Pardon et guérison d’un grabataire audacieux.

On trouve dans les évangiles de Marc et de Luc, aussi des guérisons de paralytiques mais qui sont présentées différemment. Il n’y est plus question ici de Centurions indignes, mais de grabataires que l'on peut qualifier d'audacieux.

 Marc ch2, v 1 à 12 :

1 Quelques jours après, Jésus rentra à Capharnaüm et l’on apprit qu’il était à la maison. 2 Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. Et il leur annonçait la Parole. 3 Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par quatre hommes. 4 Et comme ils ne pouvaient l’amener jusqu’à lui à cause de la foule, ils ont découvert le toit au-dessus de l’endroit où il était et, faisant une ouverture, ils descendent le brancard sur lequel le paralysé était couché. 5 Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » 6 Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs : 7 « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » 8 Connaissant aussitôt en son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, Jésus leur dit : « Pourquoi tenez-vous ces raisonnements en vos cœurs ? 9 Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien de dire : “Lève-toi, prends ton brancard et marche” ? 10 Eh bien ! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre… » – il dit au paralysé : 11 « Je te dis : lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison. » 12 L’homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil ! ».

Quelques-uns voulant présenter à Jésus un paralytique cherche à entrer, mais la foule rend la chose difficile, il y a un obstacle. On verra, que cet obstacle est la loi elle-même, et de manière générale tout ce qui empêche les conversions. Finalement, les amis de notre grabataire forcent le passage et réussissent à entrer par une brèche qu'ils font sur le toit. Le midrash sait créer ce type d’images fortes et paradoxales, tel ce paralytique qui arrive en passant par le toit.

Le paralytique est sauvé (« tes péchés sont remis »). Nous devons savoir qu’il y a deux catégories de candidats au Salut : les Juifs et les autres peuples, (les goyim, les païens). Cette guérison-salvation des seconds ne plaît pas aux premiers qui sont jaloux de leur privilège. (C'est quoi ce truc …) « Nous n’avons jamais rien vu de pareil ! »

Dans Marc comme dans Luc cette guérison est suivie de l’appel de Lévi-Matthieu :

-Lc- Après cela il sortit, remarqua un publicain du nom de Lévi assis au bureau de la douane, et il lui dit : Suis-moi.

-Mc- En passant, il vit Lévi, le fils d’Alphée, assis au bureau de la douane, et il lui dit : Suis-moi. Et, se levant, il le suivit.

Cet appel fait partie intégrante de l’épisode du paralytique qui passe par le toit. Chez Matthieu, cet appel de Lévi est remplacé par l’épisode de la belle-mère de Pierre. C’est donc que les deux épisodes celui de la belle-mère de Pierre et celui de l'appel de Lévi ont la même fonction. Il nous faut donc trouver laquelle !

En réalité, l’appel de Lévi, comme la guérison de la Belle-mère de Pierre, représente le salut des Juifs.

Pour que cela apparaisse clairement, il faut d’abord décrypter cette histoire de douane et d’impôts. En effet la clé de l’énigme réside dans le rapport entre cette « douane », et cette terrasse, ou ce toit qu’on enlève, plus exactement qu’on découvre : apestegasan ten stegen, dit le grec. Cette tournure a un parallèle en Gn 8, 13

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u·isr nch ath- mikse e·thbe u·ira

Et Noé enleva la couverture de l’arche

Or ? ????? - mekhes est aussi la douane ou l’impôt. En Deutéronome Rabba, nous trouvons ce passage : des Rabbins qui se rendent chez l’épouse d’un sénateur romain, qui est un « craignant Dieu », pour lui demander d’intervenir auprès de l’Empereur et de faire annuler un décret visant à expulser les Juifs hors de l’Empire. On comprend que c’est un prosélyte potentiel, un païen proche de la conversion.

Ce sénateur se suicide même, avant l’arrivée des Rabbins, simplement parce que sa mort a pour effet de retarder de trente jours l’entrée en vigueur du décret. Admiratif, un des rabbins a cette formule pour dire que cet homme de valeur aurait mérité d’être circoncis avant de mourir, le locuteur s’exprime ainsi :

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Haval la-sefina she-halkha-la ve-lo natena ha- mekhes,

« Dommage que le navire s’en soit allé et n’ait pas acquitté la douane. »

Il faut comprendre que la circoncision est assimilée à un prélèvement.

L’épouse comprend l’allusion, et leur répond : Non pas, il s’est circoncis avant de mourir.

??? « mekhes » la soi-disant « douane » ou « impôt », est donc une évocation plus ou moins subtile de la circoncision. Vu sous cet angle, notre passage devient plus clair. C’est toujours le même refrain : les païens seront sauvés d’abord, car ils sont plus méritants. Ils sont prêts à tout pour “entrer”, serait-ce en contournant la porte, et en « enlevant le toit » (lire : en passer par la circoncision). Jésus commence donc par les guérir, eux, et ensuite seulement, en passant, il appelle Lévi, celui qui est issu de la circoncision, ou bien, autre variante, il va dans la maison de Simon-Pierre guérir ses proches (Pierre = Shim’on = ceux qui ont entendu = les Juifs = la circoncision).

C’est simplement redire, mais en l’inversant, la vieille tradition juive : le Messie viendra pour guérir Israël et, au passage, en passant, il rassemblera les nations, tous les peuples viendront vers lui. Inverser cet ordre signifie ici : hâter la fin. En guérissant les idolâtres et donc en les faisant entrer, on crée les conditions midrashiques de la fin des temps.

• Le midrash juif privilégie toujours les images ou les métaphores de la vie quotidienne (prêts, impôts, argent, objets…). En lisant les textes chrétiens, non pas comme des midrashim, mais comme des récits classiques, on ne décode plus ces métaphores, on associe systématiquement les Juifs à un élément matériel ou économique (la douane, les impôts, alors qu’il n’y a jamais eu de douane). Les rédacteurs n’avaient pas prévu une lecture au premier degré.

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