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Suite multiplication des pains

La multitude rassasiée cherchait Jésus

 

 

Suite chapitre 6 Évangile de Jean (version Nelson Darby)

22 Le lendemain, la foule qui était de l’autre côté de la mer, voyant qu’il n’y avait point là d’autre petite nacelle que celle-là sur laquelle ses disciples étaient montés, et que Jésus n’était pas entré avec ses disciples dans la nacelle, mais que ses disciples s’en étaient allés seuls

23 (mais d’autres petites nacelles étaient venues de Tibérias, près du lieu où ils avaient mangé le pain, après que le Seigneur eut rendu grâces) ;

24 — lors donc que la foule vit que Jésus n’était point là, ni ses disciples, ils montèrent eux-mêmes sur les nacelles, et vinrent à Capernaüm, cherchant Jésus.

25 Et l’ayant trouvé de l’autre côté de la mer, ils lui dirent : Rabbi, quand es-tu venu ici ?

26 Jésus leur répondit et dit : En vérité, en vérité, je vous dis : Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés.

27 Travaillez, non point pour la viande* qui périt, mais pour la viande* qui demeure jusque dans la vie éternelle, laquelle le fils de l’homme vous donnera ; car c’est lui que le Père, Dieu, a scellé**.

v. 27* : la nourriture. — v. 27** : a accrédité comme par un sceau. —

            La multitude rassasiée cherchait Jésus. Comme on voit en période électorale les gens qui courent après les politiciens qui promettent plus – plus de pains, plus de prospérité – ainsi en était-il. Ils se précipitaient derrière le Seigneur parce qu’ils étaient rassasiés. "Quels miracles me déclarez-vous ? Quels enseignements ? Je vous suis parce que vous avez le pouvoir d’améliorer mon bien-être. Vous pouvez me donner plus de choses, de meilleures choses, de plus grandes choses." Ils Le cherchaient partout. Quand alors ils Le retrouvèrent, Il les réprimanda. Votre attention ne devrait pas se porter sur le périssable mais sur ce qui ne périt pas, la vie éternelle (Jean 6:27). Et là une conversation commença :

 

Dans la Bible, la majorité des textes ne sont pas des enseignements ou des prières, mais des conversations. Pourquoi ? Encore plus dans les Évangiles.

Dieu est toujours prêt à entrer en conversation avec les hommes selon la Bible, avec Ève et Adam, puis avec Caïn, avec Noé, avec les habitants de Babel, avec Abraham, avec les prophètes… Il en est de même avec Jésus, il semble que la conversation soit pour lui la meilleure des façons de nous permettre de parvenir par nous-même à ce nouveau nous-même que Dieu espère.

Mais c’est exact que Jésus agit la plupart du temps comme nous le voyons ici avec cette foule venue le chercher à Capernaüm. Le ton est celui de la conversation, avec des phrases courtes, ou chacun parle à son tour et rebondit sur ce que dit l’autre. Jésus parle de ce qui les entoure. Il est question de pain de nourriture il y a des barques et le lac, alors ils parlent de pain et de nourriture. Mais Jésus oriente la conversation en utilisant ce réel prosaïque comme parabole des réalités spirituelles et du salut que Dieu donne. Non pour théoriser mais pour creuser en nous une faim nouvelle. Plus avant dans ce texte, les disciples ont distribué du pain et des poissons multipliés par Jésus et Jésus s’inspire de ces circonstances pour parler de pain de vie, leur parlant de travail de la nourriture qui dépérit et celle qui demeurée, pour les ouvrir à quelque chose de neuf qui vient de Dieu.

Pourquoi est-ce que la Bible et particulièrement Jésus, cherchent à communiquer ainsi, dans une conversation avec chacun ?

 

Si le salut était une certaine connaissance à avoir, si le salut était une Vérité à croire, si le salut passait par des choses à faire, ou une certaine idée de la justice… Il aurait été plus efficace pour Dieu de produire une révélation massive et spectaculaire de la vérité. Par exemple avec une vision, ou avec une table de pierre descendant du haut des cieux, comme dans le film "2001 odyssée de l’espace" ? Ce serait bien plus clair, non ? Et ce serait Indiscutable.

Au contraire, une conversation est quelque chose d’intime entre des personnes, quelque chose de tout imprégné de la vie quotidienne. Ces conversations de Jésus sont ainsi trop individualisées et subjectives pour être transformée en un code de loi, pour en faire discours surplombant les circonstances particulières de nos vies, ou une connaissance qui nous écraserait en appelant à la soumission de notre savoir pour adopter certaines connaissances, ou de nos actes pour entrer dans un moule idéal.

 

Le ton même de la conversation dit déjà quelque chose de Dieu et de Jésus qui utilisent le mode de la conversation pour communiquer le salut. Ce n’est qu’avec quelqu’un dont on se sent proche que l’on peut entrer dans une conversation. Et c’est là aussi quelque chose de l’Évangile qui se manifeste dans ce Dieu qui chemine avec nous, ce Dieu avec qui l’on a le droit de bavarder est un Dieu qui ne nous prend pas de haut. Oserait-on bavarder ainsi avec le président de la République ou celui des États-Unis, bavardant de pains, de boulanger, et de la santé des enfants, et de nos projets de vacances, des courses au supermarché ou de la moisson qui approche ? Nous avons dans ce ton de la conversation déjà une révélation sur Dieu, ce Dieu que l’on appelle en hébreu l’Emmanuel, Dieu avec nous. Ce Dieu qui rend possible cette proximité, cette amitié, cette confiance, un Dieu qui pardonne et qui aime. Mais là aussi, en analysant cette attitude, je transforme en connaissance sur Dieu ce qui dans ce texte une expérience de Dieu. Une conversation avec lui.

 

Jésus ne nous communique presque aucun savoir sur Dieu, ni d’ailleurs sur le salut qu’il apporte. Ce n’est certainement pas faute de penser Dieu car Jésus est manifestement un très fin théologien et philosophe. Mais il choisit de ne pas faire de discours construit sur Dieu, ou sur le salut. Parfois, au détour d’une remarque, comme en passant, Jésus laisse échapper un mot sur le fait que Dieu est bon, qu’il aime jusqu’à ses ennemis, il laisse supposer que Dieu est comme un berger s’occupant de chacune de ses brebis comme si c’était sa fille, ou comme un vigneron… Mais rien de vraiment construit, ni sur Dieu, ni sur le salut qu’il apporte…

 

Ce n’est que plus tard que des théologiens entreront dans cette recherche d’un savoir sur Dieu. Jésus manifeste l’amour de Dieu, mais il faudra attendre une lettre de Jean, peut-être 50 ans plus tard, pour voir prononcer ces mots lumineux « Dieu est amour ».

 

Alors, qu’est-ce que Jésus cherche à apporter avec une telle conversation ?

 

Il aurait pu faire le professeur devant cette foule venue le chercher et leur révélant quelques bonnes vérités éternelles et essentielles. Jésus aurait pu agir en posant un geste fort, un geste qui montre l’importance de l’amour du prochain et du service de l’autre. C’est comme cela que nous aurions interprété un récit qui nous montrerait Jésus lever les bras au ciel comme Moïse pour donner la manne tomber du ciel pour nourrir son peuple. Le récit aurait pu nous montrer Jésus luttant contre le mal comme Moïse protégeant Tsiporah.

 

Non, Jésus est à Capernaüm, la foule vient vers lui le chercher et il discute avec eux de nourriture. La foule survient, il choisit de leur faire la conversation. Quel sauveur étrange. Quel salut apporte-t-il ? Ce n’est pas la communication d’un savoir sur Dieu, ni celle d’un comportement à avoir ou d’une justice plus élevée.

Ce que Jésus cherche à communiquer, c’est un pouvoir. C’est le "pouvoir de devenir enfant de Dieu" nous dit Jean dans le prologue de son évangile. Cela rejoint ce que Jésus dit à la femme samaritaine, le salut qu’il apporte c’est qu"en elle jaillisse une source". Et à cette foule qu’il "est le pain de vie" C’est ce qu’il essaye de faire par cette conversation avec eux.

 

La foule a raison, il y a là infiniment plus qu’un prophète c’est un don de Dieu.

Ce que communique Jésus n’est donc pas un savoir, il serait alors encore dans la logique de l’ancienne alliance, ou la révélation de Dieu et la bénédiction de Dieu sont transmises au peuple par quelques rares champions, un Moïse, un Abraham, un prophète.

Non, Jésus communique effectivement, mais quelque chose d’une autre nature. Il donne de l’eau (au sens figuré), une sorte d’eau magique qui perce en nous la source vive, directe, avec Dieu, sa Parole et sa vie, il donne du pain, cette nourriture spirituelle dont l’homme à besoin pour parler à Dieu.

Mais tant que le pain matériel n’est que celui quotidien, celui qui est sur la table ou sur l’autel, qu’il satisfait notre besoin, nous n’avons pas faim du pain de vie. Cela dit quelque chose du statut de la théologie, de la morale et de la religion pour Jésus, c’est utile au titre de conversations qui nous ouvrent à l’ultime, mais c’est un problème s’y ont en fait des réserves sacrées, des sacrements et encore pire si on le prend pour une maîtrise de la foi.

 

Jésus ne se présente pas comme étant lui-même de la nourriture qui donne la vie, bien sûr. Ni ses paroles. C’est Dieu qui est la source de la vie. Un désir de nourriture spirituel qu’il espère ouvrir en nous pour que nous puissions vivre.

Tant que nous pensons que le don de Dieu est un savoir révélé une fois pour toutes, tant que nous pensons que le salut est un événement ou un acte comme un sacrifice un sacrement, sur tel lieu de culte, comme une personne mourant sur une croix… Nous n’avons pas soif de cette eau magique qu’apporte Jésus, pas plus que le pain de vie, l’eau, qui percerait en nous une source, le pain qui nous apporte ce pouvoir inouï.

C’est à cela que sert la conversation que Jésus mène. Non pas un discours universel, mais une conversation singulière, contingente qu’il veut avoir avec nous.

Une conversation qui part de notre vie quotidienne, de ce que nous espérons ou de ce qui nous préoccupe. Il part de cela et il le spiritualise.

Une conversation qui part de ces lieux où nous avons l’habitude de nous ravitailler en nourriture en chose matérielle, pour tenir à peu près bon face à nos soifs et nos faims de toutes sortes. Il part de cela et nous fait voir plus loin, Il nous fait comprendre que nos besoins matériels auquel nous sommes habituées ne sont pas ce qui doit nous faire vivre.

 

 

Une rencontre et une conversation qui nous permet de voir que nous ne sommes pas les seuls à avoir faim et soif, mais que Dieu aussi a soif, il a soif de nous donner la vie. Que Jésus aussi a faim et soif. Faim et soif de faire la volonté de celui qui l’a envoyé, d’accomplir son œuvre qui est d’ouvrir en nous la source de la vie, et trouver le pain de vie pour nous et par nous.

Voilà les dons de Dieu.

 

Mais comment pourrons entrer en conversation et bavarder ainsi, nous qui sommes à 2000 ans de Jésus ?

Et bien, nous pouvons commencer par bavarder entre nous, frères et sœurs de Jésus, nous parler, nous intéresser aux autres et à leur propre soif, comme le fait Jésus, comme le fait la femme en discutant avec Jésus et ensuite avec les gens de son village, avec la foule qui vient vers nous dans nos églises.

Nous pouvons mettre en conversation notre propre théologie avec notre existence quotidienne, mettre en conversation notre prière à Dieu et ce qui nous passe par la tête et par le cœur. Donc oui, nous pouvons faire de la théologie, comme Jean, comme Paul, comme Saint Augustin, mais sans nous prendre pour la source, sans prendre notre lecture de la Bible ou notre expérience de Dieu comme étant l’eau de la source ou du pain béni. Cette eau, ce pain c’est la bénédiction, c’est la vie. Quelque chose dont nous pouvons converser mais sans la posséder par un savoir.

 

C’est pourquoi, Jésus nous met en garde :

"Ne vous faites pas appeler Rabbi (maître) car un seul est votre enseignant, et vous êtes tous frères et sœurs, Et n’appelez personne sur la terre votre père car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler enseignant, car un seul est votre enseignant, le Christ. (Matthieu 23:8-10).

 

C’est ainsi que Saint Augustin, par exemple, discute avec son fils Adéodat, lui disant que oui, il est utile de discuter avec des mots, mais qu’en définitive seule notre "enseignant intérieur" peut nous parler vraiment de Dieu et que cet enseignement dépasse tout mot. C’est ainsi que les disciples de Jésus témoignent dans le monde. Ils témoignent que Jésus leur a enseigné quelque chose par la conversation. Il leur a enseigné qui ils sont, leur soif et leur faim spirituelle, peut jaillir des Évangiles.

Notre théologie, nos paroles ne sont pas un enseignement sur Dieu, c’est un témoignage, une conversation qui renvoie au Christ, qui lui-même renvoie à Dieu, à la source qui peut jaillir en nous. Dieu est la source et notre nourriture et le propre d’une source et de la nourriture est d’être au-delà de tout.

28 Ils lui dirent donc : Que ferons-nous pour faire* les œuvres de Dieu ?

29 Jésus répondit et leur dit : C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé.

v. 28 : faire (faire une œuvre, « verset » 30), « plutôt » : travailler, « comme au verset » 27.

Il fut un temps où notre société était comme un village de montagne isolé où tout le monde était chrétien, il était alors possible de penser que les seuls seraient sauvés ceux qui confessent Jésus-Christ bien comme il faut. Mais aujourd’hui, notre environnement a changé, le monde, c’est ouvert, nous sommes confrontés à d’autres cultures d’autres formes de pensées, Même le christianisme c’est diversifier, nous avons de vraies relations de travail, d’amitié et de famille avec des personnes de convictions et de culture différentes. Si l’on ouvre les yeux, si l’on ouvre son cœur et son intelligence, si l’on pense dans la prière aux personnes que l’on a rencontrées, il me semble difficile de se dire que les milliards de non-chrétiens méritent la mort éternelle. Que Dieu leur dise : désolé mais pour vous, ça ne sera pas possible, je ne peux pas faire autrement que de vous jeter dans la géhenne, car c’est bien là votre place ! C’est choquant car nous avons souvent senti que ces personnes non-chrétiennes sont comme nous, qu’elles essayent de souvent vivre en y mettant leur cœur et leur foi ou leur idéal, en faisant preuve de solidarité, de bienveillance et de compassion pour leur voisin qui souffre… Ne devons nous y voir là que les Œuvres de la chaire ?

Alors : Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu ?

29 Jésus répondit et leur dit : C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé.

Pourtant ces personnes étaient bien plus souvent plus proches de l’esprit de l’Évangile que certains bigots d’églises.

"Que vous croyiez en celui qu’il a envoyé." Jésus parlait-il de sa propre personne physique ?

 

Cette question du salut ou non des non-chrétiens est une des grandes questions qui est posée au chrétien aujourd’hui. Les implications sont considérables pour notre propre vie, dans notre relation avec les autres, mais aussi dans notre façon de témoigner de notre foi dans ce monde laïc. Les implications sont également importantes dans le domaine politique et sociologique.

Nous avons de la chance parce que cette question est présente dans la Bible. Le monde à l’époque de la Bible était au moins aussi mondialisé que notre monde du XXIe siècle. L’époque d’une société plutôt homogène et isolée est comme une parenthèse dans l’histoire humaine.

Dans sa première épître Jean nous dit cependant : "Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu, car Dieu est amour" (1 Jean 4 :7, 16) être né de Dieu, c’est donc porter l’Amour de Dieu et c’est en quelque sorte être témoins de Dieu, donc envoyé de Dieu ?

Il y a dans ce passage de la 1er lettre de Jean une affirmation qui est d’une ouverture extrême pour toute personne de bonne volonté, sans critère de foi :

Jean dit cela dans le contexte d’une église chrétienne extrêmement minoritaire dans un monde qui est au carrefour de toutes les civilisations. Ce passage nous dit que toute personne qui aime est profondément en communion avec Dieu, quelles que soient ses idées, sa religion, sa théologie, sa philosophie.

 

Et quand bien même la personne ne serait pas elle-même tellement aimante, comment ne pas lire une promesse du pardon de Dieu dans cette somme théologique condensée en un seul mot : « Dieu est amour » ? Cette théologie n’est pas une invention de Jean, elle est massivement présente dans les paroles et les actes de Jésus, disant que Dieu aime, bénit, et fait du bien sans se lasser même pour ses ennemis (Matthieu 5 :44-45), "Aimez vos ennemis,

Bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent, afin que vous deveniez enfants de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons…"

Avec cette phrase choc, Jésus nous propose une théologie : Dieu n’a aucune intention de faire du mal aux méchants mais il fait tout pour que chacun ait une chance de s’épanouir. Que Dieu est comme un berger qui part à la recherche de la brebis la plus perdue du monde et qu’il finira sans l’ombre d’un doute par la retrouver (Luc 15 :4-7). "4Quel est l’homme d’entre vous, qui, ayant cent brebis et en ayant perdu une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf au désert, et ne s’en aille après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? 5et l’ayant trouvée, il la met sur ses propres épaules, bien joyeux ; 6et, étant de retour à la maison, il appelle les amis et les voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis perdue. 7Je vous dis, qu’ainsi il y aura de la joie au ciel pour un seul pêcheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance."

 

Ce qui est tout à fait surprenant, c’est que ce passage si ouvert aux non-chrétiens est introduit par un message qui est des plus fermés et menaçants qui soient :

"Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu (nous dit Jean) : tout esprit qui se déclare publiquement pour Jésus-Christ venu en chair, cet esprit est de Dieu, et tout esprit qui ne se déclare pas publiquement pour Jésus, cet esprit n’est pas de Dieu mais c’est celui de l’antéchrist." (1 Jean 4 :1-3)

Mais aussi : " C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé."

 

Jean est donc tout aussi clair, net et précis dans cet exclusivisme rigoureux en faveur des chrétiens qu’il l’est dans son ouverture extrême aux non-chrétiens. Or, Jean n’est pas un imbécile, et ce n’est pas une erreur puisqu’il récidive un peu plus loin en mettant ce libéralisme et ce fondamentalisme dans la même phrase :

 

"Celui qui déclarera que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu." (v.15) et "celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." (v.16)

 

Nous avons encore ce double message, apparemment, d’ouverture et d’exclusivisme.

Cela mérite de s’y pencher d’un peu plus près.

Cette phrase reprend deux fois le même schéma, la même annonce : "Dieu demeure en lui et lui en Dieu". C’est la promesse de la vie véritable, ce qu’aucun auteur biblique ne prend à la légère, évidemment. Et de fait, quand Jean fait ce rapprochement entre ces deux formules, il pose une équivalence entre : confesser Jésus-Christ publiquement, et habiter cette façon d’être qu’est l’amour.

Ce rapprochement est tout à fait passionnant pour comprendre le fond de la pensée de Jean sur cette question, mais aussi le sens de bien des passages des évangiles comme celui qui nous intéresse ici "C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé."

Cela veut dire que quand le Christ invite à croire en lui, il ne cherche pas à se mettre en avant lui-même, mais il met en avant ce qu’il sert et ce qu’il incarne : un message et une façon d’être. Ce message et cette façon d’être, Jean les résume ici en un seul mot : l’amour. Cet amour est la façon d’être de Dieu, cet amour est Dieu lui-même. Mais le fait que cet amour s’incarne en Jésus dans l’histoire en fait plus qu’une notion philosophique abstraite, c’est une réalité qui se voit, qui s’entend, qui se crie sur les toits et qui se vit dans des gestes, et nous pouvons voir et dire "C’est ici l’œuvre de Dieu".

Et donc, quand Jean dit que celui qui ne se déclare pas publiquement pour Jésus est un antéchrist, ce n’est pas pour injurier les athées et les bouddhistes. Ce n’est pas la question, et Jean fait remarquer qu’il arrive aussi aux chrétiens de ne pas aimer suffisamment leurs frères. Ce que dit Jean ici, c’est qu’indépendamment de la religion des uns ou des autres, aimer c’est vivre et que "C’est ici l’œuvre de Dieu," et donc a contrario, l’indifférence c’est la mort, l’égoïsme, la rancœur, la logique du donnant-donnant, la méchanceté… C’est la mort, c’est l’anti façon d’être de Dieu, façon d’être qui est manifestée en Jésus-Christ.

 

Ce nom de Jésus n’est pas une formule magique, ce n’est pas un sésame ouvre-toi pour que le paradis s’ouvre devant nous comme la caverne aux trésors devant Ali-Baba. De toute façon, en Christ nous savons que Dieu est amour, la question n’est pas d’entrer au paradis, le Royaume de Dieu s’est de toute façon approché de nous, la question est de se laisser transformer par lui.

Ce rapprochement entre "témoigner du Christ comme fils de Dieu" et "aimer", ce rapprochement est très éclairant sur la valeur possible d’autres religions et d’autres cheminements. Jean témoigne du fait que la vie qui anime Jésus est cet amour qu’est Dieu, c’est vrai. Mais Jésus n’a pas pour autant le monopole de l’amour, heureusement pour l’humanité. Dieu cherchait déjà, du temps des hommes préhistoriques, à donner aux hommes un cœur de chair à la place de leur cœur de pierre (taillée). C’est dans ce sens que Jésus existait avant Abraham, avant même Cro-Magnon, car dans leur espérance il existait une certaine intuition de l’amour de Dieu quand ils peignaient des bisons sur les parois d’une grotte ou quand ils enterraient leurs morts avec un certain rituel. Il y avait quelque chose de la façon d’être du Christ quand ils avaient un peu de compassion pour leur collègue blessé par un mammouth alors qu’ils auraient pu se réjouir de voir un concurrent disparaître. C’est ce que dit l’apôtre Paul dans la très sérieuse lettre aux Romains : "quand les païens qui n’ont pas la Bible font naturellement ce que prescrit la Bible, ils sont une révélation de Dieu pour eux-mêmes, ils montrent que l’œuvre de la révélation de Dieu est écrite dans leur cœur, leur conscience en rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tour. "(Romains 2 : 13ss)

 

Jésus incarne magnifiquement cette révélation de Dieu. Il incarne la façon d’être de Dieu qui consiste à vivre selon un amour créateur. Et donc cette foi en Jésus-Christ qui donne la vie éternelle (Jean 3 :36), "36Qui croît au Fils a la vie éternelle ; mais qui désobéit au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui." ce nom de Jésus-Christ, le seul nom qui puisse sauver (Actes 4 : 11), "11Celui-ci est la pierre méprisée par vous qui batissez, qui est devenue la pierre angulaire ; 12et il n’y a de salut en aucun autre ; car aussi il n’y a point d’autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés." ce n’est pas une formule incantatoire, c’est valoriser une certaine façon d’être, une certaine idée de la justice et c’est rechercher la source de cette façon d’être pour y puiser et pour la proposer à ceux que l’on aime.

Donc oui, évidemment, cela a pleinement son sens de placer sa confiance en Jésus et de témoigner de Jésus auprès de ceux que l’on aime. Mais il y a aussi des personnes qui aiment en dehors du christianisme, et qui sont donc nées de Dieu et qui connaissent Dieu, et donc envoyé ou messager de Dieu, au moins en partie, comme le dit Jean.

Ce rapprochement entre "témoigner du Christ comme fils de Dieu" et "aimer", ce rapprochement permet de comprendre ce passage essentiel de l’Évangile selon Jean que nous avons entendu :

"Jésus dit : Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. " Jean 14:6

 

Il y a deux façons possibles de lire ce texte :

 

Ce passage peut être lu comme une fermeture, voire une menace : seuls les chrétiens seraient vraiment vivants, et tous les autres sont perdus pour toujours (accompagnés, si l’on en croit certaines personnes, par les mauvais chrétiens, c’est-à-dire ceux qui ne pensent pas comme moi).

Ce "Nul ne va au Père que par moi" peut également être lue comme une ouverture, une promesse, une Bonne Nouvelle (un Évangile) : toute personne qui est en vie, toute personne qui a un cheminement vrai a du Christ en elle, elle a de cette manière d’être qui vient de Dieu, qui est née de lui, et cette personne est donc déjà dans la vie éternelle et elle est envoyée de Dieu.

L’idée même de l’existence d’un Dieu unique peut être comprise également de deux façons possibles :

Il y a un seul vrai Dieu (le mien), par conséquent, ils sont dans l’erreur tous ceux qui appellent Dieu autrement (Allah, Hashem, Toutatis, ou je ne sais quoi), ils sont dans l’erreur tous ceux qui ont des dieux multiples et ceux qui n’en invoquent aucun, mais aussi tous ceux qui donnent à Dieu le même nom que moi mais qui ne sont pas assez trinitaires, ou trop, ou différemment de moi…

 

Il y a une autre façon de vivre le monothéisme : puisqu’il y a un seul Dieu, toute personne qui fait place à une certaine transcendance dans sa vie est déjà en relation avec Dieu, puisqu’il n’y en a pas d’autre. Toute personne qui a un peu d’idéal lève son regard vers le haut, elle regarde alors vers Dieu puisque là-haut sur la montagne, il n’y a qu’un sommet, et que ce sommet c’est Dieu.

Mais, allez-vous peut-être me dire : Jésus parle bien ici de LA vérité, c’est qu’il y en a une et que les autres sont dans l’erreur. Eh bien non, car dans la pensée biblique, il y a un seul mot pour dire la vérité et la fidélité (èmounah). La vérité dont Jésus parle ici, ou plutôt la vérité qu’il incarne ce n’est pas un dogme mais c’est une vérité de relation, une fidélité à ce qui est l’essence même de la vie, une fidélité à ce qui fait avancer vers la source de la vie.

 

Des personnes peuvent donc penser des choses différentes tout en étant dans toutes dans le vrai. Par exemple des personnes qui sont réparties autour d’une montagne auront raison de dire que pour aller au sommet il faut se diriger vers l’ouest pour l’une, vers le nord pour une autre, et le sud est pour une 3e. Ce n’est pas du relativisme, comme si tout se valait, non, mais la vérité dépend alors de la situation, dépend de la personne et du moment de son histoire. Ce n’est pas du relativisme car Jésus nous propose ici des indicateurs précieux pour savoir si nous sommes dans la vérité. La Vérité dont il est question ici, nous dit-il, est cheminement et vie, elle est cheminement vers le Père, cheminement vers cette source de la vie qu’est l’amour.

Cela peut s’examiner dans un questionnement très simple et très quotidien : Est-ce que ma foi me fait cheminer, est-ce que par elle ma vie fait grandir la vie ? Est-ce que ma théologie, ma philosophie de vie, ma religion, mon rythme me font avancer ou me paralysent ? Cela dépend des gens. Par exemple, telle personne à un moment de sa vie a besoin d’avoir une base de certitudes bien bétonnées, telle autre personne serait complètement bloquée par cela.

La question n’est pas de savoir si un chrétien est meilleur que les autres, mais la question que Jésus nous propose de retenir est de savoir si nous devenons meilleurs que nous-même hier, si nous cheminons vers la vie et augmentons la vie ? Nous pouvons nous examiner nous-mêmes, et nous pouvons aussi avoir cela en tête pour ceux que nous aimons, non pour les juger ou penser à leur place, non pour retirer la paille qui est dans leur œil, mais pour susciter chez eux un questionnement fécond, un dialogue ou tous les deux nous cheminerons vers la source commune à tous.

L’essentiel est que chacun creuse bien son propre chemin, qu’il l’approfondisse et l’affine. Pour l’instant, nous ne pouvons voir ce qui est derrière la montagne pour juger parfaitement de ce qui est bon pour l’autre. Si tel cheminement, telle religion telle philosophie convient bien à telle personne au sens défini plus haut, qu’elle creuse ce chemin et qu’elle y soit fidèle. Cela ne nous empêche pas de témoigner de ce qui nous fait vivre nous, c’est une attitude de respect pour l’autre de lui offrir ainsi ce meilleur qui me fait vivre, mais tout en sachant qu’il est possible que la vérité de cheminement et de vie soit pour lui différente de ce qui est vérité de cheminement et de vie pour moi.

C’est ainsi qu’il est dit dans l’Évangile, de Matthieu ch 8. V5 à 13 : "Et comme il entrait dans Capernaüm, un centurion vint à lui, le suppliant, 6 et disant, Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie, horriblement tourmenté. 7 Et Jésus lui dit, J’irai, moi, et je le guérirai. 8 Et le centurion répondit et dit, Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; mais dis seulement une parole, et mon serviteur sera guéri ; 9 car moi aussi, je suis un homme placé sous l’autorité d’autrui, ayant sous moi des soldats ; et je dis à l’un, Va, et il va ; et à un autre, Viens, et il vient ; et à mon esclave, Fais cela, et il le fait. 10 Et Jésus, l’ayant entendu, s’en étonna, et dit à ceux qui le suivaient, En vérité, je vous dis, je n’ai pas trouvé, même en Israël, une si grande foi. 11 Et je vous dis que plusieurs viendront d’orient et d’occident, et s’assiéront avec Abraham et Isaac et Jacob dans le royaume des cieux ; 12 mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres de dehors, là seront les pleurs et les grincements de dents. 13 Et Jésus dit au centurion, Va, et qu’il te soit fait comme tu as cru ; et à cette heure – là son serviteur fut guéri."

Ici Jésus-Christ ose dire qu’il n’a jamais vu d’aussi grande foi que celle du centurion romain qui vient de lui demander la guérison d’un de ses serviteurs. Pourtant ce centurion rendait nécessairement un culte à l’empereur de Rome considéré comme Dieu, ce centurion ne considère Jésus que comme un guérisseur puissant, il n’a apparemment pas un mot pour le reconnaître comme fils de Dieu (ce qui aurait d’ailleurs été pour lui une conception du Christ comme d’un nouvel Achille, probablement). Mais il y a une chose qui fait que ce centurion a une grande vérité-fidélité-foi : c’est qu’elle l’a mis en mouvement, elle l’a rendu vivant, elle l’a rendu capable, lui le chef habitué à commander, de se faire serviteur de son serviteur pour qu’il ait la vie. Oui, le centurion a cheminé par l’amour et vers l’amour ce jour-là. Et peut-être que le pas suivant l’amènera à reconnaître en Jésus plus qu’un guérisseur, mais enfin le Christ ? La suite de l’histoire est à écrire avec notre propre vie.

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