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Guérison de la belle-mère de Pierre

Guérison de la belle-mère de Pierre Une lecture midrashique

Une lecture midrashique


Texte repris et développé d'après l'ouvrage "Un étranger sur le toit" de Maurice MERGUI

Belle me re de pierre

Guérison de la belle-mère de Pierre par John Bridges (en), xixe siècle.

La Guérison de la belle-mère de Pierre est un miracle rapporté dans trois Évangiles.
Il n'est donc pas retenu dans la source Q.

(Marc  ch1, v 30-31)
« Or la belle-mère de Simon était au lit avec la fièvre, et aussitôt ils lui parlent à son sujet. 31 S'approchant, il la fit se lever en la prenant par la main. Et la fièvre la quitta, et elle les servait. »

(Luc ch4, v 38-39)
« En sortant de la synagogue, il se rendit à la maison de Simon. La belle-mère de Simon avait une forte fièvre et on lui demanda d'intervenir en sa faveur. Il se pencha sur elle, menaça la fièvre, et la fièvre la quitta. Elle se leva immédiatement et se mit à les servir. »

Dans l’Évangile de Matthieu, immédiatement après l’épisode du Centurion, l’histoire de la guérison de la belle-mère de Pierre tient en deux versets :

(Matthieu ch8,v14-15)
« Jésus se rendit ensuite à la maison de Pierre, dont il vit la belle-mère couchée et ayant la fièvre. Il toucha sa main, et la fièvre la quitta; puis elle se leva, et le servit. »


Quel est le sens de cette guérison ? Pourquoi vient-elle chez Matthieu au détour de la guérison du serviteur du centurion, épisode dont elle semble faire partie intégrante ? Certains y ont vu un doublé après avoir répondu à la demande d'un Païen Jésus équilibre les choses en guérissant une juive. 
Je ne m'attarderais pas sur cette interprétation. 

Au premier degré et si l'on s'en tient au texte grec de cette péricope, la seule chose à en tirer est que : c’est le récit d’une guérison miraculeuse. Une de plus si j'ose dire. La façon classique de l'interpréter est la suivante :
Cette guérison montre la manifestation de son pouvoir sans limites. Jésus guérit tout le monde, sans aucun échec ; peu importait la gravité ou le genre de maladie, il y avait assez pouvoir en Jésus pour ceux qui s'approchaient à lui.
Cette œuvre universelle et gratuite illustrait les grands principes du Royaume de Dieu: la grâce et le pouvoir de Dieu opéraient efficacement pour le salut de quiconque croit.
Alors le but des miracles que Jésus était de mettre en évidence la venue du Royaume de Dieu et Jésus était le Messie qui avait été annoncé par les prophètes (Mt 12:28) (Mt 11:2-5).

La seconde façon d'interpréter cette péricope  est d'y en sortir la symbolique :
Dans l'Évangile, les miracles de Jésus sont appelés des signes, ils sont donc considérés comme des gestes à interpréter pour mieux connaître Dieu et  comprendre ce qu’il veut nous apporter en Jésus-Christ. C'est très facile dans ce texte car les mots employés ici sont des mots très importants en théologie.
Quand Jésus-Christ s'avance vers quelqu'un, cela évoque la grâce de Dieu, il ne nous regarde pas de haut, car nous sommes importants à ses yeux, et en Christ il se déplace pour  nous rendre visite à nous personnellement, pour nous sauver, nous libérer, nous donner la vie.
Quand Jésus-Christ entre dans une maison cela évoque la présence de Dieu dans notre existence et en nous. Et l'on peut voir dans ce récit, et dans chaque page des évangiles ce qu’apporte, d’avoir la présence active de Dieu dans notre existence.
Quand Jésus-Christ relève quelqu'un, comme ici, cela ne semble pas grand-chose parce que les traductions de la Bible sont souvent un peu maladroites. Mais le verbe « se lever » est le même que le verbe « ressusciter » : passer de la mort à la vie. Et donc chaque fois que Jésus-Christ relève quelqu'un on peut y voir un acte de Dieu pour nous rendre un peu plus vivant.
Et puis la fièvre, les gens s'imaginaient à l'époque que c'était une conséquence de nos fautes. 
Quand Jésus guérit la fièvre c'est mieux encore que le pardon, c'est comme s'il pardonnait nos fautes, mais qu’en plus il guérissait les conséquences malheureuses de nos fautes.

Il y a une façon plus approfondit d'interpréter ce « miracle de Jésus » et c'est celle que les auteurs ont voulu donné au texte en construisant un midrash. C'est en suivant ou interprétant ce midrash que cette péricope prend tout son sens.


Le midrash :

Nous faisons avant un petit détour par  : Cantique des cantiques 6,10
« Qui est-elle, celle-ci qui apparaît comme l'aurore, qui est belle comme la lune, brillante comme le soleil, imposante comme une armée aux enseignes déployées? » (bara ka-Hama). Nous dit le texte en français
 
En hébreu :

? ???-???? ?????????????, ??????-??????:  ????? ??????????, ?????? ?????????--????????, ???????????????.

Et un détour par : Ephèsiens 4, 26
« Que le soleil ne se couche pas sur votre colère »

 

En hébreu :
?? ??????? ???????????????? ????? ????? ?????????? ????????????? ?
Avec :
???????? \?æ.mæ?\ pour soleil.

Pour suivre le midrash il nous faut replacer le texte grec de notre péricope et le retranscrire en hébreu, alors les choses changent. La proximité phonétique entre les mots hébreux ???????? [kad-dakh'-ath] (la fièvre, chaleur), ?????? [kham-oth' ] (la belle-mère) ????????? khamatt (la colère ) et ??? |khama| (le soleil ou le rempart) signale que nous avons ici à faire à la traduction d’un midrash. 


Il nous reste à la trouver.

Matthieu ch 8 v 14-15 en hébreu :
?? ???????? ???????? ??????? ???????? ???????? ???????????? ??????? ??????????? ???????? ???????? ?
?? ????????? ????????? ???????? ????????? ??????????? ????? ??????????????

 

Traduction littérale :
« Et Jésus vint à la maison de Pierre, et vit sa belle-mère [kham-oth'] tomber et avoir de la fièvre. [kad-dakh'-ath]
Et il lui toucha la main, et lui donna à boire, et elle se leva, se leva et servit.
»

En fait il s’agit d’une reprise du miracle que Josué fit à Gabaôn.
« C'est alors, en ce jour où l'Éternel mit l'Amorréen à la merci des Israélites, que Josué fit appel au Seigneur et dit en présence d'Israël: "Soleil, arrête-toi sur Gabaon! Lune, fais halte dans la vallée d'Ayyalôn!" 13 Et le soleil s'arrêta et la lune fit halte, jusqu'à ce que le peuple se fût vengé de ses ennemis, ainsi qu'il est écrit 'dans le Livre de Yachâr. Et le soleil, immobile au milieu du ciel, différa son coucher de près d'un jour entier. » (Jos 10, 12-13)

En hébreu : 
?? ??? ???????? ??????????, ???????, ??????? ???? ?????? ???-?????????, ??????? ?????? ??????????; ????????? ???????? ??????????, ??????? ??????????? ?????, ????????, ???????? ?????????.
?? ????????? ?????????? ???????? ?????, ???-?????? ????? ????????--?????-???? ????????, ???-????? ?????????; ?????????? ?????????? ???????? ???????????, ?????-??? ?????? ??????? ???????.

Bien sûr il n'y a aucun rapport, en langue française ni même en langue grecque entre une belle-mère qui se lève et un soleil restant immobile. Par contre en hébreu, il y a une équivalence des deux expressions. Car le verbe ???????? [ lehe'am e d ] ? - ? - ? Verbe - nif'al signifie à la fois se lever, se tenir debout, cesser de...et rester immobile. Quant au soleil, il peut être rendu par les mots ??? [shemesh] ou ??? [Hama]  comm dans ?? ???? [netz ha'hama] : « sortie du soleil », fin de la période de transition entre la nuit et le jour. En effet dans la littérature midrashique et talmudique, les deux expressions y sont équivalentes. 

En Suka 28a :
Baba Batra 134a : 
Dans ce passage la Gemara (La Gemara et la Michna forment ensemble le Talmud ). continue de louer les Sages. Les Sages enseignaient que :

??? ???? ?????? ??????? ??? ?? ???? ???? ????? ??? ????? ????? ????? ????? ???? ????? ?????? ??? ????? ?????? ??? ??? ?????? ?? ??? ????? ??????? ???? ?????? ????? ?? ?????? ??? ?????? ??? ????? ?? ????

Hillel l'Ancien avait quatre-vingts élèves. Trente d'entre eux étaient assez dignes pour que la Présence divine repose sur eux comme elle l'a fait sur Moïse, et trente d'entre eux étaient assez dignes pour que le soleil s'arrête pour eux comme il l'a fait pour Josué à Gabaôn, et vingt étaient à un niveau intermédiaire entre les deux autres. Le plus grand de tous les étudiants était Yonatan ben Uzziel, et le plus jeune d'entre eux était Rabban Yo?anan ben Zakkai.

Le texte dit : ?????? ??? ??? [she-ta’amod lahem Hama]. ??? Hama est donc bien le soleil. Étant donné le contexte, il est difficile de penser que cette phrase pourrait ici être lue comme : une belle-mère qui se relève pour eux. En revanche, elle peut fort bien avoir un troisième sens : « que la colère divine (l'exil) cesse du fait de leur mérite ».
Mais il est temps de revenir à notre péricope de Matthieu. Pourquoi ce miracle de Jésus ? Tout simplement pour nous dire que Jésus est le Josué biblique, celui des évangiles. Il l’est dans un sens très particulier, et propre au midrash. 
va-ta’amod ha-Hama, « le soleil s’arrêta/la belle-mère se leva ».
Voilà le sens de notre péricope et ce qu’elle « accomplit » : un miracle de Josué.

Conjectures me direz-vous ! 
Alors, continuons et voyons la manière stéréotypée dont l’histoire se termine dans Marc et Luc :
« Le soir venu, quand fut couché le soleil…»

Mc ch1, v29 à 32 : «-Et aussitôt, sortant de la synagogue, il vint dans la maison de Simon et d’André, avec Jacques et Jean. Or la belle-mère de Simon était au lit avec la fièvre, et aussitôt ils lui parlent à son sujet. S’approchant, il la fit se lever en la prenant par la main. Et la fièvre la quitta, et elle les servait. Le soir venu, quand fut couché le soleil, »

Lc ch, v38 à 40 : « Partant de la synagogue, il entra dans la maison de Simon. La belle-mère de Simon était en proie à une forte fièvre, et ils le prièrent à son sujet. Se penchant sur elle, il menaça la fièvre, et elle la quitta ; à l’instant même, se levant elle les servait. Au coucher du soleil, » etc. 

Dans le Midrash Rabba, cette expression « au coucher du soleil » (hébreu :[cheqi'att hachémech], littéralement : à l’arrivée du soleil est elle-même codée. En Exode Rabba 50, le midrash nous explique que « ke-bo ha-shemesh » signifie « lors de l’arrivée du messie » en prenant appui sur Malachie 3,20 :

? ????????? ????? ??????? ??????, ??????? ???????, ??????????, ????????????

???????????? [??·?e·q?h,] peut être traduit par : ailes, rayons, bords, ou même franges. (Qui est au bord). 

« Mais pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec la guérison dans ses franges » peut-on traduire Malachie 3, 20 ou 4,2.

Maintenant on peut comprendre la présence de tous ces gens qui cherchent à toucher les franges du vêtement de Jésus afin de guérir. (Matthieu ch 9.20.) traduction André Chouraqui : «  Et voici une femme atteinte d’hémorragie depuis douze ans. Elle approche par-derrière et touche le tsitsit de son vêtement. »


Marc 6.56 : « Ils le supplient seulement de toucher les tsitsit de son manteau. Tous ceux qui le touchent sont sauvés. » (Chouraqui)


Le tsitsit :
???? sont des "franges" ou "tresses" façonnées au coin des vêtements, souvent retrouvées sur les bords du Talit. Les Juifs observants portent des vêtements munis de tsitsit afin de se conformer à une prescription biblique. Le tsitsit n'est porté que par les hommes.
Dans l’épisode en référence qui, une femme qui depuis douze ans avait des écoulements de sang et qui, depuis tout ce temps, n’en pouvait plus.
Elle apprend que Jésus est là, il n’est pas loin. Mais voilà, son état la rend impur comme le dit la Torah :
Lévitique 15.25 : « La femme qui aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours en dehors de ses règles, ou dont les règles dureront plus que d’habitude, sera impure pendant toute la période de son écoulement, comme pendant ses règles.
27 Si quelqu’un la touche, il sera impur.
»

Toucher Jésus, c’est l’exposer, à le rendre impur, lui que les démons appellent  « le Saint de Dieu » .
Elle met donc sa foi en action, croyant que le simple geste de toucher la frange du talith de Jésus serait capable de la guérir.
Les Tsitsiot (pluriel de Tsitsit) sont liés à la mémoire des 613 commandements de la Torah. C’est aussi croire cette parole :
Exode 15.26 : car je suis l’Éternel qui te guérit.

 

Belle me re de pierre 2Nous connaissons la fin de ce passage : aussitôt, en réponse à sa foi, à peine eut-elle touché la frange, que la perte de sang s’arrête.
Le PUR est plus grand que l’IMPUR.
« Celui qui observe les commandements saisit la présence divine. Telle est la signification des franges. »
Il est très intéressant de noter que, selon une méthode d’étude juive appelée la Guematria, la valeur numérique du mot Tsitsit vaut 613, comme le nombre de commandements dans la Torah.
Le Talmud (traité Makot 23b) nous enseigne qu’il y a 613 commandements dans la Torah ;
248 Commandements Positifs (« fais »)
Et
365 Commandements Négatifs (« ne fais pas »).

(Ml 3, 20). Exode Rabba 50 nous dit :
Et si vous transgressez ces commandements, je prendrai en gage les deux demeures, comme il est écrit : « Si tu retiens en gage ??????  [Abowt] le vêtement de ton prochain » Moïse demanda au Saint béni soit-il : Seront-elles donc aliénées à tout jamais ? - Non, lui répondit-il, (puisqu’il est dit) « tu le lui rendras au coucher du soleil ». C’est-à-dire : lors de la venue du Messie, car il est écrit : Mais pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec la guérison, etc. 
Dans le midrash, le terme “vêtement” fonctionne comme une métonymie du Temple (à cause notamment des vêtements spéciaux du Grand Prêtre). Le midrash fait alors agir Dieu selon le principe “mesure pour mesure” : si vous prenez en gage le vêtement de l’indigent, je prendrai en gage le Temple (les deux demeures). C’est un refrain bien connu de la littérature midrashique : c’est à cause d’infractions d’ordre éthique (prendre en gage le minimum vital de l’indigent) que le Temple a été détruit. Ici, il apparaît que cette destruction n’est que temporaire, elle cessera lors de l’arrivée du messie. « Le rempart sera relevé » : ainsi s’exprime le midrash, dans son style imagé et compacté. Personne ne s’étonne de ce que Jésus se met en colère et menace la fièvre.

Se penchant sur elle, il menaça la fièvre.
Par contre, s'il menace le rempart (
??? |khama| = soleil = fièvre = rempart = colère = menace), on a là, par surdétermination, un second miracle de Josué, menaçant, et faisant même s’effondrer, les murailles de Jéricho. Colère et muraille sont en effet associées par exemple en Ez 13, 15 :
??????????? ???-??????? ????????
« Quand j’aurai assouvi ma fureur contre le mur… »

Où : ???????????? [ w?·?il·lê·?î ] et ??????? ???????? [ ??·m?·?î  baq·qîr  ]
Le mur (rempart) menacé étant ici celui de Jérusalem. La prophétie n’est pas seulement menace, elle est en même temps consolation. Si le peuple se repent, le mur sera relevé. C’est pourquoi, il y a un troisième miracle qui est ici accompli simultanément par Jésus. La belle-mère
?????? [kham-oth' ] qui se relève (??? |khama| = rempart), ce n’est rien moins que la reconstruction (midrashique) du Temple, censée intervenir effectivement à l’arrivée du messie. D’où le fait que l’épisode se déroule dans la « maison de Pierre ». En effet, Pierre est systématiquement lié dans les Évangiles, à la grande prêtrise, à Aaron ou Caïphe, dont il est le substitut (Κηφ?ς (K?phâs), issu de l'araméen ??????? (k?p??) qui signifie «?pierre?» avec Caïphe (en grec : Κα??φας, Kaïaphas), = "avenant", "pierre", "dépression" est le Grand Prêtre du Temple de Jérusalem).  Le mot pierre dans la symbolique juive est aussi le père et le fils. Le simple mot ????? (Eben)  "pierre" porte en lui cette notion.
????  AB (aba) : c'est le Père, ???, BN (ben) : c'est le Fils. La fin de l'exil correspond par ailleurs, dans le midrash, à la levée de la colère divine (????????? khamatt). C'est là une autre détermination importante de notre passage. Notre texte établit donc quelques équivalences : arrivée de Jésus = lever du soleil = venu du messie = belle-mère guérie = muraille relevée = temple reconstruit= fin de la colère divine.
Guérie, la belle-mère « sert » Jésus. Ce détail s’explique par quelques menus jeux de mots :
????? [aw-maw'] (servante) ressemble à ????????? [khamatt] (belle-mère) ; ???????? [?æ.mæ?] (soleil) sonne comme ??? [shamash] (servir). Dans le midrash, le soleil, comme tous les astres, est souvent présenté comme un simple serviteur de Dieu, allusion polémique à l'idolâtrie et aux cultes solaires. La peshitta, la version araméenne des Évangiles, utilise d’ailleurs ici, pour « servir », le mot shamash. L’idée de service est amenée par le Temple qui se reconstruit. Le messie vient sauver les Juifs pour qu’ils servent le vrai Dieu, dans le temple reconstruit. 


Conclusions : 
La belle-mère est alitée car en hébreu cela peut vouloir dire prostrée, agenouillée. Elle “sert”, car elle est aussi le soleil (qui est un serviteur) et que le soleil symbolise le messie, qui est lui aussi un serviteur de Dieu. En Ps 104 , 4 on rapproche l'idée de service et celle d'ignition :  « fait des vents ses messagers, Des flammes de feu ses serviteurs.» idée reprise par Hb 1, 7. : « De plus, il dit des anges: Celui qui fait de ses anges des vents, Et de ses serviteurs une flamme de feu. »
Dans cette analyse liminaire d’une guérison type des Évangiles, nous n’avons pas mis à jour tous les aspects du texte analysé. Malgré sa brièveté, cette péricope comporte de nombreuses ramifications de sens. Nous pourrions aussi approfondir le rapport entre ce passage et le livre de Ruth, dans lequel il est aussi question d’une belle-mère qui est “relevée” (Noémie) et qui, précisément, comme la belle-mère de Pierre, est épuisée, et reste à la maison sans “servir”. 

Commenter enfin Ct 6,10 où l’on retrouve notre Hama dans une forme éblouissante. Ct Rabba explique par exemple l’énigmatique: ani Homa (Ct 8,9) je suis un mur, en le référant à Abraham. Et il fait dire à Dieu : s’il reste ferme comme un mur, sur lui je bâtirai le monde. C’est là un autre point de contact avec Pierre (et sur cette pierre, je bâtirais...). Il faut ici affermir le mur (Homa) de Pierre. Voire le guérir. Car, voyez-vous, dans la Bible, même les murs peuvent être malades, de la lèpre notamment. Enfin, ce n’est qu’en rapprochant cette guérison de celle du fils du centurion, que nous pourrons saisir le sens de notre texte, car ces deux guérisons sont liées. Il s’agissait ici, simplement, de mettre en évidence une particularité des péricopes évangéliques : elles sont en général un midrash accomplissant, mieux : multi-accomplissement, des Écritures (de la Torah). Un passage des Évangiles est produit en cherchant à accomplir plusieurs passages du Pentateuque, des Prophètes et des Hagiographes. C'est cet effet de condensation ou de surdétermination, qui produit un texte nouveau, les Évangiles, qu’il importe, bien que ce soit parfois difficile, de décoder. Les péricopes évangéliques qui contiennent une citation d’accomplissement, sont clairement de nature midrashique. Ces citations sont du type : « ceci advint pour accomplir la parole de tel prophète…». On a, dans ce cas, un midrash explicite. Les péricopes qui ne contiennent pas de citation d’accomplissement ne sont pas généralement considérées comme des midrashim, mais plutôt comme des faits historiques. Or, nous allons voir que ces péricopes sont, tout comme la guérison de la belle-mère de Pierre, des midrashim implicites. C’est dire que la totalité du texte des Évangiles est un midrash.

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