Promesses de YHWH à Abraham.

Promesses de YHWH à Abraham.

Chapitre 14 (TOB)

14 Le SEIGNEUR dit à Abram après que Loth se fut séparé de lui : « Lève donc les yeux et, du lieu où tu es, regarde au nord, au sud, à l’est et à l’ouest. 15 Oui, tout le pays que tu vois, je te le donne ainsi qu’à ta descendance, pour toujours. 16 Je multiplierai ta descendance comme la poussière de la terre au point que, si l’on pouvait compter la poussière de la terre, on pourrait aussi compter ta descendance. 17 Lève-toi, parcours le pays en long et en large, car je te le donne. » 18 Abram vint avec ses tentes habiter aux chênes de Mamré qui sont à Hébron ; il y éleva un autel pour le SEIGNEUR.

Chapitre 15 (TOB)

1 Après ces événements, la parole du SEIGNEUR fut adressée à Abram dans une vision. Il dit : « Ne crains pas, Abram, c’est moi ton bouclier ; ta solde sera considérablement accrue. » 2 Abram répondit : « Seigneur DIEU, que me donneras-tu ? Je m’en vais sans enfant, et l’héritier de ma maison, c’est Eliézer de Damas. » 3 Abram dit : « Voici que tu ne m’as pas donné de descendance et c’est un membre de ma maison qui doit hériter de moi. » 4 Alors le SEIGNEUR lui parla en ces termes : « Ce n’est pas lui qui héritera de toi, mais celui qui sortira de tes entrailles héritera de toi. » 5 Il le mena dehors et lui dit : « Contemple donc le ciel, compte les étoiles si tu peux les compter. » Puis il lui dit : « Telle sera ta descendance. » 6Abram eut foi dans le SEIGNEUR, et pour cela le SEIGNEUR le considéra comme juste.

7 Il lui dit : « C’est moi le SEIGNEUR qui t’ai fait sortir d’Our des Chaldéens pour te donner ce pays en possession. » – 8 « Seigneur DIEU, répondit-il, comment saurai-je que je le posséderai ? » 9 Il lui dit : « Procure-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un pigeonneau. » 10Abram lui procura tous ces animaux, les partagea par le milieu et plaça chaque partie en face de l’autre ; il ne partagea pas les oiseaux. 11 Des rapaces fondirent sur les cadavres, mais Abram les chassa.

12 Au coucher du soleil, une torpeur saisit Abram. Voici qu’une terreur et une épaisse ténèbre tombèrent sur lui. 13 Il dit à Abram : « Sache bien que ta descendance résidera dans un pays qu’elle ne possédera pas. On en fera des esclaves, qu’on opprimera pendant quatre cents ans. 14 Je serai juge aussi de la nation qu’ils serviront, ils sortiront alors avec de grands biens. 15 Toi, en paix, tu rejoindras tes pères et tu seras enseveli après une heureuse vieillesse. 16 A la quatrième génération, ta descendance reviendra ici car l’iniquité de l’Amorite n’a pas atteint son comble. » 17 Le soleil se coucha, et dans l’obscurité voici qu’un four fumant et une torche de feu passèrent entre les morceaux. 18 En ce jour, le SEIGNEUR conclut une alliance avec Abram en ces termes : « C’est à ta descendance que je donne ce pays,

du fleuve d’Egypte au grand fleuve, le fleuve Euphrate –

19 les Qénites, les Qenizzites, les Qadmonites, 20 les Hittites, les Perizzites, les Refaïtes, 21 les Amorites, les Cananéens, les Guirgashites et les Jébusites. »

Abraham, homme de conviction sans doute (15:6), mais aussi homme libre, donc de dialogue, et même, pourrait-on dire, de controverse, Abraham ri. Un rire qui surgit, paradoxalement annoncé par le constat d'un manque le concernant, d'un sentiment d'incomplétude, sur fond désabusé et de dérision presque : « Seigneur Eternel que me donneras-tu ? Je m'en vais sans enfants, et l'héritier de ma maison, c'est Eliezer de Damas » (15:2). YHWH est ici apostrophé par Abraham qui réclame justice, une justice naturelle, pour lui et son épouse, Sarah. En français et même en grec, les jeux de mots passent inaperçu mais en hébreux l'apostrophe d’Abraham fait jouer phonétiquement les mots.

Dans le texte de Gn 15, 1 :

אַחַר הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה, הָיָה דְבַר-יְהוָה אֶל-אַבְרָם, בַּמַּחֲזֶה, לֵאמֹר:  אַל-תִּירָא אַבְרָם, אָנֹכִי מָגֵן לָךְ--שְׂכָרְךָ, הַרְבֵּה מְאֹד.

Achar hadevarim ha'eleh hayah dvar-HASHEM el-Avram bamachazeh lemor al-tira Avram anochi magen lach scharecha harbeh me'od.

« Après ces événementsַ אַחַר הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה ַ[acḥar hedvarim ha’eleh], la parole de Yahvé fut adressée à Abram הָיָה דְבַר-יְהוָה אֶל-אַבְרָם [hayah dvar Hashem ’el ’avram], dans une vision בַּמַּחֲזֶה [bamahazeh] : “Ne crains pas, לֵאמֹר [lemor] . Abram ! Je suis ton bouclier מָגֵן [magen], ta récompense שְׂכָרְךָ [scharecha] sera très grande.” »,

L’emploi du mot אַחַר [achar] signifie : « aussitôt après l’événement précédent ». Celui du mot a‘haré : « après un certain délai » (Beréchith raba 44, 5). Aussitôt après avoir bénéficié du miracle d’avoir abattu ces rois, il s’est tourmenté, craignant d’avoir déjà reçu la récompense de tous ses mérites. C’est pourquoi Dieu lui dit : « Ne crains point, Abram, je suis un bouclier pour toi ». Il te protégera du châtiment, en ce que tu ne seras pas puni pour toutes ces âmes que tu as tuées. Quant à ta récompense, au sujet de laquelle tu te fais du souci, « elle sera très grande. » (Beréchith raba 44)

L’expression « La parole de Yahvé fut adressée, fait d’Abraham un prophète (voir Gn 20, 7) La parole de Yahvé est éprouvée ; c’est un bouclier pour tous ceux qui s’abritent en lui.

Dans le texte de Gn 15,2

וַיֹּאמֶר אַבְרָם, אֲדֹנָי יְהוִה מַה-תִּתֶּן-לִי, וְאָנֹכִי, הוֹלֵךְ עֲרִירִי; וּבֶן-מֶשֶׁק בֵּיתִי, הוּא דַּמֶּשֶׂק אֱלִיעֶזֶר.

Vayomer Avram Ad-nai Elokim mah-titen-li ve'anochi holech ariri uven-meshek beiti hu Damesek Eli'ezer.

Abram répondit : Dieu-Éternel, מַה-תִּתֶּן-לִי [mah-titen-li] « que me donnerais-tu, ? » וְאָנֹכִי, הוֹלֵךְ עֲרִירִי [ve'anochi holech ariri ] « alors que je m'en vais sans postérité » .

Le texte de Gn 15, 2b est difficilement compréhensible  : וּבֶן-מֶשֶׁק בֵּיתִי [uven-meshek beiti]« et que le fils adoptif de ma maison » הוּא דַּמֶּשֶׂק אֱלִיעֶזֶר [hu damesekʾĔlîʿézer] « il est Damascénien, Eliézer ».

Alors que je m’en vais sans postérité

Le grammairien Mena‘hem ben Sarouq explique le mot עֲרִירִי [‘ariri] comme voulant dire : « héritier ». A rapprocher de : « fils יורד [‘ér] et petit-fils » (Malakhi 2, 12). יורד [‘Er] signifie : « descendant », עֲרִירִי [‘ariri] signifie : « sans descendant ». De même עֲרִירִי [‘ariri] deviendra : « privé d’enfant », en français médiéval : « désenfanté ». Quant à עֲרִירִי [‘ariri], il contient l’idée de ruine, de destruction.

Selon le Midrash, le serviteur anonyme d'Abraham dans Hayei Sarah (Genèse 24), qui va chercher Rébecca pour la marier à Isaac est cet Éliézer de Damas. Rachi fait aussi remarquer que la valeur guématrique d'« Éliézer » est 318, chiffre figurant en toutes lettres dans Genèse 14, 14. Abrâm entend que son neveu a été capturé, il presse ses serviteurs de sa maison, trois cent dix-huit, et poursuit jusqu’à Dân.

Selon la traduction du Targoum, il est celui qui assure la subsistance de toute la maison, comme dans : « et tout mon peuple sera nourri (yichaq) » (infra 41, 40). Il est mon intendant, alors que c’est mon fils qui aurait cette charge si j’en avais un.

Un Damascène

D’après le Targoum, il était originaire de Damas. Selon le midrach (Beréchith raba 44, 9), il avait poursuivi les rois jusqu’à Damas. Quant au Talmud, il procède par jeu de mots : דַּמֶּשֶׂק אֱלִיעֶזֶר Damésseq Eli‘èzèr – « il a puisé » de la Torah de son maître et en a « donné à boire » (machqé) aux autres gens (Yoma 28)

Le texte de Gn 15, 3-4-5.

Verset 3 :

וַיֹּאמֶר אַבְרָם--הֵן לִי, לֹא נָתַתָּה זָרַע; וְהִנֵּה בֶן-בֵּיתִי, יוֹרֵשׁ אֹתִי.

Vayomer Avram hen li lo natatah zara vehineh ven-beiti yoresh oti.

« Abram dit : « Voici que tu ne m’as pas donné de descendance לִי, לֹא נָתַתָּה זָרַע [li lo natatah zara] et qu’un des gens de ma maison בֵּיתִי [beiti] héritera de moi יוֹרֵשׁ אֹתִי [yoresh oti]. »

verset 4 :

וְהִנֵּה דְבַר-יְהוָה אֵלָיו לֵאמֹר, לֹא יִירָשְׁךָ זֶה:  כִּי-אִם אֲשֶׁר יֵצֵא מִמֵּעֶיךָ, הוּא יִירָשֶׁךָ. 

Vehineh dvar HASHEM elav lemor lo yirashecha zeh ki-im asher yetze mime'echa hu yirashecha.

Alors cette parole de Yahvé lui fut adressée : « Celui-là ne sera pas ton héritier יִירָשְׁךָ [yirashecha’], mais bien quelqu’un issu de ton sang :

יֵצֵא מִמֵּעֶיך הוּא יִירָשֶׁךָ [yetze mime'echa hu yirashecha].

« Certes, disait Abram, tu ne m’as pas donné de postérité, et l’enfant de ma maison sera mon héritier. »

Voici : A quoi bon, dès lors, tout ce que tu m’as donné

Mais voici que la parole de l’Éternel vint à lui, disant : « Celui-ci n'héritera pas de toi; c'est bien un homme issu de tes entrailles qui sera ton héritier. »

verset 5 :

וַיּוֹצֵא אֹתוֹ הַחוּצָה, וַיֹּאמֶר הַבֶּט-נָא הַשָּׁמַיְמָה וּסְפֹר הַכּוֹכָבִים--אִם-תּוּכַל, לִסְפֹּר אֹתָם; וַיֹּאמֶר לוֹ, כֹּה יִהְיֶה זַרְעֶךָ.

Vayotze oto hachutzah vayomer habet-na hashamaymah usfor hakochavim im-tuchal lispor otam vayomer lo koh yihyeh zar'echa.

Il le fit sortir en plein air, et dit : « Regarde le ciel et compte les étoiles : peux-tu en supputer le nombre ? Ainsi reprit-il, sera ta descendance. »

Il le fit sortir dehors :

Littéralement : « Il le fit sortir hors de sa tente pour voir les étoiles ». Selon le midrach (Beréchith raba 44, 10, Nedarim 32a), Il lui a dit : « Sors de ton horoscope tel que tu l’as vu inscrit dans les astres, à savoir que tu n’auras pas de fils ! « Abram » n’aura pas de fils, mais « Abraham » aura un fils ! « Saraï » n’engendrera pas, mais « Sara » engendrera ! Je vais vous donner un autre nom, et votre destinée va s’en trouver changée. ». Autre explication : Il le fit sortir du globe terrestre et s’élever au-dessus des étoiles. D’où l’emploi du mot הַבֶּט [habèt] (« regarde »), qui exprime l’idée d’un regard jeté du haut vers le bas (Beréchith raba 44, 12).

Le texte de Gn 15, 6 :

וְהֶאֱמִן, בַּיהוָה; וַיַּחְשְׁבֶהָ לּוֹ, צְדָקָה. 

Vehe'emin b'HASHEM vayachsheveha lo tzedakah.

« Il crut Yahvé וְהֶאֱמִן, בַּיהוָה [Vehe'emin ba yhwh], et il lui compta comme justice וַיַּחְשְׁבֶהָ לּוֹ, צְדָקָה. [vayachsheveha lo tzedakah] »

C’est bien la foi en une descendance qui est affirmée en Gn 15, 5b-6a : « Et il lui dit וַיֹּאמֶר [wayomer] « Telle sera » ou « c'est comme ça que sera » כֹּה יִהְיֶה [koh yihyeh] ta postérité זַרְעֶךָ [zar‘echa] » [Avram] et il crut וְהֶאֱמִן [vehe’emin] en Yahvé בַּיהוָה [ba yhwh]. » Les formes verbales « sera יִהְיֶה [yehyeh] » et « crut וְהֶאֱמִן [vehe’emin] » concerne dans les deux cas « ta postérité זַרְעֶךָ [zar‘echa].

Et il eut foi en l’Éternel, et l’Éternel lui en fit un mérite.

Il crut en l’Éternel

Ce n’est pas à ce propos qu’il lui a demandé un signe. Mais c’est quand l’Éternel lui promettra la terre qu’il va lui demander un signe. Il lui dira alors : « Par quoi saurai-je ? »

Il le lui compta à justice

Dieu a considéré comme un mérite le fait qu’Avram avait eu foi en lui. Autre explication : « Par quoi saurai-je ? ». Il ne lui a pas demandé pas de signe [à propos de la promesse d’Erets Israël], mais il lui a dit : « Fais-moi savoir par quel mérite mes fils s’y maintiendront ! ». l’Éternel lui a répondu : « Par le mérite des sacrifices ! » (Beréchith raba 44, 14)

Le texte de Gn 15,7,8 & 9

Verset 7 :

וַיֹּאמֶר, אֵלָיו:  אֲנִי יְהוָה, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאוּר כַּשְׂדִּים--לָתֶת לְךָ אֶת-הָאָרֶץ הַזֹּאת, לְרִשְׁתָּהּ. 

7 Vayomer elav ani HASHEM asher hotzeticha me'Ur Kasdim latet lecha et-ha'aretz hazot lerishtah.

7 Et il lui dit: « Je suis l’Éternel, qui t’ai tiré d’Our-Kasdim, pour te donner ce pays en possession. »

Verset 8 :

וַיֹּאמַ֑ר אֲדֹנָ֣י יֱהוִ֔ה בַּמָּ֥ה אֵדַ֖ע כִּ֥י אִֽירָשֶֽׁנָּה׃

8 Vayomar HASHEM Elokim bamah eda ki irashenah.

8 Il répondit : « Dieu-Éternel, comment saurai-je que j’en suis possesseur ? »

Verset 9 :

וַיֹּ֣אמֶר אֵלָ֗יו קְחָ֥ה לִי֙ עֶגְלָ֣ה מְשֻׁלֶּ֔שֶׁת וְעֵ֥ז מְשֻׁלֶּ֖שֶׁת וְאַ֣יִל מְשֻׁלָּ֑שׁ וְתֹ֖ר וְגוֹזָֽל׃

Vayomer elav kecha li eglah meshuleshet ve'ez meshuleshet ve'ayl meshulash vetor vegozal.

9 Il lui dit : « Prépare-moi une génisse âgée de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. »

Une triple génisse

Trois génisses, allusion anticipée aux trois taureaux [offerts sur l’autel] : le taureau de Kippour, le taureau que l’on offrira lorsque la communauté tout entière aura péché par ignorance (Wayiqra 4, 13), et la génisse dont on brisera la nuque (Devarim 21, 4) [dans le cas de non-identification d’un meurtrier] (Beréchith raba 44, 14)

Et une triple chèvre

Allusion au bouc dont on aspergera le sang dans le saint des saints, à ceux que l’on offrira comme sacrifices supplémentaires (moussafim) les jours de fêtes, et à celui que l’on offrira comme sacrifice expiatoire pour une faute individuelle

Et un triple bélier

Allusion au bélier que l’on offrira pour certaines fautes que l’on sera sûr d’avoir commises, à celui que l’on offrira pour une faute dont on doute si on l’a effectivement commise, et à la brebis que l’on offrira comme sacrifice expiatoire pour une faute individuelle

Et une tourterelle et une jeune colombe (gozal)

Le mot gozal désigne une jeune colombe

L’alliance est traitée conformément à un usage humain. Chez les Chaldéens, les Grecs et les Macédoniens, aussi bien que chez les Israélites, les deux personnes qui contractaient un traité d’alliance très solennel, passaient entre les deux moitiés d’un animal ou de plusieurs animaux ; ce qui indiquait deux choses :

la première, que de même que ces deux moitiés appartenaient au même corps, les deux parties contractantes étaient désormais comme unies en un seul être.

la seconde, que si l’une violait son engagement, elle serait traitée comme cet animal partagé en deux. Comparez Jérémie 34.18-19

Cet usage a donné lieu au terme couper, frapper l’alliance, qui se trouve en hébreu, en grec et en latin.

Pour fortifier la foi d’Abraham, Dieu consent à se soumettre lui-même à cette manière tout humaine de traiter alliance. Les animaux choisis dans cette circonstance sont ceux-là mêmes que la loi désignera plus tard comme pouvant, être offerts en sacrifice ; il parait, que, de toute antiquité, ils avaient servi aux actes sacrés.

מְשֻׁלֶּשֶׁת [meshuleshet]

De trois ans, c’est-à-dire dans la plénitude de leur force ; il est peu probable qu’il faille penser ici au symbolisme du chiffre trois comme nombre sacré.

Il ne partagea pas les oiseaux. Comme ils étaient très petits, il en mit sans doute un de chaque côté.

Le texte de Gn 15,10.

וַיִּֽקַּֽח־ל֣וֹ אֶת־כָּל־אֵ֗לֶּה וַיְבַתֵּ֤ר אֹתָם֙ בַּתָּ֔וֶךְ וַיִּתֵּ֥ן אִישׁ־בִּתְר֖וֹ לִקְרַ֣את רֵעֵ֑הוּ וְאֶת־הַצִפֹּ֖ר לֹ֥א בָתָֽר׃

10 Vayikach-lo et-kol-eleh vayevater otam batavech vayiten ish-bitro likrat re'ehu ve'et-hatzipor lo vatar.

10 Abram prit tous ces animaux, divisa chacun par le milieu, et disposa chaque moitié en regard de l’autre; mais il ne divisa point les oiseaux.

Il les partagea

Il partagea chacun en deux parts. Un texte ne doit pas dévier de son sens littéral. Dieu a conclu ce jour-là avec lui une alliance, dont l’objet était de garantir Sa promesse de faire de ses fils les héritiers du pays, ainsi qu’il est écrit : « Ce jour-là, Hachem conclut avec Abram une alliance » (verset 18). Or, il est d’usage, lorsqu’on contracte une alliance, de découper une bête et de passer entre ses morceaux, ainsi qu’il est écrit : « qui sont passés “entre les portions” du veau » (Yirmeya 34, 19). De même ici : « et voici qu’un tourbillon de fumée et un sillon de feu passèrent “entre ces chairs dépecées” » (verset 17). Ils représentent les messagers de la chekhina qui est « feu »

Et il ne partagea pas les oiseaux

Parce que les peuples du monde sont comparés à des taureaux, à des béliers et à des boucs (Pirqé de Rabi Eli‘èzèr 28), ainsi qu’il est écrit : « des taureaux nombreux m’environnent » (Tehilim 22, 13), « Le bélier que tu as vu, muni des deux cornes, désigne les rois de Médie et de Perse. Le bouc velu, c’est le roi de Grèce » (Daniel 8, 20-21). Tandis qu’Israël est comparé à une jeune colombe, ainsi qu’il est écrit : « ma colombe, nichée dans les fentes du rocher » (Chir hachirim 2, 14).

Aussi a-t-il divisé les bêtes

Allusion à la disparition progressive des peuples du monde, tandis qu’il n’a pas découpé les oiseaux, allusion à la pérennité d’Israël

Le texte de Gn 15,11.

וַיֵּ֥רֶד הָעַ֖יִט עַל־הַפְּגָרִ֑ים וַיַּשֵּׁ֥ב אֹתָ֖ם אַבְרָֽם׃

11 Vayered ha'ayit al-hapgarim vayashev otam Avram.

11 Les oiseaux de proie s’abattirent sur les corps; Abram les mit en fuite.

Les oiseaux de proie הָעַ֖יִט [ha‘ayit]

C’est un oiseau qui fonce (‘at) et qui s’abat sur les cadavres, se précipitant sur sa proie pour la dévorer (Iyov 9, 26). Comme dans : « Pourquoi t’es-tu jeté (wata’at) sur le butin ? » (I Chemouel 15, 19)

Sur les corps

Sur les morceaux. Le mot פְּגָרִ֑ים [pegarim] (« cadavres ») est traduit par le Targoum par  פַּגְלַיָּא [paglaya]. Comme les gens ont pris l’habitude de traduire les mots « chaque morceau » (verset 10) par l’araméen פַּלגְיָּא [palgaya], on en est arrivé à confondre פַּגְלַיָּא [paglaya] et פַּלגְיָּא [palgaya], et à rendre [פְּגָרִ֑ים] pegarim (« cadavres ») par פַּלגְיָּא [palgaya] (« morceaux »). Cette manière de rendre ce mot est erronée, car il n’existe aucun rapport entre ces deux termes. Il est donc clair que l’araméen pour « morceaux » est פַּלגְיָּא [palgaya], et pour « cadavres » פַּגְלַיָּא [paglaya], à savoir quelque chose dont on a horreur, comme dans : « ce serait une chose réprouvée פִּגּוּל [pigoul] » (Wayiqra 19, 7), mot qui n’est pas sans ressembler à פֶּגֶרֶ [pèguèr] (« cadavre »).

Il les écarta וַיַּשֵּׁ֥ב [wayachév]

Dans le sens de « souffler » et de « faire voler », comme dans : « Il fait souffler יַּשֵּׁ֥ב [yachév] le vent » (Tehilim 147, 18). C’est une allusion à la venue de Dawid, fils de Yichaï (Jessé), qui détruira nos ennemis, mais que le ciel ne laissera pas agir avant la venue du Messie (Pirqé de Rabi Eli‘èzèr 28)

Le texte de Gn 15,12.

וַיְהִי הַשֶּׁמֶשׁ לָבוֹא, וְתַרְדֵּמָה נָפְלָה עַל-אַבְרָם; וְהִנֵּה אֵימָה חֲשֵׁכָה גְדֹלָה, נֹפֶלֶת עָלָיו. 

12 Vayehi hashemesh lavo vetardemah naflah al-Avram vehineh eymah chashechah gdolah nofelet alav.

12 : Le soleil étant sur son déclin, une torpeur s’empara d’Abram: tandis qu’une angoisse sombre profonde pesait sur lui.

Tandis qu’une angoisse

Allusion aux angoisses et aux ténèbres de l’exil (Beréchith raba 44, 17)

Le texte de Gn 15,13.

וַיֹּ֣אמֶר לְאַבְרָ֗ם יָדֹ֨עַ תֵּדַ֜ע כִּי־גֵ֣ר ׀ יִהְיֶ֣ה זַרְעֲךָ֗ בְּאֶ֙רֶץ֙ לֹ֣א לָהֶ֔ם וַעֲבָד֖וּם וְעִנּ֣וּ אֹתָ֑ם אַרְבַּ֥ע מֵא֖וֹת שָׁנָֽה׃

13 Vayomer le-Avram yadoa teda ki-ger yihyeh zar'acha be'eretz lo lahem va'avadum ve'inu otam arba me'ot shanah.

5,13 : Dieu dit à Abram : « Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée, durant quatre cents ans ».

Ta descendance sera étrangère.

Quatre cents ans se sont écoulés entre la naissance de Yits‘haq et la sortie d’Israël d’Egypte (Séder ‘olam 83). Comment cela ? Yits‘haq avait soixante ans à la naissance de Ya’aqov. Celui-ci, lorsqu’il est descendu en Egypte, a dit : « les jours des années de mes pérégrinations ont été de cent trente ans » (infra 47, 9), soit un total de cent quatre-vingt-dix ans. La durée de leur séjour en Egypte a été de deux cent dix ans, selon la valeur numérique du mot רְדוּ [redou] (« descendez-y ») (infra 42, 2. Voir Rachi ibid.) ce qui fait quatre cents ans.

Rashi sur Rédou Shamah du verset 2:

Descendez-y:

Ya‘aqov ne leur dit pas : « Allez ! », mais « Descendez ! » רְדוּ [redou] Allusion à (la guématria valeur numérique des lettres de רְדוּ [Redou] qui est de : deux cent dix ans que durera l’esclavage d’Egypte.

Et si tu devais objecter qu’ils sont restés quatre cents ans en Egypte, je répondrais que [c’est impossible, car] Qehath faisait partie de ceux qui sont « descendus » en Egypte. Or, si l’on additionne les cent trente-trois années de Qehath (Chemoth 6, 18), les cent trente-sept années de ‘Amram (Chemoth 6, 20) et les quatre-vingts ans qu’avait Mochè lors de la sortie d’Egypte, on ne trouve que trois cent cinquante ans. Et encore faudrait-il déduire toutes les années de la vie de Qehath après la naissance de ‘Amram, ainsi que toutes les années de la vie de ‘Amram après la naissance de Mochè.

Sur une terre qui ne sera pas la sienne לֹ֣א לָהֶ֔ם [lo lahèm] – littéralement : « pas la leur »)

Il n’est pas écrit : « en terre d’Egypte », mais « pas la leur ». Il est écrit, lors de la naissance de Yits‘haq : « Avraham “séjourna” dans le pays des Plichtim » (infra 21, 34). Puis : « “séjourne” dans ce pays-ci » (infra 26, 3), « Ya’aqov alla “résider” dans le pays de ‘Ham » (Tehilim 105, 23), « nous sommes venus “séjourner” dans ce pays » (infra 47, 4)

Le texte de Gn 15,14.

וְגַם אֶת-הַגּוֹי אֲשֶׁר יַעֲבֹדוּ, דָּן אָנֹכִי; וְאַחֲרֵי-כֵן יֵצְאוּ, בִּרְכֻשׁ גָּדוֹל.

14 Vegam et-hagoi asher ya'avodu dan anochi ve'acharei-chen yetz'u birechush gadol.

14 : Mais, à son tour, la nation qu’ils serviront sera jugée par moi; et alors ils la quitteront avec de grandes richesses.

Et aussi la nation

Y compris d’autres royaumes, [ceux dont il est question dans le livre de Daniel] qui ont été également anéantis pour avoir opprimé Israël (Beréchith raba 44, 19)

Je la jugerai

Par les dix plaies (Beréchith raba 44, 20)

Avec de grandes richesses

Avec beaucoup d’argent (Berakhoth 9a et 9b), ainsi qu’il est écrit : « Ils dépouillèrent les Egyptiens » (Chemoth 12, 36)

Le texte de Gn 15,15.

וְאַתָּה תָּבוֹא אֶל-אֲבֹתֶיךָ, בְּשָׁלוֹם:  תִּקָּבֵר, בְּשֵׂיבָה טוֹבָה. 

15 Ve'atah tavo el-avoteicha beshalom tikaver beseivah tovah.

15 Pour toi, tu rejoindras paisiblement tes pères; tu seras enterré après une vieillesse heureuse.

Et toi

Et tu ne verras pas tout cela

Tes pères

Son père pratiquait l’idolâtrie, et Dieu lui annonce qu’il le rejoindra. Cela t’apprend que Tèra‘h s’était repenti (Beréchith raba 38, 12)

Tu seras enterré dans une bonne vieillesse

Dieu lui annonce ici que Yichma‘el se repentira de son vivant (Beréchith raba 38), et que ‘Essaw ne se livrera pas au mal tant qu’Avraham sera en vie. C’est la raison pour laquelle Avraham est mort cinq ans avant son terme, le jour même où ‘Essaw s’est révolté contre Dieu (Beréchith raba 63, 12).

Le texte de Gn 15,16.

וְדוֹר רְבִיעִי, יָשׁוּבוּ הֵנָּה:  כִּי לֹא-שָׁלֵם עֲוֺן הָאֱמֹרִי, עַד-הֵנָּה.

16 Vedor revi'i yashuvu henah ki lo-shalem avon ha'Emori ad-henah.

16 Mais la quatrième génération reviendra ici, parce qu’alors seulement la perversité de l’Amorréen sera complète."

Et la quatrième génération

Après leur arrivée en exil en Egypte, ils y resteront trois générations, tandis que la quatrième reviendra vers ce pays. C’est en effet dans le pays de Kena‘an que Dieu lui parlait, et c’est là qu’Il a conclu cette alliance, ainsi qu’il est écrit : « pour te donner ce pays en héritage » (verset 7). Et c’est bien ce qui est arrivé : Ya’aqov est descendu en Egypte. Effectue ensuite le décompte des générations : Yehouda, Pèrèts et ‘Hetsron [ont séjourné en Egypte]. Puis Khalév , fils de ‘Hetsron [que l’on identifie à Yefounè (voir Sota 11b)], a fait partie de ceux qui sont entrés en Erets Israël

Car la perversité du Emori ne sera pas complète

Pour qu’il soit chassé de son pays avant ce moment-là. Le Saint béni soit-Il, en effet, ne punit pas un peuple avant que la mesure ne soit comble (Sota 9a), ainsi qu’il est écrit : « parce que la mesure est comble, tu le punis en le renvoyant » (Yecha’ya 27, 8)

Le texte de Gn 15,17.

וַיְהִי הַשֶּׁמֶשׁ בָּאָה, וַעֲלָטָה הָיָה; וְהִנֵּה תַנּוּר עָשָׁן, וְלַפִּיד אֵשׁ, אֲשֶׁר עָבַר, בֵּין הַגְּזָרִים הָאֵלֶּה. 

17 Vayehi hashemesh ba'ah va'alatah hayah vehineh tanur ashan velapid esh asher avar bein hagezarim ha'eleh.

17 Cependant le soleil s’était couché, et l’obscurité régnait : voici qu’un tourbillon de fumée et un sillon de feu passèrent entre ces chairs dépecées.

Ce fut

[Cela est un hébraïsme], comme dans : « ce fut, comme ils vidaient leurs sacs » (infra 42, 35), « ce fut, alors qu’ils enterraient quelqu’un » (II Melakhim 13, 21), c’est-à-dire : « Voici ce qui est arrivé quand telle chose s’est passée »

Un tourbillon de fumée

C’est une allusion à l’écroulement futur de ces royaumes dans le gueihinnom

Le soleil couché

S’était couché. Etant donné que l’accent tonique est mis sur l’avant-dernière syllabe, il est clair qu’il s’était déjà couché. Car s’il avait été sur la dernière syllabe, cela aurait signifié qu’il était en train de se coucher. Or, cela est impossible, puisque le texte vient de dire que le soleil était sur son déclin (verset 12), et qu’il nous parle à présent d’un tourbillon de fumée qui passe. C’est donc qu’à ce moment-là le soleil était déjà couché.Voici la différence qui caractérise les verbes dont la racine est formée de deux lettres : A la troisième personne du féminin singulier, lorsque l’accent tonique est mis sur l’avant-dernière syllabe, cela veut dire que le verbe est au passé, comme ici. De même : « et Ra‘hel vint (baa) » (infra 29, 9), « ma gerbe se dressa (qama) » (infra 37, 7), « vois, ta belle-sœur est retournée (chava) » (Routh 1, 15), [trois cas où l’accent est mis sur l’avant-dernière syllabe]. En revanche, lorsque l’accent tonique est mis sur la dernière syllabe, c’est le présent, et le verbe exprime une action en cours, comme dans : « vient (baa) [dans le sens de : est en train de venir] avec le troupeau » (infra 29, 6), « le soir elle venait (baa) et le matin elle rentrait (chava) » (Esther 2, 14)

Le texte de Gn 15,18.

בַּיּוֹם הַהוּא, כָּרַת יְהוָה אֶת-אַבְרָם--בְּרִית לֵאמֹר:  לְזַרְעֲךָ, נָתַתִּי אֶת-הָאָרֶץ הַזֹּאת, מִנְּהַר מִצְרַיִם, עַד-הַנָּהָר הַגָּדֹל נְהַר-פְּרָת. 

18 Bayom hahu karat HASHEM et-Avram brit lemor lezar'acha natati et-ha'aretz hazot minehar Mitzrayim ad-hanahar hagadol nehar-Perat.

18 Ce jour-là, l’Éternel conclut avec Abram un pacte, en disant: "J’ai octroyé à ta race ce territoire, depuis le torrent d’Egypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate :

J’ai donné à ta descendance

Quand parle le saint béni Soit-Il, c’est comme si c’était déjà fait (Beréchith raba 44, 22)

Jusqu’au grand fleuve

Etant donné qu’il est très proche du pays d’Israël, il est qualifié de « grand », bien qu’il soit le dernier dans l’énumération des quatre fleuves qui sortaient de ‘Eden, ainsi qu’il est écrit : « Et le quatrième fleuve était Perath » (supra 2, 14). Comme le dit un dicton populaire : « Le serviteur du roi est le roi ! » (Chevou‘oth 47b). Côtoie les grands, et les gens s'inclineront devant toi ! (Sifri Devarim 6)

Le texte de Gn 15,19.

אֶת-הַקֵּינִי, וְאֶת-הַקְּנִזִּי, וְאֵת, הַקַּדְמֹנִי. 

19 Et-haKeini ve'et haKenizi ve'et haKadmoni.

19 le Kénéen, le Kenizzéen, le Kadmonéen;

Le Qeini

Le texte énumère ici dix nations, mais Dieu n’en livrera que sept à Israël (Devarim 7, 1). Les trois autres : Edom, Moav et ‘Amon (Beréchith raba 44, 23) – qui s’identifient aux Qeini, aux Qenizi et aux Qadmoni – seront l’héritage d’Israël dans l’avenir, ainsi qu’il est écrit : « Ils feront main basse sur Edom et Moav, et les enfants de ‘Amon leur obéiront » (Yecha’ya 11, 14)

Le texte de Gn 15,20.

וְאֶת-הַחִתִּי וְאֶת-הַפְּרִזִּי, וְאֶת-הָרְפָאִים. 

20 Ve'et-haChiti ve'et-haPrizi ve'et-haRefayim.

20 le Héthéen, le Phérézéen, les Rephaim ;

Les Refaïm

C’est le pays de ‘Og, dont il est écrit : « tout le Bachan, lequel est appelé pays des Refaïm » (Devarim 3, 13), [‘Og étant le roi de Bachan (Devarim 1, 4)]

Le texte de Gn 15,21.

וְאֶת-הָאֱמֹרִי, וְאֶת-הַכְּנַעֲנִי, וְאֶת-הַגִּרְגָּשִׁי, וְאֶת-הַיְבוּסִי.

21 Ve'et-ha'Emori ve'et-haKna'ani ve'et-haGirgashi ve'et-haYevusi.

21 l’Amorréen, le Cananéen, le Ghirgachéen et le Jébuséeen.

Conclusion

La « foi » d’Abraham et sa paternité universelle sont deux thèmes intrinsèquement liés. La « foi » d’Abraham en une descendance répond à « la non-foi » d’Achaz représentant de la maison de David en Es 7, et correspond à la démocratisation des promesses faites à David dans le livre d’Ésaïe (voir Es 55, 3). Cette « foi » permet également d’élargir le cadre de la descendance au-delà de ce qui était généralement admis selon le témoignage d’Es 63, 16. En Rm 4 Paul se situe dans cette perspective.

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