Le protestantisme libéral

 

The ologie

 

Le protestantisme libéral est un courant de pensée chrétienne.

   Il ne s’agit nullement d’un courant nouvellement apparu. Le protestantisme libéral plonge ses racines au cœur de la réforme du seizième siècle, à l’exemple de Sébastien Castellion, qui en tend que libre croyant très attaché à la Bible, proteste vivement contre l’exécution de Michel Servet à Genève en 1553.
Le 27 octobre 1553 Michel Servet est jugé et brûlé à Genève pour hérésie antitrinitaire. Pour Castellion ce drame va consommer la rupture avec Jean Calvin. Il fait paraître l’année suivante un ouvrage signé par un certain Martin Bellie (qui n’est autre que Castellion), le Traité des Hérétiques. C’est le début d’une longue polémique sur la tolérance qui va très vite s’envenimer. Castellion écrit :
« Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine, ils tuaient un être humain : on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle ».

Un autre exemple :

Fausto Socin, de son nom d’origine Fausto Paolo Sozzini, aussi appelé Faustus Socinus, est un Italien non conformiste, qui a fondé une Église anti-trinitaire en Pologne, où il est mort en 1604.
Son système de pensée, se veut une interprétation raisonnée de l’Écriture sainte, inspira le Catéchisme de Rakow, édité en polonais en 1605. Diffusé également en Europe occidentale au cours du XVIIe siècle grâce à des traductions, ce livre, dans lequel Socin accorde davantage d’importance à « la fonction prophétique de Jésus (c’est-à-dire sur sa fonction de prédicateur et d’enseignant) », qu’aux éléments liés à sa crucifixion.

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Charles wagner

Le courant de pensée libéralisme s’est développé aux dix-huitièmes siècles à l’époque de la philosophie des Lumières. Il joua un rôle majeur dans le protestantisme du dix-neuvième siècle, en contribuant à l’expansion de l’étude historique rigoureuse de la Bible. On cite des hommes comme Charles Wagner qui lui ont apporté l’éclat en faisant rayonner sa spiritualité et cela bien au-delà des frontières du protestantisme. Au siècle dernier, il a reculé, car il fut vivement combattu, entre autres, par la théologie de Karl Barth, et transformé profondément par l’influence de penseurs comme Albert Schweitzer, Rudolf Bultmann ou Paul Tillich.

L’appellation « libéralisme, » est vague, et peu précise. On utilise le terme en philosophie, en politique, en économie, dans le domaine de l’éducation et dans celui de la religion en général. Il est donné à des mouvements aussi divers qu’incertains, et qui n’ont pourtant selon moi rien de libéral. Mais je m’en tiendrai ici qu’au protestantisme libéral. Bien qu’il soit lui-même bien difficile à définir à cause de sa diversité. En effet chez les protestants qualifiés de « libéraux », on rencontre des positionnements parfois très différents, qui peuvent s’étendre du rationalisme au mysticisme, ou encore de l’ésotérisme à l’agnosticisme, du symbolo-fidéisme d’Auguste Sabatier (1) à l’existentialisme, de l’intellectualisme au sentimentalisme. Ils ont, cependant, plusieurs points d’esprit commun, qui se caractérise par certaines préoccupations et attitudes. Ci-dessous les plus importantes et les plus caractéristiques.

(1) fondateurs de la faculté de théologie protestante de Paris et l’un des créateurs du symbolo-fidéisme, c’est-à-dire une pensée protestante qui accorde beaucoup d’importance à la notion de symbole et qui évite de remplacer la foi qui est confiance par des croyances toutes faites, des dogmes qui s’imposeraient d’autorité, sans qu’on les ait critiqués.

La première des attitudes :

C’est celle de comprendre ce que l’on croit, ce qui semble évident, mais qui est cependant une attitude peu répandue.

Le protestantisme libéral se veut à la recherche d’une foi intelligente. Il rejette la séparation entre la religion et la réflexion. On rencontre trop souvent dans le christianisme une infinité de courants (cependant tout à fait respectables), qui voient dans la foi un saut dans l’irrationnel, une rupture avec les logiques humaines, une acceptation d’un mystère indépassable. Ces courants de pensée opposent, comme le faisait Pascal, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, au Dieu des philosophes et des savants. Dans leur vision religieuse, la révélation biblique n’a rien de commun avec la pensée philosophique, et la foi demande qu’on impose silence à la raison, bref que l’intelligence se soumette.

Le protestantisme libéral qu’en a lui prône : continuité, cohérence, corrélations, correspondances. Il instaure une forme de dialogue avec la culture. Sans nier qu’il y ait du mystère, mais sans opposer la foi à la raison, il cherche au contraire, à les faire se rencontrer et collaborer. Comme l’écrit Paul Johannes Tillich : « Contre Pascal, je dis : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et celui des philosophes est le même Dieu ».

Albert Schweitzer est le penseur qui illustre le mieux cette première préoccupation et orientation. Il souligne que la pensée est très menacée dans notre monde. La société moderne ne fait pas très grand cas de la réflexion ; elle lui préfère l’action et la technique. Elle cherche l’efficacité, la rentabilité ; elle se méfie de ceux qui s’interrogent, qui posent des questions, qui mettent en cause ses postulats. Ils troublent, dérangent, perturbent, et on les écarte autant que possible. De plus, la vie moderne consomme énormément de temps. Elle fait de nous des êtres agités et superficiels. Quantité de choses, aussi intéressantes les unes que les autres, nous sollicitent. Nous sommes sans cesse obligés de nous dépêcher, d’aller vite, de sauter d’une occupation à une autre, dans une sorte de perpétuel zapping. De plus, la pensée nous fatigue, souvent elle nous trouble, nous inquiète, et nous dérange. Pourtant, elle fait la grandeur et la dignité de l’être humain. Y renoncer revient à appauvrir, à mutiler notre humanité.

La religion a besoin de la pensée pour ne pas s’égarer ou se rabougrir. La spiritualité trouve en elle non pas un adversaire, mais une alliée précieuse, voire indispensable. La raison bien conduite, la raison authentique, la raison raisonnable n’est pas, en effet, rationaliste. Elle reconnaît que quantité de choses lui échappent, qu’elle est incapable de percer le mystère de l’univers et de la vie. Elle accepte ses propres limites, et donc l’existence de dimensions qui la dépassent. Cependant, elle entretient un esprit de critique et d’ouverture. Elle empêche de croire, de dire ou de faire n’importe, quoi.

 

Schweitzer

 

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Actuellement, on voit apparaître des formes de piété émotives et exubérantes, que les sociologues qualifient de « chaudes ». Elles cultivent l’affectivité, et elles craignent la pensée. On voit aussi se développer des groupes très dogmatiques, des courants intégristes qui enseignent à leurs adhérents ce qu’ils doivent faire, affirmer, et qui les dispensent donc de l’effort de chercher, de réfléchir, de juger, de se faire par eux-mêmes une opinion. Ils offrent le confort et la paresse des certitudes toutes faites. Ils épargnent des remises en question et des interrogations parfois pénibles. Pour le protestantisme libéral, le croyant est toujours quelqu’un en quête de la vérité, quelqu’un qui ne la possède pas, mais qui doit sans cesse la découvrir, et, une fois qu’il l’a découverte, l’explorer. La foi a, certes, besoin de ferveur, de conviction et de sentiments ; bien sûr, elle expérimente l’ineffable ou l’incompréhensible, et elle respecte le secret ou le mystère de Dieu. Mais n’oublions pas que la Bible nous demande d’aimer Dieu non seulement de tout notre cœur et de toutes nos forces, mais aussi de toute notre pensée. Loin d’affaiblir et de menacer la foi, la réflexion l’approfondit et la consolide. Elle constitue la meilleure défense contre les extrémismes politiques et les intégrismes religieux qui nous guettent et nous menacent.

D, D

 

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