Renoncez à votre bon droit et faire sien le royaume de Dieu. (suite)

Renoncez à votre bon droit et faire sien le royaume de Dieu. (suite)

(Lc 6:29-30; Mt 5:39b-40, 42)

Source Q :

6:29   A celui qui te frappe à la joue, tends-lui aussi l'autre ; et à celui qui veut te traîner en justice et prendre ta chemise, laisse-lui aussi "ton" manteau.

5:41  "Et celui qui t'engagerait à faire un mille, fais-en deux avec lui"

6:30   A celui qui te demande, donne ; et à celui qui emprunte de tes biens, ne réclame "rien".

Il y a vraiment un risque à mal interpréter ces paroles. Jésus serait-il en train de nous demander de ne jamais dire « non » ? Serait-il en train de nous dire que nous devons en tout nous laisser faire ? Que le méchant doit rester impuni ? Que nous devons tout donner sans compter même si l’autre abuse de notre bonté ? Certainement pas. Un rempart doit être opposé au mal. Jésus n’a jamais toléré aucune compromission avec le mal. Il l’a combattu jusqu’au bout. Mais tout est dans le « comment ».

Comment combattre le mal ?

Sûrement pas en employant les moyens mêmes du mal ! C’est cela que Jésus veut nous dire. Le mal ne se vainc pas par la force, mais par son contraire qui est le bien. La violence ne se résout jamais par la violence, ni l’injustice par l’injustice.

Jésus n’est pas en train de nous donner un manuel de bonne conduite à appliquer dans nos vies quotidiennes. Lui-même n’a d’ailleurs pas appliqué à la lettre ces mots puisqu’il n’a pas tendu l’autre joue lors de son procès. Il a plutôt répondu à celui qui le frappait en lui parlant avec vérité, une vérité qui frappait plus fort encore !

« Tendre l’autre joue »… Qui n’a pas déjà entendu cette expression ? Elle est même entrée dans le langage commun, surtout d’ailleurs pour dire qu’on ne va pas la mettre en œuvre ! « Je ne vais quand même pas tendre l’autre joue sans rien faire, non ?! 

Voilà qui montre bien le côté incongru de la position recommandée par Jésus. Même pour nous, chrétiens, elle est loin d’être évidente… Pourtant, les paroles du Seigneur sont claires

Paroles radicales, choquantes, etc. Jésus serait-il donc « maso », qu’il demande à ses disciples de se laisser battre sans réagir ? Non, évidemment… Mais alors, comment comprendre de tels propos ? Comment les mettre en œuvre ? Y a-t-il un but caché derrière tout cela ? Je propose quelques éléments de réponse dans ces quelques lignes.

Contexte

N’oublions pas, d’abord, que cet enseignement de Jésus fait partie d’un plus grand ensemble, désigné par le Sermon sur la montagne. C'est le plus long discours de la part de Jésus dans un évangile. Un texte-clé dans son enseignement. Le Maître y décrit ce qu’est la volonté de Dieu pour ceux qui se disent ses disciples, en termes de comportement, de relations humaines, de spiritualité, etc. Les paroles de Jésus sont donc fondamentales pour la vie personnelle et la vie de l’Église… Vu leur caractère a priori impraticable, – aimer ses ennemis, quand même, c’est impensable ! –, on n’est guère surpris de de les voir inscrites dans le contexte d’un appel à la repentance. En effet, juste avant l’énoncé de ce Sermon, Matthieu présente Jésus, au tout début de son ministère, en train de prêcher :

[Mt 4] Dès lors Jésus commença à proclamer : Changez radicalement, car le règne des cieux s’est approché !

Le Sermon sur la montagne est un programme : le « programme politique » du Royaume des cieux qui en Jésus s’est approché. Mais il s’agit aussi d’un programme auquel il faut se convertir, tellement il se situe à l’opposé de nos pulsions naturelles. Sans « changement radical », sans repentance, nul ne pourra comprendre le bien-fondé des exigeantes paroles de Jésus. Il faut un changement de mentalité pour voir les choses comme Dieu les voit – et pas comme nous nous aimerions les voir ou comme elles nous sembleraient « normales ». « Le royaume des cieux s'est approché », c'est l'enseignement de Jésus qui est donc donné il faut y adhérer le comprendre et le faire sien, pour que ce royaume devienne « au dedans de nous ».

Faire sien le royaume de Dieu qui s'est approché de vous.

Lorsque Jésus commença son ministère public, le peuple juive attendait depuis plusieurs siècles déjà l’instauration du « royaume de Dieu » qui avait été abondamment promis par ses prophètes. La lecture de ces prophéties, notamment celles de Nathan (2 Samuel 7.12-16), de David (Psaume 110.1,2), d’Ésaïe (Ésaïe 9.5,6) et de Daniel (Daniel 2.44,45), permettait d’attendre et d’espérer la venue d’un règne de justice et de paix parmi le peuple Juifs (le peuple élu).

Les Juifs envisageaient ce royaume par rapport aux autres royaumes de ce monde. Il serait le plus grand, le plus puissant, le plus riche. Cette espérance était essentiellement « terrienne ». La Palestine étant alors occupé par les légions de César, on croyait naturellement que le règne de Dieu chasserait les Romains et rétablirait la gloire de David et de Salomon donc le grand royaume d'Israël dont le souvenir nostalgique avait sa place dans le cœur de chaque juifs pieux. C’est ce qui explique en grande partie le succès presque phénoménal de la prédication de Jean-Baptiste qui prêchait dans le désert de Judée :

« Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » (Matthieu 3.2)

Or, Jésus parlait lui aussi d’un royaume qui s'était approché, or Messie et royaume étaient pour les juifs inséparables.

Le royaume s'est approché

Après son baptême, Jésus retourna en Galilée et prêcha à peut de chose près le même message qu’annonçait Jean au peuple Jean Baptiste disait : « Le royaume est proche » (Matthieu 4.17). Pour Jésus « le royaume s'est approché » dans un premier temps, en suite il annoncera que : « le royaume est en vous » (certains traduise le texte grec « au milieu de vous » mais c'est une erreur de traduction) Cependant il enseignait en même temps à ses disciples de prier : « Que ton règne vienne » (Matthieu 6.10). Il illustrait, dans ses paraboles, les principes de ce royaume en faisant des comparaisons simples et lumineuses avec les choses les plus courantes de la vie quotidienne.

Plus tard, il envoya ses apôtres dans les villes et les villages avec ce message : « Le royaume de Dieu s’est approché de vous » (Luc 10.9).

Pourtant, Jésus ne présentait aucun des attributs de la royauté qu’attendaient ses contemporains. Issu d’une famille provinciale obscurs, Jésus était plutôt le contraire de ce que l’on attendait et de ce que l’on voulait. Jean 1:45- 46 : «  Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit: Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph. Nathanaël lui dit: Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? » Il semble qu'il n’avait reçu aucune formation dans les écoles rabbiniques de Jérusalem, mais on le voyait constamment en compagnie de personnes à la réputation abîmée, voire tout à fait mauvaise… et c’est souvent dans ce milieu qu’il recrutait ses amis ! Aussi, pouvons-nous percevoir toute la dérision qui se cache derrière la question que lui posent les Pharisiens dans le dix-septième chapitre de Luc : « Quand viendra le royaume de Dieu ? » Ces hommes aisés, respectés, dédaigneux, retranchés derrière leurs traditions, leurs idées préconçues et leurs préjugés, ne pouvaient entendre ce pauvre illuminé discourir sur le royaume de Dieu sans se moquer de lui.

Mais Jésus leur montre, par sa réponse, qu’ils s’étaient complètement égarés en ce qui concerne la vraie nature du royaume de Dieu :

« Le royaume de Dieu » dit-il, « ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au-dedans de vous » (Luc 17.20,21).

Malheureusement, les Pharisiens contemporains de Jésus n’ont pas été les seuls à nourrir de fausses conceptions au sujet du royaume de Dieu. Ainsi, de nos jours, certains conçoivent le royaume de Dieu comme étant de nature politique : pour eux, c’est l’union de l’Église et de l’État… c’est de cette conception que naissent les Églises nationales. Depuis les jours de l’empereur Constantin, le monde a vu le développement d’une organisation mi-politique mi-religieuse qui se mit à exercer un pouvoir temporel, à se mêler de questions politiques, à envoyer des émissaires aux capitales du monde et à se proposer comme arbitre des nations. Cela ne peut pas être le royaume de Dieu.

Mon royaume n’est pas de ce monde

À l’encontre de cette puissance politico-religieuse, Jésus a dit expressément :

« Mon royaume n’est pas de ce monde, répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas. » (Jean 18.36)

Donc nous nous ne devons pas attendre dans ce monde une intervention divine qui viendrait par miracle nous sauver du mal de ce monde.

Son royaume, quoique dans le monde, n’est pas du monde (Jean 17.14-16).

Pour d’autres, le royaume de Dieu se conçoit essentiellement dans l’optique matérialiste. Ce sera une espèce d’utopie sur la terre où les hommes vivront plus ou moins à leur guise. Ce sera la délivrance automatique de toute souffrance humaine, de toute misère, de toute violence, de toute guerre… et cela par un acte souverain du Tout-Puissant.

Cependant, selon les paroles de Paul dans sa lettre aux Romains

« Le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire. » (Romains 14.17)

C’est-à-dire qu’il est inutile de le rechercher dans les circonstances extérieures de notre existence, sauf dans la mesure où ces circonstances seront affectées et influencées par le renouveau de l’esprit humain qui est, comme nous le verrons, le siège profond du règne de Dieu.

Il est au dedans de nous.

En grec : εντος υμων εστιν : « il est à l'intérieur de vous »

Jésus ne pouvait être plus précis. Lorsqu'on lui demande à quels signes l'avènement du Royaume de Dieu sera reconnaissable, il répond qu'il se loge au plus intime de chacun. Tel est le sens de la préposition grecque "εντος", qui désigne non seulement l'intérieur mais l'intimité la plus profonde de l'être.

Cette localisation du Royaume de Dieu au coeur de l'homme a tellement surpris sinon choqué les théologiens et traducteurs chrétiens de ce texte de Luc, qu'ils ont purement et simplement "oublié" le sens de la préposition "εντος" pour proposer les versions suivantes : "au milieu de vous", ou encore "parmi vous". Ainsi laissaient-ils planer un doute sur l'endroit du Royaume, car "au milieu" peut signifier à la fois "parmi" ou "au centre de".

Les traducteurs qui ont rendu la préposition "εντος" par la formule "au milieu de vous"voulaient évidemment suggérer que Jésus et son groupe de douze disciples formaient le Royaume de Dieu, c'est-à-dire que l'Eglise était déjà là, et que le "divin" allait être désormais contrôlé par l'Eglise.

Le Royaume de Dieu est « au-dedans de vous » ou « au milieu de vous », voilà deux interprétations différentes, très lourdes de conséquences. Soit le Royaume de Dieu est une réalité intérieure, une dimension verticale qui renvoie chacun à lui-même, soit une réalité centrée sur la personne de Jésus, de ses disciples, de l'Eglise, privilégiant alors une dimension horizontale.

C'est une étude rigoureuse de l'emploi du mot "εντος" dans le Nouveau Testament qui va nous éclairer. Pour signifier « au milieu de vous » ou « parmi vous », les quatre évangiles utilisent, sans jamais prêter à confusion, non pas "εντος" mais "εν μεσω". Cette expression est employée 31 fois dans ce sens. Exemples :

« Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt.18, 20)

« (Jésus) assis au milieu des docteurs  » (Lc.2, 46)

« Une autre est tombée au milieu des épines » (Lc.8, 7)

« Comme des agneaux au milieu des loups » (Lc.10, 3)

Il apparaît clairement que l'expression "au milieu de", (εν μεσω) ne désigne pas une dimension verticale mais horizontale, sociale parfois, se référant à une certaine spatialité, à une extériorité.

Ce passage de Luc : « le Royaume de Dieu est au-dedans de vous » est une version manifestement ancienne et originale de Jésus. Jésus s'adresse à des pharisiens, supposés être ses ennemis. Or, c'est à eux qu'il déclare : « le Royaume de Dieu est à l'intérieur de vous ». Etant donné le contexte, Jésus indique à ses interlocuteurs soucieux de localiser de manière sensible le royaume de Dieu, qu'il est de nature spirituelle, à l'intérieur de l'être humain. L'intérieur de l'homme, son coeur, son intimité secrète est l'endroit où "règne" Dieu.

A cette étude scripturaire, pour une traduction correcte de la préposition "εντος", s'ajoute la façon dont Jésus présente le Royaume de Dieu. Pour parler du Royaume de Dieu, Jésus emploie des comparaisons paysannes, agraires. Jésus compare le Royaume de Dieu tantôt à une graine, tantôt à une levure et toutes ces comparaisons tournent autour de la qualité d'un comportement individuel.

S'agissant du Royaume de Dieu, les propos originels de Jésus s'articulent autour d'une structure qui pourrait se résumer par quatre verbes : enfouir - attendre - trier - récolter. C'est le rythme agraire : les semailles - le temps de la croissance - l'élimination des mauvaises herbes - la moisson.

Le Royaume de Dieu ressemble à un trésor enfoui dans un champ, à une semence semée au sillon de la terre ou encore à du levain plongé dans la pâte à pain. Voilà illustrée et justifiée la traduction correcte de la petite préposition "εντος": « le Royaume de Dieu est à l'intérieur de vous ».

La terre, le champ, la pâte sont des symboles qui évoquent le coeur de l'homme, son intimité secrète, là où un travail de germination est possible. L'image du Royaume de Dieu, telle que la concevait Jésus est liée à une notion de fécondité intérieure à l'homme.

Par cette toute petite phrase, Jésus, révèle quelque chose d'essentiel :

L'intérieur de l'homme, son coeur, son intimité secrète, est l'endroit où "règne" Dieu.

Il s'agit maintenant de relire le péricope en son entier :

« Les pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit : La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer et l'on ne dira pas : voici, il est ici! ou bien : il est là! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous » (Lc.17, 20-21)

En affirmant la dimension verticale de l'intériorité, Jésus fait exploser toute notion de spatialité : le Royaume n'est ni ici, ni là, ni au milieu, ni entre, ni parmi. Cela ne nous fait-il pas penser à l'entretien de Jésus avec la Samaritaine dans l'Evangile de Jean (4,23-24) :

«… l'heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité… Dieu est esprit et c'est pourquoi ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité ».

Souvenons-nous que, lorsque Jésus priait, il se mettait toujours à l'écart afin de rester dans l'intimité de sa relation à Dieu. Il le faisait souvent dans la solitude ou pendant la nuit. Il allait dans le désert, (Mc.I.35) sur une montagne (Mt.14, 23). Il souligne combien l'essentiel se rencontre dans l'intimité et le secret de son coeur (Mt.6, 6)

« Pour toi quand tu pries, retire-toi dans ta chambre et prie ton Père qui est là dans le secret. »

Et là encore, il ne s'agissait pas, dans le secret de son coeur, de réciter des formules comme le long texte des " Bénédictions", comme le voulait la coutume juive. Jésus rejette tous ces types de prière : « Ne rabâchez pas, comme les païens. Ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup, il se feront écouter. » (Mt.6, 7)

Quand Jésus passait des nuits entières en prière, il faisait donc autre chose que de réciter des formules. Il va "à l'écart", non pour demander quelque chose mais simplement pour être. Jésus, d'une façon ou d'une autre, a dû pratiquer quelque chose qui s'apparente à la méditation. On ne trouve aucun équivalent de cette attitude dans la tradition juive.

L'évangile de Philippe (Philippe, planche 116) est très explicite à ce sujet :

« L'Enseigneur disait : Mon Père demeure dans le secret. Il a dit : Entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père qui est là dans le secret, c'est-à-dire à l'intérieur de ton être. Ce qui est à l'intérieur dans le secret, c'est la plénitude (plérôme). Au-delà, il n'y a rien, elle contient tout. » À travers tout son enseignement et sa vie, Jésus a donc cherché à transmettre un enseignement spirituel, une transformation de l'être, une véritable science intérieure permettant une métamorphose, le passage d'un état d'être à un autre. Au temps de Jésus, la plupart des gens étaient fermés à cette nouvelle dimension. On ne proposait que des systèmes de croyances. Jésus propose une voie de transformation personnelle.

Il s'agit d'éveiller la réalité intime de l'être parce que, dit Jésus, là est le "règne" de Dieu.

Beaucoup de chrétiens envisagent le royaume de Dieu comme un événement encore à venir. Ce royaume, pour eux, ne sera instauré que lorsque Jésus reviendra à la fin de cette ère de grâce pour régner personnellement sur la terre. Mais cette théorie n’a pas de fondement biblique. Rien ne permet d’affirmer que le Seigneur reviendra prendre place sur la terre ou qu’il commencera son règne lorsqu’il apparaîtra. Le « royaume de Dieu  ses approché de vous » c’est-à-dire à votre portée mon enseignement vous permet de vous en saisir. Que Jésus règne à présent est abondamment attesté par les Écritures, notamment par le fait qu’il est assis à la droite de Dieu depuis sa résurrection (Matthieu 28.18; Marc 16.19; Actes 2.29-36; Éphésiens 1.20-23 etc.). Ce royaume existe donc d’ores et déjà pour ceux qui veulent le recevoir en eux selon ce qui nous a enseigné.

La nouvelle naissance

Pour accéder à cet état, à ce royaume, Jésus déclare qu’il faut naître de nouveau.

« En vérité je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. »

Ensuite, répondant à la perplexité de celui qui l’interroge, il ajoute :

« Je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » (Jean 3.3-5)

La nouvelle naissance est donc une condition indispensable pour entrer dans le royaume des cieux, et une vie nouvelle est le fruit de ce royaume dès qu’il a pris racine dans notre cœur, dans notre vie (Romains 6.4; 2 Corinthiens 5.17).

La vérité

Jésus dira plus tard au gouverneur Pilate, qui le questionnait :

« Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » (Jean 18.37)

Le royaume de Dieu est fondé sur la vérité, et ceux qui sont de la vérité font partie de ce royaume. Plus la vérité de l'enseignement de Jésus est acceptée et suivie par les hommes, plus le royaume de Dieu prendra de l’extension dans le monde.

Nous pouvons donc affirmer que la réalité du royaume de Dieu ne se trouve pas dans un état quelconque de ce monde, même renouvelé, ni dans les circonstances externes de notre vie sur cette terre, mais plutôt dans l’état de notre " âme " de "notre être" devant Dieu à la lumière de sa Parole. C’est dans la région de l’esprit, de la conscience et du caractère, des dispositions intérieures que le règne de Dieu veut commencer.

Comment doit-on ce comporter dans le royaume de Dieu.

6:29   A celui qui te frappe à la joue, tends-lui aussi l'autre ; et à celui qui veut te traîner en justice et prendre ta chemise, laisse-lui aussi "ton" manteau.

5:41  "Et celui qui t'engagerait à faire un mille, fais-en deux avec lui"

6:30   A celui qui te demande, donne ; et à celui qui emprunte de tes biens, ne réclame "rien".

Dans la culture juive à l’époque de Jésus, la gifle sur la joue droite n’est pas seulement une insulte, mais encore un geste de mépris. En effet, frapper sur la joue droite, obligatoirement avec la main droite (la gauche étant impure), oblige à gifler du revers de la main : c’est une offense, de quelqu’un qui s’estime supérieur envers un autre, considéré comme inférieur, qu’il méprise. Dans un tel contexte, tendre l’autre joue oblige l’offenseur à toucher de l’intérieur de la main, ce qu’un juif ne peut « offrir » qu’à un égal ou à une personne considérée pure. Il n’est donc pas question pour la victime d’adopter une attitude passive, comme on le croit, mais de poser un geste qui oblige son agresseur à reconnaitre que celui qu’il frappe est un être humain comme lui et égal à lui. Il s’agit d’un acte certes non-violent, mais aussi d’un acte qui vise à contester la légitimité de celui qui s’est arrogé le droit de frapper, à l’interpeler dans l’espoir de lui faire prendre conscience de l’injustice par lui commise.

On retrouve la même logique. À l’époque de Jésus, la tunique et le manteau étaient les deux éléments essentiels de l’habillement et de la lutte contre le froid. Le manteau servait souvent de couverture pour la nuit. Or, la loi interdisait de garder pendant la nuit le vêtement éventuellement pris en gage dans la journée (Ex 22.25-26 ; Dt 24.13). Jésus demande-t-il à ses disciples de renoncer à faire valoir leurs droits ? Si on se rappelle que le manteau est le seul bien qui ne peut être saisi, on peut deviner dans le geste préconisé plutôt un encouragement à provoquer le scandale : révéler à celui qui agit injustement la dureté de son propre cœur. Pas plus qu’avec la joue tendue, Jésus ne recommande ici une attitude passive. Il encourage par contre à un geste audacieux qui, sans répondre à la violence de l’agresseur par une autre forme de violence, vise à toucher sa conscience pour espérer lui faire réaliser son injustice.

Au lieu d’un mille, fais-en deux !

À l’époque de Jésus, un romain (la force d’occupation) avait le droit d’exiger d’un juif que ce dernier porte ses affaires sur une distance de 1,5 km (un mille = 1000 pas, soient env. 1480 m). Le geste, une nouvelle fois, ne doit pas être compris comme une invitation à subir passivement une injustice, mais à oser un geste pour ouvrir les yeux de l’adversaire sur l’illégitimité de son « bon droit ». Jésus entend utiliser le système pour provoquer un retournement de situation (peut-être même jusqu’à mettre le soldat en danger – car ce dernier aura du mal à justifier auprès de son supérieur qu’il a obligé quelqu’un à faire 2 milles). Dans cet exemple comme dans les autres, il n’y a nulle invitation à la passivité ou à la résignation. Le mal est un mal qui doit être dénoncé. Mais il s’agit de le faire avec les moyens de Jésus, car l’auteur du mal reste un être humain qu’il faut essayer de gagner pour le Royaume. Autrement dit : il s’agit d’attaquer avec amour la conscience de l’autre, ou, d’adopter une stratégie non-violente pour conquérir le violent .

Un appel à résister… avec les moyens de Jésus !

Il y a donc dans les instructions que donne Jésus un appel à résister. Il n’est pas question de laisser le mal s’exprimer sans rien dire ou faire, mais de réagir positivement pour interpeler la conscience de celui qui le commet. Non pas subir passivement, mais adopter un ou des comportement(s) qui permettront de sortir de la spirale de la violence.

Cependant, de telles actions ne peuvent se faire sur le mode de la violence. Elles ne peuvent en aucun cas porter atteinte à l’intégrité de l’adversaire. Elles doivent au contraire être empreintes d’amour à son égard (Mt 5.43-44), car sinon, l’engrenage de la violence ne fera que s’amplifier. Jésus attend donc de ses disciples une « soumission qui se révolte ». Quelle est la raison à cela ?

La raison de l’exigence

Finalement, ce qui est en jeu, c’est l’instauration d’une vraie justice : une justice supérieure à celle des scribes et pharisiens (Mt 5.20). D’un point de vue biblique, une telle justice dépasse notre conception de la justice (selon laquelle « justice est faite » quand un coupable a été puni). Elle vise, au-delà de la punition d’un coupable, la guérison et la restauration des relations, la réconciliation : ce que la Bible appelle la paix, le shalom, dans toutes ses composantes (des hommes avec Dieu, des hommes entre eux, des hommes vis-à-vis de la création). C’est cette justice que Jésus est venu accomplir (Mt 5.17), rendre possible, et vers laquelle il appelle ses disciples à tendre.

Parce qu’il existe des justices arrangeantes (qui profitent à ceux qui les exercent), des justices « bibliques » insuffisantes (le talion), Jésus commande à ses disciples de viser plus haut, à pratiquer dès maintenant la justice qu’il est venu instaurer, du Royaume : une justice qui, si elle prend en compte le mal et le dénonce, n’en vise pas moins – et d’abord – la guérison des relations, la réconciliation. C’est pour donner une chance à cette justice de s’établir qu’il faut tendre l’autre joue, laisser son manteau, faire un 2e mille… Il s’agit pour les disciples d’adopter des comportements et des attitudes qui permettront de sortir de la spirale de la violence, en interpelant les consciences de ceux qui commettent cette violence – dans l’espoir que de cette prise de conscience salutaire découleront la repentance, le pardon, et pourquoi pas alors une possible réconciliation. Mais il y a un prix : car pour le disciple, cela pourra signifier s’exposer, prendre sur soi, parfois à ses risques et périls…

« Tendre l’autre joue »… Il ne s’agit donc pas d’être « maso », mais d’être des disciples fidèles, qui contribuent par leur témoignage à l’avancement du Royaume de Dieu en ce monde. Car, dit Jésus,

[Mat 5] … si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez jamais dans le Royaume des cieux.

Donne à celui qui te demande et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.

Matthieu 5.42

Jésus a souvent fait allusion aux pauvres et aux indigents, en présence de ses disciples. Il s’adresse d’une manière précise à celui qui a reçu l’amour de Dieu, en lui rappelant que « Si quelqu’un possède les biens du monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? »  (1 Jean 3.17)

Cette recommandation incite quiconque a reçu Jésus-Christ, à tendre les mains et ouvrir le cœur, à celui qui se trouve dans le besoin.

La question se pose de savoir s’il est toujours possible de donner ? Les réponses qui sont faites peuvent varier, si l’on se laisse arrêter par les multiples difficultés qui sévissent dans le monde ; cependant, vous ne devriez pas vous y attarder, car à chacun, le créateur n’a-t-il pas légué des talents à faire fructifier ? Quelle que soit votre condition, vous possédez de quoi donner, puisé dans le trésor de la grâce divine : un sourire, une poignée de main, une aide pécuniaire, un geste amical, « des paroles agréables, douces pour l’âme et salutaires pour le corps ». (Proverbes 16.24)

Celui en qui l’amour de Dieu demeure, sait que les biens qu’il a reçus par grâce lui sont acquis, non point pour qu’il s’en accapare, mais pour qu’il soit en mesure de donner avec libéralité.

Quand quelqu’un a emprunté de vous, la restitution de votre bien vous semble légitime, puisqu’un prêt n’est ni un legs, ni un don. Pourtant, si votre bien ne vous a pas été rendu, le Seigneur répond : « … Ne réclame pas ton bien à celui qui s’en empare ; si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ; soyez donc miséricordieux comme votre père céleste est miséricordieux » (Luc 6.30, 34, 36).

En envisageant de donner, et en acceptant que l’on emprunte de vous, vous vous conformez aux recommandations du Seigneur et à sa parole rassurante, fidèle, juste qui vous affirme :

« Donnez et il vous sera donné, on versera dans votre sein une bonne mesure serrée, secouée et qui déborde ; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis. »
Luc 6.38

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