pourquoi Jean ne mentionne pas dans son évangile la seconde multiplications de pain

Question d'une lectrice :

j'aimerais savoir pourquoi Jean ne mentionne pas dans son évangile la seconde multiplications de pain. Est-ce à cause de son absence ? Est-ce la même raison pour les autres évangiles dont des chapitres sont mentionnés dans certains et d'autres pas ?


LES SIGNES DE LA MULTIPLICATION DES PAINS

 Pourquoi Jean ne mentionne pas dans son évangile la seconde multiplication de pain ?

Les différents récits de la multiplication des pains ont fait l’objet de nombreux commentaires voir de diverses spéculations. Assez naturellement les commentateurs rattachent le récit de Jean (Jn 6,1-13) et celui de Luc (Lc 9,10-17) avec la première multiplication de Matthieu (Mt 14,13-21) et Marc (Mc 6,32-44), avec laquelle leur récit présente de nombreux points communs.

Il est possible alors, à la suite de St Hilaire, St Jérôme ou Bède, d’en déduire qu’il n’y eut qu’une seule multiplication, et que Marc comme Matthieu ont voulu donner une seconde tradition "enseignement" d’un seul et même événement, en multipliant aussi le récit miraculeux de la multiplication des pains," les pains étant une nourriture pour le corps, comme ce récit est un enseignement de Jésus une nourriture pour l'esprit"  C’est encore aujourd'hui la thèse défendue par l'école biblique de Jérusalem et par un certain nombre d'exégètes. Mais on peut aussi se rallier à l’opinion de St Augustin et de St Thomas d'Aquin, concernant deux miracles distincts. Personnellement je pense qu'il n'y a eu qu'une multiplication des pains mais que Marc qui est le plus ancien récit évangélique "le lien synoptique" et Matthieu qui suit Marc s’est servi du même thème pour enseigner deux choses différentes. 

En étudiant les différents récits qui sont en fait des récits midrashiques, terme qui vient de l’hébreu ???? (midrash), qui signifie «rechercher», «examiner». Il s’agit d’une méthode d’exégèse et d’interprétation élaborée par des rabbins pour aller au-delà du sens littéral du texte biblique et en dégager le sens profond. Aussi les auteurs des évangiles ont employé ce genre de littérature "le midrash" pour écrire chacun leur évangile. Il y a donc selon ce que l'auteur veut enseigner et son public, divers fanons en utilisant des symboles différents, de décrire un même récit la forme du récit ne compte pas seul l'enseignement qui en découle compte. 

L'autre façon de comprendre le fait que Jean et Luc ne citent  qu'une seule multiplication des pains et non pas deux, est de dire que Jean et Luc ont choisi non pas de rapporter les deux miracles, mais en fait plutôt de « fusionner ces deux miracles très semblables en un seul récit », ce qui n’est pas tout à fait la même chose...

Jean situe la multiplication « sur l’autre rive », « peu avant la Pâque », et juste avant le discours sur le Pain de Vie, ce qui correspond au second miracle. Mais il la situe aussi juste avant que Jésus ne marche sur les eaux, et en mentionnant la présence d’André et d’un jeune garçon (Margziam), ce qui se rapporte manifestement au premier miracle. Il me semble plausible que Jean, (qui n’a pas le souci de la chronologie), ait pu puiser dans ses souvenirs des deux miracles et décider de les décrire comme un fait unique, puisque la symbolique reste la même et son enseignement beaucoup plus profond et sa théologie plus destinée à la culture Grec que Judaïque, n'avait besoin d'un enseignement complémentaire devant faire appel à une seconde multiplication des pains …

Personnellement je ne me prononce pas sur l'une ou l'autre de ces deux hypothèses, les deux sont valables. Alors un ou deux miracles de la multiplication des pains ? La foi ne doit pas avoir besoin de trancher sur la véracité des miracles pour exister et diriger notre vie, seul l'enseignement, qui en découle n’a, à mes yeux son importance. Les grands enseignements de la "multiplication des pains" sont :
Le partage nourrit tout le monde, et l'homme la femme et même les enfants ne vivrons pas de pain seulement mais de toutes paroles qui sortent de la bouche de Dieu. Matthieu 4:4 

Et c'est ce que veut aussi nous enseigner Jean.
Jean 6, 1 à 15 − 2 Rois 4, 42 à 44 − Ephésiens 4, 1 à 7 et 11 à 16
Le texte de Jean sur la multiplication des pains par Jésus est une introduction. 

Non seulement parce qu'il commence le chapitre 6 de son évangile. On sait bien que ce ne sont pas les auteurs bibliques qui ont fixé les chapitres de leurs textes.
Non ! Ce texte de Jean est une introduction, parce que l'essentiel de ce chapitre 6 est formé du discours de Jésus sur le pain de vie, et que l'on a ici un épisode de la vie du Christ où il est question de pain et de nourriture. 
Pourquoi, en effet, ne pas introduire le discours par l'événement, en l'occurrence miraculeux, qui aborde le même thème, à savoir le pain. Vous me direz que le rapport est un peu facile, car les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) relatent aussi la multiplication des pains, mais ne rappellent rien du discours sur le pain de vie. Pourquoi Jean établit-il un lien entre les deux épisodes alors que les synoptiques n'en mentionnent qu'un ? Parce que l'auteur du 4ème évangile ne raconte pas la multiplication des pains comme le font Matthieu, Marc et Luc.  
On se rend compte que les auteurs bibliques prennent des libertés par rapport aux faits. Il y a des différences entre les textes, et ces différences donnent à chacun des récits sa spécificité et son message.
Quelles comparaisons peut-on faire entre les récits de la multiplication des pains ?
Jean ne dit pas que Jésus a enseigné la foule et guéri les malades à cet instant. Ce que les synoptiques révèlent tous les 3 (Mat 14, 13 ; Marc 6, 34 ; Luc 9, 11). Jean laisse plutôt entendre que la foule s'est rassemblée autour du Christ pour voir Jésus faire des miracles comme les jours précédents.  Mais il ne dit pas que le Seigneur a fait des miracles ce jour-là. Il semble, au contraire, que Jésus s'entoure de ses disciples sur la montagne.
Jean ne mentionne pas l'intervention des disciples qui disent à Jésus de renvoyer la foule afin qu'elle achète de quoi manger dans les villages. Matthieu, Marc et Luc présentent les choses ainsi, mais pas Jean.
Jean ne relate pas, bien sûr, la réponse de Jésus : Donnez-leur vous-mêmes à manger. À quoi (dans les synoptiques) les disciples répondent : Nous n'avons que 5 pains et 2 poissons. Marc ajoute qu'ils ne peuvent acheter de la nourriture pour tous avec 200 deniers. Somme que Jean mentionne aussi : dans son évangile, Philippe dit en effet : Les pains qu'on aurait pour 200 deniers ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu.
Enfin, dans Matthieu, Marc et Luc, les disciples distribuent les pains et les poissons à la foule.
Chez Jean, c'est Jésus qui distribue.
Par contre, Jean ajoute que Jésus monte sur la montagne (il est présenté comme au-dessus de la foule) et que la Pâque, la fête des juifs était proche. Jean veut établir un lien entre la multiplication des pains et la Pâque, c'est-à-dire entre le pain et le sacrifice.
D’autre part, d’après Jean, Jésus questionne les disciples (en l’occurrence Philippe) concernant la foule. C'est lui qui prend l'initiative. Il demande : Où achèterons-nous des pains, pour que ces gens aient à manger ? Jésus dit cela pour l'éprouver, car il savait ce qu'il allait faire, ajoute l'évangile selon Jean. Dans les évangiles synoptiques, Jésus fait le miracle pour répondre à une demande (des disciples). Chez Jean, Jésus sait à l'avance ce qu'il va faire, et c'est lui qui conduit les événements.
Pour Jean, les cinq pains et les deux poissons sont donnés par un jeune garçon, alors que, chez Matthieu, Marc et Luc, ils semblent apportés par les disciples.
Dans le 4ème évangile, Jésus ordonne aux disciples de ramasser les morceaux qui restent, alors que les synoptiques disent seulement : On emporta ce qui restait ...
Enfin, Jean ajoute la remarque finale de la foule : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde (v. 14), et la volonté de cette foule de couronner Jésus  (v. 15).
On remarque donc que Jean insiste sur la personnalité et la dignité de Jésus. Au détriment, semble-t-il, des disciples, qui ne sont plus des intermédiaires entre Jésus et la foule. Dans l'évangile selon Jean, les disciples ne prennent plus d'initiatives et n'apportent plus rien ; ils ne font plus que faire asseoir les gens et ramasser les restes.
C'est Jésus qui dirige toute l'opération. C'est lui qui décide du moment où le miracle aura lieu, et non plus les disciples. C'est lui qui distribue le pain.
Pourquoi tout est-il ainsi centré sur Jésus dans l'évangile selon Jean ? Pour préparer le discours sur le pain de vie, où Jésus dit essentiellement : Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim  (6, 35). C'est Jésus le pain de vie, personne d'autre. Le Messie, le Seigneur, c'est lui. C'est le thème essentiel de l'évangile selon Jean. D'où la remarque finale : celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde.
Certes Matthieu, Marc et Luc présentent aussi Jésus comme le seul Seigneur, mais avec d'autres arguments.
Les synoptiques mettent en avant la compassion du Christ.
Matthieu et Marc parlent de la pitié de Jésus pour la foule. Jésus est le Seigneur proche des humains. Il a pitié, compassion des hommes, et il invite ses disciples à avoir compassion aussi, et à participer à son œuvre d'amour. Il les invite en leur disant : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Jésus est un Seigneur à portée des humains.
Le Christ de Jean est plus éloigné, au-dessus des hommes ; encore qu'il intervient sans intermédiaire, mais il est divin, il se donne en tant que Dieu, comme l'agneau du sacrifice de la Pâque. Il est la manne qui vient du ciel, le pain de vie. Il est la vie et il donne la vie. C'est le message du chapitre 6 de l'évangile selon Jean.
On peut être surpris de la façon dont des textes bibliques rendent différemment compte d'un même événement, être gênés pas ces différences, et se demander lequel des évangiles il faut croire.
Certains peuvent même être choqués au point d'en arriver à ne plus rien croire du tout.
Ces diverses versions d'un même événement (pratique courante dans la Bible) illustrent le fait que l'importance du texte biblique réside dans son message et non dans sa correspondance aux faits. Face à de tels textes, nous sommes obligés de conclure que nous ne savons pas ce qui s'est vraiment passé, mais cela n'a pas d'importance, puisque le but de ces récits n'était pas journalistique mais théologique. L'important, c'est le message et non l'histoire. Alors, quel est le message de la multiplication des pains ?
La multiplication des pains est un signe.
Chez Matthieu, Marc et Luc, elle est le signe de la compassion et de l'amour du Christ.
Chez Jean, la multiplication des pains est le signe que l'homme n'a pas la vie en lui-même et que la vraie vie vient de Dieu révélé en Jésus-Christ.
Les deux messages ne s'opposent pas, mais sont complémentaires. L'Évangile, c'est l'ensemble des deux. C'est en ce double message que nous sommes invités à croire.


D.R

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