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 Amour ou Compassion ?

La règle d'or -  Amour, Miséricorde, et Compassion.



(Lc 6:31; Mt 7:12) (Lc 6:32, 34; Mt 5:47)


Source Q de l'enseignement de Jésus :
6:31 Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, ainsi vous agissez envers eux.
6:32 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les collecteurs d'impôts aussi ne font-ils pas la même chose ?

L'amour sans conditions

(Lc 6:32, 34; Mt 5:47)

6:32   ... Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ?Les collecteurs d'impôts aussi ne font-ils pas la même chose ?

6:34   Et si vous prêtez "à ceux" dont vous espérez récupérer, quelle (récompense méritez)-vous ? Les Gentils aussi ne font-ils pas la même chose ?

 

Soyez miséricordieux 

(Lc 6:36; Mt 5:48)

6:35   Soyez miséricordieux, comme votre Père... est miséricordieux.

 

Dans les évangiles synoptiques :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 39)
« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.
» ( Mc 12, 30 & 31).

Cet enseignement se trouve déjà dans l’Ancien Testament (la Torah).?L'enseignement de Jésus s’inscrit dans la tradition prophétique et rabbinique, qui recherchait le principe unificateur de la Torah, c’est-à-dire de l’enseignement de Dieu contenu dans la Bible. Rabbi Hillel, un de ses contemporains, avait dit : « Ne fais pas à ton prochain ce qui est détestable à tes yeux, voilà toute la loi. Le reste n’en est qu’une explication ».?Pour les maîtres du judaïsme, l’amour du prochain découle de l’amour de Dieu qui a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. On ne peut donc aimer Dieu sans aimer sa créature : voilà le véritable fondement de l’amour du prochain et c’est « un grand principe général de la loi ».?Jésus confirme ce principe et ajoute que le commandement d’aimer le prochain est semblable au premier et au plus grand commandement, celui d’aimer Dieu de tout son cœur, de tout son esprit et de toute son âme. En affirmant qu’il existe une relation de similitude entre les deux commandements, Jésus les soude définitivement et c’est ce que fera toute la tradition chrétienne. Comme le dira l’apôtre Jean en une formule concise : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas ».
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Le prochain — tout l’Évangile le dit clairement — c’est tout être humain, homme ou femme, ami ou ennemi, et on lui doit respect, considération, estime. L’amour du prochain est universel et personnel à la fois. Il embrasse toute l’humanité.
Mais si je peux comprendre le commandement d'aimer mon prochain, pourquoi dois-je ajouter « comme moi-même  »? Y a-t-il des degrés dans l'Amour ? « comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, ainsi vous agissez envers eux. » Il doit y avoir réciprocité dans l'amour avec l'amour de soit même et celui du prochain. 

Qui peut nous donner un cœur aussi grand, qui peut susciter en nous une telle bienveillance au point de nous faire nous sentir proches des êtres les plus étrangers, au point de nous faire dépasser notre amour de nous-mêmes et voir ce ‘nous-mêmes’ dans les autres ?
Aime ton prochain comme toi-même. C’est la règle d’or qu’a formulé Jésus et qui ramène les dix commandements de Moïse à un seul : l’amour du prochain.
En effet, comme l’apôtre Paul le rappelle : « Celui qui aime autrui a de ce fait accompli la loi : le précepte : tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne tueras pas ; tu ne voleras pas ; tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en ces mots : aime ton prochain comme toi-même. »(Rm 13,8).
Ce qu’on fait par amour, on le fait volontiers, par inclination : si aimer c’est faire quelque chose volontiers, comment commander cette volonté !?
Ce commandement édicté sous forme de loi pose un certain nombre de paradoxes : il impose l’amour du prochain or l’amour est un sentiment très compliqué, un fait volontiers que l’on ne contrôle pas ; ainsi comment contrôler cette volonté ?
Il suppose que l’on s’aime soi-même, et il corrèle amour de soi et amour du prochain or, est-il possible, lorsqu’il y a conflit d’intérêts, de marier les deux ?
Cette loi a pour adversaires l’égoïsme et le souci exclusif de soi. Si nous aimions les autres de la même façon que nous nous aimons nous-mêmes, l’amour disparaîtrait au profit d’un sentiment universel et non électif, car on ne choisit pas son prochain, mais c’est lui qui à l’improviste vient à notre rencontre. (Nous vairons plus loin que ce raisonnement est faux).

Qu’est-ce que l’amour de soi ?
L’amour de soi est une longue route qui passe par le respect de soi, une somme de petites attentions que l’on se porte. L’amour de soi passe aussi par la pacification de nos conflits, ces conflits qui nous agitent et que nous transposons inconsciemment dans notre couple, notre famille, notre entourage, notre travail... L’amour que l’on se porte se transpose directement dans nos comportements avec les différentes personnes que l’on côtoie.
L'amour du prochain présuppose donc l'amour de soi. La philosophe mystique Simone Weil, juive qui se considérait chrétienne même si elle n'avait jamais été baptisée, grande lectrice et exégète des textes théologiques, avait eu cette phrase sublime en commentant ce verset : « Aimer le prochain plus que soi-même, oublier de se prendre en considération, est une faute contre la raison. » Avec ses élèves de Bourges, à qui elle enseignait la philosophie, elle avait insisté : « L'amour de soi, c'est l'amour naturel. La méconnaissance de l'amour de soi est une folie. » Par quel maléfice l'amour de soi, prôné par la Bible et les Évangiles, s'est-il retourné en haine de soi ? 
En effet le christianisme a, au travers de son histoire, parfois trop encouragé ce rejet de soi.

Le rejet de soi.

L’expansion du christianisme et son intégration à la vie civique et culturelle appellent, dès le IV siècle, de nouvelles manières, de vivre la radicalité de l’Évangile à la suite de Jésus-Christ. Progressivement, dans un monde où Dieu est maintenant au centre et agit par la foi des croyants, l’apport le plus neuf et décisif sur le plan spirituel est la fondation du monachisme. Pour environ dix siècles, le moine, sous des acceptions différentes, incarnera plus que tout autre la figure du disciple dans une recherche de « l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi » (saint Augustin).  
Le passage de la loi mosaïque à la nouvelle loi, libératrice par bien des aspects, installe une culture qui va déraper dans la haine de soi et de sa propre chair, à force de culpabilisation des plaisirs les plus naturels. Pas seulement le sexe mais aussi le plaisir de manger et même le plaisir de rire.
Quatre siècles après Jésus, saint Augustin, évêque d'Hippone et Père de l'Église, subit l'influence de Plotin qui l'a précédé d'une centaine d'années. Ce dernier, un philosophe mystique gréco-romain, considère la personne humaine, l'individu, comme un obstacle majeur à la quête de la sagesse et avec l'identification à l'Un, le principe à l'origine du monde, nommé Dieu par le judéo-christianisme. Augustin marquera définitivement la théologie chrétienne en dénonçant les âmes qui se « détournent de l'amour du bien supérieur et immuable » pour « se complaire en elles-mêmes et ainsi se glacer et s'enténébrer ». Et il lancera cette prière, restée célèbre : « Mon Dieu, faites-moi connaître ce que je suis, et je n'ai pas besoin d'autre chose pour me couvrir de confusion et de mépris de moi-même. »
À partir de saint Augustin, les théologiens se sont complu à piétiner l'enseignement de Jésus. Une chape de plomb a étouffé son message : s'aimer, être narcissique, est devenu une obscénité, la source de tous les péchés. Au XIIIe siècle, saint Thomas d'Aquin dénonce le « défaut de la vertu d'humilité » ; ne pas être humble est une faute cardinale, une rébellion contre Dieu. Le mot « narcissisme » a lui-même fini par tomber dans l'oubli jusqu'en 1899, quand le psychiatre allemand Paul Näcke l'a repris pour définir une « perversion » dans laquelle l'individu traite son propre corps comme un objet sexuel.
Au début du XX siècle, c'est une femme qui a osé rebattre les cartes. Née dans l'aristocratie russe, Lou Andreas-Salomé reste célèbre pour la passion qu'elle inspira à Nietzche puis à Rilke et pour sa longue amitié avec Freud – qui la surnomme la « compreneuse par excellence ». Elle est aussi l'auteure d'un magistral essai, Le Narcissisme comme double direction (traduit en français sous le titre L'Amour du narcissisme). Un livre révolutionnaire, quasi scandaleux, mais passé presque inaperçu, sans doute victime de la misogynie.
S'appuyant sur sa longue fréquentation des milieux artistiques européens, et en particulier sa relation à Rilke, Lou Andreas-Salomé ose avancer que le narcissisme, c'est?à-dire l'amour de soi, est la condition de la paix en soi. Une fois cette paix scellée, on peut rentrer sans crainte au fond de soi et toucher la source de vie qui nous habite et qui est l'humanité en soi. Nul, dit-elle, ne peut se prétendre réellement vivant en se coupant de cette source. Elle est indispensable à l'acte créateur, elle est aussi un préalable à l'ouverture à l'autre, à ce qui est au-delà de moi, au tout. Le narcissisme est ainsi le premier mouvement de ce qu'elle appelle « une réunification fondamentale », autorisant le déploiement de notre génie : « Quand le narcissisme est trop faible, mon jugement est toujours tourné vers le réel, vers ce qui se passe, et je n'ose plus rien faire. Je ne peux être dans aucune vraie gaieté. » Je ne peux pas me dépasser.
Freud a longuement discuté sur ce thème avec Lou Andreas-Salomé. Il emploie, lui, le mot « narcissique » pour qualifier un stade précoce de l'évolution de la libido, l'énergie motrice de tout individu. Pour le père de la psychanalyse, tout enfant passe par un stade narcissique qui lui permet de structurer sa personnalité et sa sexualité, de développer son autonomie et sa confiance en soi. Toutefois, selon Freud, l'individu est normalement appelé à dépasser ce stade pour se tourner vers un objet d'amour extérieur. Dans la pratique de leurs cabinets, de plus en plus de psychanalystes remettent pourtant en question l'orthodoxie freudienne et utilisent le narcissisme comme un outil thérapeutique avec des personnes en grande souffrance, notamment celles qui sont victimes d'addictions, qui se vivent en échec, abîmées, ratées. Le travail, consiste à amener le patient à se rencontrer, à découvrir, au-delà de l'échec qu'il vit, une personne dotée de ressources, un individu aimable. C'est, ajoutait-il, la seule manière de lever la malédiction. Le narcissisme guérit. Socrate et Jésus, l'avaient compris. Nous avons occulté cette vérité, comme nous l'avons fait de leur message. Nous l'avons détournée. Du narcissisme nous ne voyons qu'un risque de repli sur soi, au détriment de la réalité qui nous entoure. Mais ce qui nous entoure n'est que la réalité que nous voulons voir. Autrement dit, si je m'aime, je risque de cesser d'aimer les autres. Où l'on retrouve l'absurde théorie de la part du gâteau qui ne peut pas être partagée…

Contradiction : Aimer son prochain comme soit même ! Mais, comment peut-on aimer son prochain, si on ne sait pas s’aimer soi-même ?

On ne peut donner que ce que l'on connaît.
Si on y voit seulement un constat, on ne peut qu'admirer l'extraordinaire lucidité de ces hommes qui : voilà 2000 ans, ont compris qu'on ne peut aimer son prochain que comme on s'aime soi-même. Si je m'aime mal, puis-je aimer bien mon prochain ? Si je me déteste, puis-je aimer les autres ?
Pour Nietzsche l’amour du prochain revient la manifestation de natures dégénérées ayant perdu tout instinct d’affirmation de soi et cherchant  à compenser leurs insuffisances individuelles dans la chaleur d'un rassemblement  de semblables. C’est par inaptitude à l’indépendance que ces natures se rassemblent.  Derrière l’instinct de majorité se cache  le refus de tout ce qui est inhabituel, la peur de l’exception.  C'est toute la morale judéo-chrétienne, la vertu de pitié ainsi que le culte de l’égalité qui sont diagnostiqués comme réflexe de bêtes  dégénérées.
Comme on l’a dit, l’homme retranscrit dans sa relation avec les autres la relation qu’il entretient avec lui-même. Et au final, si le monde manque tant d’amour pour son prochain, c’est probablement que nous sommes nombreux à nous aimer si peu.
Sans le vouloir, nous sommes une large majorité à aimer notre prochain comme nous-même, c’est-à-dire très mal...

De l'amour de soi à la compassion pour l'autre.
La principale différence entre l'amour et la compassion est que l'amour est un profond sentiment d'affection et d'attachement envers quelqu'un, ou envers soi-même, tandis que la compassion est une pitié sympathique et une préoccupation pour les souffrances ou les malheurs des autres. Selon notre raisonnement précédant « aimez votre prochain comme vous-même » il est donc difficile d'avoir de la compassion si on souffre et que nous sommes malheureux.

Autrement dit, si on est dans la souffrance et le malheur on peut recevoir de la compassion, mais il nous est difficile d'en donner.

L'amour et la compassion sont deux sentiments positifs qui contribuent à rendre le monde meilleur. Nous ressentons de la compassion pour les personnes qui se trouvent dans des situations malheureuses (pauvreté, maladie, etc.) et nous ressentons le désir de les aider. L'amour, cependant, est une émotion que nous ressentons pour une personne proche de nous.
Il est souvent associé à de forts sentiments positifs comme la chaleur, le bonheur et la bienveillance. La plupart d'entre nous ont tendance à penser à l'amour romantique lorsque nous entendons le mot amour. Cependant, cela peut faire référence à l'amour pour les amis, les parents, les frères et sœurs, les parents, les enfants, etc.
En fait, l'amour est une émotion complexe et peut signifier une grande variété de sentiments et d'émotions pour différentes personnes. Prendre soin, aimer, chaleur, affection et attachement fait partie de ces sentiments. L'amour que nous ressentons envers une personne diffère selon la familiarité et la relation avec cette personne. Par exemple, l'amour que vous ressentez envers votre enfant est différent de l'amour que vous ressentez pour votre conjoint. L'amour pour un enfant est teinté d'émotions telles que la bienveillance, la chaleur, la protection et l'affection et tandis que l'amour pour un conjoint est teinté d'émotions comme le désir, l'attraction et l'affection.
Pour Jésus cet Amour-là n'a rien d'exceptionnel : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ». Donc ce n'est pas de cet Amour-là que Jésus demande d'Aimer son prochain ! Mais de quel Amour alors ? Jésus nous dit : « celui que tu portes à toi-même. » 
S'agirait-il alors de notre ego ? Si c'est ainsi Jésus demande de porter — voire d'éclater  — notre ego aux autres nous-même.
Les Grecs anciens distinguaient entre quatre types d'amour : le storge, le phileo, l'eros et l'agapé. 
Storge est l'amour que nous ressentons pour notre famille et nos relations. 
Phileo est l'amour que nous ressentons pour nos amis ; cet amour affectueux et platonique. 
Eros, caractérisé par le désir et le désir, est l'amour passionné entre amants. 
L'agapé est l'amour pur et idéal, qui est inconditionnel.
C'est de ce dernier qu'il faut avoir envers son prochain selon Jésus.
L’amour « Agapé » est un amour fraternel, universel, altruiste, spirituel. Il se donne « gratuitement » de manière désintéressée, sans attendre de retour. Il est inconditionnel, accepte l’autre tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Il souhaite son bien-être sans profit personnel. Il a de la compassion pour l’autre et l’aime… Même s’il n’est pas aimé de lui. C’est un amour affranchi de l'ego puisque cet « amour égoïste » est donné aux autres, cet amour se situe au-delà de l’émotionnel. Notre amour égoïste n'est pas mort, il ne s'agit pas de tuer notre ego mais de le rendre. Il n'est plus notre otage puisqu'il est redonné à l'universel.
l'Agapé, c'est cultiver des sentiments de bienveillance et de compassion à son égard, reconnaître ses blessures à l'origine d'agissements déviants, cultiver le non-jugement. C'est respecter nos différences et accepter que nous sommes tous en chemin avec des degrés de maturité et d'évolution propres à chacun. C'est écarter tout a priori à son égard, garder le cœur ouvert et reconnaître le divin qui l'habite au-delà des ombres qui peuvent l'animer. C'est avoir un regard altruiste qui l'aidera à grandir. 

Cette Amour AGAPÉ qu'enseigne Jésus ne serait-ce pas ce que l'on peut désigner par de la : compassion, sympathie, pitié, charité, miséricorde.

Soyez miséricordieux comme votre Père

(Lc 6:36; Mt 5:48)

6:35   " Soyez miséricordieux, comme votre Père... est miséricordieux."

Les traductions françaises des mots hébreux et grecs oscillent de la miséricorde à l’amour, en passant par la tendresse, la pitié, la compassion, la clémence, la bonté, et même la grâce (…). Malgré cette variété, il n’est pas impossible de cerner l’intelligence biblique de la miséricorde. Du début à la fin, Dieu manifeste sa tendresse à l’occasion de la misère humaine ; à son tour, l’homme doit se montrer miséricordieux envers son prochain, à l’imitation de son Créateur.

En hébreu et dans l’Islam, c’est la même racine sémitique,  ????? (rah’amim ou rahma), qui désigne la miséricorde. Son sens premier évoque les entrailles, le sein maternel, l’utérus qui porte l’enfant en gestation.

La religion juive a reçut la révélation de la dimension miséricordieuse de Dieu. Les récits de l’Ancien Testament témoignent de l’amour divin pour son peuple en réponse aux vicissitudes auxquelles celui-ci est soumis, et cela malgré ses trahisons. Ils évoquent ainsi très concrètement l’attachement viscéral d’un père pour ses enfants. Dieu qui a créé l’homme à son image lui demande d’être miséricordieux à son tour : « de même que moi je suis miséricordieux, soyez miséricordieux vous aussi ».

Dans le Coran, le mot miséricorde est l’un des plus utilisés pour désigner Dieu. Chaque sourate du texte sacré est introduit par la formule rituelle : « Au nom de Dieu le miséricordieux, le très miséricordieux, … ». Dieu dans sa miséricorde adresse aux hommes son message. Mais Il leur demande en contrepartie d’être miséricordieux avec leurs semblables : « soyez miséricordieux avec ceux qui sont sur terre pour que celui qui est dans les cieux soit miséricordieux avec vous ». Venir au secours de ceux qui sont dans le besoin est l’un des cinq piliers de l’Islam.

Le christianisme met, quant à lui, l’accent sur le Cœur de Dieu, non plus sur ses entrailles. Le mot latin misericordia vient de misereri (avoir pitié) et cor (cœur) : avoir le cœur plein de miséricorde c’est être compatissant, sensible au malheur d’autrui. Par tendresse pour les hommes, Dieu leur envoie son fils Jésus, pour révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. Sa vie et son enseignement fondés sur la miséricorde et l’accueil du pécheur rendent cet amour tangible.

Qu'est-ce que la compassion?
La compassion est la pitié sympathique et le souci des souffrances ou des malheurs des autres. C'est un sentiment de vouloir aider quelqu'un qui se trouve dans une situation malheureuse, c'est-à-dire quelqu'un malade, affamé, en difficulté, etc. Lorsque vous ressentez de la compassion, votre cœur se déplace pour la situation d'un autre. Le handicap, la maladie, la mort, la douleur, la pauvreté, la violence et la tristesse sont des situations qui évoquent notre compassion. Lorsque nous sommes quelqu'un dans une telle situation, nous nous sentons sympathiques envers cette personne et voulons aider à soulager sa détresse.

Mais sans doute ne faut-il pas différencier Amour et Compassion de façon trop caricaturale. L’Amour n’a pas la caractéristique exclusive d’aspirer vers le haut, d’être un sentiment fort, divin, une passion. Tandis que la compassion serrait un sentiment tendre, humain, partagé… L’Amour n’implique pas nécessairement la souffrance, même si aimer véritablement amène tôt ou tard à souffrir. Tandis que la Compassion naît implicitement d’un regard jeté sur la souffrance de l’autre. Ainsi, l’un tendrait vers le haut, la seconde vers le bas. Mais ces élans divergents ne les renvoient pas dos à dos, mais bien plutôt face-à-face. Non adverses, mais complémentaires, l’envers et le revers de la même médaille.
Peut-être y a t-il quelque chose à chercher du côté du symbole du Yin et du Yang, qui s’interpénètrent, se contrebalance, s’équilibrent ? Ce pourrait être l’image de l’humain, lorsqu'il est  capable des plus nobles élévations une forme de « fils de l'Homme ».
Les gens associaient souvent la compassion à des vertus telles que la patience, la sagesse, la gentillesse et la persévérance. De plus, la compassion est la principale composante de l'altruisme. Bien que la compassion soit également similaire à la pitié, la sympathie et l'empathie, ces qualités ne sont pas les mêmes. Lorsque vous êtes compatissant, vous ressentez une forte contrainte à soulager la souffrance d'autrui en plus de reconnaître sa souffrance (sympathie) ou de ressentir sa souffrance (empathie). Par exemple, vous pouvez voir un vieux sans-abri dans la rue ; vous reconnaîtrez que cette personne a besoin d'aide, puis agissez pour l'aider. Ici, le premier acte est de comprendre la situation - c’est de la sympathie. Cependant, lorsque vous êtes compatissant, vous ressentez automatiquement le désir d'alléger la souffrance de cet homme.

Quelle est la différence entre l'amour et la compassion?
L'amour est un intense sentiment d'affection profonde tandis que la compassion est la conscience sympathique de la détresse des autres et le désir de l'atténuer. Par conséquent, nous pouvons considérer cela comme la principale différence entre l'amour et la compassion. Alors que l'amour est associé à des sentiments comme la chaleur, l'affection, la bienveillance et l'attachement, la compassion est associée à des sentiments comme la sympathie, la pitié et la gentillesse. Ainsi, c'est une différence significative entre l'amour et la compassion.
De plus, l'amour est un sentiment que nous ressentons envers quelqu'un que nous sommes proches de nous ou quelqu'un que nous connaissons ; par exemple, les parents, les amis, les frères et sœurs, les amants, etc. Cependant, nous pouvons aussi ressentir de la compassion pour de parfaits étrangers. Donc, c'est aussi une différence entre l'amour et la compassion. Mais c'est certainement ce que Jésus nous demande d'éprouver ici dans son enseignement : l'Amour/compassion avers notre prochain c'est-à-dire l'amour agapé. Ainsi l'agapé serait l'amour donnant ou conduisant à la compassion. Agapè est une notion fort complexe, car les Évangiles désignent par le même mot la dilection du Père pour son Fils, la compassion du bon Samaritain, le respect et l’attachement du centurion pour la nation juive, le goût des Pharisiens pour les premières places, la vertu par excellence des disciples de Jésus-Christ. Cela étant, l’agapè se présente comme le plus noble des amours en deux directions : envers Dieu et envers les hommes dans les écrits néotestamentaires, avec des variantes selon les textes. L'amour agapê se manifeste toujours en actes l'un d'entre eux est la compassion.

Dans nos sociétés modernes où domine la théorie néolibérale on nous impose une maximisation du temps et du profit, comme objectif premier. Par conséquent, chacun tend à éprouver son isolement et à penser qu’il n’a « pas le temps » de se consacrer aux autres ; d’ailleurs qui s’intéresse à lui ?  L'enseignement de Jésus prend ici tout son sens : « Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, ainsi vous agissez envers eux. »
Ainsi chacun a déjà été amené à déplorer un « manque d’humanité » en politique, dans la rue, et dans nos institutions. Or malgré cela, nous continuons à considérer que « c’est comme ça », que « c’est chacun pour soi, » que « nous n’y pouvons rien ».  Jésus dit non ! L'état de la société dépend du comment vous agissez en vers les autres. Jésus nous enseigne que ce « manque d’humanité » que nous ressentons tous signifie tout simplement un manque d’attention, un manque de compassion envers les autres. Quand nous disons par exemple : « cette maison de retraite manque d’humanité » ne pensons-nous pas : « qu'elle manque de compassion » ? Comment pourrions-nous faire alors pour que les institutions soient plus compassionnelles ou compatissantes ? Jésus nous dit : « comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, ainsi vous agissez envers eux », autrement dit : « commençons à être nous même compatissant ». 

La compassion est un mode affectif de communication intersubjective, relatif à une morale naturelle et universelle, car indépendante des cultures, de l’éducation ou d’époque. Elle est une prédisposition à la perception et à la reconnaissance de la souffrance d’autrui, animée par un sentiment d’amour de l’autre, au sens de l’amour agapè, entraînant ainsi une réaction de solidarité active. Sentiment à la portée morale et métaphysique à la fois, elle nous révèle l’unité profonde de tous les êtres. Issue de la condition humaine dans sa dimension duelle, à la fois sociale et existentielle, la compassion se situe ainsi à la base de l’éthique et de l'enseignement de Jésus-Christ et si elle est le socle du bouddhisme elle doit être aussi selon Jésus le socle du christianisme. Comme le souligne Schopenhauer, la valeur morale d’un acte dépend précisément de la compassion : « le seul acte véritablement moral est celui qui dérive du soi compatissant, ressentant avec l’Autre » (Le fondement de la morale). La compassion constitue ainsi le cœur de la motivation morale et donne l’impulsion première à l’action désintéressée pour les autres. Qu’est ce qui nous empêche, malgré cela, d’agir avec compassion ?

Davantage que l’empathie, la compassion
C’est comme sujets co-constituants du monde que nous entrons en rapport avec autrui. Nos contributions respectives s’éprouvent comme indispensables à la constitution d’un monde commun. Le groupe, c’est-à-dire l’action sociale et disciplinée, peut rapprocher les individus et ainsi atténuer la violence et la douleur. Une telle action est a priori compassionnelle, comme l’explique Emmanuel Levinas :
“La socialité n’est pas simplement le fait que l’on est en nombre. Ce n’est pas la multiplicité humaine qui fait la socialité humaine, c’est une relation étrange qui commence dans la douleur, dans la mienne où je fais appel à l’autre, et dans la sienne qui me trouble, dans celle de l’autre qui ne m’est pas indifférente. C’est l’amour de l’autre ou la compassion. […] Le fait qu’autrui puisse compatir à la souffrance de l’autre est le grand événement humain, le grand événement ontologique.” Autrement qu’être ou au-delà de l’essence (AE), (1974).

À première vue la compassion semble caractériser une forme de « sympathie » ou de pathos avec, mais elle est aussi logos (rationalité), ce qui la différencie de l’empathie, qui consiste tout simplement à ressentir ce que ressent l’autre, à résonner avec l’émotion de l’autre. L’empathie est partiale, focalisée sur les souffrances d’une personne particulière, et facile à manipuler. La compassion en revanche consiste, elle, à se soucier de quelqu’un qui souffre, sans pour autant éprouver soi-même ce qu’il ressent. Les neurosciences sociales ont confirmé que nous pouvons redécouvrir ce que nous avons déjà naturellement en nous. Chacun a en soi cette capacité à la compassion et au soin de l’autre. Et nous, par rapport aux animaux, nous avons la capacité d’étendre notre attention à ceux que nous n’aimons pas, en développant une meilleure compréhension d’autrui.
Ainsi selon Jésus la compassion est du domaine du royaume de Dieu qui est en chacun de nous.

S’entraîner à la compassion
Cette grande plasticité du cerveau, permet la possibilité de s’entraîner à la compassion. Inspirée par la recherche sur les neurones miroirs, on a pu démontrer à travers différentes expériences pratiques en neurosciences, que, juste après trois mois d’un certain « entraînement à la compassion », la matière grise du cerveau socioémotionnelle avait augmentées.  Les personnes qui développent la compassion comme les moines bouddhistes, ont plus facilement du plaisir à aider les autres, alors que les personnes très empathiques souffrent souvent de burn-out.
On peut s’entraîner à la compassion, la cultiver, développer une culture qui la valorise et la favorise, qui pourrait la renforcer, comme c’est le cas pour toutes les émotions. Paul Bloom évoque aussi l’exemple de la colère en expliquant :
« Chaque être humain a la faculté d’éprouver de la colère, mais certaines sociétés sont plus colériques et d’autres sont plus douces. On possède tous des mécanismes de la colère dans nos cerveaux, mais ce qui compte c’est si l’on les exerce ou pas » (The Case for Rational Compassion, Bodley Head, London, 2016.).

La compassion, support de l’action
Ce qui vient d’être dit n’a pas pour objectif de nier l’importance de l’empathie. L’empathie doit bien évidemment garder un rôle positif dans les relations intimes, ainsi que dans la littérature, les films, car nous avons cette aptitude innée d’entrer en résonance empathique avec l’autre de façon plus ou moins automatique. Mais dans les relations sociales et politiques cette résonance ne semble pas se matérialiser de façon évidente. La compassion est un meilleur guide d’action dans le monde où nous vivons. Or, les traits distinctifs que la compassion dégage en font tout de suite toute autre chose qu’un sentiment passif. Ils en font au contraire un support d’action, d’où le statut éminemment moral que l’on lui accorde. Elle met l’être en mouvement, elle est une réaction qui fait agir, elle porte l’individu à venir en aide de d’autrui souffrant. Pas étonnant que Jésus l'enseigne dans la continuité du sermon sur la montagne où il proclame : « Debout/en/marche ».
« Dans les langues qui forment le mot compassion non pas avec la racine “passio-souffrance” mais avec le substantif “sentiment”, le mot est employé à peu près dans le même sens, mais on peut difficilement dire qu’il désigne un sentiment mauvais ou médiocre. La force secrète de son étymologie baigne le mot d’une autre lumière et lui donne un sens plus large : avoir de la compassion (co-sentiment), c’est pouvoir vivre avec l’autre son malheur, mais aussi sentir avec lui n’importe quel autre sentiment : la joie, l’angoisse, le bonheur, la douleur. Cette compassion-là (au sens de souci, wspolczucie, Mitgefühl, medkänsla) désigne donc la plus haute capacité d’imagination affective, l’art de la télépathie des émotions. Dans la hiérarchie des sentiments, c’est le sentiment suprême.” (Milan Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être.)

Vers la « vie bonne » (le royaume du Père)
La noblesse de la compassion est dans sa recherche des moyens de vivre ensemble, de comprendre ce qui ne nous vient pas de manière spontanée, et de construire le bien collectif dont dépend le bien individuel, car « l’individu n’est pas tout-puissant. Il est résolument fini. Il n’est que frontière, ligne au-delà de laquelle il se fantasme, ligne en deçà de laquelle il se déçoit. Alors porter le regard vers l’autre et l’horizon du monde l’aide à ne pas sombrer dans le miroir de son âme » (Cynthia Fleury, Les irremplaçables, Gallimard, Paris, 2015.). 
En reconnaissant ce besoin que nous avons d’autrui, nous reconnaissons tout autant les principes de base qui inspirent les conditions sociales, démocratiques, de ce que nous pourrions appeler « la vie bonne ». Celles-ci sont les conditions critiques de la vie démocratique parce qu’elles relèvent d’une forme de pensée l’autre, et de le comprendre. Il faut toujours penser et repenser ensemble ce que pourrait être une vie bonne, car nous ne pouvons pas la penser exclusivement comme une vie bonne de l’individu. Si ces deux « vies » existent bien – ma vie et la vie bonne, comprise comme une forme sociale de vie, alors l’une est impliquée dans l’autre. Nous sommes vulnérables aux autres et aux institutions, et notre exposition partagée à la vulnérabilité n’est rien d’autre que le terreau de notre égalité potentielle et de nos obligations réciproques de produire ensemble les conditions d’une vie digne d’être vécue. Cela consiste à savoir comment mener à bien sa propre vie de sorte qu’il soit possible de mener une vie bonne « avec et pour les autres, dans des institutions justes  » (Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Points, Paris, 2015.).
« Comment découvrir la porte d’entrée des êtres et des choses ? Comment accéder à l’autre, à tout ce qui n’est pas moi, à tout ce qui m’échappe et m’abandonne à la solitude ? Oui, je vais perdre ceux que j’aime. Oui, je vais mourir. Mais à cette certitude s’ajoute une grâce ou une énigme. Il existe des instants, des lieux à mi-chemin entre monde visible et monde invisible où le temps se suspend, où la dimension de l’un et de l’autre donne accès à une vérité plus belle et plus vraie. Seules ces rencontres inestimables avec l’autre nous aident à saisir le fait même de voir ou de penser. » (Cynthia Fleury, Métaphysique de l’imagination, Editions D’écarts, Paris, 2000.)

Avec la compassion, l’équité et l’égalité
La compassion semble souvent s’éveiller par une prise de conscience de sa propre fragilité et de sa vulnérabilité face à une situation d’urgence. Mais comment pourrions-nous nous tourner vers l’autre sans en passer par l’accident, par la catastrophe individuelle ou collective ? Finalement devons-nous attendre un accident pour éveiller un souci de l’autre, un souci de soi ? Doit-on alors voir les situations quotidiennes comme des accidents pour pouvoir agir ? En effet, une mobilisation active et délibérée de la compassion ne devrait pas se limiter aux rares moments de choc moral, qui unifient brièvement la société lorsqu’un événement inattendu engendre une indignation morale. L’expérience compassionnelle impliquerait ainsi une écoute attentive, puisée dans la conscience imaginative. Elle part de l’idée d’en “souffrir avec”, transfigurée ainsi en projet positif : non seulement offrir de l’assistance et  réduire les souffrances de l’Autre, mais aussi d’agir pour construire un vivre ensemble. Ainsi la compassion doit servir la cohésion sociale par la promotion active du bien individuel et collectif, conduisant ainsi à une revitalisation des concepts d’équité et d’égalité.

Il nous faut d’abord déconstruire les usages d’un “nous” discriminant et favoriser un discours, un “nous”, fondé sur “nous humains”, sur notre ressemblance commune et fondamentale, sur ce qui nous unit, la seule appartenance inévitable et qui ne fait pas de distinctions : notre humanité à l'image de Dieu. Dieu est Amour, Dieu est compatissant.
Cette conscience de notre humanité partagée et fondée sur la certitude universelle de la finitude pourtant ne suffit pas. En effet, elle n’ouvre la voie à une éthique cosmopolitique que si cette certitude se traduit par une relation compassionnelle à l’autre comme soi-même : « comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, ainsi vous agissez envers eux. » 
Si la certitude de la finitude crée les conditions nécessaires à l’expérience d’une humanité partagée, seule la compassion peut fonder une éthique agissante. Nous pouvons nous appuyer sur le sentiment de la compassion pour créer des actions, apporter des réponses et envisager une politique de la non-violence, afin d’éviter toute entrée dans le cercle vicieux de la haine et de dépasser tout sentiment de résignation.

C'est cela que nous enseigne ici Jésus.
C'est dans un évangile apocryphe que nous devons aller chercher la réponse du pourquoi,  il est naturel d'aimer son prochain comme soi-même.

Évangile de Thomas : faire le deux Un
Jésus vit les petits qui étaient au sein. Il dit à ses disciples : 
Ces petits qui tètent sont semblables à ceux qui entrent dans le Royaume.
Ils lui dirent : 
Alors, en devenant petits, nous entrerons dans le Royaume ?
Jésus leur dit : 
Lorsque vous ferez le deux Un et que vous ferez l’intérieur comme l’extérieur, 
L’extérieur comme l’intérieur, 
Le haut comme le bas, 
Lorsque vous ferez du masculin et du féminin un Unique,
Afin que le masculin ne soit pas un mâle
Et que le féminin ne soit pas une femelle, 
Lorsque vous aurez des yeux dans vos yeux, 
Une main dans votre main
Et un pied dans votre pied, 
Une icône dans votre icône, alors vous entrerez dans le Royaume !

- Évangile de Thomas, loggion 22

Voilà une bien étrange parole de Jésus, qui peut sembler n’avoir aucun lien avec les évangiles canoniques et ce t enseignement : « aimez les autres comme soi-même ». Pourtant, elle évoque plusieurs passages bien connus : Jésus et les enfants (Luc 18), l’intérieur de la coupe et l’extérieur de la coupe (Luc 11 :40), la prière pour l’unité (Jean 17). Seulement, ces thèmes sont ici réunis dans un appel de Jésus à détruire toutes les oppositions afin de revenir à un état d’Unité.

Il s’agit ici d’un des nombreux passages de l’Évangile de Thomas à forte saveur non-dualiste. Mais qu’est-ce que cette conception du non-dualisme ? En hypersimplifier, il s’agit d’une vision du monde où il n’existe pas « deux choses », où seul Dieu est réel et où tout ce qui existe est en fait une facette de Lui. Le non-dualisme c'est Dieu et lui seul. Le non-dualisme rejette les forces du mal qui s'opposent aux forces du bien. 
Le non-dualisme est une conception du monde et de Dieu qui est compatible avec à peu près toutes les religions. 

La non-dualité.
La non-dualité désigne à la fois l'unité fondamentale qui, selon certaines écoles philosophiques orientales, sous-tendrait la diversité apparente, la multiplicité des formes du monde, et les approches philosophiques ou pratiques qui conduiraient à comprendre la dualité entre transcendantalisme et immanence.

Spiritualité et religion
La non-dualité est un enseignement de plusieurs traditions telles que l'hindouisme (advaita ved?nta), le bouddhisme, le taoïsme, le soufisme qui offrirait à l'homme de réaliser sa vraie nature par la compréhension intime qu'il ne fait qu'un avec tout. C'est dans la Chandogya Upanishad qu'est cité pour la première fois le célèbre "Tat tvam asi" (Tu es cela). Le zen, de même, déclare par exemple que cela seul existe, et que de cela, on ne peut rien dire et rien séparer.
« De l'Esprit-Un émerge la dualité, mais ne t'attache même pas à cet un. » Seng Ts'an, troisième patriarche du Zen.

Taoïsme
Dans le taoïsme, l'alternance constante des principes yin et yáng exprime l'unité ultime appelée t'ai chi (Faîte suprême), ou dào. Pour les taoïstes, la dualité et la multiplicité sont des reflets de l'Un. L'humain, empêtré dans le jeu antinomiste des paires duelles, ne voit pas qu'elles sont la manifestation de ce seul et même principe, ne parvient pas à en réaliser le sens et l'origine, puis à suivre la voie naturelle du « non-agir » (wuwei, ??), qui signifie la fin de l'attachement, des passions, de l'individualité, et finalement, l'harmonisation avec la « vertu efficiente ». 

Bouddhisme
Dans les traditions non-dualistes du bouddhisme, c'est-à-dire le zen, le dzogchen, le mah?mudr?, le madhyamaka, il est également question du «non-agir» de la nature non duelle. Des notions telles que non-effort, non-soi, non-méditation, non-pensée, etc., se réfèrent toutes à une transcendance, une mise hors-jeu de la dualité intrinsèque que « pose en s'opposant » n'importe quel concept : agir, avoir, être, le moi, le vrai, le bien…
Longchenpa (1308-1363), un des plus célèbres érudits et yogis tibétains, qui a rassemblé et coordonné les enseignements nyingmapas, parlant plus précisément de rigpa, s'exprime ainsi :
« Face à des objets sans finalité s'élèvent des perceptions sans réalité.
Dès que la conscience sans attachement se libère non-duellement,
Les phénomènes mentaux sont la symphonie de l'esprit. […]
Ceux qui souhaitent se libérer entrent calmement dans le non-agir,
Où l'esprit demeure dans sa condition naturelle sans artifices. »
De façon générale, le bouddhisme mahayana expose la non-dualité du samsara et du nirv??a, de la forme et de la vacuité, de l'objet et du sujet, etc. Par exemple, dans Le soutra du parfait Éveil (ch.36), attribué à Bouddha :
« Il n'y a ni identité ni différence, ni asservissement ni libération. Maintenant vous savez que tous les êtres sensibles sont originellement de parfaits Éveillés; que samsara et nirvana sont comme le rêve de la nuit dernière. Nobles fils, puisqu'ils sont comme les rêves de la nuit dernière, vous devriez savoir que samsara et nirvana n'ont ni avènement ni cessation. Ni allée ni venue. Dans cette réalisation il n'y a ni gain ni perte, ni adoption ni rejet. Dans celui qui réalise il n'y a pas "s'efforcer", "laisser-aller", "arrêter les pensées" ou "éliminer les passions". Dans cette réalisation il n'y a ni sujet ni objet, et ultimement ni Réalisation ni Réalisé. La nature [ultime] de tous les phénomènes est égale et indestructible. »
Même si le bouddhisme originel n'est pas explicitement non dualiste, en tant que « voie du milieu », il se tient à distance des deux extrêmes que sont l'être et le néant :
« Ce monde est supporté par un dualisme, celui de l'existence et de la non-existence. Mais quand on voit avec juste discernement l'origine du monde tel qu'il est, « non-existence » n'est pas le terme qu'on retient. Quand on voit avec juste discernement la cessation du monde tel qu'il est, "existence" n'est pas le terme qu'on retient. » (Kaccayanagotta Sutta)

Hindouisme
Dans l'hindouisme, le brahman ou l'Un est un état de l'être ou toutes les distinctions entre sujet et objet n'existent pas. Il est identique à l'?tman, le Soi ou la pure conscience. Pour l'advaïta, tout est une seule et même réalité, et les distinctions entre, l'Un et le Soi, entre objet et sujet résultent de l'ignorance de sa vraie nature qui transcende le temps et l'espace. Dans cet état d'ignorance, l'individu resterait prisonnier des illusions du monde, la m?y?, et n'échapperait pas aux réincarnations successives, fruit de son karma. C'est une conception similaire à celles du bouddhisme et du taoïsme.
Des courants shivaïtes tels que le shivaïsme du Cachemire ou le lingayatisme ont également adopté des points de vue non dualistes.

En occident
La non-dualité n'est pas absente des philosophies occidentales, mais il semble qu'elle ne fut pas aussi clairement énoncée, la non-dualité proclamant l'identité de l'homme et de Dieu, ce qui a pu être considéré comme blasphématoire par les églises dominantes. L'expérience mystique aboutissant naturellement à l'effacement de toutes les dualités, toutes les séparations, certains mystiques chrétiens ont exprimé cette non-dualité de façon assez claire : St. Jean de La Croix, et Maître Eckhart. Leurs témoignages se rapprochent par exemple de ceux du moine zen Hakuin, évoquant l'esprit de non-naissance, ou encore de la description du quatrième état de conscience, turiya, de la tradition hindoue, ou l'expérience de disparition de l'ego. Chez les philosophes, seul Spinoza affirme clairement une position non dualiste en affirmant l'existence d'une seule substance infinie et éternelle à la fois Dieu et Nature, réalité unique qui n'est ni matière, ni pensée, mais pure joie d'être, position reprise par des philosophes contemporains comme Clément Rosset ou Bruno Giuliani.

Néo-Advaïta
Un courant plus récent, généralement désigné sous le terme générique « non-dualité », mais correspondant plus précisément par ses racines à un Néo-Advaïta ou Néo-Védanta est apparu en Occident dans la seconde moitié du xxe siècle. Ses promoteurs sont généralement des Occidentaux qui ont été disciples de maîtres indiens et sont retournés dans leur pays pour exposer leur compréhension de ce système de philosophie (Jean Klein, Arnaud Desjardins, Andrew Cohen, Eckhart Tolle, Francis Lucille) .
En philosophie
Il existe une pléthore de philosophes occidentaux clairement non dualistes, bien qu'il ne s'agisse pas toujours de la thématique centrale de leur œuvre. Parmi les philosophes s'intéressant de très près à la non-dualité, il y a certains présocratiques (Héraclite, Parménide, etc), les stoïciens (Sénèque, Marc Aurèle), les sceptiques (voir le concept d'ataraxie, proche de celui d'éveil spirituel), puis les néoplatoniciens (Plotin, Proclos, etc), le philosophe mystique d'inspiration néoplatonicienne Pseudo-Denys l'Aréopagite, et encore plusieurs philosophes mystiques médiévaux tels que Maître Eckhart ou Jean Tauler.
Plus tard viendra Spinoza, selon lequel la raison permet de comprendre par intuition qu'il n'existe qu'une seule substance. La matière et la pensée ne seraient donc que deux manières pour cette unique substance d'apparaître, lorsque l'esprit cherche à concevoir la réalité. Toute la sagesse consisterait à comprendre que tout ce qui survient est l'expression nécessaire de cette unique substance qu'il appelle indistinctement Dieu ou la nature. Cette compréhension génère à la fois amour et liberté. Plus près de nous, mentionnons Schopenhauer, Husserl, Heidegger, Karl Jaspers ou encore Georges Bataille et Gilles Deleuze.
Beaucoup de ces penseurs divergent sur l'interprétation philosophique de la non-dualité, mais tous ont en commun la mise en avant d'une expérience intime et transcendantale de l'unité entre sujet et objet.

 Le bébé auquel Jésus fait référence n’a aucune conscience d’être séparé de l’univers. Pour lui tout est simple, tout fait partie de lui.  Toute sa vie, il  se fera plus souvent dire ce qu’il n’est pas plutôt que ce qu’il est. « Tu n’es pas Dieu, tu n’es pas cette personne là-bas, tu n’es pas cette roche, tu n’es pas un corps et/ou tu n’es pas une âme, Etc. ». Le non-dualisme renverse le système de penser : « Tu es toute vie, tu es toute roche, tu es toute âme et tous corps, tu es Dieu ! »

Jésus a dit :
« Je suis la lumière qui est sur eux tous. Je suis le Tout. Le Tout est sorti de moi et le Tout est venu à moi. Fendez du bois, je suis là ; soulevez la pierre, vous me trouverez là. »

Évangile de Thomas, loggion 77

« Sacrilège, dira-t-on, il faut être le pire égocentrique pour se prendre pour Dieu ! » Et pourtant, les grands sages du non-dualisme étaient les êtres les plus humbles et non-violents qui soient, comme exemple Lao Tseu VI siècle avant J-C,. La réalisation de son unité avec la création apporte une lourde responsabilité, car ce n’est plus son propre bien-être qui apportera satisfaction, mais le bien-être de la création entière. C’est la lourde responsabilité d’être « parfait comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5 :48). 

Pour le non-dualiste la frontière qui existe entre Dieu et l’âme individuelle est une illusion. Cette frontière, souvent nommée ego (le « moi »), voudrait faire croire que Dieu est en haut et que nous sommes en bas, voudrait faire croire que moi et mon frère avons deux âmes totalement séparées l’une de l’autre. Cette illusion n’est ni totalement bonne ni totalement mauvaise. Elle est, tout simplement, et le pourquoi de son existence est le Mystère. En elle se produisent les plus grands prodiges et les plus grands drames, les plus grands apprentissages et les plus cruelles erreurs. Le but du sage n’est pas d’échapper au monde de dualité, mais d’en connaître sa source et de savoir que de manière ultime il faudra la transcender. Alors autant le bébé devient plus mature en quittant son monde égocentrique pour apprendre à vivre en relation avec l’autre, autant l’adulte devient plus mature en quittant son monde de dualités et en réalisant son Unité avec l’Autre.

Jésus disait :
Si vous faites le deux  UN 
Vous serez Fils de l'Homme.
Et si vous dites : Montagne, éloigne-toi, elle s'éloignera.

Évangile de Thomas, loggion 106

Je ne vous cacherai pas qu’à mes yeux Jésus était un homme qui avait réalisé son unité avec Dieu, ce qui lui permettait d’affirmer « le Père et moi sommes Un ». Jésus savait que chaque être humain avait la possibilité d’en arriver à cette réalisation, et il a essayé de l’enseigner « en douceur » aux foules de son époque avec ses paraboles, son éthique et son concept de Fils de Dieu et Fils de l'Homme. Jésus était-il véritablement non-dualiste ? Après tout, dans bien d’autres passages Jésus semble dire toute autre chose. À chacun je crois, de se faire son opinion… En effet la beauté du christianisme est d’avoir tout un florilège de manières de voir sa vie et son message, tout comme nous avons plusieurs évangiles différents avec chacun leur saveur. Pour moi il était non-dualiste.
Voir dans son prochain l'unicité avec soit même, permet de comprendre qu'il est impérativement nécessaire de l'Aimer comme soi-même, et donc de s'aimer soi-même au travers Dieu qui est unité et qui est Amour. 
L’unicité de Dieu n’est pas un monolithisme. Quand la Bible dit que Dieu est un (Deutéronome 6. 4) elle emploie le même mot que pour désigner l’unité de chair entre l’homme et la femme au sein du couple (Genèse 2. 24). Le couple humain n’est pas une entité dans laquelle la personnalité de l’homme et de la femme disparaît ! C’est pareil, manifestement, pour Dieu. Le récit de l’apparition de Dieu à Abraham aux chênes de Mamré (Genèse 18) nous montre aussi que tout en étant un seul, il peut être… trois ! Je vous invite à relire ce texte. L’unicité de Dieu a un caractère éminemment relationnel, car Dieu est relation, et je pense que c’est une des choses que Jean dit quand il dit que « Dieu est amour ». Jésus n’a pas remis cette unité en question quand il a dit « Moi et le Père nous sommes un ».

Celui qui voit dans ce monde de multiplicité, l'Unique qui pénètre tout ; celui qui trouve dans ce monde de mort, la Vie Infinie Unique ; celui qui trouve dans ce monde d'insensibilité et d'ignorance, la Lumière et Connaissance Unique - à celui-là appartient la paix éternelle.

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