Étude sur Élie et Pin’has

Élie et Pin’has dans le Midrash

Avant d’entreprendre l’étude sur Élie et Pin’has j’ouvre une parenthèse sur : Josué la conquête de Canaan et la ville et les murailles de Jéricho, ainsi que la destruction de cette ville par Josué et les Israélites, selon l’histoire et l’archéologie. Celle-ci nous démontre bien que nous ne sommes pas ici dans un récit historique mais dans une construction midrashique un peu comme une fable ou comptine dont la conclusion sert l’enseignement d’une morale ou d’une vertu à acquérir. Par exemple l’histoire du loup et de l’agneau de M. de la Fontaine qui sert d’enseignement pédagogique, ou encore une parabole de Jésus. Quand Jésus nous parle d’un roi possédant une vigne ou organisant un repas de fête on ne doit pas se demander de quel roi il s’agit, ni de la date à laquelle la chose s’est produite.

Données archéologiques sur la conquête de Canaan

Au regard de l’histoire, révélé par les fouilles archéologiques, le récit exposé dans le Livre de Josué et la conquête de Canaan est une fiction littéraire. L'archéologie a pu établir un certain nombre de données du terrain, dont les principales sont exposées ci-dessous. Il ne s'agit aucunement de chercher à comprendre le récit, ce qui n'est pas le but de l'archéologie, il s'agit de présenter les données archéologiques qui sont en rapport avec ce récit. Dans ce récit, les lieux géographiques des batailles sont situés de façon assez précise, mais le flou sur la date de cette campagne éclair de quinze jours est celui sur la date de l'Exode : les dates proposées s'échelonnent entre 1600 et 1200 av. J.-C. La date que l'on peut calculer à partir du récit, vers 1450 av. J.-C., est impossible car, à cette époque, la Palestine est sous contrôle militaire égyptien. Le récit de l'Exode mentionnant la construction de la ville de “Ramsès”, qui ne peut être que Pi-Ramsès ou son double Tanis, on est conduit à situer cette conquête quelque part vers 1250 av. J.-C. La stèle de Mérenptah (1207 av. J.-C.) montre qu'elle ne peut pas être postérieure à 1200 av. J.-C. puisque la population d'Israël, d'après cette stèle, est alors installée en Palestine.

Le récit le plus célèbre est celui de la bataille de Jéricho, avec l'effondrement des murailles de la ville.

Les premières fouilles dans la région, dans la première moitié du XXe siècle, ont mis au jour une série de cités importantes avec des traces évidentes de destructions violentes, d'incendies très intenses, signes de confrontations guerrières indéniables. Ces premiers éléments, qui n’étaient pas encore précisément datés à l’époque de ce qu’on appelait, jusque vers 1960, “l’Archéologie biblique”, semblaient donner un crédit important au récit du Livre de Josué.

Données archéologiques récentes.

L'accumulation rapide des données et la précision croissante des datations ont progressivement jeté le doute sur la réalité historique du récit biblique. Avec la sophistication de plus en plus grande des techniques d'analyse et le progrès spectaculaire sur la précision des datations, ce doute s'est mué en une certitude négative. L’archéologue Pierre de Miroschedji signe, en tant que Directeur de Recherche au CNRS et en tant que directeur du Centre de Recherche Français de Jérusalem (équipe CNRS d'une vingtaine de personnes), un article dans la revue « La Recherche », dans lequel il écrit : « D’une façon générale, aucun archéologue sérieux ne croit plus aujourd’hui que les événements rapportés dans le livre de Josué ont un fondement historique précis. » Les fouilles et datations donnent désormais une image précise de la situation sur le terrain.

Jéricho est une agglomération qui date, dans sa phase initiale, de la première moitié du VIIIe millénaire. C’est une cité florissante à l’âge du bronze ancien. Depuis l'époque 1400 av. J.-C., où elle est devenue une petite bourgade sans mur d'enceinte, elle est abandonnée. Donc, à l'époque où le récit biblique situe sa conquête, vers 1250 av. J.-C., Jéricho est inoccupé depuis au moins 150 ans, elle est tombée en ruine (mais on n’y relève aucune trace de destruction guerrière), elle n’a pas de mur d’enceinte : le récit biblique de sa prise par les Hébreux est une talentueuse création poétique et non pas le compte rendu d’une bataille réelle. La même histoire se répète à propos d’Aï (autre ville du récit biblique, située près de Béthel) : les fouilles montrent une imposante cité mille ans auparavant (Âge du bronze ancien), mais un site depuis longtemps inhabité à l’époque où se situe le récit.

Pierre de Miroschedji explique comment il a fallu déchanter : les villes de la conquête énumérées dans le Livre de Josué tantôt n'existaient pas vers 1250 av. J.-C., tantôt elles n'ont pas été détruites, tantôt elles ont été détruites mais à une date différente. Cette situation, qui semble alors très énigmatique, devient au contraire très claire quand on ne se limite plus aux quelques villes du récit biblique et que l'on prend en considération l'ensemble du bassin oriental de la Méditerranée. D'une façon générale, ces destructions de cités s'échelonnent dans la durée sur plus d'un siècle et demi (et non pas dans le temps court du récit biblique). De plus, le phénomène est général dans tout le bassin oriental de la Méditerranée, touchant des régions qui n'ont clairement rien à voir avec les Hébreux. Ce phénomène de grande ampleur, lié au passage de l’Âge du bronze à l’Âge du fer, s'appelle un effondrement systémique, thème développé par Pierre de Miroschedji.

C’est lors de cet effondrement systémique entre l'âge du bronze récent et l'âge du fer que se produit l'invasion, à grande échelle, de ce que l'on appelle « les Peuples de la mer ». Les Philistins (Pelesets) sont les plus connus parmi ces peuples. Ce sont les plaines côtières qui sont touchées les premières, et aussi le plus sévèrement.

Les zones montagneuses sont, pour une raison géographique évidente, moins exposées. C'est dans ces régions montagneuses qu'apparaissent, vers 1200 av. J.-C., les premiers Israélites. On observe ensuite une croissance régulière de cette population, qui se poursuit à l'époque de David et de Salomon. Pour Pierre de Miroschedji, la culture israélite a émergé dans les collines du centre du pays, en continuité avec la culture cananéenne de l'époque précédente.

Que nous dit l’histoire au travers l’archéologie sur le royaume d’Israël à cette époque (sur Omri et les Omrides).

Le roi Omri est le fondateur du royaume d'Israël, royaume centralisé dans lequel les anciennes cités-États et les chefferies des hautes terres se trouvent administrées dans une capitale unique, Samarie, que fonde Omri. La dynastie des Omrides se poursuit avec Achab, fils d'Omri. Selon les données de l'archéologie, l'organisation de la Palestine en cités-États dans les vallées et en chefferies autonomes sur les hautes terres, telle qu'elle est décrite en détail dans les lettres d'Amarna, continue d’exister. Sous les règnes de David et de Salomon, nulle trace de l'existence d'un royaume centralisé avec Jérusalem comme capitale n'a été trouvée: si l'existence du roi David est bien attestée en tant que fondateur de la « maison de David », dynastie différente de la « maison d'Omri », on sait que le nom même de Salomon n'apparaît nulle part dans les royaumes voisins et que la taille de Jérusalem, petit village de montagne, n'est pas compatible avec celle de la capitale d'un grand royaume. On ne peut donc pas considérer le récit biblique, à cette époque, comme une source archéologique fiable ni considérer les dates qu'il indique comme historiquement établies.

La première trace archéologique de l'existence d'un état centralisé est constituée par le royaume d'Israël, que fonde le Roi Omri. Ce sont les royaumes voisins, Aram, Moab et Assyrie, qui nous fournissent des sources historiques par leurs archives et par trois stèles : la stèle de Tel Dan, la stèle de Mésha et l'Obélisque noir. La stèle de Tel Dan mentionne qu'Achab est roi d'Israël. La stèle de Mésha mentionne qu'Omri et Achab ont tous deux régné. L'Obélisque noir nous prouve que l'armée d'Achab figure parmi les plus puissantes de la région. Enfin, les archives assyriennes, en mentionnant la maison d'Omri, attestent que c'est effectivement le roi Omri qui fonde la dynastie. On sait ainsi, par l'archéologie et indépendamment du récit biblique, qu'Omri fonde la ville de Samarie, sa capitale, que son fils Achab lui succède et que la dynastie des Omrides règne de -884 à -842.

Premiers Israélites (hautes terres), Cananéens (vallées), Pelesets (côte)

Les Omrides règnent désormais, non plus sur une chefferie ou une cité-État, mais sur un territoire qui déborde très largement les hautes terres et les vallées centrales, s'approchant de Damas et incluant le Jourdain ainsi qu'une partie de Moab. Le palais omride de Samarie, en pierre parfaitement taillée, fait près de (2 500 mètres carrés). Deux grands palais omrides en pierre taillée, également, ont été mis au jour à Megiddo. L'attribution aux Omrides de ces palais est établie par des datations au moyen d'un style spécifique de poteries, par des marques laissées par des tailleurs de pierres, qui sont leur signature, communes aux trois palais, et par des datations au carbone 14.

L’archéologie nous apprend que sous les Omrides, le royaume d'Israël se développe considérablement, les modes de production s'industrialisent (les jarres dans lesquelles l'huile d'olive et le vin sont commercialisés ont désormais une taille standardisée), l'alphabétisation se répand (ces jarres portent des indications de provenance, destinées à être lues, le nombre d'ostraca retrouvés augmente rapidement) et une administration centralisée est en place (Samarie est un centre administratif important). Elle gère une population composite dont une partie est de culture israélite (d'origine nomade, sédentarisés sur les hautes terres) et une partie de culture cananéenne (d'origine citadine). La population du royaume d'Israël sera estimée à 350 000 habitants vers -800.

Les données archéologiques apportent la preuve qu’à l'époque des Omrides, Jérusalem n'est encore qu'un petit village de montagne sans fonction administrative, sans ostraca, sans jarres standardisées. L'absence d'ostraca montre qu'on n'écrit pas à Jérusalem à l'époque des Omrides : contrairement aux archives assyriennes et aux trois stèles, le récit biblique sur Omri et Achab n'est pas un document écrit à leur époque. La population totale du royaume de Juda sera estimée à dix fois moins soit 35 000 habitants vers -800. Le développement du royaume de Juda (fonction administrative, ostraca, jarres standardisées) ne démarrera qu'à la chute du royaume d'Israël, mais il sera alors foudroyant.

Les armées d’Hazaël, roi d'Aram-Damas mettent fin à la domination de ces puissants chefs militaires que sont les Omrides, comme à celle des Philistins (destruction de Gath).

Documents récents pour approfondir le sujet

Un film en 2 parties, « La Bible entre mythe et réalité » a été réalisé par John McCarty qui tente de savoir quels sont les véritables fondements du royaume d’Israël et dans quelles conditions ces livres ont été écrits. Pour cela, le présentateur se rend au Moyen-Orient, où il visite des sites archéologiques et rencontre des spécialistes.

Vous trouverez ce film en ligne sur notre page vidéo.

Élie dans la tradition Juive

Selon la tradition juive l’histoire d’Élie et de Pin’has (aussi nommé: Phinées, ou Phinée, ou encore Phinéas) est avant tout une construction midrashique :

Le sens le plus simple de cet enseignement est que la même âme est descendue au monde plusieurs fois : une fois dans le corps de Pin’has et encore une fois dans le corps d’Élie, et selon la tradition chrétienne dans le corps du Baptiste produisant un air de déjà-vu.

La même affirmation se retrouve à plusieurs endroits dans le Midrash. Il est intéressant de noter que les phrases « Pin’has est Élie » et « Élie est Pin’has » sont écrites de manière interchangeable. Lorsque le sujet est Pin’has, le Midrash dit que Pin’has est Élie. Quand c’est d’Élie qu’il s’agit, le Midrash dit qu’Élie est Pin’has.

Qui est ce ???? Pin'has dans l’Ancien Testament et que représente-t-il :

Selon la Bible, ce qui le caractérise c’est son zèle « sa Kina en Hébreu » envers Dieu; en langage moderne ou dirait : « un fou de Dieu». Il a assassiné Zimri, prince de la tribu de Siméon, et la princesse Madianite avec laquelle il était en train de se prostituer dans une tente. Cela devenait une chose courante commise par d’autres Israélites de la tribu de Siméon qui pratiquait la même corruption. Les conséquences de ces actes de débauche engendrèrent une catastrophe : Vingt-quatre mille personnes décédèrent, appartenant toutes à la tribu de Siméon selon la Bible.

Situation paradoxale : Lorsqu'il s'était agi de sévir contre les adorateurs du veau d'or, c'est toute la tribu de Lévi qui s'était réunie autour de Moïse (Exode 32, 26). À présent, c'est l'ensemble de la tribu de Siméon qui se souille avec son chef.

Autre paradoxe, ce sont ces mêmes tribus de Siméon et de Lévi, aujourd'hui dressées l'une contre l'autre qui selon l’Ancien Testament ont massacré les habitants de Sichem (Genèse 34, 25), au grand déplaisir de leur père Jacob.

Lorsque celui-ci, sur son lit de mort, a béni ses enfants, il a associé dans le même verset Siméon et Lévi : « Maudite soit leur colère, car elle est puissante, et leur fureur, car elle est dure. Je les répartirai dans Jacob, et les disperserai en Israël » (Genèse 49, 7).

L’affaire de Zimri nous fait assister à la première étape du midrash de cette dispersion, qui sera suivie d'une seconde, beaucoup plus importante : La tribu de Siméon sera enclavée dans celle de Juda (Josué 19, 1), dans laquelle elle finira par se fondre.

Quant à celle de Lévi, qui se consacrera aux fonctions sacerdotales, elle se répartira à travers tout le territoire de la terre d’Israël.

Siméon et Lévi les fils de Jacob, étaient unis dans le même zèle et le même fanatisme lorsqu'ils s'en sont pris à Sichem.

Dans cette histoire de Siméon et Lévi on retrouve le même intégrisme cette même similitude du rejet des unions mixtes. (Enfants d’Israël et peuples étrangers).

Dina sœur de Siméon et Lévi fut enlevée et violée par un certain Sichem, fils de Hamor, prince du pays, de toute évidence, figure éponyme des populations locales. En fait, Sichem l’aimait réellement et il manifestait le souhait de l’épouser. C’est pourquoi son père Hamor se présenta devant Jacob pour négocier un accord matrimonial. Mais les fils du patriarche, Siméon et Lévi, arrivés un peu plus tard s’indignèrent de cela et s’opposèrent à l’union. Face à leur hostilité, Hamor proposa même une alliance entre leurs populations respectives et offrit aux Israélites l’hospitalité et même le droit de prendre pour épouses des femmes du lieu. Les frères de Dinah n’avaient nullement l’intention de pardonner et ils posèrent des conditions très dures au déroulement des noces : Sichem, devra en effet, subir la circoncision et en même temps que lui, tous les habitants mâles de son peuple. Le véritable objectif de la manœuvre étant naturellement de rendre inacceptable la proposition et faire de Sichem des adversaires et non des alliés. Hamor et Sichem acceptèrent néanmoins et annoncèrent à leur peuple qu’il fallait agir de la sorte, que les Israélites avaient des intentions pacifiques et qu’une cohabitation serait alors possible. Mieux, ils mettraient leurs biens en commun et deviendraient un seul peuple. On procéda à la circoncision générale. Or selon la Loi du lévitique la repentance et la circoncision ouvraient le droit à être considéré comme faisant partis du peuple juif celui de la promesse. Mais quelques jours plus tard, alors que les Sichemites souffraient encore des suites de l’opération, Siméon et Lévi entrèrent dans la ville et sans trouver la moindre opposition, tuèrent tous les hommes.

Or dans notre péricope, Pin’has se voit récompenser par Dieu, pour son geste, certes violent, mais apparemment salutaire pour le peuple, en recevant le titre de prêtre, transmissible à ses descendants.

L’énigme n° 1 de cette péricope est la suivante : Pourquoi Pin’has n’était-il pas Cohen, puisqu’il l’est devenu par la volonté divine suite à son acte salutaire pour la collectivité, alors qu’il était le fils d’Ela’zar, lui-même fils et successeur à la grande prêtrise, d’Aaron. Or, tous ceux qui descendent d’Aaron, encore de nos jours, sont Cohen (prêtres) ?

Énigme n° 2, beaucoup plus ardue celle-là : Si vous observez la lettre Vav ou waw (?) du mot Shalom (???????) « C’est pourquoi tu annonceras que je lui accorde mon alliance de « ??????? » (paix/Shalom) paisibilité ou béatitude. » Verset 12 du chapitre 25 dans n’importe quel rouleau de la Torah, vous constaterez qu’il est coupé. Or, une telle coupure rend ???? Passoul (c’est-à-dire invalide) un rouleau de la Loi (la Torah). 

Le mot Shalom est écrit en hébreu (de droite à gauche) ??????? Shin, Lamèd, Vav et Mèm final. Or le (?) Vav de ce mot est exceptionnellement et volontairement coupé en son milieu lorsqu’on l’écrit dans le Séfèr Torah, dans le livre ou rouleau de la Torah. Pourquoi en est-il ainsi ? 

Le midrash nous dit que Pin’has aura une longévité extraordinaire et sera Cohen Gadol, c’est-à-dire Grand-prêtre, très longtemps puisqu’il est intemporel comme l’est autrement Melchisédech, ce nom, en hébreu, signifie roi de justice, Salem ou Schalem est l'adjectif du substantif Schalom, paix, et signifie : celui qui a la paix. Il est dit « prêtre du Très-Haut » (El-Elyôn). 

« Selon les grands commentateurs de la Torah, comme Rachi, il s'agirait de Sem, ou une réincarnation de Sem le père des Sémites, fils de Noé. (N’oublions pas que nous sommes en plein Midrash). Dans l'Épître aux Hébreux du Nouveau Testament, Jésus est déclaré « Grand prêtre pour toujours » (intemporel) à l'image de Melchisédech. Melchisédech est donc une autre figure midrashique de l’Ancien Testament. Nous avons dit qu’il est dit roi de Salem, c’est-à-dire roi de paix. C’est lui qui bénit Abraham en offrant du pain et du vin. Car il est prêtre et Abraham le reconnaît comme tel, en lui donnant un dixième de tous ses biens.

Cette scène est représentée dans de nombreuses églises fait partie de la tradition chrétienne. Elle est souvent placée face à une autre offrande, un autre repas, le dernier que Jésus partage avec ses disciples, à quelques heures de sa mort.

Ainsi, ce geste ancestral, entre Abraham et Melchisédech, est notre aujourd’hui. À chaque fois que nous partageons lors de la sainte cène le pain et le vin. Ainsi selon notre midrash Melchisédech est une figure de Sem fils de Noé et aussi préfigure de Jésus-Christ comme Pin’has est Élie et Jean Baptiste.

Puisque le prophète Élie a vécu des centaines d’années après Pin’has, il serait apparemment plus logique de dire qu’« Élie est Pin’has », et non l’inverse. Après tout, Pin’has vécut avant Élie, et fut donc Pin’has avant d’être Élie, mais dans le midrash cela n’a aucune importance puisque l’histoire du midrash « ce que le midrash enseigne » est intemporel. Nous pouvons donc relier dans le midrash passé présent et futur, comme une seule et même histoire avec un air de déjà-vu. Les Moabites sont les ascendants du Messie qui est aussi figure de Josué, aussi voilà pourquoi Dieu fait épargner les Moabites.

Selon une explication du Zohar, l’âme d’Élie fut en fait créée lors des Six Jours de la Création, alors que selon le même Zohar toutes les âmes préexistent depuis le commencement de la création. Avant de descendre dans un corps, une âme prend l’engagement devant Dieu d’accomplir sa mission sur terre par les actes pieux. 

Depuis lors, son existence fut celle d’un ange, « messager » mais, à l’occasion, il descend dans le monde sous forme humaine, né d’une mère et d’un père. Il y a donc bien dans la tradition juive l’idée de la possibilité de « l’incarnation successive d’une âme ».

Voilà pourquoi le Midrash utilise parfois l’expression « Pin’has est Élie », même si Pin’has est né en premier et dans ces mêmes conditions on peut dire qu’Élie est Jean Baptiste : l’essence, l’âme d’Élie existait avant que Pin’has ou Jean Baptiste naquirent. Il pourrait ainsi en être de même pour chaque âme.

La « rotation » des âmes à travers une succession de vies, ou ?????????? « guilgoulim » – fait partie intégrante de la foi juive. Cet enseignement existe depuis toujours tout au moins depuis l’exil, date de la compilation de la Torah. Et il est fermement ancré dans les écritures et traditions. Il faut bien comprendre cette croyance Juive et la littérature qui va avec pour comprendre l’enseignement de Jésus selon les évangélistes au travers les évangiles ainsi l’on comprend la phrase de Jésus (Jean 8, 56-58): « 56 Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu'il verrait mon jour: il l'a vu, et il s'est réjoui. 57 Les Juifs lui dirent: Tu n'as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham! 58 Jésus leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, je suis. » Car  Abraham reçut la bénédiction de Melchisédech et Abraham lui donna la dîme sur tout.

Pourquoi grand Prêtre et sacrificateur selon Melchisédech et non pas de Pin’has et d’Aaron ? Parce que la prêtrise (qui doit rapprocher ou relier les hommes à Dieu) « l’enseignement » de Pin’has, d’Élie, de Jean Baptiste, n’est pas parfaite. On remarque tout de suite cette dualité ou complémentarité selon notre compréhension que l’on retrouve entre Jean Baptiste et Jésus, deux visons du royaume de Dieu différente et en oppositions.

De ce fait le magister de Pin’has se distinguera par une béatitude mais qui en fait sera parfois déplacée, en effet il tolérera des agissements fortement répréhensibles comme le Péssèl, (l’idole) l’effigie, de Mikha, « qui est semblable à Dieu » qui sera proche d’être une idolâtrie. Le Natsiv dans son commentaire explique que cette béatitude n’est pas vraiment viable à la dimension humaine, et peut devenir un manquement à notre dimension. D’où la rupture dans cette lettre Vav de Shalom. (Qui donc ne doit pas être considéré comme la paix véritable)

En fait la béatitude nous le verrons sera trouvé et par Pin’has en étant Élie dans la grotte d’Horeb, et Jean Baptiste qui est Pin’has au travers Élie, le trouvera dans son cachot de prison image midrashique de la grotte d’Horeb où Élie trouve refuge en fuyant Jézabel. C’est là au calme dans sa cellule que Jean-Baptiste peut s’interroger sur qui est Jésus ce Messie qu’il ne comprend pas, (Matthieu ch11, v 1-2) tout comme Élie dans sa grotte d’Horeb discute avec Dieu.

On apprend les noms des provocateurs tués par Pin’has : Zimri fils de Salou, chef de famille paternelle des Siméonites, et Kozbi fille de Tsour, chef des peuplades d’une famille paternelle de Madian. Dieu demande à Moïse d’attaquer en représailles les Madianites. Curieusement, Il ne demande pas de s’en prendre aux Moabites, alors qu’elles ont été les principales instigatrices de la débauche et de l’idolâtrie. Rachi justifie que Moab est alors épargné au nom du futur : en effet la naissance de Ruth la Moabite grand-mère de David en dépend. Or Jésus le Messie selon les évangiles et donc du plan de Dieu, doit être un descendant de David et donc de Ruth une Moabite. Si Dieu ordonne le massacre des Moabites il empêche la naissance du Messie.

Ensuite Dieu ordonne à Moïse de faire un recensement des enfants d’Israël. Donc l’acte ou l’apparition dans les textes de la Torah de Pin’has à lieu avant un recensement. (Voir chapitre précédant « étude sur le jour de Yahvé »).

Ensuite un homme pour succéder à Moïse pour conduire les tribus d’Israël en terre promise est désigné par Dieu. Il s’agira de Josué figure Jésus qui est même que Josué) Dieu ne choisit pas Pin’has comme on pourrait s’y attendre. Dieu nomme Josué en hébreu ?????? Yehoshua (Deutéronome 3:21), ce qui signifie « Dieu sauve » il est miséricordieux et juste, il est plein de compassion; il nous sauve de la perdition et nous réconcilier avec Lui pour avoir la vie éternelle.

Et Pin’has signifiant en Hébreux « visage de pitié » paradoxalement il semble n’en avoir aucune, comme Élie n’en a aucune semble-t-il. Pourtant il faut comprendre l’opposition entre Pitié « Pin’has » et  compassion « Dieu sauve » pour distinguer la dualité et le choix de Dieu.

Selon Paul Ricœur la compassion diffère de la « simple pitié, où le soi jouit secrètement de se savoir épargné ». Ainsi, développe Zielinski, « le sentiment de pitié aurait pour caractéristique le retour sur soi ou la projection de soi en l’autre, guidé par la crainte de souffrir. Effet de miroir : j’ai pitié dans la mesure où j’ai l’intuition que cette souffrance pourrait me toucher aussi – et c’est alors sur ma possible souffrance que je m’apitoie. [...] Or, dans la compassion, ce n’est pas le versant de crainte qui domine ou nous anime, mais la bienveillance qui tourne vers autrui.

On retrouve aussi dans notre midrash un lien reliant Pin’has à Caïn, en effet tous deux commettent un meurtre par jalousie dont Dieu en est la cause. Pour Caïn, celui-ci tue Abel son frère parce que Dieu selon lui, préfère le sacrifice offert par Abel que le sien ; Jaloux de ce fait Caïn tue Abel. Pour Pin’has celui-ci est jaloux (plein de zèle) pour Dieu ; il veut venger l’offense faite à Dieu par les Siméonites. Alors il tue leur chef Zimri et Kosbi fille du chef Madianite pour venger Dieu et arrêter l’hécatombe que cela a engendrée. Nous avons vu dans le chapitre précédent que le recensement et l’hécatombe sont liés et ne vont pas l’un sans l’autre et que le recensement déclenche l’hécatombe même si ici l’hécatombe précède le recensement mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans un midrash et que les événements liés sont intemporels comme un air de déjà-vu. Donc dans le midrash peu importe que l’hécatombe précède le recensement.

Dieu veut arrêter la violence en protégeant de la violence Caïn le meurtrier en le marquant d’un signe ; Dieu protège Pin’has de la vengeance violente en marquant Pin’has d’un signe il sera Cohen (prêtres). Son rôle sera de relier, de rapprocher le peuple à Dieu. Il semble bien que si Dieu n’agissait pas ainsi, cela déclencherait des catastrophes qui compromettraient son plan et donc le futur et peut-être même l’humanité future.

On peut en donner de nombreux exemples. Le Ramban, un des plus grands commentateurs de la Torah (et du Talmud) et figure éminente de l’histoire juive, suggère à plusieurs reprises que la réincarnation est la clé de la compréhension des profonds secrets liés à la mitsva du ????? yiboum (le lévirat : l’obligation faite au frère d’un homme décédé sans enfant, d’épouser la veuve). Dans son commentaire sur Genèse 38, 8, il soutient que Yéhouda (Josué) et ses fils connaissaient le secret de la réincarnation, et que cela constitua un élément déterminant de leurs attitudes respectives à l’égard de Tamar.

La responsabilité nous incombe...

La compréhension juive de la réincarnation est cependant différente de la doctrine bouddhiste. Elle ne conduit en aucun cas au fatalisme. À chaque occasion de sa vie où il doit prendre une décision morale, un Juif a toujours le libre arbitre. Sans cette liberté de choix, combien serait-il injuste de la part de Dieu d’avoir des exigences envers nous - en particulier lorsque récompense et punition sont en jeu ! La réincarnation n’implique pas la prédétermination. Elle est plutôt à considérer comme une opportunité pour l’âme de rectification et de perfectionnement.

Le saint Ari a expliqué cela très simplement : chaque Juif doit accomplir l’ensemble des 613 mitsvot, et s’il n’y parvient pas en une seule vie, alors il revient encore et encore jusqu’à ce qu’il finisse. C’est pour cette raison que les circonstances de la vie peuvent conduire une personne vers certains lieux, l’amener à faire certaines rencontres, etc., d’une manière qui peut nous paraître aléatoire, ou pas. C’est en fait la providence divine qui offre à chaque individu les opportunités dont il a besoin pour réaliser les mitsvot particulières nécessaires au perfectionnement de son âme. Cependant, la responsabilité nous en incombe entièrement. À l’instant de la décision, quelle que soit la situation, le choix est nôtre.

Donc selon la tradition juive et le midrash, Élie et Pin’has sont une seule et même âme bien que deux individus différents, ils menèrent des vies similaires et leurs chemins se complètent. Pin’has est un symbole de zèle pour Dieu et Ses commandements. 

Élie est l’archétype intemporel du prophète ???? (jaloux)

« Les seules prophéties qui ont été mises par écrit sont celles qui étaient destinées à toutes les générations » (Yalkut Shimoni) (en hébreu : ????? ??????, ou simplement Yalkut, est une compilation aggadique sur les livres de la Bible hébraïque) Eliahou Hanavi (le prophète Élie) fait partie de cette catégorie de prophètes dont les livres historiques de la Bible nous révèlent l'existence mais qui n'ont laissé aucun message écrit : Le texte sacré les cite nommément (ex. les prophètes Nathan, A'hia Hachiloni, etc.) à l'occasion d'une de leurs missions, ou même anonymement (comme dans l'expression ?????? ??????? Benei Hanevilm, les « disciples des prophètes »; ou : « un homme de Dieu », ??? ?????? Ich Ha-Eloim, comme dans I.Samuel 3, 27). Le prophète Élie n'est pas semblable à ces personnages épisodiques, car il tient le rôle principal dans presque tous les derniers chapitres du premier Livre des Rois et les deux premiers du second Livre. Pourquoi n'a-t-il donné son nom à aucun livre du Tanakh ? Est-ce parce que son message n'était destiné qu'à sa seule génération ? Il faut rappeler d'abord brièvement les renseignements donnés dans les Livres des Rois sur sa personne et son action. Élie le prophète entre brusquement en scène au premier verset du chapitre 17 de I Rois, pour annoncer, de sa propre initiative, au roi Achab une période de sécheresse que seul son bon vouloir limitera. Puis il s'enfuit dans la vallée du Kérit où il est nourri par des corbeaux, puis à Tsarfat (Sarepta) où une pauvre veuve assure sa subsistance par des voies également miraculeuses - en reconnaissance il ressuscitera son fils -. Cependant, Achab le fait rechercher partout vainement jusqu'au moment où Dieu intime à Élie l'ordre de paraître devant le roi d'Israël afin de mettre fin à la sécheresse. Le prophète lui demande alors de convoquer tout Israël, ainsi que les prophètes de Baal et d'Astarté, au Mont Carmel, afin que le peuple choisisse entre Dieu et Baal. (Il semble bien que Dieu ne lui a rien demandé de cela). À la fin de cet épisode fameux, les assistants convaincus par le miracle provoqué par Élie proclament : ?????? ???? Hachem Hou Ha-Eloim, littéralement : « Le nom est le vrai Dieu! » Comprendre « le nom » comme Yahvé. Alors : Élie leur dit « Saisissez-vous des prophètes de Baal et que pas un n'échappe! » On les saisit, Élie les fit descendre vers la vallée de Kichôn et les y égorgea. Un moment après la pluie tombe et Élie raccompagne Achab à Jezréel. Mais la en face de l’acte violent Élie la reine Jézabel veut venger ses prophètes. Élie s'enfuit alors au désert et demande à Dieu la mort ; Dieu le restaure, et le remet en marche; Élie atteint, après une marche de quarante jours, le Horeb où il est l'objet d'une Révélation divine et où il reçoit une triple mission concernant l'avenir du royaume d'Israël : la consécration de Hazaél comme roi de Syrie, de Jéhu comme roi d'Israël et d'Élisée comme devant être son successeur.

Totalement absent du chapitre 20 où c'est un autre prophète qui annonce à Achab sa future victoire sur Ben Hadad, l'actuel roi de Syrie, il réapparaît au chapitre 21 pour reprocher au roi d'Israël l'assassinat de Nabot, lui annoncer le châtiment divin pour lui et ses descendants. C'est la dernière fois que les deux hommes seront en présence, car ce sera Jérémie qui prophétisera la défaite des armées judéo-israélites. Il interviendra pourtant encore auprès d'Achazia, fils d'Achab, pour le blâmer d'avoir envoyé consulter l'oracle idolâtre et lui prédire sa mort prochaine. Enfin, on le voit marcher vers l'aboutissement de son destin terrestre en compagnie d'Élisée : des troupes de prophètes les rencontrent et annoncent au disciple : « Dieu enlèvera en ce jour ton maître au-dessus de toi. » Ensemble ils traversent le Jourdain qui s'ouvre lorsque Élie le frappe de son manteau. (Ici ce manteau à son importance nous le retrouverons sur les épaules de Jean-Baptiste qui Baptisera au Jourdain) Soudain, « tandis qu'ils devisent en marchant, un char et des chevaux de feu les séparent et Élie monte au ciel dans l'ouragan », tandis qu' Élisée s'écrie : « Mon père, mon père, char d'Israël et ses cavaliers ! » ; alors déchirant ses vêtements en signe de deuil, il ramasse le manteau de son maître pour continuer son œuvre, nanti d'une « double part » de son inspiration prophétique.

Voilà donc résumé l'essentiel de ce que le texte biblique nous rapporte sur la personne et l'activité du prophète Élie. Mais pour en saisir la véritable portée et l'entière signification de ses gestes et de ses paroles, il faut les relire dans l'éclairage de l'exégèse traditionnelle, de la « Torah chéb'al pé » (Talmud et Midrash) qui les replacent dans l'ensemble de la Révélation biblique et dans le plan divin de la création. Il apparaîtra alors que, si Élie n'a laissé aucun texte écrit à l'intention des générations futures, ses actes contenaient implicitement une leçon qui leur était destinée : c'est la dimension extratemporelle du prophète qui la fera apparaître

L'HOMME ET LE PROPHETE 

À l’égard de l'Homme, le texte biblique se montre lui-même fort mystérieux, comme à dessein. Il ne nous révèle ni sa tribu, ni le nom de ses parents, ni sa situation de famille pour la bonne et simple raison qu’Élie est comme Melchisédech une construction midraschique. «  Élie, le Thischbite, l’un des habitants de Galaad, » (1 Roi 17,1). Les commentateurs s'interrogent sur la signification géographique de deux mots :sans doute Tichbi signifie-t-il « habitant de la ville dite Tochavei Guil'ad ». Quant à sa tribu, la Loi Orale propose trois hypothèses : Selon R. Eléazar, Elle appartenait à la tribu de Benjamin, cardans I Chroniques 8,27, on cite un Elia parmi les descendants de Benjamin. R. Nehourai, s'appuyant sur Josué 13,25, le fait descendre de Gad puisqu'il venait de Guil'ad, que Moïse, selon ce verset, avait accordé à cette tribu. Pour d'autres, Élie est COHEN : on enseigne, en effet, qu’« Élie c'est Pin'has» (Nomb. 25) dont il a incarné l'attitude intransigeante et résolue, pour l'honneur de Dieu et de Sa Loi, la????  Kiné (envier, jalouser). On explique également par cette dignité sacerdotale d'Élie sa demande à la veuve  : « fais-m'en d'abord une petite galette» pourquoi à lui d'abord ? Parce qu'il était COHEN et avait droit à la ??? hallah, à l'époque du Temple, cette part revenait au Cohen, qui en tirait sa subsistance. Un verset évoque son vêtement, son allure (II Rois, 1,8) : «un homme poilu aux reins ceints d'une peau de bête » . Son manteau de prophète, ???????? (‘addereth), est mentionné à plusieurs reprises. Quant à son mode de vie nomade, la Bible nous apprend que, pour la croyance populaire, Élie était sujet à des disparitions soudaines et mystérieuses : « l'Esprit de Dieu t'emportera je ne sais où » (18,12) - « peut-être l'Esprit de Dieu l'a-t-il emporté et jeté sur l'une des montagnes ou l'une des vallées » (II Rois, 2, 16). Si le Tanak enveloppe d'un profond mystère le côté humain du prophète Élie, il nous révèle plus clairement - sans qu'on sache pourtant toujours les interpréter - son action et son attitude de prophète, et c'est là, sans doute, qu'il veut que nous cherchions la leçon des générations. Deux traits les caractérisent : Sa ???? Kiné - son zèle vengeur ou justicier pour l'honneur de Dieu aux dépens d'Israël « un fou de Dieu » comme ces religieux terroristes que l’on rencontre encore hélas au cœur de nos sociétés du XXI siècle, et qui perpètrent leur attentant au nom de leur dieu. - Et l'abondance singulière des miracles qu'il suscite, l'un et l'autre s'expliquant par les exigences d'une situation nouvelle : pour retirer le Royaume d'Israël de l'abîme où il s'enfonce, afin d'éviter la catastrophe, Élie a recours à la réprimande, la violence, le terrorisme et le surnaturel. Il inaugure une nouvelle forme de Prophétie. Certes, tous les prophètes ont eu un seul et même but ; ils ont puisé à un seul et même fond pour parvenir à leurs fins : maintenir Israël dans le bon chemin, dans l'Alliance, jusqu'à «la fin du temps », chacun selon sa force et sa génération. Mais Élie est le premier à parler un langage aussi violent, à manier la réprimande envers le peuple. Comme Moïse et Samuel, il est à son époque le dépositaire exclusif, si l'on peut dire, du ??? ?????, 'rouah hakodech', ou « esprit du Saint », et c'est par son intermédiaire que les autres prophètes reçoivent l'inspiration divine. Dans la Torah, on nous rapporte que l'esprit prophétique des '70 Anciens qui devaient assister Moïse dans sa tâche avait été prélevé sur celui de Moïse. De même de nombreux bene ha neviim  (les disciples du prophète) bénéficiaient grâce à Élie de l'inspiration céleste. Comme lui, ils étaient prophètes de malheur et de colère; comme lui haït par le peuple pour l'amour de qui ils exerçaient leur mission; comme lui persécuter par Jézabel. Le chapitre XVIII nous présente Ovadia qui en a sauvé et caché une centaine dans des grottes ; on en voit d'autres intervenir dans les guerres d'Achab. Élie se sent le père de ces prophètes «maudits». Il en souffre et exhale son désespoir au désert devant Dieu (19-4) : « Seigneur, prends mon âme... car je ne suis pas meilleur que mes pères ! », c'est-à-dire que je suis inférieur aux prophètes qui m'ont précédé, moi dont les disciples ne savent, à mon exemple, que proférer reproches et menaces. Il croyait que sur lui seul reposait la responsabilité du peuple et la charge de transmettre la mission prophétique : il «ordonne» son successeur, Élisée, cas unique de cette sorte de transmission depuis la ????? ?????? La semikha « imposition [des mains] de Moïse à Josué. Josué est investi du pouvoir de diriger le peuple car Moïse à commis des erreurs, de même Élisée reçoit des mains d’Élie sa mission prophétique parce qu’Élie à commis durant la sienne des erreurs sous l’emprise de sa ???? Kiné - son zèle vengeur. Et quand Élisée formulera devant lui le vœu suprême de bénéficier d’onction, « une double part » de son Saint-Esprit, ce n'est pas une inspiration deux fois plus puissante que celle de son Maître qu'il demandera, mais part du ???? bekhor « du premier-né » par rapport aux autres prophètes. Mais si Élie est un précurseur dans la réprimande, il l'est aussi dans la ???? Nehama (la consolation»). S'il a mis tout son zèle à accuser et punir Israël devant Dieu - parfois même malgré Dieu, comme certains exemples nous le montreront - apparemment sans aucune pitié, il a, par ses miracles, fait des allusions consolantes à un avenir de bonheur. Ces allusions, la Loi Orale les décèle - entre autres - dans la résurrection de l'enfant à Sarepta, préfiguration de la Résurrection des morts ; dans la course d'Élie devant le char d'Achab jusqu'à Jezréel, évocation de la ???? Gueoula (la délivrance) messianique (à rapprocher de Jérémie 13, 11, et Osée 2 « ...car il sera grand le jour de Jezréel ») ; enfin dans son enlèvement mystérieux qui lui confère pour l'éternité la mission de protéger et d'instruire Israël. Pourtant son rôle historique ne semble guère l'y avoir préparé: c'est en accusateur qu'il se présente devant Dieu à plusieurs reprises. Un conflit l'oppose à Dieu, dont nous allons analyser maintenant les divers épisodes ; il veut la justice et la vengeance pour Dieu, malgré Lui. Alors que d'autres prophètes, comme Moïse, Jonas, Jérémie, n'ont lutté avec Dieu que pour défendre Israël, obtenir son pardon, Élie semble chercher à provoquer le châtiment divin, dans toute la rigueur, oubliant le principe enseigné par Salomon : «Ne dénonce pas un serviteur à son maître» (Miché 30) Sans doute est-ce par cette voie qu'il espère inciter le peuple à  ?????, Techouva (retour) et éviter la catastrophe finale qui causera la disparition des Dix Tribus dans l'Histoire.

PREMIER ÉPISODE : LA FAMINE L’ANNONCE FAITE A ACHAB

Élie entre de plain-pied dans l'Histoire au chapitre17, v. 1, où il se présente lui-même au roi, sans même mentionner son titre de prophète : «serviteur du Seigneur, Dieu d'Israël ». Le texte biblique ne précise pas les circonstances de cette première rencontre officielle, mais le Midrash, rapprochant ce verset de la péricope précédente, explique que les deux personnages étaient allés rendre une visite de condoléances à Hiel de Bethel qui avait reconstruit Jéricho, malgré l’interdiction de Josué, et vu périr l'un après l'autre ses fils, selon l'imprécation proférée jadis par ce dernier. « Ainsi, la prophétie de Josué s'est réalisée ! » fit remarquer Achab qui avait encouragé Hiel à persévérer dans son œuvre malgré les décès successifs de ses fils qu'il attribuait à une coïncidence due au hasard. « Mais celle de son maître Moïse ne s'est pas accomplie, comme il est écrit (dans le Chema) « Si vous vous détournez et servez d'autres dieux... la colère du Seigneur s'enflammera contre vous. Il fermera les cieux et il n'y aura plus de pluie ». Et Élie, de sa propre initiative, s'écrie : « Par le Dieu vivant, il n'y aura dans les années que voici ni rosée ni pluie sinon sur mon ordre ! » Son indignation l'a emporté devant ce ????? ???, hilloul hashem (La profanation du nom de Dieu) - car ce n'était pas Moïse que visait Achab, mais celui qui lui avait dicté ces paroles - il a juré, persuadé que Dieu ratifierait son serment (comme Il avait justifié après coup la conduite de Pin'has). En effet, Dieu laisse régner la sécheresse et envoie Élie se cacher dans la vallée du Hérit où il le nourrit par une voie miraculeuse : des corbeaux lui apportent pain et viande. Et pourtant le Midrash voit dans ce secours providentiel un reproche dissimulé dans un symbole : si des corbeaux, oiseaux réputés cruels à l'égard de leurs petits, accomplissent en sa faveur une mission contraire à leur nature, n'est-ce pas pour lui donner une leçon de pitié, pour le blâmer ainsi : « Toi Élie, tu manges, mais Israël a faim ! » (cf. Jonas et le ricin, Hikayon) . Dieu se plie à la décision de son prophète, mais il voudrait qu'il revienne dessus. Comme ce n’est pas la démarche qu’entreprend Élie, le torrent où il buvait est asséché à son tour et Élie doit aussi supporter la sécheresse. Une autre épreuve destinée à lui faire ressentir dans sa chair la souffrance qu'il inflige à son peuple et apprendre la compassion. Alors Élie doit s'exiler d’Israël où règne la famine et partir pour Sidon. Là il rencontrera une veuve à qui Dieu «a ordonné de le nourrir ». II comprend dès l'abord qu'un nouveau miracle aura lieu puisque la pauvre femme n'a plus de quoi se nourrir elle-même. Ainsi lui qui « détient la clé des pluies» se voit réduit à mendier son pain auprès d'une infortunée ! Il n'en a pas le courage, quémande de l'eau pour commencer. Le miracle, c'est par sa confiance dans la parole du prophète que la veuve de Sarepta va le mériter; la cruche de farine et la fiole d'huile ne seront jamais vides - mais non plus jamais pleines ; elles ne contiendront chaque jour que la quantité nécessaire pour confectionner la même petite galette. Élie réalise un compromis : ne pas revenir sur son serment, car il estime qu'Israël ne mérite pas encore cette grâce, mais assurer sa subsistance avec celle de ses hôtes. Il va devoir rendre cependant «la clé des pluies» en échange de «la clé de la vie et de la résurrection », semblable à ce voleur, qui doit restituer au médecin la trousse qu'il lui avait volée, afin qu'il lui guérisse son fils. En effet, tout de suite après le récit de la résurrection de l'enfant, Élie reçoit de Dieu l'ordre d'aller trouver Achab : « alors Je donnerai, dit Dieu, la pluie à la terre». Élie doit prendre les devants, car c'est lui qui a pris l'initiative.

DEUXIÈME ÉPISODE : AU MONT CARMEL

Cette seconde rencontre entre le prophète et le roi d'Israël commence fort mal : « Ah ! Te voici, perturbateur d'Israël ! » crie Achab à Élie dès qu'il l'aperçoit. C'est qu'il reprend, dit le Midrash, le fil de leur précédent entretien dans la maison endeuillée de Hiel, car le mot ??? ????, ata 'okher, « tu es un destructeur » évoque une autre imprécation de Josué, provoquée par l'attitude d'Akhan (Josué 7, 25); Achab reconnaît à présent le pouvoir des prophètes de Dieu, mais il leur impute la responsabilité des souffrances d'Israël : ce n'était pas Akhan le coupable; mais Josué, ce même Josué qui a fait mourir les fils de Hiel. Élie répond : «Ce n'est pas moi, mais la maison de ton père..» et lui intime l'ordre d'organiser la confrontation.

Ce n'est plus le prophète jaloux de l'honneur de Dieu qui va paraître ici, c'est le père qui voit ses enfants souffrant du châtiment qu'il leur a infligé, mais encore dans l'erreur : «Jusqu'à quand allez-vous clocher entre les deux partis?» Tous ces actes au Carmel auront valeur d'enseignement : sous une forme symbolique, le feu signifie à Israël de s'unir en se rattachant à son passé. Il relève un ancien autel de Dieu, élevé jadis par Saül et que Jéroboam avait fait abattre : ainsi la  ?????, techouva  « retour » ou « réponse » d'Israël équivaudra à relever le culte divin. Il prend douze pierres « selon le nombre des tribus des enfants de Jacob à qui la parole divine s'adressa en disant : «Israël sera ton nom » : ainsi puisse le mérite des douze ancêtres obtenir la réunification des douze tribus ! Il demande par une prière publique que Dieu confirme solennellement sa mission et son autorité aux yeux de tout le peuple. Par la réalisation du miracle qu'il a annoncé, de crainte que les assistants n'attribuent ces prodiges au hasard ou à la magie : «ce peuple saura que Tu es Dieu et c'est Toi qui auras détourné leur cœur ». Autrement dit, si le peuple n'est pas convaincu, Dieu est responsable, c'est qu'Il aura endurci leur cœur, leur enlevant la liberté du repentir (comme au Pharaon de l'Exode). (Moise dit de, même en annonçant pour Kora'h et ses complices une mort extraordinaire : «s'ils meurent d'une mort naturelle, je serai aussi un renégat et dirai Dieu ne m'a pas envoyé ») . «Mais si Tu me réponds, Tu ramèneras leur cœur de Baal vers Toi». Dieu répond, le feu du ciel consume le sacrifice d'Élie et l'eau du fossé qu'il a creusé, Israël proclame unanimement sa foi retrouvée, massacre sur l'ordre d'Élie les prophètes de Baal, et bientôt la pluie tombera selon sa prédiction. Ainsi, rompant momentanément avec son rôle de Zélote sauf pour le massacre des prêtes de Baal, Élie retrouve ici l'antique attitude prophétique d'intercession en faveur d'Israël.

TROISIÈME ÉPISODE : AU HOREB

Jézabel, apprenant le massacre de ses prophètes sur l’ordre d’Élie, envoie chercher celui-ci pour assouvir sa vengeance. Il s'enfuit jusqu'à Beer-Chéva où il laisse son serviteur, s'engage dans le désert et, s'asseyant sous un arbre, il appelle alors la mort : «Cela suffit maintenant, Seigneur, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères.» Comment comprendre ce renoncement, ce découragement, ce défaitisme même ? Il vient d'obtenir un très grand succès puisque, grâce aux miracles du Carmel, Israël a acclamé Dieu. Mais sa clémence s’arrête là, de suite il fait rassembler les prophètes de Baal et les fait massacrer. Résulta, sa violence engendre la violence de Jézabel, et iI est obligé de fuir au désert la colère de la reine : est-ce à dire qu'aucun homme d'Israël ou de Juda ne saurait le cacher ? A-t-il perdu sa foi dans l'humanité pour qu'il abandonne à Beer-Chéva son dernier compagnon? Regrette-t-il que Dieu ait pardonné à Israël ? D'autres prophètes ont cherché à se dérober à leur mission, mais en des circonstances bien différentes, en général pour ne pas nuire à leur peuple et le faire souffrir, même si c'est pour son bien futur. Mais Élie, lui, semble faire grief à Dieu de Sa clémence; il se retrouve seul au désert avec sa ????  Kina (sa jalousie). Un ange le réveille, lui apporte un repas qu'il le contraint à manger et «par la force de ce repas, il marche quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, le Horeb ». Là, dissimulé dans la caverne qui avait abrité jadis Moïse, lors de sa théophanie, il s'explique devant Dieu qui lui demande : ??????, ??????, ????????? ???, ???-????? ??? ??????????. (Ma Lehha Po Eliahou), littéralement : « qu'as-tu à faire ici Élie ? » Il répond : « J'ai montré un grand zèle, pour le Seigneur Dieu des Armées, car les enfants d’Israël ont abandonné Ton Alliance, renversé Tes autels, tué par l'épée Tes prophètes et je suis resté seul et ils cherchent à me prendre la vie. » II reconnaît en sa ???? Kina la source de ses malheurs : il voulait que Dieu punisse tout de suite et Dieu attendait la ?????, Techouva le « retour » ou « réponse » de son peuple. Alors se déroule une scène extraordinaire . «Un vent violent secoue les montagnes et ébranle les rochers... mais Dieu n'est pas dans le vent ; après le vent, un tremblement, mais Dieu n'est pas dans le tremblement; après le tremblement un feu, Dieu n'est pas dans le feu; après le feu, une voix murmurante et tenue : en l'entendant, Élie s'enroule la tête dans son manteau... et la voix de Dieu renouvelle Sa question : « qu'as-tu à faire ici, Élie ?» Lui répond par la même phrase que précédemment. Cette théophanie réservée à Élie, les Rabbins l'interprètent en deux sens opposés, l'une à l'avantage du prophète, l'autre à son désavantage. Ou bien c'est par le mérite qu'il s'est acquis, en réalisant au Carmel un tel  ????? ???, kiddoush hashem « sanctification du nom » désigne ce qui survient lorsqu’un ou des Juifs haussent ou rehaussent le prestige de celui qui les a élus pour porter témoignage de sa providence, son enseignement et ses voies, qu'il a été l'objet d'une Révélation identique à celle que connut Moïse en ce même lieu et qui correspond à un renouvellement de «l'Alliance des Treize Attributs divins» («la voix murmurante et ténue » étant l'équivalent du «Je pardonnerai à qui Je pardonnerai » .) Ou bien c'est une leçon que le prophète reçoit ici de Dieu : il est arrivé plein d'amertume de n'avoir pu obtenir le châtiment d'Israël et Dieu lui montre qu'Il n'est pas dans les fléaux qui détruisent (Lui n'envoie le mal) Une explication fort vraisemblable de l'attitude d'Élie dans cette circonstance : En se basant sur le rapprochement que nous faisons dans le midrash avec Pin'has et 'Harbona, qui ont apporté dans leur ????  Kina jalousie une solution définitive par la mort des Recha’im (le couple sacrilège pour Pin'has, Amanpuis 'Harbona), on peut en Induire qu'Élie aurait voulu la mort de Jézabel qui s'apprête à anéantir les résultats obtenus au Carmel. Mais Dieu repousse comme Inadéquate dans le cas présent cette solution extrême qu'en vue du bien, que ce n'est pas par la force et la contrainte qu'on amène les hommes au repentir, mais par la voix douce et silencieuse de la conscience. Si Élie a eu cette Révélation, c'est que Dieu a pardonné à Israël, comme Moise eut la sienne quand il eut obtenu l'expiation du péché du veau d'or. Après le tremblement et le feu, raconte le Midrash, trois heures s'écoulèrent - trois, selon le nombre des années de famine Dieu attendait qu'Élie comprenne la leçon, mais sa réponse prouva qu'il ne l'avait pas saisie. Alors Dieu ordonne : « Tu vas oindre Élisée...comme prophète à ta place et ce que tu as dans l'esprit tu ne pourras le faire, car tu n'as jamais été qu'un Mehané (déjà sous le nom de Pin'has) un accusateur d'Israël; tu démissionnes, soit, alors sacre ton successeur.» C'est Élisée et les deux rois qu'il oindra ce sont eux et non Élie, qui accompliront l'œuvre de vengeance souhaitée par Élie. Pourtant, la démission d'Élie ne prend pas d'effet immédiat puisqu'il apparaîtra deux fois encore en Zélote de Dieu, devant Achab (après la mort de Nabot) et devant Achazia. Il semble que Dieu critique ici cet aspect du caractère d'Élie comme contraire au rôle eschatologique qu'il est appelé à jouer et lui interdit de se matérialiser par des actes qui rendraient à jamais irréalisable l'accomplissement de son vrai destin. Ainsi le caractère et le rôle d'Élie en son temps furent ceux d'un «accusateur» acharné à obtenir le châtiment d'Israël dans son zèle jaloux pour l'honneur divin - mais son accusation n'aboutit qu'à la révélation de la clémence et de la patience de Dieu. 

 Horeb… L’expérience mystique d’Élie. (D’après : Le Quotidien d'un Prophète Hanna Serero)

Arrivé à la caverne du Mont Horeb, Élie s’y réfugie. C’est là que se déroule le passage qui nous intéresse :

« Alors qu’il est dans une caverne où il passe la nuit, Dieu lui dit : « … Sors et tu te tiendras sur la montagne devant Dieu. Et voici que Dieu passe. Un vent très fort secoue les montagnes et brise les rochers par-devant Dieu, mais Dieu n’est pas dans le vent. Et après le vent, un tremblement de terre ; mais Dieu n’est pas dans le tremblement de terre ; et après le tremblement de terre, un feu ; mais Dieu n’est pas dans le feu ; et après le feu, ???? ???????? ?????? qol demama daqqa la traduction littérale est :  (Une voix de fin silence )».

Comment l’expérience d’Élie à l’Horeb pourrait être une expérience mystique une méditation et ce que cela peut nous donner comme leçon de vie actuelle. Pour cela nous allons nous pencher sur ce passage en particulier et plus spécialement sur l’étonnante expression que les traductions françaises ont beaucoup de mal à rendre  ???? ???????? ?????? qol demama daqqa, oscillant entre bruit, silence et brise tenue « Une voix de fin silence ». 

C’est ici qu’intervient l’hypothèse que la théophanie du Mont Horeb serait une expérience de type mystique.

Lorsque le Silence se tait, la Présence se manifeste…

Premièrement Élie est complètement seul, il n'y a pas d’autre acteur ni sujet ni spectateur. 

Deuxièmement le texte lui-même retire le rôle principal à Élie.

Les phrases sont de tournure neutres : il y a du vent, il y a de la tempête, il y a du feu, etc… Ce qui donne l’impression de la perte du sujet au sein de l’expérience sensorielle. Si Élie avait vécu réellement ce qui serait une expérience entièrement subjective, il n’en aurait pas réchappé physiquement.

Les différents types d’expériences mystiques qui englobent le récit d’Élie :

L’approche négative du divin, d’une part, Dieu n’est pas cela ni cela, ni cela, et l’absorption du moi en Dieu, c’est l’expression du silence dans lequel est Dieu et ou Élie communie, avec Dieu :

Nous sommes en présence d’une méditation d’un état d’extase cela est confirmé par deux faits : 

1) Le texte nous apprend qu’Élie se trouvait dans des conditions propices à l’extase : l’isolement, qui efface le langage et réduit la distraction ; Jésus recommande en Matthieu 6, 6 : « quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »

Le silence dans un cadre immuable et monotone, qui réduit les sollicitations sensorielles ; l’immobilité, qui calme l’agitation et, enfin, une alimentation de survie précédée d’un jeûne qui inhibe les excitations et le goût de l’action ; 

2) L’état de conscience paradoxal défini plus haut se retrouve exprimé en termes analogues chez d’innombrables mystiques, qu’il s’agisse de l’approche négative du divin ou de l’absorption du moi en Dieu. »

La formule  ???? ???????? ?????? qol demama daqqa pourrait donc se référer non à un quelconque phénomène externe à caractère météorologique mais bien à une expérience mystique de type interne — celle de l’extase suprême où le mystique, vidé de ce qui fait son moi, accède ardemment à Dieu.

Cette interprétation présente l’avantage de respecter rigoureusement ce qu’on sait du sens de chacun des trois mots de la formule. Elle ne prête le flanc à aucune des objections que suscitent les interprétations de ???????? demama « être silencieux », être tranquille, attendre, être muet, comme phénomène météorologique.

Elle s’intègre bien au contexte puisqu’elle attribue cette extase à un mystique qui, de surcroît, se trouve dans des circonstances matérielles éminemment favorables à ce genre d’expérience.

Elle est confirmée par les témoignages de nombreux autres mystiques faisant état d’expériences analogues. Cette interprétation contribue à préciser le peu que nous savons du prophète Élie ; et elle mène à reconsidérer très notablement l’opinion que nous avons de ce personnage. D’autre part, elle enrichit la connaissance de la mystique juive car, pour ce qui concerne la Bible, nous ne disposons guère que d’une seule relation explicite d’extase, celle de la vision d’Ezéchiel. 

La manifestation du Horeb est un élément intrinsèque de l’expérience mystique ultime : les degrés, les étapes d’un cheminement spirituel qui va culminer dans le silence de la communion avec le divin.

Le vent puis le tremblement de terre puis le feu et enfin la réponse qui se trouve dans le soi-disant silence.

Tout d’abord il faut se pencher sur les commentaires juifs de l’expression   ?????-???????? « Vélo’-Doumayah »

Dans son livre « L’exil de la parole, du silence biblique au silence d’Auschwitz, » André Neher se fait sourcier du silence de Dieu et du silence de l’homme et creuse cette notion de  ???????? demama.

« Mais si la Bible sait identifier l’infini cosmique avec le silence elle sait aussi que cet infini n’est que le voile d’un autre infini, celui du créateur, dont la Parole, certes, perce à travers les immensités pour atteindre l’homme mais dont l’Être intime ne peut s’identifier, lui aussi, à la limite, qu’avec le silence. »

Déjà dans le psaume 19 le silence cosmique n’est que la forme la plus éloquente de la révélation divine : les cieux racontent la gloire de dieu et l’œuvre de ses mains, c’est la voûte qui la révèle… Mais tout cela sans parole ni mots, leur voix ne peut s’entendre.

Ainsi le silence cosmique n’est pas le signe d’une absence mais au contraire d’une présence. Comme du tohu-bohu va se matérialiser la matière. Présence toutefois silencieuse à laquelle les célèbres versets 11 et 12 du livre des Rois l’on donne une expression particulièrement plastique, puisque Dieu s’y découvre, ni dans l’ouragan si spirituel fut-il, ni dans le tremblement si terrestre aussi violent fut-il, ni dans le feu si incandescent fut-il, mais dans la « Voix du silence tenu ».

Ainsi la Bible nous mène-t-elle vers un Dieu dont Moise même dont il est dit pourtant que Dieu le connut face à face apprend qu’il ne peut en percevoir que les traces, jamais les faces et que Isaïe qui se flattait pourtant d’avoir vu le Seigneur invoquera un jour comme le Dieu caché.

Et l’on sait quelles perspectives ces thèmes ont ouvertes aux mystiques, qu’ils soient juifs ou chrétiens ou musulmans, pourvu qu’ils puisent leurs éblouissements dans la Bible.

Sans nul doute c’est la kabbale juive qui est allée le plus loin dans ce domaine, en proposant une fois pour toutes, que le nom divin ne soit plus évoqué dans une forme positive mais dans le respect du repliement négatif sur soi qu’implique la notion silencieuse de l’Infini : En soi, Pots-de-vin, c’est le nom que porte Dieu dans la kabbale et c’est l’identification intime de ce Nom avec le Dieu caché et silencieux de la Bible qui a permis à l’un des kabbalistes juifs du XIII siècle, Eleazar Rokeah de Worms, de dire une fois pour toutes, afin que nous n’en doutions plus et que l’orgueil de notre parole humaine ne s’insurgeât point contre cette vérité si simple et si éloquente : « Dieu est silence. »

Psaume 21 :

???????--??????? ??????, ????? ???????; ?????????, ?????-???????? ???

Mon Dieu ! Je crie le jour, et tu ne réponds pas ; la nuit, et je n’ai point de repos.

Ce passage reprend et renforce les thèmes développés précédemment, mais André Neher va plus loin et écrit quelques pages après :

  ?????-???????? « Vélo’-Doumayah », (pas de repos) (Ps 21(22) ,3) de la même racine que  ???????? demama, que la plupart des traducteurs rendent par non-silence ou pas de repos mais qu’André Neher commente ainsi :

« L’expression  ?????-???????? Vélo’-Doumayah je voudrais qu’on la prenne dans sa frappe singulière dans sa littérale négativité. Ce que la nuit offre à l’innocence du souffrant et à ses cris, c’est le non-silence qui est autre chose que le silence, évidemment, puisque c’en est la négation, mais qui est autre chose aussi que la parole. Car si la négation de la parole, la non-parole, c’est le silence, le non-silence n’est ni automatiquement ni nécessairement la parole.

« Le non-silence c’est un silence plus silencieux que le silence, c’est la chute du silence dans une strate plus profonde du néant, c’est une galerie creusée à même le silence et qui conduit à ses abîmes vertigineux. »

« De même que la non mort n’est pas la vie, mais quelque chose d’inférieur ou de supérieur à la Vie, une végétation souterraine ou bien une survie sublime, de même le non-silence ouvre à qui le découvre la dimension de ses perspectives meta-silencielles. Il peut s’agir d’un langage qu’aucune parole et qu’aucun silence n’a jamais pu exprimer, il peut s’agir aussi de la dimension zéro du silence, ou, dans la confusion générale de tous les existants, parole et silence se perdent ensemble dans le néant. (…) Le silence oppose à l’homme le Dieu caché. Le non-silence lui oppose un Dieu dont l’être ne peut être saisi qu’à partir des racines fuyantes du Néant. »

« Les descriptions données par les mystiques, de leurs expériences particulières et de Dieu dont ils ressentent la présence, sont remplies de paradoxes de toutes sortes. Le plus déconcertant dans ces paradoxes, si l’on considère ce qui est commun aux juifs et aux chrétiens, est de voir Dieu fréquemment décrit comme le néant mystique () unio mystica »(Les grands courants de la mystique juive, G.G. Scholem, ed Payot, 1960, p 17)

Le non-silence est donc une manifestation de Dieu, une variante silencieuse de sa parole, comme dans l’expression ???? ???????? ?????? qol demama daqqa.

D’ailleurs il commente aussi notre passage à sa manière opposant les différents épisodes des révélations divines du livre des Rois : « d’un côté encore l’éclair fulgurant et triomphant du feu divin, tombant du ciel, et de l’autre la grisaille ténébreuse du murmure devant la grotte du Horeb. En fait, le contraste est plus profond et par-delà ses manifestations extérieures, il concerne le grave problème de la parole de Dieu. () Ainsi deux renversements s’opèrent simultanément dans la conjonction des scènes successives du Carmel et du Horeb : la notion de parole est dévaluée et celle du silence accède à une valeur positive.

La parole de Dieu n’est plus automatique : elle peut s’énoncer pour rien et entraîner l’échec (la scène du Horeb) et le silence n’est plus le signe de la colère divine ou de son refus, il exprime la présence divine autant et mieux que la parole.

À travers ce diptyque le silence de Dieu change de signe. Du niveau de l’inerte, il accède à celui de la vie. () Ainsi l’inertie de la création est-elle rompue.

Cet univers silencieux que désignent les variantes bibliques de duma, n’est pas fermé sur lui-même.

Un créateur l’habite, aussi silencieux que les retraites et les replis de la nuit et de la mort, aussi impénétrable que les souterrains de l’enfer, aussi évanescent que le néant, mais ce silence, cet impénétrable, cette évanescence, ils sont les signes de la vie, de la présence, de la parole ! Une dialectique paradoxale relie le vide meta-silentiel du non-silence du psalmiste, ?????-???????? « Vélo’-Doumayah , au   ???? ???????? ?????? qol demama daqqa  d’Élie qui est meta-silentiel lui aussi, une vois plus tenue que le silence, mais dans la plénitude. »(L’Exil de la parole, Andre Neher, Seuil, 1970 ; p93)

La plénitude du non-silence, le mot est lâché.

Cette ???? ???????? ?????? qol demama daqqa d’Élie, ce non-silence dans lequel entre le prophète, c’est le silence originel, le silence d’avant la création, le silence qui est parole avant d’être parole, c’est le silence du aleph (Claude Vigée) qui contient en germe toutes les paroles, l’énergie créatrice de la création.

C’est dans cette révélation de l’unité de Dieu avec sa création que plongent l’homme et le prophète Élie à sa suite lors de l’expérience mystique du Horeb.

AYN ou ANI, chemin vers soi ou vers Lui ?

« La parole est traîtresse et ambiguë, avec elle on ne sait jamais si l’on est au cœur de la rencontre. Mais le silence appelle sans contradiction. Il est le signe de cette force interne et invincible qui constitue, pour tous les prophètes, leur certitude d’être inspirés par Dieu. Il est le creuset à travers lequel se sépare la prophétie vraie de la fausse. Il est le sceau de la vérité divine de la prophétie. » (L’Exil de la parole, Andre Neher, Seuil, 1970 ; p135)

D’autant qu’on est forcé de remarquer deux choses significatives : première chose, en termes de prophétie et de révélation, ce passage est encadré de deux occurrences de la parole divine, claire et sans ambiguïté, qui s’adresse directement à son prophète pour lui poser deux fois la même question : ??????, ??????, ????????? ???, ???-????? ??? ??????????. Ma Lehha Po Eliahou, qu'as-tu à faire ici Élie ? Lointain écho de la péricope de Leh leha: Abraham Lekh Lekha ?? ?? "Va !", "Pars !" ou "Va pour toi !" et  ?? ????? ayeka hébreu où es-tu "où es-tu?",? originel d’Adam.

Ce qui renforce notre argument en faveur d’une expérience mystique : entre deux paroles divines, il se passe un événement à la fois interne et externe qui relève de l’expérience sensorielle psychologique et émotionnelle qui touche le prophète Élie.

Le vent, le bruit, le feu, dans lequel « Dieu n’est pas » et puis ???? ???????? ?????? qol demama daqqa, la voix tenue du silence, sur laquelle le texte ne dit rien.

C’est la deuxième remarque : On sait ou Dieu n’est pas, car le texte le précise clairement, il n’est pas dans ce qui est force et violence, en revanche pour le quatrième terme, il n’est pas précisé comme on n’aurait pu logiquement s’y attendre « et Dieu était là ». Il n’est absolument pas précisé ce que c’est. La seule chose qui peut nous mettre sur la piste est la réaction d’Élie après l’événement : il se cache la figure avec son manteau. Ce qui nous rappelle la réaction de Moïse après l’épisode du buisson-ardent : lui aussi cache sa face devant le Dieu vivant.

Reprenons le passage depuis le début :

Élie fuit Jézabel qui veut le tuer, il marche dans le désert, il est nourri par un ange (un messager) avant de marcher quarante jours et quarante nuits (là encore à nouveau le parallèle avec Moïse) puis il arrive au Mont Horeb (qui est également le Mont Sinaï, qui répond aussi au nom de La Montagne de Dieu,) et entre dans la grotte ou Dieu lui pose la question : ???-????? ??? ??????????. Ma Lehha po Eliahou  ? Qu’en est-il de toi ici ? Ou en es-tu ? Et Élie répondra par deux fois la même réponse : ?????? ????????? ??????? ??????? Kano kinati la chem… « j’ai défendu mon seigneur d’un zèle jaloux, le Dieu vengeur car ils ont délaissé ton alliance Israël, ils ont détruit ton sanctuaire et ils ont tué tes prophètes par l’épée et je suis resté seul et ils ont juré de me prendre aussi mon âme » et Dieu répond :

« Il dit Sors et tiens toi debout sur la montagne devant Dieu et voici Dieu qui passe et un grand vent fort qui brise les montagnes et détruit les rochers devant Dieu, Dieu n’est pas dans le vent, et après le vent le bruit, Dieu n’est pas dans le bruit. Et après le bruit, le feu, Dieu n’est pas dans le feu et après le feu, ???? ???????? ?????? qol demama daqqa »

Élie se remet en question, rentre en lui-même, dans un face-à-face avec son âme et avec Dieu, il est désespéré et veut tout abandonner. Il est du côté de Dieu et non du peuple. Il ne trouve pas d’excuse au peuple, comme Moïse qui se tenait au même endroit et reçu la Torah après avoir défendu le peuple, même après que celui-ci eut fauté de la faute du veau d’or.

Trois prophètes, trois mondes  (« L’Aventure prophétique: Jonas menteur de vérité ») :

Les Rabbins se sont longuement interrogés sur le rapport de Dieu au prophète et sur le rapport du prophète à Israël. Le rapport du prophète à Dieu, rapport de crainte révérencielle, porte le nom dans la tradition de kavod Ha ’av (gloire du Père). Le rapport du prophète à son peuple, Israël, porte le nom de kavod ha ben (gloire du fils). Prendre le parti intégral de Dieu, c’est souvent, pour le prophète, accepter l’idée du châtiment susceptible de s’abattre sur le peuple. Prendre le parti d’Israël oblige le prophète à considérer le délaissement de la loi de Dieu. Ce qui est demandé au prophète est un difficile équilibre : un plaidoyer constant pour son peuple en même temps qu’une exigence de rigueur vis-à-Vis de la loi divine et une immense compassion pour la solitude de Dieu : « Des fils j’ai élevés et ils m’ont trahi. » C’est dans ces termes que Dieu interpelle Isaïe. À la lumière de ce concept, considérons le destin de trois prophètes différents :

Élie, Jérémie et Jonas :

Trois prophètes : 

L’un fit passer la gloire du Père avant celle du fils, l’autre fit passer celle du fils avant celle du Père, et le dernier se montra aussi exigeant envers l’un qu’envers l’autre : Jérémie exigea et la gloire du fils et celle du Père. N’est—il pas dit : « Nous avons fauté et nous nous sommes révoltés, et Toi, tu n’as pas pardonné. » (Lamentations, 3,42.) Aussi sa prophétie fut-elle doublée, n’est-il pas dit : « Et s’ajouta de nombreuses paroles comme celles-ci. » (Jérémie, 36,32.) Élie, zélote du Père, négligea la gloire du fils ; n’est-il pas écrit, au Livre des Rois, I, 19,20 : « J’ai fait éclater mon zèle pour toi, Seigneur, parce que les enfants d’Israël ont répudié ton alliance, renversé tes autels, fait périr tes prophètes par le glaive ; moi seul, je suis resté et ils cherchent aussi à m’enlever la vie. »

Quel en fut le salaire ? Écoutons : « Va et retourne au désert de Damas et Élisée, fils de Chafat, tu oindras comme prophète [...] car il est impossible de continuer avec ta prophétie. » Quant au troisième prophète, Jonas, il préféra la gloire du fils à la gloire du Père : « Et Jonas se leva, pour s’enfuir à Tarsis, de devant Dieu. » Et la parole de Dieu fut sur Jonas, une deuxième fois. « Une deuxième fois, pas une troisième. » (Mehilta, Parachat Bo, chapitre I.)

Pourquoi : « car il est impossible de continuer avec ta prophétie.» Parce que le prophète met l’avenir en danger. 

Comme l’a écrit Shakespeare dans Macbeth  : « Si l'assassinat pouvait prendre au filet ses conséquences, et capturer par leur suppression le succès ; si ce seul coup pouvait tout accomplir et tout finir ici, rien qu'ici, sur ce banc de sable et ce haut-fond du temps, nous risquerions la vie à venir. »

Ainsi trois prophètes, trois destins différents. L’esprit prophétique est redoublé dans le cas de Jérémie. Élie paie du prix de sa vie et du retrait de la prophétie sa fidélité inconditionnelle à Dieu. Jonas, quant à lui, se verra de nouveau interpellé par Dieu, puis c’est le silence. Il est étrange de constater que le destin le plus dur fut celui d’Élie, le plus zélé des prophètes de Dieu. Même Jonas, dont la désobéissance peut paraître a priori plus grande, connaît un destin plus clément, plus doux que celui de son maître, Élie, dont il a retenu les leçons. Tout se passe comme si Dieu ne supportait pas que le prophète, quelles que soient ses raisons, se fît l’accusateur de son Peuple. Il attend toujours de son prophète une intercession, un plaidoyer pour Israël. Car c’est en tant que Père qu’il entend sévir, non en tant que Roi. Les inconditionnels de Dieu, au détriment de la créature, ne sont pas, semble-t-il, prisés par Dieu. Ceci est très important, car cela nous permet peut-être de mieux comprendre la patience de Dieu vis-à-vis de Jonas, et son infini respect pour son prophète. Il tient précisément à ce que ce négateur de tout ce qui n’est pas précisément l’amour d’Israël soit porteur de sa parole auprès des Ninivites, dans lesquels Jonas a déjà deviné la menace et le danger qu’ils représenteront plus tard pour Israël. Car, pour Jonas, sauver Ninive, c’est condamner Israël, le prophète prévoyant déjà la future destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor.

Lors du Matan Torah, du don de la Torah, la révélation de Dieu se fit aussi par le feu, le bruit et le vent, spectaculaire. Mais rapporte le rav Ygal Ariel dans Mikdash Meleh : ce n’était pas la révélation de la shrina (présence) elle-même, la théophanie du Sinai commence par le fracas mais se termine par un bruit tenu, un silence qui chante, quelque chose d’impalpable à la limite du perceptible : (chemot raba) après le bruit, le monde entier fit silence et ensuite seulement sortit la voix.

Comme Elifaz dans Job qui rapporte sur la révélation, il m’est venu une révélation furtive, mon oreille en saisi un léger murmure. Les manifestations surnaturelles fracassantes ne sont pas Dieu lui-même, elles sont une entrée en matière. Elles plongent l’homme dans l’état adéquat (chemin spirituel qui conduit à l’expérience mystique ultime, l’unio mystica) pour percevoir l’imperceptible, au-delà des sons de la logique et de la matière.

D’après Saadia Gaon, Dieu se manifeste à l’homme de façon pédagogique en allant du plus facile au plus difficile : « lorsqu’il a voulu faire entendre sa voix à Moise, il a ménagé sa vue en l’élevant de façon progressive. Il lui a donc fait apparaître un feu terrestre dans le buisson, comme il est dit : il vit que le buisson était embrasé par le feu, ; lorsqu’il a pu supporter cette lumière, il lui a fait apparaître la lumière de l’ange, comme il est dit : un ange lui apparut et ceci bien que le texte mentionne l’ange avant le buisson, quand Moise a pu supporter la lumière de l’ange, Il lui a montré la lumière appelée shrina, présence, comme il est dit : Dieu l’appela du milieu du buisson. De même pour la révélation du Sinaï, de même pour Adam. » (Les théories des visions surnaturelles dans la pensée juive du Moyen Âge, Colette Sirat, Leiden, 1969, p22. Cette idée de la pédagogie divine qui va du plus facile au plus difficile se trouve aussi dans Tanhuma sur Deutéronome.)

Pour comprendre l’expression  ???? ???????? ?????? qol demama daqqa « la voix tenue du silence » il faut chercher dans le Tanak la toute première apparition du mot demama et elle concerne Aaron A cohen : Vaydom Aaron.

Après la mort de ses enfants, justement trop zélés Aaron se tait, il fait silence et ce silence est commenté comme étant le symbole même de la Kabalah totale, l’acceptation entière de la justice divine.

Ce silence qui n’est pas un silence normal (cheket, chatak, chtika mais dom, duma, dumya dans lequel on retrouve la racine du mot dam, le sang, dont rabbi nahaman dit qu’il est le : ??? ????? nefech a haym, (l’âme de la vie) est donc liée à la vie et à la mort.

Il peut donc prendre autant un sens négatif qu’un sens positif, il peut autant être du côté du minuit que du midi des choses. Rav Ygal Ariel va jusqu’à dire que ce silence plein est Aspaklaria Meira, révélation de la présence divine directe et entière, à l’image de la manière de recevoir Dieu de Moise, sans intermédiaire, en se plaçant directement à l intérieur de sa présence.[Mikdash Meleh/ Rav Ygal Ariel; p 159] Comme Jonas à l’intérieur du poisson femelle (commentaire de ruth reichelberg) :

« Il s’engouffra dans sa gueule comme s’engouffrerait un homme dans une grande synagogue et se tint l). » pirkei de rabbi eliezer. : C’est là une bien curieuse comparaison : voir dans l’abdomen d’un poisson une synagogue, lieu de recueillement et de prière, c’est donner un sens très particulier à cet avalement. Le midrash ne cherche-t-il pas à nous expliquer par la que Jonas arrive au cœur même de la Présence ? Cette disparition a soi-même une mise en gestation au sein de la Présence. D’ailleurs Jonas restera les trois jours et trois nuits dans le ventre marin. De nombreuses incidences enrichissent ce chiffre trois (…) constitue la voix médiane qui sépare, les opposes, au nombre trois il y a une possibilité d’harmonie (…) la vérité étant la possibilité pour les contraires de coexister. » [L’aventure prophétique, Ruth Reichelberg, Albin Michel 1995 ; p114]

Sur ce passage et l’expression ???? ???????? ?????? qol demama daqqa, le Malbim, citant le Radak, donne l’explication suivante : il rapproche tout d’abord le feu, le bruit et le vent de la vision de la prophétie d’Échelle et indique que ce sont autant d’écrans avant d’arriver à la présence elle-même.

Qu’ils sont introduits par le gâteau de « rechafim » (gâteau que l’on cuit sur les braises) qu’Élie mange avant de s’endormir, rappelant les braises d’Ychayahou. Kol dmama daka c’est, dit le Malbim, la « klipat noga a daka ou betoha ayn ahachmal », la dernière écorce fine à l’intérieur de laquelle se trouve le « aym ahachmal », la présence divine, comme de se trouver dans l’œil du cyclone…[Mikraot Guedolot / Malbim]

« Alors l’âme devient son propre centre, le chemin de l’âme, au milieu de la multiplicité abyssale des choses, vers l’expérience de la Réalité divine, maintenant conçue comme l’unité primordiale de toutes choses, devient sa principale préoccupation. » [Les grands courants de la mystique juive, G.G. Scholem, ed Payot, 1960, p20]

Échec ou Victoire d’Élie ?

Il semblerait qu’Élie ait échoué dans la mission que Dieu lui a confiée. Peut-être même comme notre Jean Baptiste dans nos évangiles puisque Jean Baptiste est censé en être la réincarnation de son âme. Envoyé de Dieu, extrémiste du côté du ciel uniquement, Élie pense comme le Baptiste que l’on peut convertir le peuple de force, et Dieu lui donne une leçon d’humilité, on éduque le peuple par la douceur et non par la force, par le chant, le ???? ???????? ?????? qol demama daqqa, (le souffle tenu), la légèreté de la Présence et non seulement en renversant la montagne sur sa tête.

Le psaume rapproche le  ???? ???????? ?????? qol demama daqqa du son du shofar :

(à Roch Hachana, on multiplie les prières. Celles-ci sont regroupées dans un ouvrage de prières spécifique à Roch Hachana, le Mahzor le Roch Hachana. Les prières de Cha'harit et Moussaf, surtout, contiennent de nombreuses prières et piyyoutim (poésies liturgiques), que le hazzan (chantre) chante en y mettant toute son énergie et tout son talent. Les piyyoutim sont propres à chaque communauté, mais aussi leurs airs. L'accent est spécifiquement mis sur la majesté de Dieu, et sur la crainte du Jugement. 

Un piyyout spécifiquement connu, en particulier dans les congrégations ashkénazes, est le Ounetanè Toqef, composé par le Rav Amnon de Mayence, tandis que, mutilé par l'archiduc outré par son refus de la conversion, il était sur le point de mourir. 

La 'Amida de l'office de Moussaf contient elle aussi des messages forts sur la Royauté de Dieu, à travers les générations, le Rappel d'Israël devant Lui, et la révélation de Sa Présence à l'assemblée lors de la sonnerie du shofar ›.

La prophétie va donc passer d’Élie à Élisez (de la force a la douceur, du feu au silence, comme on le voit dans la signification de leurs noms respectifs).

Élie aurait dû être transformé par l’expérience de l’Horeb, et pourtant après la ???? ???????? ?????? qol demama daqqa , Dieu lui repose la question :  ???-????? ??? ??????????. Ma Lehha po Eliahou  ? Qu’en est-il de toi ici ? Et Élie répond la même réponse qu’avant: « ?????? ????????? ??????? ??????? Kano kinati la chem… « j’ai défendu mon seigneur d’un zèle jaloux, ». Il est resté le même, il n’a pas infléchi sa direction d’un iota… Alors la sentence tombe :

« Retourne dans le désert de Damas et va trouver Élisez pour te succéder… »

Pourtant tout ne s’arrête pas là comme on aurait pu le croire. Élie n’est pas mort, (le genre d’Élie n’est pas mort) il apparaîtrait qu’il est trouvé le secret de l’éternité, qu’il soit entièrement du côté de la vie, qu’il est réussi commente le rav aviner, à rendre son corps lui-même kodech, saint.[Nessihey Adam/ Rav Chlomo Aviner; p308].

On retrouve Élie à la fin du Tanak, dans le dernier des prophètes, Malachie, qui se termine par la venue d’Élie au jour de Yahvé, chargé d’une nouvelle mission : 

« zahrou torat moche avdey acher tsiviti oto ba horeb al col israel houkim ou michpatim. Ine anohi choleah lahem et eliahou a navi lifne bo yom hachem agadol ve anora. Veechiv lev avot la banim ve lev banim al avotam pen avot (vehiketi et aarets herem)”:

?? ???????, ??????? ?????? ????????, ?????? ????????? ?????? ??????? ???-????-??????????, ??????? ??????????????.

?? ?????? ??????? ??????? ?????, ??? ???????? ?????????--???????, ????? ???? ??????, ?????????, ???????????.

?? ????????? ???-?????? ???-???????, ????? ??????? ???-????????--????-??????, ??????????? ???-??????? ?????

« Souvenez-vous de la Loi de Moise, mon serviteur, a qui j’ai signifié sur le Horeb, des statuts et des ordonnances pour tout Israël.

Or je vous enverrai Élie, le prophète, avant qu’arrive le jour de l’Éternel, jour grand et redoutable! 

Lui ramènera le cœur des pères à leurs enfants et le cœur des enfants à leurs pères (de peur que je n’intervienne et ne frappe ce pays d’anathème.) »

Quand nous sortons du chemin de la compassion, par nos paroles ou nos actes, chacun de nous peut se reconnaître dans le prophète Élie.

Voici un sujet de méditation, de réflexion. Nous avons tous put avoir dans le passé, ou pour certain encore aujourd’hui, des relations quelque peu difficiles avec Dieu. Cela peut être dû à beaucoup de choses, la déprime, l’incompréhension, l’ignorance, les images des actualités, les catastrophes, le comportement que nous trouvons scandaleux de nos proches, ou moins proches, des autres religions et leurs fidèles qui ne veulent pas suivre notre chemin, l’injustice de la société ou des fauteurs de l’ordre, la laïcité que nous ne parvenons pas à comprendre, etc.. Il y a plein des choses qui nous font prendre des chemins de travers qui nous conduisent comme Élie au dessert spirituel, et nous devenons sourds à la Parole, et cela finit par nous rendre aveugle à la Lumière pour nous faire plonger dans nos ténèbres. Bien que nous nous croyions toujours dans la Lumière, et à ce stade-là ce n’est plus Dieu que l’on écoute mais c’est notre ego. Mais comme avec Élie, Dieu ne nous abandonne jamais. Dieu laisse libre et c’est dans cette liberté laissée à l’être humain qu’il se rend présent et accompagne et qu’il peut encore nous parler par son souffle ???? ???????? ?????? qol demama daqqa, le bruissement tenu de la présence divine.

On connaît la fameuse thèse de saint Augustin sur l’opposition entre deux formes d’amour. Avec aux extrémités un doublet manichéen distinguant entre l’amour exagéré de soi allant jusqu’au mépris de Dieu, et de ses créatures (les autres), et à l’autre extrémité l’amour exagéré de Dieu (fou de Dieu) allant jusqu’au mépris de soi et des autres, à la façon d’Élie dirais-je.

Ces deux formes d’amour sont au cœur de chaque être humain et il nous faut trouver (dans le silence de « avec » Dieu) un juste équilibre entre les deux. « Tu aimeras Dieu de toute ton âme, de tout ton cœur, et de toutes tes forces » pour Jésus est directement suivi de « et tu aimeras ton prochain comme toi-même » c’est-à-dire de toute ton âme, de tout ton cœur, et de toutes tes forces. Ainsi ce maintien l’équilibre. Plus avant nous avons vu que dans un premier temps l’ego d’Élie l’a poussé à provoquer le Roi Achab en provoquant la sécheresse, pour être reconnu comme le plus puissant serviteur de la puissance divine. C’est la tentation de puissance. Rejeté, il trouve son équilibre auprès de la veuve de Sarepta qui le reconnaît comme « homme de Dieu » mais ensuite à l’opposé sa folie pour Dieu « J’ai été très jaloux pour l’Éternel » c’est-à-dire l’amour exagéré pour Dieu le conduisit jusqu’au mépris de soi et des autres, au mépris de la vie, et conduisit Élie jusqu’au terrorisme. Ce temps du Dieu vengeur, et punissant est révolu avec la mort de Jean Baptiste figure d’Élie, et le ministère de Jésus qui est venu révéler le Père et nous montrer qui est Dieu. La dualité, n’est pas entre le bien et le mal, entre Dieu et le Diable, mais entre deux formes d’être, où de forme de mal, le bien étant au point d’équilibre entre ces deux formes d’Amour don le mode de fonctionnement est différent. L’équilibre étant ce qui accorde la primauté à Dieu cette relation qui unie Jésus à son Père, et en même temps qui aime aussi les créatures, pour ce qu’elles ont de relation avec Dieu. Alors que l’amour de soi qui conduit à s’aimer soi-même conduit également à aimer les créatures ; mais non pas à cause de leur être mais pour ce qu’elles peuvent procurer comme avantage. Et à l’autre extrémité ce que j’appelle « être fou de Dieu » qui pousse à se mépriser soi-même et les autres, niant l’Amour de Dieu pour toutes ses créatures et conduit au terrorisme contre soi-même : autoflagellation, pénitence, ascétisme, ou/et contre les autres : intolérance, fondamentalisme, terrorisme, inquisition etc..

En termes simples, on dira que l’Amour de Dieu, ou plutôt l’Amour qui a pour ressort le divin, est désintéressé, alors que l’amour « très, ou trop humain » est intéressé. Ce qui finit par conduire à l’amour intéressé de soi et au bout du compte, vers une conception égoïste de l’amour.

Cet amour qui garantit la vie éternelle trempe ses racines dans la mort et le schéol car ce sont les deux faces d’une même pièce et c’est seulement l’alliance des deux qui entretient la flamme divine tapie en chacun : rechafim, le gâteau mangé par Élie, ses braises alimentent les braises de Dieu et ensemble elles enflamment l’autel, et c’est la révélation du carmel, ou alors elles sont enfouies dans les cendres des temps de la séparation et de l’exil, et c’est le doux murmure du Horeb, attendant le moment du réveil, le moment du retour, le moment de la ?????, Techouva.« retour » ou « réponse » qui est le processus de repentance dans le judaïsme, tant dans la Bible hébraïque que dans la littérature rabbinique.

Et voila comment la kina, la vengeance, le feu et l’intransigeance se transforment en amour, en paix, en vie éternelle grâce à l’alliance scellée entre les deux parties, promesse renouvelée à chaque naissance, ivresse de l’amour et de la passion qui vont jusqu’à l’extase quand il n’y a plus ni vie ni mort mais un chant unique, une seule étreinte ou les souffles des deux amants se mêlent tant et si bien qu’on ne sait plus lequel appartient à qui, car il n’est pas précisé dans le texte si cette voix tenue du silence est celle de Dieu ou celle du prophète Élie qui aurait atteint le cœur de son âme, la flamme divine au centre de son cœur, ce que traduit ??? ???? ??? « kol dmama daka » Le son d'un mince silence.

??? ???? ??? « kol dmama daka » Le son d’un mince silence.

Dans la vie quotidienne ordinaire, le silence est quelque chose qui n’intéresse personne.

On considère plus important de réfléchir, de créer, de faire des choses — autrement dit, de «remplir» le silence comme on veut « remplir la vacuité ». En général nous écoutons un son, de la musique, des paroles mais pensons que dans le silence il n’y a rien à écouter. Quand personne ne sait quoi dire dans une réunion, les gens sont gênés, le silence met mal à l’aise.

Pourtant des concepts comme le silence et la vacuité nous montrent une direction à suivre, une chose à observer, car la vie moderne a fait éclater le silence et démolir l’espace. Nous avons créé et nous créons encore et encore une société dans laquelle nous sommes sans cesse actifs, nous ne savons pas nous reposer, nous détendre, ni même simplement être. Notre vie est bousculée, notre cerveau brillant s’ingénie à trouver des moyens de nous faciliter la vie et pourtant nous sommes toujours épuisés. Des gadgets sont censés nous faire gagner du temps, nous permettent de tout faire en appuyant simplement sur un bouton, les tâches ennuyeuses sont confiées à des robots et des machines — mais que faisons-nous du temps ainsi gagné ?  Nous l’employons à désirer plus.

Il semble que nous ayons toujours besoin de faire quelque chose, de nous agiter, de remplir le silence de bruit et l’espace de formes. La société met l’accent sur le fait d’avoir une vraie personnalité, d’être quelqu’un capable de prouver sa valeur. C’est la course au plus fort, aux possédants le cycle incessant qui nous stresse. Quand nous sommes jeunes et que nous avons beaucoup d’énergie, nous apprécions les plaisirs de la jeunesse comme la bonne santé, l’amour, l’aventure etc. Mais tout peut s’arrêter d’un jour à l’autre, du fait d’un accident ou si nous perdons un être particulièrement cher. Ce qui nous arrive alors peut faire que tous les plaisirs des sens, la bonne santé, la vigueur, la beauté, la personnalité, l’admiration des autres, ne nous procurent plus aucun plaisir. Nous pouvons aussi devenir amers parce que nous n’avons pas atteint le degré de plaisir et de succès que, selon nous, la vie aurait dû nous accorder. Alors il faudra sans cesse faire nos preuves, être « quelqu’un » et obéir à toutes les exigences de notre personnalité, ou plus tôt de notre ego.

La personnalité est conditionnée par le mental et le mental par notre ego. Nous ne sommes pas nés avec une personnalité. Pour devenir une personnalité nous avons dû réfléchir et nous concevoir comme étant quelqu’un que notre ego a voulu être ou créer. Quelqu’un de bon ou de mauvais ou un mélange de toutes sortes de choses. La personnalité est basée sur la mémoire, sur la capacité à se souvenir de notre histoire, d’avoir une opinion sur nous-mêmes et cette opinion sur nous-même n’est autre que notre ego.  — Nous nous trouvons beaux ou laids, aimables ou pas, intelligent ou idiot — et ce regard peut changer selon les situations. Par contre, en développant l’esprit contemplatif, nous pouvons voir au-delà de ces images. Nous faisons l’expérience de l’esprit originel, de la conscience avant qu’elle soit conditionnée par la perception de notre ego.

Si nous essayons de penser à cet esprit originel, nous serons piégés par nos facultés analytiques. Il faudra donc observer et écouter plutôt qu’essayer de découvrir comment « s’éveiller ». Méditer pour s’éveiller ne fonctionne pas non plus, parce que, tant que nous essayons d’obtenir un résultat, nous créons un « ego » qui n’est pas éveillé à cet instant.

Nous nous percevons comme des êtres non éveillés — comme une personne à problèmes ou un cas désespéré. Parfois il nous semble que la pire des choses que l’on puisse penser de nous est parfaitement exacte. Il y a une forme de perversité à prétendre que l’honnêteté consiste à croire le pire de nous-mêmes ! Je ne porte pas de jugement sur la personnalité mais je suggère que vous essayiez de savoir ce qu’elle est réellement, de façon à ne pas fonctionner à partir d’une illusion créée par vous ni à partir des idées que vous vous faites sur votre propre compte. Pour ce faire, vous pouvez apprendre à vous asseoir sans bouger et à écouter ??? ???? ??? « kol dmama daka » le son d'un mince silence . Non que cela vous apporte l’Éveil, mais cette pratique va vous aider à écouter le Père, à aller à l’encontre de vos habitudes, à l’encontre de l’agitation du corps et des émotions qui vous animent d’ordinaire.

Donc vous écoutez ??? ???? ??? « kol dmama daka. Vous entendez ma voix, vous entendez les bruits extérieurs mais, derrière tout cela, il y a une sorte de son aigu, presque électronique.

C’est ce que l’on peut appeler appelle « le son d’un fin silence ». Je trouve que c’est un moyen très pratique de concentrer l’esprit parce que, quand on commence à y prêter attention – sans pour autant s’y attacher ou s’en glorifier – , on arrive à s’entendre penser. Mais est-ce vraiment nos pensées ? Ou celle du Père. La pensée est une sorte de son, n’est-ce pas ? Quand on pense, on s’entend penser et quand je m’entends penser, c’est comme si j’entendais quelqu’un parler. Donc j’écoute les pensées et j’écoute  ??? ???? ??? « kol dmama daka » le son d'un mince silence .

Mais quand j’entends le silence, je constate qu’il n’y a plus de pensée propre à nous venant de notre ego. Il y a un calme et je prends note, consciemment, de ce calme. Cela me permet de reconnaître la vacuité.

La vacuité n’est pas, s’enfermer ou nier quoi que ce soit, c’est en lâcher prise des tendances habituelles à l’activité incessante et à la pensée compulsive.

En fait, vous pouvez complètement arrêter le mouvement de vos habitudes et de vos désirs en écoutant ce son, et peut-être entendrez-vous cette appelée du Père : Dieu lui repose la question : ???-????? ???. Ma Lehha po ? Qu’en est-il de toi ici ? Autrement dit : Que fais-tu de ta vie ? Dans cette écoute il y a l’attention. Il n’est pas nécessaire de fermer les yeux, de se boucher les oreilles ni de demander à quelqu’un de quitter la pièce. Il n’est pas nécessaire de pratiquer cela dans un endroit particulier, cela fonctionne où que vous soyez. C’est très pratique au quotidien, dans un groupe ou en famille, quand la vie risque de devenir une routine. Dans ces situations, nous avons l’habitude les uns des autres et nous fonctionnons au travers de nos préjugés et d’images dont nous ne sommes même pas conscients. Or voilà que le silence de l’esprit permet à tous ces conditionnements d’être vus pour ce qu’ils sont. Quand on sait que tous les phénomènes qui apparaissent disparaissent, on voit que toutes les idées et les images que nous avons de nous-mêmes et des autres sont conditionnées par le mental (l’habitude, le temps, la mémoire) et que nous ne sommes pas vraiment cela. Ce que vous croyez être ce que votre ego veut que vous soyez, n’est pas ce que vous êtes. «  Qu’en est-il de toi  »

Vous allez demander: « Que suis-je alors ? » mais est-il nécessaire de savoir ce que nous sommes ? Il est suffisant de savoir ce que nous ne sommes pas. Le problème vient de ce que nous croyons être; Élie croyait être le grand prophète de Dieu le seul et le plus grand celui qui convertissait les cœurs par la violence et la terreur. Alors qu’il n’était rien de cela ce n’était qu’un homme avec une absence totale de compassions ou d’empathie. Les personnes qui manquent de compassion ou d’empathie ne se mettent jamais à la place de l’autre. Elles ne s’occupent donc pas des sentiments et des pensées des autres. L’une des caractéristiques les plus flagrantes des personnes désintéressées par les autres est leur égoïsme. Avec leur ego démesuré, ainsi, les personnes qui manquent de compassion ou d’empathie peuvent être très égoïstes car elles ne pensent qu’à leur bien-être et laissent les besoins des autres de côté. Elles profitent donc de la situation pour en tirer des bénéfices. Et, par la même occasion, profitent de nous. Lorsque vous faites un effort comme Dieu fit avec Élie dans le dessert et à Horeb, pour leur expliquer pourquoi leurs réactions vous blessent, elles ne le comprennent généralement pas. Elles vous font même vous sentir coupables en retournant leur veste et en vous disant que c’est vous qui n’avez pas bien agi. Le manque d’empathie peut faire beaucoup de mal à ceux qui en sont victimes. Pour Élie dans cette histoire la victime n’était pas Élie mais le peuple d’Israël pour protéger son peuple qu’il aime Dieu enlève Élie.

Or la méditation silencieuse peut nous révéler toutes sortes de choses que nous ne sommes pas et c’est cela qui nous fait souffrir. Nous ne souffrons pas d’anatta, de n’être rien, nous souffrons d’être tout le temps quelqu’un. C’est là qu’est la souffrance. Alors quand nous ne sommes pas quelqu’un, ce n’est pas une souffrance, c’est un soulagement, c’est comme poser une lourde carapace d’images de soi et de peur du regard des autres. C’est exactement celui arrive à Élie croyant être le plus grand prophète de Dieu l’a poussé à des actes d’une violence extrême au terrorisme, son comportement fit souffrir beaucoup de personnes et engendré des réactions violente de la par de Jézabel et conduit Élie à souffrir à en vouloir mourir alors qu’il était le seul responsable de ses souffrances. Voilà une des grandes leçons que nous pouvons tirer de cette histoire.

Tous ces fardeaux liés au sentiment d’avoir un « moi », nous pouvons les abandonner. C’est ce que le Bouddhisme et Jésus nous enseignent. 

Nous les lâchons, tout simplement. Quel soulagement de n’être personne ! De ne plus nous voir comme quelqu’un qui a toutes sortes de problèmes et qui devrait pratiquer davantage la méditation pour s’en sortir ou qui devrait aller plus souvent à l’église ou au temple ou à la synagogue. Qui devrait se libérer mais qui n’y arrive pas ! Tout cela est le produit de la pensée, n’est-ce pas ? C’est fabriquer toutes sortes d’idées sur soi, c’est l’esprit critique qui dit sans cesse que l’on n’est pas assez bon ou que l’on doit s’améliorer.

Donc vous pouvez prêter l’oreille; cette écoute est disponible à tout moment. Peut-être que, au début, il est bon de faire des retraites de méditation ou de vous mettre dans des situations où vous serez rappelé à l’ordre, où vous serez soutenu, où un enseignant vous encouragera à persévérer — parce qu’il est facile de retomber dans les vieilles habitudes, en particulier les habitudes mentales très subtiles — et le son du silence n’a pas l’air si extraordinaire que cela en comparaison. Pourtant, même en écoutant de la musique vous pouvez entendre ce silence. Il ne gâche pas la musique, il la met en perspective. À partir de là, vous ne vous laisserez pas emporter par elle ni piéger par les sons. Vous pourrez apprécier et le son et le silence.

 

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