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Paul, l’apôtre controversé

 

Paul 1

Lors du martyr d’Étienne apparaît une figure considérable pour l’histoire du christianisme cet homme se dénomme Paul. À en croire l’auteur des Actes des apôtres tandis qu’il portait encore le nom de Saül, Paul ravageait l’Église et persécuté les disciples. Fait exceptionnel le protagoniste du livre des Actes se trouve aussi connu par ses propres épîtres écrites après sa conversion à la foi chrétienne. Nous disposons de sept lettres de Paul, qui apparaissent certainement authentiques et cela est énorme. On rencontre très peu de penseurs religieux de l’Antiquité qui nous ont laissé un tel volume de message personnel. Je pense, par exemple à son contemporain Yohanan Ben Zachai le créateur du judaïsme rabbinique dont nous ne savons pratiquement rien.

Cependant, malgré tous ses écrits, Paul apparaît comme un personnage très mystérieux encore aujourd’hui, tout au moins d’un point de vue historique et religieux, et en dehors du point de vue de l’exégèse et de l’interprétation de ses épîtres. Son rôle dans l’histoire des premières générations chrétiennes ne semble pas toujours très clair. Pour certains, il est le véritable inventeur du christianisme. On rencontre des points très obscurs que l’on ne pourra éclaircir que lorsqu’on pourra voir exactement qui demeurent les amis chez les collaborateurs de Paul et surtout qui sont ses adversaires. Du fait que ceux-ci « les détracteurs de Paul » d’un point de vue historique se trouvent peut-être plus utiles pour comprendre en quoi réside la portée du message de Paul. Contre quelles idées, contre quels intérêts s’est-il opposé en tant que missionnaire ? Comme nous ne possédons les lettres d’aucun des collègues avec lesquels il débattait, les siennes prennent une importance exagérée. On observait beaucoup de missionnaires chrétiens dans la diaspora en plus de Paul. On le sait parce que celui-ci discute avec eux. Paul c’est comme s’il irradiait trop de lumière, car il est sur représenté dans le canon du Nouveau Testament alors que le canon se veut l’image de ce qu’apparaissait le mouvement à l’origine.

Paul c’est l’héritier d’une tradition helléniste, il subsiste le vecteur à la mission de la chrétienté d’Antioche donc il demeure précédé c’est ainsi que le présente bien en évidence l’auteur des Actes. Mais Paul ne figure le support que d’un courant de la chrétienté. On trouve à côté le judéo-christianisme de Jérusalem, c’est-à-dire la mission instaurée par Pierre. Celle-ci va devancer Paul à Antioche. On rencontre aussi l’influence que l’on appelle la mouvance johannique qui va se développer dans le quatrième évangile et puis dans les épîtres de Jean. L’on distingue enfin cette fameuse tendance qui se cristallise dans les traditions des paroles de Jésus que vont recueillir l’évangile apocryphe de Thomas et les évangiles canoniques de Luc et Matthieu. Donc Paul fait partie de la grande constellation du christianisme à sa naissance, ou du moins du christianisme dans sa jeunesse. Il reste le vecteur brillant de l’un des mouvements, qui fera recette puisqu’il demeure effectivement le courant qui deviendra majoritaire et emblématique de l’identité chrétienne en particulier pour la chrétienté d’Occident.

Toutefois, historiquement, on ne doit pas quand même exagérer le rôle de Paul ? Je crois personnellement que pour la forme de christianisme que l’Occident a hérité les hellénistes sont disons en tant que groupe ceux qui ont disséminé le christianisme vers l’ouest. Étant donné qu’ils parlaient Grecque, à titre de missionnaires ils ont pris le risque d’évangéliser des gentils (des non-juifs). Donc Paul n’a pas été le premier. Paul voyageait et prêchait en terrain labouré si je peux dire, et cela par d’autres. On lui donne en général l’honneur d’instaurer ou de planter des communautés sur des sols vierges. Cela n’est pas sans poser problème à l’église de Rome parce que celle-ci existait avant qu’il ne s’y rende. D’autres avaient lancé le mouvement donc il n’est pas le fondateur. Mais c’est toujours la question des grands hommes. Est-ce que ceux-ci sont l’exception à la règle ou est-ce qu’ils figurent la suprême manifestation d’une tendance ? Alors je dirais de Paul qui me paraît le plus déterminant, mais en tant qu’il fait que représenter le courant des hellénistes d’Antioche. On a cru jusqu’au début du 20e siècle en l’unité doctrinale du christianisme des premiers siècles. On imaginait que la pluralité était apparue avec l’usure du temps et donc que la diversité de l’Église apparaissait le fruit typique de la dégénérescence de l’unité originaire. On demeure au fait aujourd’hui que c’est l’inverse qui s’est produit. Le premier christianisme a fourmillé d’une importante diversité théologique, d’une considérable diversité de formes institutionnelles, et d’une forte diversité dans son rapport à Israël. Le second siècle fait émerger les premières tentatives de réguler cette diversité et la décision la plus spectaculaire c’est évidemment la formation progressive du canon du Nouveau Testament, la liste des livres qui le constitue. La règle de foi de l’Église, mais aussi des mesures d’unification va se prendre au sein de ce qu’on appelle la grande Église à partir du milieu du deuxième siècle. En ce qui concerne l’organisation ministérielle et l’adoption de formules pour confession de foi, l’unité apparaît seconde la diversité reste première.

La musique du Nouveau Testament se trouve plus proche de Stravinsky que de Haendel. La théologie crée l’harmonie, la théologie apparaît comme une superstructure qui construit un ensemble régulier à partir des multiples thèmes et des orientations que l’on trouve un peu partout dans le Nouveau Testament. Parmi les textes qu’il réunit les épîtres deutéro-pauliniennes donc attribuées à Paul après sa mort, présente Paul d’une manière plus « cascher ». L’épître aux Éphésiens jette un pont entre le judaïsme et les communautés des gentils dans une perspective de longue durée. Ce que Paul encore une fois ne verra pas. Ce n’est pas une impression c’est la preuve de la diversité et de l’anxiété que génère cette diversité.

Nous avons tellement l’habitude de voir ces textes rassemblés dans un corpus qui s’appelle le Nouveau Testament, avec des évangiles, des Actes des apôtres, des épîtres, etc.. Que l’on c’est dit, mais comment est ce que tout ça ne communique pas ? Alors quand ce n’est pas le cas, on s’arrange pour que cela en soit ainsi c’est là le grand art de la théologie. Mais effectivement pour l’historien c’est un problème parce que l’on a à la fois des contradictions et des non-relations qui permettraient d’établir des choses un peu plus stables.

Au commencement, figurait la diversité chacun défendait son évangile tout en se revendiquant comme disciple de Jésus. Paul est témoin de cette diversité il est un parmi d’autres, mais il est le seul dont les écrits nous sont parvenus. Ainsi pouvons-nous comparer sa version de l’histoire à celle qu’en donne une trentaine d’années plus tard le récit des actes des apôtres.

La comparaison avec Paul des épîtres et Paul des Actes apparaît vraiment un problème extrêmement difficile, parce que l’on découvre des différences notables et frappantes. On constate aussi des oublis marquants par exemple l’auteur des Actes fait silence sur le travail missionnaire de Paul ; ce qui se trouve évidemment stupéfiant compte tenu de l’investissement qu’a dû représenter pour Paul l’écriture de ces lettres. Là encore, nous demeurons certainement en présence d’une activité de groupe au regard du nombre d’écrits. L’on doit envisager l’existence probable de coauteurs à ces épîtres, mais c’est surtout un labeur dans lequel Paul s’est investi d’une manière impressionnante quand on considère le résultat. On découvre un mutisme complet sur les différends et les crises qui ont agité à la fois la chrétienté paulinienne et qui ont fini par troubler les rapports entre l’apôtre et ces communautés. Pour ce qui est de cette question-là, on peut penser que l’on rencontre chez l’auteur des Actes une volonté de marquer plutôt les convergences que les divergences, les conciliations que les conflits. L’impasse sur les querelles figure explicable, le silence sur les activités missionnaires nettement moins. Alors le grand problème évidemment c’est de savoir si l’auteur des Actes avait connaissance des lettres de Paul. Car pour lui celui-ci n’écrit jamais, il parle beaucoup, mais ne rédige jamais ! Donc on demeure en droit de se demander s’il a eu réellement connaissance des lettres rédigées par l’apôtre des gentils. Qu’il l’ait connu ! c’est vraisemblable, à la fin du siècle l’on rencontrait probablement des épîtres de Paul qui circulaient et pourtant l’auteur des Actes ne traite jamais d’un Paul écrivain. Visiblement ce qui intéresse l’auteur des Actes ce sont les déplacements de Paul et non pas sont passé d’activité épistolaire. On peut dire de ce point de vue que la mise en valeur des épîtres et des voyages apparaissent inversement proportionnels à ce que racontent les lettres elles-mêmes. En effet, on observe que pour Paul les lettres se trouvent presque plus importantes que les voyages eux-mêmes. C’est dans ses lettres que sa théologie se développe. Visiblement, nous devons voir que pour les Actes ce sont les voyages et l’on possède une espèce de concurrence entre les lettres et les voyages. Je dirais que les silences des Actes sur les lettres de Paul restent extrêmement peu parlant. On peut simplement dire que cela ne fait pas partie de l’image que l’auteur des Actes veut donner de Paul. Que l’auteur des Actes méconnût l’existence des épîtres semble improbable. Je pense qu’il demeurait au courant de leur rédaction, mais il ne les a pas utilisés, et nous ignorons s’il les a lus ou non.

Mais il a décidé de ne pas les utiliser peut-être pour des raisons polémiques ou tout simplement parce que ces épîtres ne lui paraissaient pas fondamentales pour raconter l’histoire de Paul. Les manipulations de l’auteur des Actes sont nombreuses et grossières, il ignore les épîtres et il ne les cite pas, mais je crois qu’il les connaissait fort bien. Mais dans les Actes qu’il écrivait, elles auraient été en contradiction avec trop de choses. Il a évité de les utiliser de façon importante ou en tout cas il n’a pas souhaité inclure dans les Actes les aspects de la théologie paulinienne qui nous semble aujourd’hui dans l’histoire du christianisme la plus intéressante sur un point de vue historique.

Bien que le créateur des Actes des apôtres ait ignoré ou a choisi de les ignorer, les épîtres constituent des textes majeurs du Nouveau Testament. Par leur volume, par leurs pensées par leur théologie elles offrent un témoignage d’autant plus irremplaçable qu’elles ressortent de la main d’un contemporain de Pierre de Jacques le frère de Jésus, des douze apôtres. Si nous ne possédions pas les épîtres de Paul et que nous ne détenions que les Actes des apôtres, Paul apparaîtrait comme un personnage totalement différent. Paul semblerait une personnalité à la conception religieuse parfaitement orthodoxe entre guillemets. Alors la question qui se pose est pourquoi l’auteur des Actes veut présenter un portrait de Paul qui soit complètement aseptisé. Paul ce grand missionnaire qui n’a peur de rien, qui va chercher à convertir ses contemporains au risque de sa vie ; et cela dans les coins les plus reculés de l’Asie Mineure et de la Grèce, ce Paul qui est battu, il fait naufrage, il souffre de façon récurrente ; ce Paul ne semble pas d’un point de vue idéologique un innovateur et en termes d’autorité Paul reste subordonné à l’Église. Dans les Actes des apôtres, Paul apparaît véritablement domestiqué.

Pour ma part, je ne dirais pas que le Paul des Actes est un personnage pâle par apport au Paul des épîtres ; celui-ci possède un verbe cinglant, il vitupère son entourage, et c’est un exégète à la manière des rabbins. J’attends par là vif et pointu, c’est un homme qui se démarque par sa parole. Le Paul des Actes se distingue plus par son comportement, par sa conduite. L’auteur des Actes a l’intention de dresser un portrait de Paul en action. L’engagement de Paul selon les Actes ne demeure pas de parler, tout au contraire elle se trouve réellement héroïque. La manière dont l’auteur des Actes va fixer le discours de Paul ne figure pas à la hauteur de la rhétorique paulinienne, cela est parfaitement vrai. Mais là encore, l’auteur des Actes trente ans après la vie de Paul doit dire autre chose. Il ne va pas répéter tout ce que le monde sait. Ce qu’il doit dire à ce moment-là c’est la fondamentale volonté de Paul de se situer dans la continuité de l’histoire des Pères fondateurs d’Israël ; même si cela ne correspond pas exactement avec le personnage historique. Alors que Paul par tous les moyens tente, — mais ce sera un échec — de maintenir le lien entre la synagogue et les communautés qu’il créées. Donc on observe une figure héroïque, cinglante et haute en couleur, mais c’est le Paul homme d’action, le Paul missionnaire, le Paul entrepreneur que l’on voit à l’œuvre. C’est lui que nous devions deviner derrière les épîtres, mais que les épîtres comme telles ne le disent pas.

On rencontre deux portraits de Paul ; celui qui découle de ses propres épîtres, c’est-à-dire celui qui se manifeste en tant que chef chrétien radical et dynamique qui a pris ses distances avec quelques-uns des principes du judaïsme ; et celui que nous donnent les Actes où il apparaît comme un juif pieux respectueux de la Torah. Ce sont deux images complètement différentes. Le premier figure un autoportrait, le second le portrait porté par un tiers, l’auteur des Actes qui écrit une génération plus tard. Ce qui se trouve évident c’est que d’un côté on présente un personnage qui parle de lui-même ; mais très peu d’ailleurs, et il ne se présente pas énormément, il se décrit à l’occasion d’une circonstance ou d’un élément qu’il veut spécifier, mais il ne trace pas une autobiographie. Les épîtres de Paul ce sont des écrits de contextes, donc ce n’est pas un portrait continu et précis sur lui-même lorsqu’en même temps c’est un apôtre qui discourt de lui-même. Tandis que dans les Actes c’est un autre homme qui traite de lui, dès lors, déjà rien que cet élément qui paraît neutre va infléchir complètement l’image qui est donnée de Paul. Les Actes fournissent finalement une certaine ossature à la vie de Paul. Si nous ne possédions que les épîtres, les actes autobiographiques sont peu nombreux, la reconstitution d’une chronologie demeure extrêmement pénible. Donc les historiens qui essayent d’écrire un ouvrage sur Paul et mettent en question la crédibilité des Actes éprouvent de très grandes difficultés et plus ou moins inconsciemment ils sont obligés d’incorporer des détails biographiques des Actes. Dans les Actes, on ne trouve pas une véritable biographie de Paul et c’est là le problème.

Vers les années 80 - 90, l’auteur des Actes des apôtres se saisit de la figure de Paul qui devient alors le héros d’un récit qui peut-être n’a plus beaucoup à voir avec lui même, avec ce que ses lettres nous apprennent. L’histoire cède le pas à la littérature.

Paul devient le héros non pas des Actes des apôtres, mais celui d’une histoire générale d’une communauté d’individus qui vivent dans l’harmonie. De toute évidence, il y parvient dans un cadre déterminé, mais insérer Paul dans ce cadre coûte cher du point de vue historiographique et il ne pouvait en être autrement. Personnellement, je pense que nous devons demeurer extrêmement circonspects et prudents avec les renseignements donnés par les Actes des apôtres ; parce que le problème reste le suivant, quand on n’a aucune idée sur quelque chose n’importe quelle mauvaise idée apparaît meilleure que pas d’idée du tout. En ce qui concerne le début de l’histoire de l’apostolat paulinien c’est-à-dire depuis l’appelle la vocation de Paul jusque son passage à Corinthe au milieu des armées 50 ; à ce moment-là, on possède des informations des lettres de Paul. Or celles-ci contredisent pour une grande partie celles que l’on a dans les Actes des apôtres. Puis on n’e possède plus rien, la dernière chose que l’on a c’est dans l’épître aux Romains  c’est l’intention de Paul d’aller à Jérusalem et puis en Espagne. Mais à partir de là et de cela, on ne détient plus rien du tout. Dès lors, on possède plus que les Actes des apôtres alors par paresse on se fie aux Actes des apôtres. Je pense que c’est infiniment dangereux, parce que les Actes des apôtres n’ont pas montré leur fiabilité dans les premières années de la biographie paulinienne. C’est la raison pour laquelle je demeurerais très très circonspect vis-à-vis du dernier voyage de Paul à Jérusalem son arrestation son procès sa captivité à Césarée, le voyage à Rome. Autrement dit sur toutes ces questions je resterais extrêmement prudent et au fond concernant la biographie de Paul je m’interromprai à Corinthe et je dirais ensuite, on ne sait pas. Finalement si l’on se fie simplement à ce que Paul raconte de lui-même nous ne connaissons pas grand-chose et lorsqu’il nous donne certains renseignements précis nous pouvons rester perplexes. Prenons un exemple, quand il annonce qu’après s’être rendu à Damas il est parti pendant plusieurs années en Arabie. Qu’est-il allé faire en Arabie ? On n’en sait rien. Le livre des Actes ne nous parle pas de ce déplacement en Arabie, cela aurait pourtant été fort intéressant de savoir le pourquoi et le comment et qui il avait pu y rencontrer. Il dit ensuite qu’il est revenu à Damas parce qu’il se trouvait recherché et poursuivi par le roi Arétas, mentionné en 2 Corinthiens 11.32. Ce dernier a régné sur la région et il est mort en 40 apr. J.-C. ; on en déduit donc le temps approximatif du séjour en Arabie de Paul.

Alors qu’est-ce qui s’est passé entre ce roi et lui pour qu’il se retrouve pourchassé jusqu’à Damas ? Là encore nous l’ignorons. Ce que nous raconte le livre des Actes c’est qu’à Damas il rencontre une opposition ferme de gens qui sont des Hellénistes. On se trouve obligé de le faire fuir par une fenêtre dans un panier, etc.. Mais tous ces détails comme le fait qu’il aurait vécu selon un discours de Paul dans les Actes, un élève éduqué au pied de Gamaliel ; à savoir disciple de Gamaliel on peut penser que Paul se réclame de toute sa lignée juive, et sa foi pharisaïque il l’aurait mentionné le nom de Gamaliel il ne le présente pas. Alors qu’il demeure pharisien, cela il l’annonce lui-même dans l’épître aux Philippiens ; qu’il fait partie de la tribu de Benjamin, cela il le déclare lui-même. De même dans cette épître, il notifie qu’il ne sait jamais rendue à Jérusalem avant la première visite qu’il a rendue à Pierre. Soit pour faire sa connaissance trois ans après sa vocation cela c’est ce qu’il dit dans son épître aux Galates. Qu’il ait été l’élève de Gamaliel qui effectue ses études à Jérusalem cela n’apparaît pas confirmé par ses épîtres. Qu’il soit citoyen romain on en sait rien. Je conçois que cela passe bien dans le paysage des Actes. Qu’il maîtrise l’hébreu c’est aussi une affirmation des Actes des apôtres, mais cela me paraît peu plausible ; car tout nous indique que la bible de Paul c’est la Septante, la version grecque de la Bible, ce n’est pas le texte hébraïque. Donc je crois que nous avons là beaucoup de traits ajoutés ou introduits par le rédacteur des Actes et qui possèdent toutes en réalité le même but c’est d’implanter Paul à Jérusalem. Je pense que cet enracinement de Paul à Jérusalem figure contredit largement par les épîtres, mais qu’en fait il appartient aux projets littéraires des Actes des apôtres. Comment peut-on expliquer cela ? On rencontre deux manières de procéder, la première en disant que l’un des deux a tort entre Paul et l’auteur des Actes si c’est Luc entre Paul et Luc l’un des deux a tort. Généralement, le coupable est vite trouvé on désigne l’auteur des Actes comme étant soit un historien extrêmement peu attentif ou mal renseigné, soit tout simplement nous nous trouvons en présence d’un falsificateur de l’histoire. À mon avis, trancher comme cela est complètement inadéquat parce qu’on oublie deux choses premièrement quand l’auteur des Actes écrit et deuxièmement qu’est-ce que rédiger l’histoire. Alors quand l’auteur des Actes écrit-il ? Il compose son récit entre les années 80 et 90. Nous demeurons donc trente années après la mort de Paul. L’auteur des Actes écrit lui dans une phase qui est celle de l’héritage et il veut dresser un portrait de Paul qui rentre dans le cadre de cet héritage.

Le récit du chemin de Damas met en scène un pharisien dénommé Saül qui persécute les adeptes de Jésus. À la suite d’une révélation, Saül rejoint les chrétiens et plus tard adopte le substantif de Paul contre toute attente Paul n’évoque jamais dans ses lettres cet épisode où il aurait abjuré le judaïsme.

Maintenant dans l’épître aux Galates la conversion ou la vocation de Paul se trouve citée très brièvement le point central est identique à celui de l’auteur des Actes. Le récit des Actes apparaît haut en couleur, plein de détails, mais l’élément prépondérant est le même dans les deux textes. Curieusement dans le livre des Actes l’auteur donne à l’expérience de Paul une telle importance qui la raconte par trois fois. Chaque fois, l’histoire est présentée sous un angle un peu différent selon le projet d’ensemble de l’auteur et du public auquel il s’adresse.

Chapitre 9 des Actes des apôtres : « Saül, ne respirant toujours que menaces et meurtres contre les disciples du Seigneur, alla demander au Grand Prêtre des lettres pour les synagogues de Damas. S’il trouvait là des adeptes du Chemin, hommes ou femmes, il les amènerait, enchaîné, à Jérusalem. Poursuivant sa route, il approchait de Damas quand, soudain, une lumière venue du Ciel l’enveloppa de son éclat. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : “Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?” – “Qui es-tu, Seigneur ?” demanda-t-il. – “Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes.”  “Relève-toi et entre dans la ville : on te dira ce que tu dois faire.”

Ses compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient la voix, mais ils ne voyaient personne. Saül se releva de terre et, bien qu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. Ils le prirent par la main pour le faire entrer à Damas. Pendant trois jours, il fut privé de la vue et il resta sans manger ni boire. »

Que Paul c’est rallié au christianisme c’est évident ; que ce soit de la façon et de la manière dont le livre des Actes nous le rappelle par trois fois ; par le récit sur le chemin de Damas, je considère que là on touche plus à la littérature qu’à une chronique historique. Si par hasard les théologiens se plaignaient que les textes néotestamentaires se trouvent traités comme de la littérature, ils auraient tort. Je crois que Paul lui-même, celui de l’histoire, que l’on peut rebâtir à partir de ses épîtres ; Paul a compris sa vie comme marquée par un avant et un après et n’a cessé de dire préalablement j’étais un persécuteur tout était noir, depuis lors tout apparaît bien je suis un grand missionnaire. Donc ce modèle de l’avant et de l’après remonte à lui-même. Dans l’épître aux Galates où il effectue une rétrospective historique, ce schéma apparaît très clairement ; autre fois je persécutais l’Église, mais maintenant Dieu m’a révélé son Fils. Je suis un missionnaire  donc cette construction demeure fixe dans l’épître aux Galates, et sur ce point l’auteur des Actes des apôtres va respecter ce schéma. Alors dans l’épître aux Galates Paul dit ceci : ch 1 v 13 : « Vous avez entendu parler du comportement que j’avais autrefois dans le judaïsme : je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu, et je cherchais à la détruire. »

         Paul utilise là un terme très fort πορθέω porthéô qui veut dire ravager. Et au fond Paul dresse de lui un portrait noir-blanc le côté noir c’est le ravage de l’Église, et l’on retrouve ce terme dans les Actes des apôtres à propos de Paul. Le côté blanc l’autre face c’est le Paul converti ayant reçu la révélation du Fils et devenant le témoin du Fils c’est-à-dire de celui qu’il persécutait. Cette construction noir-blanc se trouve une rhétorique qui dépend de Paul. D’ailleurs, il notifie vous avez entendu donc c’est un récit qui émane de qui ? Mais de lui bien sûr ! C’est lui qui l’a raconté donc Paul ici fait écho à un discours sur lui-même et dans lequel il a lui-même parlé de ce retournement et cela est la structure même d’une conversion.

Cette image de la conversion de Paul qui suscite une si forte tension entre l’époque préchrétienne et la période chrétienne de Paul a tendance à se développer dans le comportement chrétien et nous en trouvons la trace jusque dans l’évangile de Luc. Du reste, les épîtres pastorales à savoir celles écrites par des disciples de Paul ne reflètent pas très clairement la conscience de soi qu’avait Paul. Ils lui font dire « j’étais le plus grand des pêcheurs » en réalité dans l’épître aux Galates Paul affirmait « 14 a j’étais encore attaché à la Loi et aux coutumes juives… 15 Dans la pratique de la Loi et des coutumes juives, je surpassais la plupart de ceux de mon âge appartenant à mon peuple ; j’étais beaucoup plus zélé qu’eux pour les traditions de nos ancêtres. » 

Paul déclarait qu’en tant que juif qu’il était un bon juif et Paul ne parlait pas de lui-même comme d’un pêcheur. Bien entendu son péché fondamental si l’on peut le nommer ainsi c’était de n’avoir pas accueilli Jésus. Mais il ne se considérait pas au même degré qu’un pêcheur avant sa vocation. La tradition chrétienne postérieure va transformer le Paul d’avant la conversion en pêcheur ce qui permet de souligner l’œuvre de Dieu qui a complètement renversé la situation de Paul. Dans les Actes des apôtres, cette propension à mettre en opposition les deux périodes demeure naturellement une tendance littéraire.

Dans ses lettres, on trouve un titre que Paul revendique celui d’apôtre. Il se désire en tant qu’apôtre, il se déclare par conséquent apôtre, même si cette distinction ne semble devoir être accordée qu’à ceux qui ont connu Jésus seulement dans la chair ; Paul récuse cette hiérarchie en rien il ne se considère inférieur aux compagnons de Jésus. Son expérimentation mystique du ressuscité lui confère une autorité au moins égale. On rencontre un texte au chapitre 9 de la première épître aux Corinthiens où il notifie qu’il a vu Jésus et donc il veut se mettre sur le rang des autres. Cela apparaît corroboré par sa propre connaissance. D’autre part, il va en tant que chrétien se présenter au même degré que le dernier des apôtres, mais vraiment au sens du dernier des derniers n’est-ce pas. Il déclare lui-même « il m’est apparu à moi comme à un avorton » résultat d’une mauvaise naissance moi Paul. Dès lors, il apparaît comme toujours à la fois d’une extrême humilité et d’une extrême pudeur, sur sa vie. Dans le même temps, il n’hésite pas à se glorifier sur certaines choses, et ces choses sur lesquelles il se glorifie comme il le dit c’est quand même d’avoir rencontré le Seigneur. D’avoir éprouvé cette expérience du ressuscité.

Comment Paul peut-il justifier sa vocation d’apôtre en n’ayant pas eu l’expérience concrète du Jésus de l’histoire ?

Voilà le problème, par une relation directe. Il prétend que sa vocation ce n’est pas d’un homme qu’il l’a reçu, et si vous accepté cette explication et bien l’apostolat n’existe plus. C’est la raison pour laquelle Paul a été pris dans une situation difficile. Il a déclaré ouvertement ne pas avoir rencontré Jésus selon la chair ; c’est l’élément intéressant de la deuxième épître aux Corinthiens il cherche à justifier sa vocation apostolique contre ceux qui on leur « carte » bien plus en règle que lui. Ses adversaires sont les vrais apôtres. Tous les autres que l’on annonce qu’ils ont vu Jésus ressuscité sont des disciples. Donc on peut dire qu’ils sont les témoins de la résurrection parce qu’ils ont connu Jésus avant ; ils l’ont vu mort, certes ils n’ont pas été tous témoins de celle-ci, mais ils l’ont vu préalablement et ils l’ont vu ultérieurement. Paul lui n’a jamais connu Jésus et par conséquent il est témoin de la résurrection sans avoir été témoin de Jésus lui-même si l’on peut dire ; mais dans les récits ils apparaissent plus de 500 à pouvoir le revendiquer il le dit lui-même : « Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois — la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort […] »(1 Co 15, 6).

Que Paul n’ait jamais rencontré Jésus de son vivant semble tout à fait évident puisque Jésus n’est jamais sorti de Judée, et d’autre part Paul ne s’est jamais rendu en Judée du vivant de Jésus. C’est une énorme différence entre lui et Jacques, Pierre, Jean, etc.. Donc d’un côté on rencontre Paul et de l’autre côté les apôtres. La plupart avaient connu Jésus de son vivant, contrairement à Paul. Dans son esprit, ceci a considérablement facilité l’élaboration de sa doctrine. Je dirais que Paul a découvert Jésus à partir d’une vision. Pour lui Jésus c’est un personnage céleste qui lui est apparu. Par conséquent à partir de là son Jésus à lui c’est celui du Ciel. Il devait connaître certaines choses du Jésus terrestre ne serait ce que les chrétiens pensaient de lui et qu’il a combattu. Il y a chez Paul quelque échos de la parole de Jésus ou de donnés évangéliques, il y en a en fait que quatre. Maintenant le fait que Paul ne mentionne qu’à quatre reprises 3 fois dans la première lettre aux Corinthiens et une fois dans la première aux Thessaloniciens une parole du Seigneur, conséquemment c’est extrêmement peu. Dans ces quatre reprises-là d’ailleurs Paul signale des paroles qui ne coïncident pas exactement avec ce que l’on sait par la tradition évangélique. Donc quand Paul dit « paroles du Seigneur », il se réfère à la parole de Jésus, mais véhiculée et réinterprétée par les prophètes chrétiens.

Des exégètes on conclu de cela le fait que Paul et les communautés qu’il avait fondées, n’avaient pas d’accès à une biographie de Jésus. Je considère que cette thèse n’apparaît pas soutenable. On ne peut pas mettre en avant la mort de Jésus si l’on ne raconte pas ce qu’il a vécu. Lundi mercredi et vendredi je pense que Paul en savait bien plus qu’il veut le dire sur la vie et les enseignements de Jésus. Mais les autres jours de la semaine, je n’en suis pas si sûr. On trouve des indices dans les lettres de Paul notamment dans l’épître aux Romains où Paul semble faire allusion à des paroles de Jésus. Il paraît prêcher les mêmes enseignements éthiques que Jésus parfois avec des mots identiques et les expressions équivalentes ; donc il semble difficile d’envisager que Paul ait pu ignorer les enseignements de Jésus.

Alors vient la question, pourquoi ne site-t-il pas Jésus plus souvent ?

Pourquoi ne possédons-nous que quelques exemples dans la première épître aux Corinthiens ?

C’est là toute l’énigme, et les chercheurs déclarent que si Paul n’en dit pas plus, c’est parce qu’il n’e savait pas grand-chose. D’autres disent que Paul ne cite jamais Jésus, puisque pour lui la vie de Jésus et son enseignement ne l’intéressent aucunement. Autrement dit, il n’en effectue pas le centre du message chrétien. Paul préfère aux enseignements de Jésus le culte du mystère, la résurrection, et le rachat du péché par la crucifixion. C’est pour lui la base de sa religion qu’il est en train de créer, le christianisme. La perspective de Paul figure très différente de celle de Jésus ; et c’est pour cela que Paul s’intéresse relativement peu à l’enseignement de Jésus. Lorsqu’il annonce quand ses rivaux prêchent un autre Jésus, je pense qu’ils s’en réfèrent à cela ; ses concurrents judéo-chrétiens prêchent Jésus de chair et de sang ; un Jésus qui s’adresse aux juifs, comme Paul le reconnaît, qui s’adonnait à la loi mosaïque, et qu’il pratiquait les règles de pureté et n’a aucunement considéré que la Torah se trouvait abrogée. Donc ce Jésus que les adversaires judéo-chrétiens de Paul prenaient certainement en modèle ils disaient aux chrétiens de Galatie regarder l’exemple de jésus. Et cela est évidemment une chose que Paul n’accepte pas, cela se développe à l’encontre de sa théologie et vient en quelque sorte la ruiner. Le fait que Paul n’a jamais connu Jésus vivant, cet homme qui avait vécu qui avait agi et parlé lui a grandement facilité la tâche. Delà il n’avait qu’un pas a faire. Bien sûr, on lui avait rapporté toutes sortes d’affaires sur Jésus. Tandis qu’il s’opposait aux Nazaréens aux chrétiens juifs, et plus encore quand il les a rejoints, mais il ressentit comme un clic dans son esprit. Alors il a fermé celui-ci à ce qu’on lui apprenait, et le temps qu’il en parvienne à concevoir sa doctrine, tout cela était devenu devant lui sans intérêt. Si Jésus était le Fils de Dieu envoyé par Dieu ce qui lui était arrivé durant sa vie était pour Paul sans importance. Qu’est-il important d’être au fait de quel miracle il demeure censé avoir fait ici ou là ? Connaître ce qu’il avait dit et enseigné aux gens à ses disciples était-il important pour lui ? Les paraboles qui avait utilisé, tout cela était sans importance pour Paul en comparaison avec le grand message que lui Paul voulait livrer. À savoir que Jésus était venu apporter le salut, celui que Dieu avait envoyé pour sauver l’humanité tout entière. Cela d’autant plus que si vous lisez attentivement toutes les paroles de Jésus durant sa vie et si vous regardez ce qu’il a dit et fait ; vous ne parvenez jamais à la conclusion qu’il était le Fils de Dieu ou qu’il était venu pour expier les péchés de l’humanité et lui apporter le salut. Tout cela c’est Paul qui le raconte. Sans les récits, sans la théologie de Paul, vous en arriveriez à la conclusion que Jésus était un Juif pieux un prédicateur très apprécié qui comme d’autres juifs se trouvaient sensés avoir accompli des miracles et qu’il avait prêché l’amour envers son prochain, et l’entre aide avec les malades et les malheureux. Un humaniste très développé qui voulait condamner et lutter contre la misère qui existait tout autour de lui ?

Il n’y a rien ni dans ses actes ni dans ses paroles qui peut amener qui que ce soit à la conclusion que Dieu l’a engendré et l’a envoyé sur cette Terre pour apporter le salut à toute l’humanité on en est très loin. Tout cela est né dans la pensée je dirais dans la conception de Paul. C’est sa théologie à lui, c’est sa théologie personnelle si je puis dire. Donc avoir fermé son esprit à tout ce que l’on avait pu dire sur Jésus cela lui a facilité les choses. L’obstacle principal à sa doctrine n’existait plus. Une foi qu’il avait vécu ce clic ce basculement tout devenait possible, qui était Jésus ce qu’il avait enseigné ou fait, où il vivait cela ne comptait plus. La doctrine devenait tout et cette doctrine allait engendré le christianisme orthodoxe celui qui se trouvera imposé par le dogmatisme romain.

Inconnu des églises de Judée selon ses propres termes, Paul exerce sa mission hors de Palestine dans la diaspora juive vers l’an 49. À la suite d’un incident entre chrétiens juifs et non juifs, Jacques le frère de Jésus convoque à Jérusalem les représentants de l’église d’Antioche, dont Paul, pour s’expliquer sur la question essentielle : doit-on d’abord être juif avant d’être chrétien ?

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