La genèse du christianisme.

 

Gene se du cristianismeEn l’an trente de notre ère, Jésus meurt crucifié par les Romains sous l’accusation d’être le « roi des juifs ». Trois siècles plus tard, l’empereur romain Constantin se convertit au christianisme qui deviendra rapidement la religion officielle de l’Empire romain. Aujourd’hui, le Vatican est reconnu comme le siège de l’Église catholique apostolique et romaine. Rome en quelques siècles a supplanté Jérusalem.

Avec 1,360 milliard de catholiques sur une Terre, peuplée de 8 milliards d’habitants, elle demeure non seulement la première Église chrétienne dans le monde, mais le christianisme apparaît également comme la religion majoritaire dans celui-ci.

Mais peut-on considérer que Jésus demeure à l’origine du christianisme ?

Peut-on dire que Jésus a fondé l’Église ?

Non, répondent les spécialistes, et l’on peut affirmer aujourd’hui qu’établir une autre religion n’apparaissait pas dans le dessein de Jésus. Son but consistait à réformer le judaïsme. Le rénover, le revivifier, en cela aucun doute ne me semble possible. Mais fonder une nouvelle religion, au sens où nous l’entendons, il apparaît sûr et certain que cela n’était aucunement l’intention de jésus. Sur ce point, les historiens et les exégètes restent aujourd’hui unanimes. En quelque sorte, le christianisme naît, au fond, de n’avoir pu réformer le judaïsme. Maintenant, l’on doit comprendre le pourquoi de cet échec ! La question suivante brûle les lèvres : Jésus n’aurait-il, dans ce cas, rien à voir avec le christianisme ?

Poser ainsi l’interrogation, c’est présupposer la réponse. Pourtant les explications, actuellement, ne coulent plus aussi simplement de source qu’autrefois. En d’autres termes, nous n’apparaissons plus si sûrs aujourd’hui que Jésus Christ soit le fondateur de cette religion qu’on appelle le christianisme. L’on doit dire que le puzzle de la naissance du christianisme s’est beaucoup déplacé depuis la découverte, au milieu du siècle dernier, de nombreux documents. Il a beaucoup bougé aussi depuis que, il y a une trentaine d’années, historiens et exégètes ont tiré de l’oubli la judaïté de Jésus.

Dès lors, nous devons demeurer extrêmement clairs à ce sujet, Jésus n’a pas institué l’Église, ou même le christianisme. Jésus n’a pas non plus mis en place un dispositif qui apparaîtrait le fondement ou la base d’une institution qui serait devenue l’Église. Donc le verset que l’on trouve en Matthieu, au chapitre 16 qui dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » ne peut-être qu’un ajout ou transformation tardive dans un temps où l’Église existait comme une institution établie. D’ailleurs, le terme « église » n’avait pas au temps de Jésus le sens qu’on lui donna à la fin du I siècle.

Jésus a vécu au sein d’Israël, il a pensé sa théologie à savoir son image de Dieu au cœur d’Israël et pour Israël. Jésus n’est pas un fondateur de schisme. Cependant, dans ce judaïsme palestinien extraordinairement diversifié d’avant l’an 70, Jésus figure représentatif, d’une forme particulière de croyance, mais celle-ci s’inscrit totalement à l’intérieur du judaïsme de son époque.

Jésus apparaît en tant qu’un בני ישראל (Benei Israël) un fils d’Israël ; il est juif, et ce qu’il présente ce n’est même pas une nouvelle interprétation du judaïsme. Il propose de relire la tradition d’Israël la Torah de l’appliquer de la même manière que lui la comprend ; et il véhicule une image d’un Dieu de pardon, au même degré qu’un père vis-à-vis de ses enfants. En même temps, il montre quelques signes d’ouverture — bien que cela sera très développé après la crucifixion — en direction des païens. De son temps, ceux-ci ne sont pas des peuples étrangers, mais des publicains (collecteurs d’impôts) et les pêcheurs juifs. Donc, se demander si Jésus a fondé une Église ou une autre religion, cela est dépourvu de sens, c’est effectuer un anachronisme. Jésus a voulu la renaissance d’Israël, on ne rencontre pas d’organisation chrétienne ou de christianisme du vivant de Jésus. Jésus avait pour but de rassembler Israël ; renouvelé l’eschatologique du véritable Israël, et c’est un Israël inclusive qui est prêt à accueillir tout ce que réprouvait beaucoup d’autres partis juifs comme l’effectuait la secte des pharisiens. Cela n’est que plus tard qu’une conscience chrétienne va naître ; certes, celle-ci apparaît relativement rapidement dans la mesure où à la fin du premier siècle on peut dire que l’on observe un mouvement chrétien qui est amené à se positionner de manière autonome et séparé du judaïsme. Le terme christianisme demeure totalement anachronique avant le second siècle, cela n’existe pas au premier siècle. Non il n’y a pas de christianisme au premier siècle, nous ne voyons pas encore de doctrine, mais seulement un message un enseignement. On ne rencontre pas non plus d’organisation, sinon locale, on trouve simplement différents groupes de fidèles de Jésus. Les communautés développent une conscience collective. L’enseignement et la discipline se construisent au fil des siècles sous l’effet de contraintes extérieures, notamment politiques, tout autant que des évolutions de la pensée antique dans un perpétuel bouillonnement d’idées. Ce n’est que bien plus tard dans le quatrième siècle qu’émerge la religion distingue et institutionnalisé du christianisme. Restons clairs sur ce point.

Concrètement, on ignore comment juste après la mort de Jésus ce que je nommerais par commodité le « pro-christianisme » s’est propagé. On apprend l’existence des disciples de Jésus en Égypte à Alexandrie où leur présence est déjà très développée alors que le Nouveau Testament ne dit nulle part comment l’Évangile est arrivé de Jérusalem à Alexandrie. En fait, les débuts du christianisme à Alexandrie apparaissent particulièrement obscurs. Beaucoup d’historiens tiennent pour impossible d’écrire une histoire du christianisme alexandrin avant la période où Démétrios accède à l’épiscopat, vers 190. En 1934, Walter Bauer a soutenu que le premier christianisme alexandrin était gnostique et qu’il aurait été victime d’un phénomène de damnatio memoriae après le triomphe de l’orthodoxie sous Démétrios, Héraclas et Denys le Grand.

Objectivement, l’on doit d’emblée relativiser l’obscurité qui entoure les débuts du christianisme à Alexandrie. D’abord, on doit rappeler que les origines chrétiennes en général sont mal connues. Nous ne possédons aucun document païen sur les chrétiens avant le II siècle. Bien que tous les gnostiques ne se réclamassent pas de Jésus-Christ, il se trouve certain que les « gnostiques chrétiens » étaient très nombreux et même peut-être majoritaires ; sinon les Pères de l’Église n’auraient pas dépensé autant d’énergie à écrire contre eux en les considérant comme une menace en vers l’Église naissante.
L’histoire du christianisme du Ier siècle repose sur le corpus du Nouveau Testament, sur quelques ouvrages chrétiens extérieurs à ce corpus et sur de rares témoignages rabbiniques. Alexandrie constitue simplement un cas particulièrement obscur, mais l’on rencontre d’autres exemples comparables, ainsi les débuts du christianisme en Afrique ou en Provence. Ensuite, faute de documentation fiable, nous ne savons pratiquement rien du christianisme au Ier siècle. En revanche, pour le second siècle cela est différent. Des écrits nouveaux ou insuffisamment pris en considération existent, comme je vais tenter de le montrer.

Ce que l’on peut dire c’est qu’au premier siècle, là où se trouvaient des synagogues, l’on rencontrait aussi des communautés qui se réclament « disciples de Jésus » ils fréquentent les mêmes synagogues. Éventuellement des communautés non juives, mais c’est extrêmement difficile de reconstruire le développement de ces communautés à partir des récits du Nouveau Testament.

Je présume que tout simplement c’est une absence de documentation précise sur les mois et les années qui ont suivi la mort de Jésus, c’est tout ce que l’on peut dire en tant qu’historien. Nous possédons des points à peu près fixes apportés par la documentation du Nouveau Testament, mais nous n’en avons pas en dehors de ce dernier. Donc avec ce que nous avons nous ne pouvons qu’affirmer qu’à un certain moment nous savons que la croyance en Jésus Messie d’Israël est sortie de Jérusalem. Une communauté s’est formée à Antioche en Syrie. Celle-ci a une importance décisive pour la suite du développement du christianisme auprès de la foi chrétienne, et l’on n’ose même pas parler du christianisme à ce moment-là. En effet, l’on a affaire à des Juifs qui adoptent la foi au messie c’est-à-dire que l’on peut appeler une secte de juifs chrétiens. On ne demeure pas encore à l’époque où l’on peut traiter d’un christianisme autonome, nous devons attendre des dizaines et des dizaines d’années avant cela. On rencontre un anachronisme certain et en fait tout dépend du sens que l’on donne à l’expression chrétiens. Là, je mentionne les chrétiens et j’emploie ce mot probablement par simplification pour ne pas parler des disciples de Jésus ou utiliser d’autres expressions comme « Nazoréens » ou « Ébionites ». Disons les chrétiens dans le sens de ceux qui croient en Jésus et qui pensent que Jésus est un agent eschatologique (acteur de la fin du monde) envoyé par Dieu pour le salut de l’humanité. Donc, il n’existe pas de membres d’une religion spécifique qui s’appellerait le christianisme, mais tout bonnement une secte juive ralliant facilement des prosélytes.

Au départ, on n’observe que des Juifs qui professent que Jésus est le Christ c’est-à-dire « le Messie juif attendu ». Il est mort et selon eux il est ressuscité et il est le sauveur. Mais pour toutes ces catégories-là, il est le Messie, « le Christ », mais tous ces groupes-là n’existent qu’en tant d’ordres juifs. Cela est complètement inexplicable et étranger et incompréhensible pour des gentils,* les païens, ça n’existe pas pour eux un messie mort qui ressuscite.

* du latin Gentiles (les « nations ») cela est la traduction habituelle de l’hébreu Goyim, nations, qui finit par désigner les non-Juifs. Les auteurs chrétiens ont aussi employé ce mot pour désigner les païens (ainsi Paul Apôtre des gentils désigne Paul l’évangélisateur des païens).

Comprenons bien que le Christ pour nous s’est imprégné de vingt siècles de réflexions dogmatiques. Mais Christ ces משיח mashia'h, en hébreu c’est Χριστός Christos en grec, c’est l’oint, c’est un personnage qui a reçu l’onction et un rôle très particulier. Mais à cette époque du premier siècle, cela n’a pas encore la prévenance que nous affectons et qui implique le terme de Christ de nos jours. C’est ce qu’il nous est difficile aujourd’hui, de nous replonger dans une mentalité celle de ceux qui ont en quelque sorte été les précurseurs du christianisme. L’expression ne se trouve pas forcément heureuse, mais au sens étymologique c’est ceux qui ont découvert ou livré un culte au Christ. L’invention du christianisme c’est d’abord de voir en Jésus de Nazareth le juif crucifier, Jésus-Christ ressuscité. Cette première confession de foi va donner naissance à ce qui deviendra quelques siècles plus tard l’Église.

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