puisque l’on rencontre cinq lettres dans l’alphabet hébreu qui s’écrivent différemment quand elles se retrouvent en terminaison d’un mot. C’est le cas du Kaph, du Mêm, du Nûn, etc.. Donc si l’on inclut ces lettres l’on arrive à 27. En conséquence, nous nous trouvons en présence d’une autre tradition qui en effet affirme que la Bible comprendrait 27 livres. C’est ainsi que l’entendaient les Pères de l’Église. Jean de Damascène par exemple nous dit que les deux parties de la Bible chrétienne possèdent chacune 27 livres. Par ce que dans le Nouveau Testament l’on dénombre aussi 27 livres, mais là c’est plus facile à compter que la bible hébraïque. C’est là une manière en effet de présenter la bible chrétienne comme une sorte de diptyque des deux parties ou donner aux deux parties la même valeur. C’est peut-être pour cette raison que l’on a divisé en deux les écrits de Luc pour former l’évangile de Luc et les Actes des apôtres qui à l’origine ne devaient constituer qu’un seul et même document. Pour obtenir le nombre de 27, l’on a aussi introduire dans le canon chrétien l’Apocalypse de Jean qui apparaissait pourtant dans les premiers siècles de l’ère chrétienne un ouvrage très controversé. En l'absence de décision conciliaire concernant les limites exactes du canon de l’Église grecque, le texte demeure souvent rejeté et, en Syrie et dans les Églises de langue syriaque, la Peshitta délimite un canon de 22 livres dont l’Apocalypse est absente. Le concile in Trullo de 692, fondé sur des documents anciens qui ne s'accordent pas sur le canon, ne parvient pas à trancher la question pour l’Église grecque. Le texte virulemment opposé à l'Empire romain est contesté dans l'église impériale de Constantinople jusqu'au IXe siècle, tandis que l'Arménie ne l'admet qu'au siècle suivant. Pour l’Église latine, des décisions conciliaires sont arrêtées notamment par les synodes régionaux de Carthage de 397 et de 419, fixant à 27 le nombre des livres reçus, y retenant l’Apocalypse49. Mais à l'époque de la Réforme protestante, Luther lui accorde un rôle secondaire, Zwingli ne le compte pas parmi les Écritures et Calvin n'en fit jamais aucun commentaire ni pour venir soutenir ses prêches.
L’idée que cela se répartit en trois, peut-être pour la première fois on le trouve sans comptage dans le prologue du livre du Siracide. Un ouvrage écrit par le petit fils du Siracide vers 130 et qui dit : « Beaucoup de grandes choses nous ont été transmises par la Loi, les Prophètes et ceux qui les ont suivis, et il faut, à leur sujet, louer Israël pour son instruction et sa sagesse ». Par contre dans le Nouveau Testament, l’on en relève souvent que de deux ; en effet, l’on parle le plus souvent de la Loi et les Prophètes (Mt 5,17 ; 7,12 ; 22,40, etc.) ou encore Moïse et les Prophètes (Luc 16,29 et 31). Quand vous lisez le Nouveau Testament, l’on n’a pas l’impression de cette idée de trois parties. Une seule exception apparaît, et celle-ci se trouve à la fin de l’évangile de Luc dans la péricope des disciples d’Emmaüs. Là effectivement Jésus se fait connaître aux disciples et il leur apprend : « il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse les prophètes et les Psaumes ». Par contre Philon d’Alexandrie (« De Vita contemplativa » vers 35 - 40 plus ancien que les textes du Nouveau Testament), parle des thérapeutes, une sorte de secte un peu comme les esséniens. Il dit qu’ils étudient les lois et les oracles de Dieu annoncés par les prophètes, les hymnes et les autres choses qui augmentent le savoir et la piété. Là, on a l’idée de 3 parties.
Théories sur la formation du Canon
Alors ces trois parties comment se constituent-elles ?
Dans la tradition juive c’est Esdras qui aurait en effet établit le Canon il n’aurait pas seulement instauré le Pentateuque, mais aussi le canon en trois parties. Cela se trouva repris en 1538 par le savant Juif Elias Levita qui soutient que c’est Esdras et ses collaborateurs qui ont réuni les 24 livres et les ont classés en trois parties. Évidemment, c’est un peu plus compliqué que cela ! mais ceci reste une réflexion valable. C’est une observation qui fut reprise à la fin du XIX siècle ; et qui affirme que le canon de la Bible hébraïque s’est sans doute constitué en trois étapes selon la théorie majoritaire de Heinrich Graetz en 1871. Le Pentateuque est la partie la plus ancienne qui connut un statut d’autorité après sont venu les prophètes et les écrits en dernier. Une autre théorie minoritaire, soutenue par S. Chapman existe, et celui-ci nous dit que « la Loi et les Prophètes sont devenus canoniques en même temps durant l’époque perse ; et que la prééminence de la Torah figurerait une option rabbinique bien plus tardive. » Cependant, cette deuxième théorie demeure difficile. Simplement parce que déjà le fait que ce soit le Pentateuque seul qui d’abord fut transposé en grec, et si le livre des Prophètes avait eu l’égale importance, l’on aurait traduit le tout en même temps. Les samaritains qui n’ont gardé que le Pentateuque, et non pas les Prophètes, vont dans le même sens, donc sûrement que le premier qui reçut un statut canonique ce fut la Torah, c’est-à-dire le Pentateuque. L’on peut effectuer un certain lien avec la tradition autour de la figure d’Esdras. Heinrich Heine déclarait que le Pentateuque « c’est une partie portative parce qu’il se substitue à l’effondrement des structures étatiques : le pays, la royauté, la cohésion géographique, et offre aux exilés une patrie ». On ne doit pas oublier que le judaïsme va en effet naître comme une religion de la diaspora. Jusqu’à 1948 il n’existait pas d’État d’Israël. Il a eu le bref épisode des Maccabées, mais c’est tout ! le peuple, le judaïsme est né de la diaspora.
(Esdras 7, 1-27)
1 Après ces événements, sous le règne du roi de Perse Artaxerxès, Esdras, fils de Seraya, fils de Azarya, fils de Hilqiya, 2 fils de Shalloum, fils de Sadoq, fils d’Ahitouv, 3 fils d’Amarya, fils de Azarya, fils de Merayoth, 4 fils de Zerahya, fils de Ouzzi, fils de Bouqqi, 5 fils d’Avishoua, fils de Pinhas, fils d’Eléazar, fils d’Aaron le grand prêtre — 6 cet Esdras monta de Babylone. C’était un scribe expert dans la Loi de Moïse donnée par le SEIGNEUR, Dieu d’Israël. Le roi lui donna tout ce qu’il avait demandé, car la main du SEIGNEUR son Dieu était sur lui. 7 Parmi les fils d’Israël et parmi les prêtres, les lévites, les chantres, les portiers et les servants, quelques-uns montèrent à Jérusalem, la septième année du roi Artaxerxès ; 8 il arriva donc à Jérusalem le cinquième mois ; c’était la septième année du roi. 9 En effet, le premier jour du premier mois, lui-même fixa le voyage depuis Babylone, et le premier jour du cinquième mois, il arriva à Jérusalem, car la bonne main de son Dieu était sur lui. 10 Esdras, en effet, avait appliqué son cœur à chercher la Loi de Yhwh, à la mettre en pratique et à enseigner les lois et les coutumes en Israël. 11 Voici la copie de l’acte officiel que le roi Artaxerxès donna au prêtre-scribe Esdras, scribe des paroles ordonnées par le SEIGNEUR et de ses lois au sujet d’Israël : 12 « Artaxerxès, le roi des rois, au prêtre Esdras, scribe de la Loi du Dieu des cieux, salut, etc. 13 Voici mes ordres : dans mon royaume, quiconque parmi le peuple d’Israël, ses prêtres et ses lévites, est volontaire pour aller à Jérusalem, qu’il y aille avec toi ! 14 En effet, tu es envoyé de la part du roi et de ses sept conseillers : pour faire une enquête au sujet de Juda et de Jérusalem, suivant la Loi de ton Dieu qui est dans ta main ; 15 ensuite pour porter l’argent et l’or des offrandes volontaires du roi et de ses conseillers au Dieu d’Israël dont la demeure est à Jérusalem, 16 ainsi que tout l’argent et l’or que tu trouveras dans toute la province de Babylone avec les offrandes volontaires que le peuple et les prêtres apporteront pour la Maison de leur Dieu à Jérusalem. 17 En conséquence, tu auras soin d’acheter avec cet argent des taureaux, des béliers, des agneaux et ce qu’il faut pour leurs offrandes et leurs libations ; tu les présenteras sur l’autel de la Maison de votre Dieu à Jérusalem. 18 Ce qu’il sera bon de faire, selon toi et tes frères, avec le reste de l’argent et de l’or, vous le ferez suivant la volonté de votre Dieu. 19 Les objets qui te seront donnés pour le service de la Maison de ton Dieu, dépose-les devant le Dieu de Jérusalem. 20 Le reste de ce qu’il faut pour la Maison de ton Dieu et qu’il t’incombe d’assurer, tu le mettras sur le compte de la trésorerie du roi. 21 “Moi, le roi Artaxerxès, je donne l’ordre à tous les trésoriers de Transeuphratène de faire exactement tout ce que vous demandera le prêtre Esdras, scribe de la Loi du Dieu des cieux, 22 jusqu’à concurrence de cent talents d’argent, cent kors de blé, cent bath de vin, cent bath d’huile et du sel, sans compter. 23 Tout ce qu’ordonne le Dieu des cieux, qu’on l’exécute avec diligence pour la Maison du Dieu des cieux, de peur que sa colère ne se lève sur le royaume du roi et de ses fils. 24 De plus, nous vous faisons savoir que sur aucun des prêtres, des lévites, des chantres, des portiers, des servants et des serviteurs de cette Maison de Dieu, il n’est permis de lever tribut, impôt ou droit de passage.” 25 Quant à toi, Esdras, avec la sagesse de ton Dieu qui est dans ta main, établis des juges et des magistrats qui rendent la justice à tout le peuple de Transeuphratène, à tous ceux qui connaissent les lois de ton Dieu — et vous les ferez connaître à qui ne les connaît pas. 26 Quiconque n’accomplira pas la Loi de ton Dieu et la Loi du roi exactement, que la sentence lui soit appliquée : soit la mort, soit la bastonnade, soit une amende ou la prison. » 27 Béni soit le SEIGNEUR, le Dieu de nos pères, qui a mis au cœur du roi d’honorer ainsi la Maison du SEIGNEUR, à Jérusalem. 28 Face au roi, aux conseillers et à tous les plus hauts ministres du roi, dans sa fidélité il s’est penché sur moi ; alors, affermi — car la main du SEIGNEUR mon Dieu était sur moi —, j’ai rassemblé quelques chefs d’Israël pour partir avec moi.
Donc le Pentateuque va en effet répondre à cette question de trouver une unité qui peut-être basé sur une royauté sur une autonomie politique ou sur une cohésion géographique. Certes, le temple est reconstruit, mais si vous résidez à Babylone, ou si vous demeurez en Égypte, vous ne pouvez pas vous y rendre plusieurs fois par an. Alors on doit découvrir autre chose. Dès lors, la période perse s’identifie tout à fait l’époque propice pour que l’on mette en place le Pentateuque ; et si l’on en croit le livre d’Esdras et Néhémie, nous serions là en présence de l’œuvre d’Esdras. Cet homme est présenté à la fois étant un prêtre, et en même temps comme un scribe, on aperçoit déjà que le personnage d’Esdras apparaît double. Beaucoup d’exégèses voient dans le Pentateuque une sorte de coproduction entre un milieu plutôt sacerdotal et un milieu plus laïc, et Esdras comme par hasard est à la fois prêtre et scribe. Il vient à Jérusalem envoyé par le roi perse, avec la Loi de Moïse. De plus, sa généalogie le présente pour un descendant d’Aaron le frère de Moïse. En second lieu, on va exposer une sorte de lettre d’accréditation d’Esdras, un texte écrit en araméen, ce qui a fait croire à certains que nous serions en présence d’un document officiel ; mais d’autres pensent justement que c’est pour faire officiel qu’il se trouva rédigé en araméen. Mais peu importe dans cette lettre d’accréditation ce qui figure très important c’est que l’on demeure en effet dans une sorte de parallèle entre la Loi d’Esdras et la Loi du roi Perse. Vous avez (V 14) : « suivant la Loi de ton Dieu qui est dans ta main », mais vous avez aussi (v26) : « la Loi de ton Dieu et la Loi du roi ». Par conséquent, on rencontre une espèce de mise en parallèle entre la Loi d’Esdras et la Loi du roi perse. Esdras va effectuer une lecture de cette loi à Jérusalem, et il va se tenir devant le peuple et pendant toute une journée il va lire toute la Torah. Après cette lecture de la Torah (donc du Pentateuque) le peuple va accepter celle-ci, et donc les lévites figurent là pour expliquer et pour soutenir, etc. Que cela ne se soit pas fait dans une journée cela semble explicite, et que même le personnage d’Esdras ne figure pas au-delà de tout soupçon au niveau de l’historicité. D’ailleurs n’a-t-il jamais eu un Esdras ? Par exemple, le Siracide ne le précise pas ! Il mentionne Néhémie, mais pas Esdras alors que celui-ci avait apporté la Loi ! Donc Esdras n’est peut-être qu’une construction littéraire, mais pour quelque chose qui se passe peut être en effet à l’époque perse.
À cause de cela, certains auteurs ont parlé d’une autorisation impériale, et cela est une théorie qui a reçu beaucoup de succès. Celle-ci fut avancée pour la première fois par P. Frei qui n’était pas du tout un bibliste, mais un banquier de Zurich, qui dans ses heures perdues s’intéressait à l’histoire perse et à la Bible. En lisant les écrits, il a imaginé que derrière cette histoire d’Esdras ce serait en réalité les Perses qui reconnurent certaines traditions législatives des peuples soumis pour en présenter une loi perse dans et pour la province en question. Parce qu’en effet, Esdras comme nous venons de le voir, le texte insiste beaucoup sur la Loi d’Esdras qui figure aussi la Loi du roi. L’idée demeure que cela serait en fait une pratique perse. Sans doute que cela explique la raison pour laquelle dans le Pentateuque l’on a mis tellement de choses différentes. On y retrouve tellement de lois, et tellement de traditions, du fait qu’évidemment l’on pouvait produire aux Perses un unique document, on ne pouvait pas soumettre 4 ou 5 ouvrages. Dès lors, il revêtirait d’une nécessité externe pour présenter tout cela ensemble. Cela justifierait le caractère composite de la Torah.
C’est magnifique comme théorie ! mais le seul problème demeure qu’en dehors de la Bible on n’a très peu d’autres attestations dans les textes perses ; personne ne parle de cette coutume. On possède très peu d’arguments, mais peut-être l’on rencontre deux choses que l’on pourrait apporter pour soutenir cette thèse. La première c’est une trilingue de Xanthos qui se trouve rédigée en grec et en lycéen et en araméen, où l’on constate en effet un gouverneur perse intervenir dans une histoire religieuse. Il s’agit d’un culte, ou un nouveau culte fondé ou refondé pour un couple divin à Xanthos dans lequel un satrape perse s’immisce pour légitimer ce culte. C’est une inscription qui est composée en araméen qui reste la langue officielle dans l’Empire perse pour les provinces situées à l’ouest. Mais cela pose tout de suite la réflexion suivante : le Pentateuque n’est pas rédigé en araméen ! il est écrit en hébreu. Est-ce que les Perses auraient vraiment effectué l’effort de lire entièrement cinq livres et je ne sais combien de chapitres en hébreu une langue qu’ils maîtrisaient probablement très mal ; et évidemment, le Pentateuque ne se trouve pas du tout comparable à cette inscription qui ne possède peut-être qu’une cinquantaine de lignes. Il se trouvait de même le cas d’un prêtre égyptien Oudjahorresnê qui au service du roi perse, se trouve envoyé par celui-ci pour restaurer le culte à Saïs. Donc là on peut aussi effectuer quelques parallèles avec Esdras. On peut s’imaginer que les auteurs bibliques se sont inspirés un peu de ce phénomène-là. Mais, cependant la promulgation de la Torah reste avant tout une démarche interne.
Mais une décision de qui ?
Souvent, l’on dit que tout cela s’est fait en fait à Jérusalem. Mais est-ce que cela soit aussi sûr ? I. Finkelstein l’archéologue nous déclare qu’à l’époque perse à Jérusalem il n’y a plus personne. Il est vrai que la ville est alors très peu peuplée. Maintenant, l’on peut dire que s’il se présente que dix familles cela suffit pour écrire la Torah. Mais en même temps si vous lisez déjà l’histoire d’Esdras vous apercevez l’importance de la Golah babylonienne, et donc des gens qui demeurent à Babylone, parce qu’extradé avec la Loi en Mésopotamie. Une seconde chose, c’est la Samarie. Car nous devons, dès à présent reconsidérer totalement notre manière de concevoir cela comme une affaire purement propre au royaume de Juda.
L’on sait qu’un Pentateuque samaritain existe, mais l’on n’a, me semble-t-il, jamais réfléchi du comment se fait-il que les samaritains adoptent eux aussi le Pentateuque en tant que Loi ? Sur le plan politique, la province qui demeure la plus forte, et la plus puissante apparaît bien comme la province de Samarie. Est-ce que ces derniers auraient accepté si d’aventure quelques Judéens s’étaient pointés chez eux en leur annonçant « tenait nous avons là la Torah la Loi est ce que cela vous intéresse ? » Et les samaritains auraient répondu « eh bien ! oui, on prend ». On se doute que ce fût certainement bien plus compliqué que cela. Alors là encore l’archéologie peut nous venir en aide. L’on a souvent trop suivi Flavius Joseph qui nous dit que c’est seulement à l’époque helléniste que l’on aurait fondé un sanctuaire sur le mont Garizim donc en Samarie par quelques prêtres dissidents de Jérusalem. Ceux-ci se seraient installés à Samarie. Maintenant, on connaît que sur le mont Garizim se retrouvait un temple dès le Ve siècle avant notre ère. Dès lors, je pense qu’il faille revoir un peu le discours de Flavius Joseph. Cela veut dire en fait qu’au moment où l’on sait le Pentateuque en place, vous avez en même temps le temple de Jérusalem, et vous avez aussi le temple de Garizim. On ne peut plus simplement imaginer que tout vient de Jérusalem. Donc l’on doit regarder le Pentateuque comme une sorte de coproductions entre les Judéens et les samaritains. D’ailleurs, on le voit très bien puisqu’un autre temple de Yahvé existait à ce moment-là à Éléphantine en Égypte. Certes, à côté de Yahvé une déesse et encore une troisième divinité, y résidaient ; mais lorsque ce temple se trouva détruit par les Égyptiens vers -400, les responsables ont écrit à la fois aux autorités de Jérusalem et aux autorités de Samarie. C’est donc qu’ils reconnaissaient les deux centres comme étant compétents dans les affaires religieuses. On sait que dans cette correspondance il se trouvait à Jérusalem une sorte de collège de prêtres, mais également un collège des anciens, ou un collège laïque probablement de la même manière qu’à Samarie.
Le Pentateuque en effet d’une certaine manière va prendre en compte cette situation. Ceci nous explique certaines choses ! au début on se demande : « pourquoi a-t-on mis toutes ces choses ensemble alors qu’ils ne s’assemblent pas ? ». Deutéronome 12 nous l’avons vu nous dit qu’il n’a qu’un seul lieu que Yahvé peut choisir. Évidemment, le lieu n’est pas nommé ! Donc à Samarie, on peut interpréter ce lieu pour le Garizim, et à Jérusalem le comprendre comme étant à Jérusalem. Mais en même temps, on possède en Exode 20 la conception que Yahwé peut avoir des autels n’importe où. Jérusalem n’est jamais indiqué, mais on rencontre quand même l’entretien avec Abraham et le prêtre de Salem (Gn 14) Melkisédeq, prêtre de Salem une allusion à Jérusalem (qui ne figure autrement jamais mentionné dans le Pentateuque.) Finalement en Deutéronome 27,4 dans la version du Pentateuque Samaritain, là vous avez l’idée de construire un autel sur le Garizim. Les massorètes changèrent en leur temps en dieu Bal, parce qu’évidemment après ils ne s’entendaient plus tellement bien. On découvre comment le Pentateuque intègre la possibilité de se trouver lu de différentes manières par les gens du Garizim et de Jérusalem. Mais aussi encore par d’autres publics, l’histoire de Joseph que l’on a déjà abordé, et surtout par toute la diaspora parce que Moïse en effet va mourir en dehors de la terre promise. Mais quelle était l’étendue de cette Torah ? L’on parle toujours du Pentateuque, mais c’est ignorer que l’on a presque eu un exateuque, puisque tout un débat à savoir si la Torah devait s’arrêter avec la mort de Moïse, ou avec la conquête du pays existait. Cela fera partie du prochain chapitre.
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